Jean-Pierre Minaudier. Lycée La Bruyère, Versailles, octobre 17, 2004.
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Dans le sud du pays aussi, les institutions commencèrent à s'effondrer lorsque parvint la
nouvelle que l'Autriche-Hongrie avait capitulé. Le 7 novembre, à Munich, une émeute renversa
la dynastie millénaire des Wittelsbach, et le socialiste Kurt Eisner proclama la République; le
même jour les princes de Würtemberg et les grands-duc de Brunswick connurent le même sort.
Des conseils apparurent dans la plupart des villes de la Ruhr et de la Saxe. À Berlin, où la
situation devenait incontrôlable, les révolutionnaires programmèrent une grève générale pour le
9. Au matin, Max de Bade, après avoir vainement demandé à l'Empereur d'abdiquer, annonça de
son propre chef ladite abdication, puis abandonna le pouvoir au socialiste Friedrich Ebert.
Guillaume II ne chercha pas à résister et se réfugia aux Pays-Bas (neutres durant la guerre, ils
refusèrent toujours de l'extrader pour permettre aux vainqueurs de le juger); il y mourut en
1941, sans que personne eût jamais sérieusement songé à le rappeler — même parmi ceux des
Allemands qui avaient la nostalgie de l'institution impériale, l'homme n'était guère populaire et le
sentiment dominant à son égard était le mépris; durant la guerre, il avait donné le spectacle de
son incapacité, de son irresponsabilité, et s'était comporté en pantin des militaires; sa fuite
lamentable avait terni définitivement son image.
Par crainte de surenchères, Ebert, qui au départ n'eût pas été hostile à une monarchie
parlementaire, dut laisser son adjoint à la tête de la S.P.D., Philipp Schneidemann, proclamer la
République depuis une fenêtre du Reichstag, dans l'après-midi, tandis que Liebknecht faisait
de même depuis le balcon du château de Berlin, symbole de la monarchie prussienne. C'était une
vraie révolution: à l'exception des villes libres, le passé de l'Allemagne était entièrement
monarchique. Ebert forma un "conseil des commissaires du peuple" composé pour moitié de
socialistes "majoritaires" (S.P.D.), pour moitié d'indépendants (U.S.P.D.).
Le 10 novembre, Ebert prit contact avec Paul von Hindenburg (1847-1934), le vieux
général vainqueur des Russes à Tannenberg en 1914, que l'on avait placé en 1916 au poste, sans
dimension politique, de commandant suprême des armées de l'Entente sur le front oriental; ce
n'était pas un grand général, ni un homme énergique (ni même fort capable), mais c'était la plus
haute autorité militaire qui demeurât en place. Le souci des deux hommes était le même, d'éviter
la plongée du pays dans l'anarchie; de sauver l'armée de terre, de l'empêcher de basculer dans la
révolte (le front, situé pour l'essentiel hors du territoire de l'Allemagne, était resté calme durant
ces journées insurrectionnelles). Le 11 novembre, l'armée allemande obtint un armistice certes
sévère (le matériel de guerre était confisqué, les troupes allemandes avaient quinze jours pour se
replier à l'intérieur des frontières), mais qui n'impliquait pas une démobilisation immédiate: elle
put se replier en bon ordre. Cela permettait à l'armée et à la S.P.D., avec la bénédiction de
l'Entente, de s'atteler à la tâche la plus urgente: stopper la dégradation révolutionnaire de la
situation, sauver ce qui restait de la paix civile, empêcher une plongée dans l'anarchie du type de
celle que la Russie avait connu au printemps 1917, et surtout éviter la prise de pouvoir d'un
groupuscule de type léniniste — les Allemands étaient assez bien placés pour avoir tiré les