6 le messageR 14 juin 2009
Le bouddhisme est-il une religion ?
Oui, très nettement. Certains le qualifient
de philosophie, c’est de la coquetterie intel-
lectuelle. Mais c’est une religion sans dieu,
sans foi, sans livre saint et cela surprend les
esprits occidentaux ; cela ne cadre pas avec
la définition occidentale de la religion.
Pour les bouddhistes laïcs, le Bouddha est
certes perçu comme un Dieu, il y a une
dévotion populaire très religieuse dans le
bouddhisme. Pour les moines, en revanche,
c’est moins une dévotion qu’une expérience
personnelle, une pratique intérieure basée
sur des préceptes, qui ne sont d’ailleurs pas
si éloignés des préceptes judéo-chrétiens. Il
y a notamment trois grands principes de
base : ne fais pas de choses nuisibles, fais des
choses bénéfiques, et agis pour le bien de
tous les êtres.
Les juifs et les chrétiens pourraient aussi
dire cela ! Alors pourquoi devenir boudd-
histe ?
La différence, c’est que ce n’est pas en fonc-
tion d’une foi ou d’une croyance que ces
préceptes sont respectés dans le boud-
dhisme, mais en fonction de l’expérience.
Ceci dit, chaque croyant qui pratique vrai-
ment sa religion est proche des autres
croyants des autres religions qui pratiquent
vraiment leur religion. Le problème, c’est
quand quelqu’un dit : « Ma religion est la
seule vraie. » Dans toutes les religions il y a
des gens psychorigides qui pensent ainsi et
d’autres, plus ouverts.
Vous-même, vous ne pensez pas que le
bouddhisme soit la seule voie vers la
vérité ?
Pas du tout. J’ai au contraire un profond
respect des autres traditions religieuses.
Une religion sans dieu, sans livre saint,
sans foi… Cela change la perspective…
Dans le bouddhisme zen, il s’agit d’abord de
se connaître soi-même. Ce n’est pas pour
autant un contrôle ou une maîtrise de soi,
on va beaucoup plus loin, c’est un oubli de
soi, un abandon. Il n’ y a plus de limite
entre soi et l’univers. On est « Un avec
l’univers ». C’est difficile à comprendre en
Occident, dans le cadre d’une pensée très
dualiste. Le bouddhisme n’est pas dualiste.
Le bouddhisme ne mène-t-il pas à une
forme de prise de distance indifférente
vis-à-vis du monde ?
Absolument pas ! Il existe une multitude
d’organisations caritatives et d’entraide
bouddhistes ! Le pape Jean Paul II avait un
jour dénoncé le caractère nihiliste du boud-
Dossier
Découvrir le bouddhisme
dhisme et cela avait suscité un tollé. Il a été
obligé de se rétracter. C’est précisément ce
que les Occidentaux ne comprennent pas :
le bouddhisme dépasse le nihilisme, il
enseigne profondément le sens de la res-
ponsabilité à l’égard d’autrui.
A Weiterswiller, il n’y a quasiment que des
Occidentaux convertis. Certains sociolo-
gues parlent dans ce cas de « néo-boud-
dhisme ». Etes-vous reconnus par les
Japonais à la tradition desquels vous vous
référez ?
Les bouddhistes occidentaux ne sont certes
pas toujours très « orthodoxes ». Ils ont une
vie sociale, professionnelle et familiale nor-
males, mais ce sont d’authentiques boud-
dhistes. Nous sommes clairement reconnus
par nos maîtres japonais
.
Propos recueillis par Michel Weckel
Pour en savoir plus : www.kosanryumonji.org
et www.bouddhisme-france.org
Fête du Bouddha, sous l’égide de l’Union bouddhiste de
France, samedi 13 juin et dimanche 14 juin au Pavillon
Joséphine à l’Orangerie à Strasbourg. Découverte du
bouddhisme, cérémonies d’offrandes, conférences, stands,
ateliers… Entrée libre. www.fetedubouddha.org
Trois moines tibétains
s’installent dans une
caverne pour une
longue retraite. Deux ans
plus tard, un cheval entre dans
la caverne et en ressort de suite.
Trois ans plus tard, le premier moine dit :
« Il était beau ce cheval blanc ».
Trois ans plus tard, le second moine
répond : « D’abord, il n’était pas blanc
ce cheval, il était gris… »
Quatre ans plus tard, le troisième moine
se lève : « Bon, puisque vous n’êtes
jamais d’accord, moi je pars. »
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© Michel Weckel
RepèRes
•
Le Bouddhisme compterait entre 375 et
500 millions d’adeptes dans le monde. En
France, il y aurait 5 millions de « sympathi-
sants », 700 000 fidèles dont 400 000 d’ori-
gine asiatique. 10 % seraient pratiquants.
•
Pas de dogmes : Siddharta Gautama, né
en Inde autour de 624 av. JC, fut le premier
Bouddha (l’Eveillé). Il disait : « Essayez par
vous-même et voyez. »
•
Il y a cependant « Quatre nobles véri-
tés » : tout est souffrance car tout passe (la
vie, la santé, l’amour, le désir) ; l’origine de la
souffrance est la soif, le désir, l’accapare-
ment ; la délivrance est dans le détachement
complet ; la voie de l’extinction de la souf-
france passe par la discipline du milieu juste.
•
Une notion essentielle : l’impermanence.
Tout est transitoire, changeant, composé
d’éléments en perpétuelle transformation…
Il n’existe par conséquent ni âme immortelle
ni Dieu éternel.
•
La roue est l’emblème du bouddhisme
qui a une conception cyclique du temps
(contrairement au christianisme dont le
temps est orienté vers un but). Personne ne
peut en arrêter le mouvement perpétuel.
•
Le Nirvana n’est pas le néant mais un état
d’extinction des désirs, des passions. C'est un
refuge, une délivrance, le but suprême.
•
Les enseignements du Bouddha se trou-
vent dans les milliers de discours - les sutras -
qui lui sont attribués. Ces sutras n’ont pas le
statut de textes sacrés. L’enseignement du
Bouddha se vit comme un chemin.
Dans toutes les religions se pose à
un moment donné la question de l’inter-
prétation, l’éternel conflit entre l’esprit et
la lettre…
Exactement. Dans le bouddhisme zen, qui
est né au VIIe siècle au Japon, il y a eu une
institutionnalisation stricte de la pratique,
l’accent a été mis sur la cérémonie (ce qui
est culturellement très japonais) et le cœur
du zen, qui est la méditation, a été remplacé
par la dimension cérémonielle. Un réfor-
mateur a balayé le superflu en remontant à
la source ; c’est aussi ce qu’a fait, il y a qua-
rante ans, Maître Demashimaru qui m'a
ordonné moine.
Il existe des associations bouddhistes
regroupant les personnes issues de l’im-
migration laotienne, cambodgienne…
mais il y a aussi des associations de
convertis. Pourquoi des Européens se
convertissent-ils au bouddhisme ?
Il y a des gens déçus par leur religion d’ori-
gine, d’autres sans religion qui viennent au
bouddhisme par recherche personnelle, via
la pratique de la méditation.
•••
Olivier Reigen Wang-Gen pratique le zen depuis
l'âge de 17 ans et a été ordonné moine en 1977.