Position de Thèse L`intégration de la subculture musulmane en

Position de Thèse
L’intégration de la subculture musulmane en Grande-Bretagne au début
du XXIème siècle ; des principes à la réalité :
L’origine postcoloniale des populations musulmanes de Grande-Bretagne
façonne la problématique bien particulière de l’Islam britannique. Le processus
de colonisation puis de décolonisation serait à l’origine du sentiment
d’infériorité culturelle dans laquelle se trouveraient, les populations dépositaires
de la subculture musulmane en Grande-Bretagne et originaires, le plus souvent,
du continent sud-asiatique.
La colonisation puis la décolonisation ont provoq des bouleversements
démographiques, économiques, et politiques, de grande ampleur. Si, depuis leur
décolonisation, les pays indépendants s’en trouvent affectés dans leur identité
même, le paysage ethnique, culturel et social des pays qui les colonisèrent s’est
lui aussi profondément modifié dans la période postcoloniale, à la fin du
XXème siècle. L’Europe, continent des principales nations colonisatrices
modernes, s’est vue forcée d’accepter les conséquences sur ses sociétés de
l’arrivée massive de populations issues, pour la plupart, d’anciennes colonies.
Dans certains quartiers ou banlieues des villes européennes, notamment
britanniques, le nombre de ces nouveaux arrivants est si considérable, que c’est
souvent l’ethnie dite « minoritaire » à l’échelle britannique qui s’y retrouve de
fait majoritaire. Les bouleversements ethniques du paysage culturel des pays
dits développés n’ont pas toujours coïncidé avec les politiques et les
programmes d’assimilation ou d’intégration culturelle, et sont rapidement
apparus comme les remettant en cause.
Le sujet de l’intégration de la subculture musulmane en Grande-Bretagne est
d’autant plus important à étudier à l’heure de la mondialisation qu’elle met en
évidence le déséquilibre entre riches et pauvres, ces derniers se retrouvant
privés d’une participation active à la croissance des sociétés qui les accueillent.
Le résultat, outre la frustration et les réactions de rejet que cela produit, a
coïncidé avec un retour vers les valeurs culturelles des pays d’origine, comme
s’il s’agissait pour les nouveaux arrivants, y compris à la deuxième génération,
de compenser un sentiment de perte d’identité et d’échapper aux contraintes de
l’intégration. Dans un contexte multiculturel, une ‘subculture’ doit se
positionner sans cesse par rapport à la culture dominante. C’est le cas de la
culture musulmane en Grande-Bretagne, dont nous tenterons de voir si, dans ses
développements contemporains, elle ne présente pas des caractéristiques et des
spécificités qui nous amèneraient à conclure qu’elle s’est, plus que toute autre,
éloignée peu à peu des modèles proposés et souhaités au niveau national pour
donner cohérence et harmonie à la société britannique.
Les politiques d’intégration de la Grande-Bretagne, qui se réfèrent de façon
large au multiculturalisme, ont souvent constitué un exemple, voire une
référence, pour un bon nombre de pays européens, tant ses politiques semblaient
viser à intégrer les cultures originelles des citoyens issus de l’immigration en
bonne harmonie avec la culture dominante. Plus de la moitié des musulmans
britanniques sont nés sur le territoire britannique. Mais, leur mode de vie et
leurs valeurs restent distincts et en me temps, apparemment opposés à la
culture majoritaire. Peut-on être en même temps britannique et musulman, et
faire valoir des différences que l’on décrit parfois comme irréconciliables ? Que
signifie, en particulier, être britannique dans les quartiers la communauté
musulmane est devenue le groupe ethnique majoritaire? Lorsque la conception
ethnique et raciale qui semble induite par l’appartenance à la culture musulmane
n’arrive pas à cohabiter avec l’héritage impérial et colonial propre à la Grande-
Bretagne, les conditions paraissent réunies pour que se fasse jour dans certains
segments de la population musulmane, un sectarisme social et culturel peu
compatible avec l’idéal multiculturel que prétend incarner le système
d’intégration britannique.
La question de l’intégration paraît représenter pour la subculture musulmane
une difficulté qui tient à la compréhension et à l’acceptation de cette notion. De
plus, compte tenu des conflits entre certaines minorités ethniques en 2005 à
Birmingham, l’intégration britannique ne doit-elle pas être envisagée de façon
multipolaire et non calquée sur des rapports bipolaires propres à l’époque
coloniale ? A l’aube du 21
ème
siècle, l’intégration de la subculture musulmane
en Grande-Bretagne ne doit-elle pas être perçue autrement qu’une intégration
dans un paysage culturel occidental, et plutôt être envisagée comme une
intégration dans un paysage culturel divers et varié ? Dans tous les cas, les
musulmans de Grande-Bretagne n’ont-ils pas pour difficulté essentielle, quelle
que soit leur affiliation communautaire, de réconcilier les impératifs des
politiques d’intégration britanniques, fondés sur des principes de démocratie
occidentales étrangères aux préceptes de leur foi et de leur religion?
Notre étude se propose principalement de mettre en évidence les difficultés
croisées, rencontrées par les autorités britanniques et les communautés
musulmanes lors de la mise en place d’un système d’intégration dont la réalité
et le développement souvent avorté coïncident avec la décennie Blair (1997-
2007). Il ne faut pas ignorer qu’il a toujours existé en Grande-Bretagne de fortes
réticences vis-à-vis de la présence musulmane et de la différence que représente
sa culture vis-à-vis du modèle multiculturel national. Les oppositions qui se
sont fait jour nous semblent constituer un rapport de force qui reproduit et
souligne le déséquilibre du rapport de force économique, culturel et idéologique
entre la communauté musulmane de Grande-Bretagne, en majorité originaire du
continent sud asiatique, du Pakistan à l’Indonésie et non du Proche ou du
Moyen Orient, et le reste de la population britannique issue de la culture
majoritaire. La référence à un État musulman, qui aurait été détruit par la
Grande-Bretagne impériale, laisse entrevoir l’existence d’un contentieux passé,
toujours latent et qui refait surface dans la problématique actuelle de
l’intégration multiculturelle. « Je suis un travailleur qui travaille activement à
rétablir un Etat islamique qui a été détruit par la Grande-Bretagne en 1924 et je
travaille avec de nombreux autres musulmans » m’a-t-il été déclaré dans une
interview de jeunes membres du mouvement « Khilafah » en 2004.
1
Après avoir
subi la colonisation, puis une forme de néocolonialisme souvent assimilé à la
mondialisation, les populations issues des ex-colonies, y compris lorsqu’elles
ont acquis la nationalité britannique, voudraient-elles mettre en œuvre une
nouvelle forme de décolonisation en prônant une indépendance culturelle et
identitaire, et en affichant des valeurs qui leur sont propres ? Au total, notre
recherche tend à confirmer qu’il apparaît dans une partie de la population
musulmane de Grande-Bretagne un refus de plus en plus marqué de toute forme
d’intégration représentée par l’adoption de modes d’occidentalisation perçues
comme antinomiques avec les valeurs de l’Islam.
La politique extérieure de la Grande-Bretagne à l’aube du XXIème siècle
semble avoir joué un rôle de catalyseur dans cette opposition culturelle et
sociétale et serait à l’origine d’un échec en matière de politique intérieure et de
cohésion sociale. La tension intercommunautaire en Grande-Bretagne trouverait
également une de ses origines dans la manière dont ont été perçus les différents
conflits opposant les Etats-Unis, ainsi que leur allié britannique, à des pays de
religion musulmane. L’amalgame perçu entre islamisme et terrorisme a pu
également accélérer le rejet croisé des valeurs de l’Islam en Grande-Bretagne et
des valeurs de la culture majoritaire par une partie de la communauté
musulmane britannique. Les jeunes membres du mouvement « Khilafah »,
minoritaire mais hautement représentatif du refus d’intégration, illustrent de
façon on ne peut plus claire, des choix idéologiques de certaines de ces
populations :
« Oui, il existe une solution et ça c’est l’Islam en tant qu’idéologie. Et c’est
juste, juste sous nos yeux, pour être honnête parce qu’on voit les
failles du
capitalisme, qui émergent de jour en jour et les gens, tu sais, commencent à en
avoir assez de vivre en occident. …. Bien, ils …. tu sais, ils tentent …. le
gouvernement britannique ou plutôt les catholiques, ils tentent de donner une
vision laïque de l’Islam dans cette société et ils utilisent de grandes personnalités
tel que Lord Nasser pour, tu sais, tu sais, représenter le musulman au sens
large »2
(Jeunes du mouvement Khilafah, 2004)
1
« I’m an active worker who is working to re-establish an Islamic state which was destroyed by Britain in 1924 and
I’m working with a lots of other Muslims as well.”
2
Yes there is a solution and that’s Islam as an ideology. And it’s just, just under our eyes to be honest, because we see
Le sentiment d’échec qui pèse sur le système d’intégration et les contradictions
qui se sont fait jour vis-à-vis du gouvernement britannique en matière
d’intégration sociale et culturelle ont également les médias pour origine. La
représentation médiatique de l’Islam a pu faire croire aux plus radicaux à une
remise en cause de leurs valeurs relevant d’une discrimination à l’encontre des
musulmans. Ceci s’est exprimé d’autant plus facilement que la situation
politique internationale, son traitement par les médias britanniques, a pu laisser
certains esprits dans une position d’entre-deux sur le plan idéologique et,
comme le remarquent encore les jeunes de « Khilafah »:
Alors quand la Grande-Bretagne part en guerre en Afghanistan et en Irak quelle
est notre position, sommes-nous en accord avec la société d’accueil, avec la
nation d’accueil ; est notre loyauté, comment réagissons-nous lorsque Jack
Straw et d’autres parlementaires lorsqu’ils déclassent le cannabis de la catégorie
B à la catégorie C.. . Les musulmans se positionnent-ils en faveur de la société
laïque ? Sont-ils avec nous ou ont-ils autre chose en tête. … ? 3
(Jeunes du
mouvement Khilafah, 2004)
L’opposition évidente entre les valeurs musulmanes et les valeurs britanniques
est rendue particulièrement évidente par le refus croissant de la supériorité des
valeurs héritées du siècle des lumières. La question centrale se trouve ainsi
posée : les conditions sont-elles réunies par le système d’intégration
britannique en l’état actuel pour faire face aux appréhensions et difficultés
énoncées par les communautés musulmanes ? Ne lui appartiendrait-il pas de
passer à l’étape suivante d’un dialogue historique, en acceptant que les valeurs
musulmanes soient réellement considérées comme partie intégrante des valeurs
britanniques ? Le débat reste ouvert sur la signification, dans ce contexte, de ce
qui apparaîtra comme de l’intégration, avec ses mécanismes de modulation
culturelle et l’assimilation aux valeurs britanniques. :
the flaws of capitalism, emerging day and day up and people you know, getting fed up living in the west …. Well, they
….. you know, they are trying to….. the British government or the Catholics to say the least, they are trying to give a
very secular view of Islam in this society and they are using big people such as Lord Nasser to, you know, you know,
represent a Muslim at a large.
3
So when Britain goes to war in Afghanistan and Iraq where do we stand, do we stand with the host community, with
the host nation or where does our loyalty rest, how do we support when Jack Straw and other MPs when they down
grade cannabis from a class B to class C, …. . where do Muslims stand are they with secularism are they with us or
do they have other things in mind.
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