Langoustes, langoustines et cigales de mer de Nouvelle

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Langoustes, langoustines et cigales de mer
de Nouvelle-Calédonie
Bertrand
RICHER
de
FORGES
&
Pierre LABOUTE
ORSTOM,
BP A5, Nouméa cedex
Nouvelle-Calédonie
RÉSUMÉ
Ce travail fait le point des connaissances sur les esp8ces de langoustes, langoustines et cigales de mer en Nouvelle-
Calédonie. Apr8s quelques informations générales sur la biologie des macroures et quelques notions taxonomiques avec des
clefs simplifiées, chaque espece est décrite avec des indications sur sa biologie et sa croissance. Onze espkces de
langoustes et sept espbces de cigales de mer de grande taille sont présentes en Nouvelle-Calédonie, parmi lesquelles
plusieurs non encore signalées
:
Palinurellus wieneckii, Palinustus unicornutus, Puerulus angulatus, Linuparus sordidus,
Justitia chani, J. japonica, Ibacus brucei, Thaumastocheles japonicus.
Une analyse bibliographique des données concernant les pêcheries dans
l'Inde-Pacifique,
permet de situer la place et
les potentialités de la Nouvelle-Calédonie.
ABSTRACT
Lobsters
of
New Caledonia.
This work is a summary of what is known on lobster living in New Caledonia. After general informations about the
biology and taxonomy, with keys, each species is described. Several large species of lobsters are mentionned for the first
time in New Caledonia
:
Palinurellus wiene,ckii, Palinustus unicornutus, Puerulus angulatus, Linuparus sordidus, Justitia
chani, J. japonica, Ibacus brucei, Thaumastocheles japonicus.
A
bibliographic analysis of the Indo-Pacific lobster fisheries, compare the New Caledonia to other Pacific island
countries.
INTRODUCTION
Les
crustaces
du groupe des langoustes et des cigales de
mer
sont
bien connus dans
le
monde
entier
pour
leurs indéniables qualités gustatives.
Ils
font
généralement
l'objet d'une pêche intensive
et
atteignent de
hautes
valeurs
sur
les
marchés. D'après
les
statistiques de
la
FAO,
les
captures
moyennes dans 1'Indo-
Pacifique
s'élevaient
à
60000 tonnes
en
1986
(WILLIAMS,
1989).
RICHER
de FORGES,
B.
&
LABOUTE,
P.,
1995.
-
Langoustes, langoustines et cigales de mer de Nouvelle-Calédonie.
In
:
B.
RICHER de
FORGES
(ed.), Les fonds meubles des lagons de Nouvelle-Calédonie (Sédimentologie, benthos).
Etudes
&
Thèses,
Volume
2,
ORSTOM
:
Paris
:
45-82.
Paris ISBN
:
46
B.
RICHER
de
FORGES
&
P.
LABOUTE
Dans la zone tropicale de l'indo-ouest Pacifique, c'est
à
dire entre les Tuamotu et la côte est africaine et
de 30"N
à
30"s (EKMAN, 1953
;
BRIGGS, 1975), la répartition des espèces est liée
à
celle des récifs
coralliens, depuis la zone littorale jusqu'aux profondeurs bathyales (GEORGE, 1974). Leurs habitats étant plus
diffus, l'exploitation est plus difficile et les études scientifiques sur ces espèces sont beaucoup moins
avancées qu'en zone tempérée (PHILLIPS
et
al.,
1980).
En Nouvelle-Calédonie, il existe onze espèces de langoustes, six grosses espèces de cigales de mer de
grande taille et cinq espèces de langoustines, mais les pêcheurs n'en connaissent qu'une partie et n'exploitent
que cinq espèces de langoustes et deux de cigales. Dans ce dernier groupe il existe de nombreuses petites
espèces (e10 cm) dont la description est encore inachevée.
De par leur grande taille, les langoustes et cigales sont des habitants remarquables des zones récifales,
bien qu'elles soient souvent discrètes, nocturnes et cachées dans les anfractuositées. Elles sont toutes
carnivores-détritivores et se nourissent principalement aux dépends des Mollusques et des Echinodermes.
Pour la plupart des espèces de ce groupe, et même pour celles
qui
sont banales, les données sur la
biologie et le comportement restent encore bien imprécises et une grande partie des connaissances
biologiques provient de l'étude des espèces d'eau froide,
Homarus
americanus
H.
Milne Edwards, i837 et
Nephrops
nowegicus
(Linnaeus, 1758).
Pratiquement aucune étude scientifique n'a porté sur ce groupe en Nouvelle-Calédonie et la plupart des
informations contenues dans ce document proviennent des observations faites sur les mêmes espèces dans
'd'autres régions de 1'Indo-pacifique. Une grande confusion règne dans les informations sur
le
comportement de
ces espèces en Nouvelle-Calédonie. Cela tient souvent
à
des erreurs d'identifications des espèces. Ausgi, ce
document se propose de montrer la diversité des espèces présentes, de donner succintement des éléments
pour les distinguer et de faire le point des connaissances concernant les espèces d'intérêt commercial.
LISTE
DES ESPÈCES PRÉSENTES EN NOUVELLE-CALEDONJE
Langoustes
:
Pandirus penicillatus
(Olivier, 1791)
ou
langouste "Grosse tête"
Panulirus versicolor
(Latreille, 1804)
ou
"Versicolor"
Panulirus omatus
(Fabricius, 1798) ou "Porcelaine"
Panulirus longipes femoristriga
(von Martens, 1872)
ou
langouste "Rouge"
Panulirus homarus
(Linnaeus, 1758) ou langouste "de Bourail"
Palinurellus wieneckii
(De Man, 1881)
Esphes de profondeur
:
Puerulus angulatus
(Bate, 1888)
Linirparus sordidus
Bruce, 1965
Justitia chani
Poupin, 1994
Justitia japonica
(Kubo, 1955)
Palinustus unicornutus
Berry, 1979
Cigales
:
Scyllarides
squammosus
(H.
Milne Edwards, 1837)
ou
"Cigale"
Parribacids caledonicus
Holthuis, 1960 ou "Popin6e"
Parribacus antarcticus
(Lund, 1793)
Arctides regalis
Holthuis, 1963
Scyllarus martensìì
Pfeffer, 188
1
Ibacus brevipes
Bate, 1888
Ibacus briicei
Holthuis, 1978
Espkces de profondeur
:
Langoustines
:
Nephropsis sulcata
Macpherson, 1990
Nephropsis acanthura
Macpherson, 1990
Nephropsis suhmi
Bate, 1888
Acanthacaris tenuimana
Bate, 1888
Thaiimastocheles japonicus
Calman, 1913
LANGOUSWS
ET
CIGALES
41
BIOLOGIE
ET
ÉCOLOGIE.
SYsTJ%ATIQLJE
ET
MORPHOLOGIE.
-
Les langoustes, Cigales et langoustines appartiennent au groupe des
crustacés décapodes macroures reptantia. Crustacé signifie qu'elles possédent un squelette externe calcifié,
la carapace
;
décapodes car ces espèces ont cinq paires de pattes thoraciques
;
le terme macroure rappelle
qu'elles sont munies d'un "gros abdomen"
ou
queue et "reptantia" parce qu'elles rampent sur
le
fond, par
opposition aux "natantia", les crevettes qui nagent en pleine eau.
Les antennes sont fortes et très developpées, souvent spinuleuses, sauf chez les cigales
oh
elles sont en
forme de palettes. Les cinq paires de pattes thoraciques sont habituellement qualifiées de pattes ambulatoires
sauf la première paire qui est, chez certaines espèces, modifiée en pinces (Nephropidae). L'abdomen est
composé de six segments mobiles et terminé par une queue en éventail, le telson. I1 porte de petites pattes en
palettes, les pléopodes, sur lesquels la femelle fixe ses oeufs (Fig. 1).
Au
sein de ce groupe, correspondant aux "lobsters" des anglophones, les familles suivantes sont présentes
en Nouvelle-Calédonie
:
-
Palinuridge
ou
langoustes (spiny lobsters)
;
les
Synaxidae
ou
langoustes
à
fourrures (fury lobsters),
-
Scyllaridae
ou
cigales de mer (langoustes savates
ou
slipper lobsters)
;
-
Thaumastochelidae
(Pacific pincer lobster)
;
-
Nephropidae
ou
langoustines (true lobsters).
maintenant incluses dans les Palinuridae (DAVIE, 1990)
;
Distinction des familles
;
on peut séparer aisément ces familles en observant que les
Nephropidae
ont
un
rostre pointu et des pinces bien développées, les
Thaumastochelidae
ont une pince trhs longue et armde
d'épines, les
Palinuridae
une carapace sans rostre et des pattes sans pinces (excepté dans le genre
Justitia)
et des antennes plus longues que le reste du corps (le genre
Palinurellus
se distinguant aisément par
sa
coloration orange et ses soies formant une "fourrure"), les
Scyllaridae
une carapace aplatie
dorsoventralement, pas de rostre, pas de pinces et des articles antennaires très élargis et aplatis.
En Nouvelle-Calédonie on trouve les espèces suivantes, dont plusieurs sont signalées ici pour la première
fois
:
Palinuridae
;
Panulirus penicillatus, P. ornatus, P. versicolor, P. longipes femoristriga, P. homarus,
Linuparus sordidus, Justitia chani,
J.
japonica, Puerulus angulatus, Palinurellus wieneckii, Palinustus
unicornutus.
Scyllaridae
;
Arctides regalis, Scyllarides squamniosus, Parribacus caledonicus, P. antarcticus, Ibacus
brucei, 1. brevipes, Scyllarus martensii
et plusieurs autres petites espèces non identifiées du genre
Scyllarus.
Nephropidae
:
Nephropsis sulcata,
N.
acanthura,
N.
suhmi, Acanthacarìs tenuimana
.
Thaumastochelidae
;
Thaumastocheles japonicus.
Dans le monde, toutes ces familles sont exploitées et fournissent des produits d'une grande valeur
commerciale. Dans l'hémisphère .nord, ce sont principalement les Nephropidae, (homards, européen et
américain, les langoustines), les langoustes du genre
Palinurus.
Dans l'hémisphère sud, les zones tropicales
produisent des langoustes du genre
Panulirus
et des langoustines
(Metanephrops),
les zones tempérees
exploitent les langoustes du genre
Jasus
.
Les régles de nomenclature zoologique autorisent
à
nommer des
genres en créant des anagrammes d'un genre voisin. Cette malencontreuse décision provoque de trbs
nombreuses confusions entre les
Palinurus
Weber, 1795 et les
Panulirus
White, 1847.
En Nouvelle-Calédonie, les seules espèces suffisament abondante pour permettre une exploitation sont
:
-
les langoustes de récif
(Panulirus longipes, P. omatus, P. penicillatus,
P.
versicolor)
;
-
les cigales de mer du lagon
(Scyllarides squamosus, Parribacus caledonicus
et
P. antarcticus)
;
-
les espèces de profondeur,
Puerulus angulatus
et
Zbacus brevipes
semblent, par endroit présenter des
populations abondantes
;
cependant la rentabilité d'une exploitation d'espèces situées entre
250
et
500
m
de
profondeur
sur
des monts sous-marins éloignés de Nouméa, reste
à
établir.
48
B.
RICHER
de
FORGES
&
P.
WOUTE
Segments
abdominaux
Longueur de
queue
Pattes
marcheuses
S
Telson
Uropodes
FIG.
1
-
Schema d'une langouste et terminologie
(d'aprks
HOLTHUIS,
1983).
LANGOUSTES
ET
CIGALES
49
Les autres espèces signalées dans le présent document sont, soit trop rares comme les langoustes
Palinurellus wieizeckii
(espèce cryptique) et
Paizulirus
homarus
(habitat très limité en Nouvelle-Calédonie),
soit trop difficiles
à
capturer comme les Nephropidae vivant
à
plus de
1000
m de profondeur.
ALIMENTATION.
-
L'appareil digestif se compose d'une bouche, d'un oesophage, de deux chambres
stomacales et d'un intestin. Les pièces bucales déchirent les aliments, les machoires, fortement calcifiées,
les broyent. Dans l'estomac, des plaques calcaires striées qui broyent également les aliments en facilitent la
digestion et l'assimilation. De chaque côté de l'estomac, la glande verte (hépatopancréas) est une sorte de
rein d'accumulation qui sert
à
la fois au passage des substances dans
le
sang, au stockage et
à
l'excrétion.
Bien que les langoustes aient une réputation de charognard, elles sont en fait omnivores et sélectionnent
soigneusement leur nourriture. Elles ingurgitent principalement des crustacés, des mollusques gastéropodes et
des échinodermes (oursins), mais également des annélides polychètes' pour les espèces de fonds vaseux. Le
régime alimentaire varie au sein d'une même espèce selon l'âge et le stade de mue.
REPRODUCTION.
-
A l'exception des Nephropidae, chez lesquels les mâles se distinguent par des pinces
plus grandes, les caractères sexuels secondaires sont peu marqués. Toutefois chez les
Panulirus,
on observe
une croissance allométrique des seconde et troisième paires de pattes qui s'allongent démesurement
à
la mue
de puberté chez les mâles. La taille
à
la maturité sexuelle semble très fluctuante au sein d'une même
espèce, quelque soit la température, ce qui ne facilite pas la tâche des législateurs chargés de réglementer
les pêches.
Dans le genre
Panulirus,
les femelles sont reconnaissables aisément par leurs orifices génitaux
(gonopores) situés
à
la base des troisièmes pattes thoraciques, par la présence d'une fausse pince sur les
cinquième pattes thoraciques et par leurs larges pléopodes biramés (pattes abdominales). Les mâles ont des
orifices génitaux situés
à
la base des cinquièmes pattes thoraciques et des pléopodes uniramés.
Les modalités de reproduction sont assez variables d'une espèce
à
l'autre
;
on peut cependant distinguer
certaines caractéristiques particulières
à
ce groupe. Plusieurs jours avatlt l'accouplement, on peut remarquer
un comportement de parade nuptiale. Les mâles sont aptes
à
copuler toute l'année, alors que la femelle a des
périodes préférentielles liées au cycle de mue et
à
la température. L'accouplement a généralement lieu juste
après la mue de la femelle, alors que sa carapace est encore molle (il y a beaucoup de contre-exemples).
La copulation s'effectue ventre
à
ventre, le sperme étant déposé
sous
forme de spermatophore (sorte de
paquets de spermatozoïdes englués dans une pâte nutritive), soit dans les réceptacles séminaux de la
femelle, soit
à
l'extérieur du corps,
sur
le sternum. Le réceptacle séminal est situé entre la base des dernières
paires de pattes. Les oeufs, sortant de l'oviducte par les orifices génitaux, en avant du réceptacle situé
sur
la
coxa, sont fécondés et déposés
sur
les pléopodes,
sous
l'abdomen. Chez les
Panulirus,
Linuparus
et
Puerulus,
on observe un plastron de sperme (spermatophore)+collé sur le sternum. Au moment de la ponte, la femelle
gratte cette substance,
à
l'aide des doigts de la dernière paire de pattes, pour féconder les oeufs. Chez les
Scyllaridae, la fécondation est interne chez
Scyllarides
et
Scyllarus,
cependant des dépôts de spermatophores
ont été observés chez
Scyllarides
et
Parribacus.
Ce spermatophore est déposé
sur
la face ventrale du premier
segment de l'abdomen.
La ponte intervient une fois par an,
en
saison chaude, parfois très longtemps après l'accouplement (plus
de
15
mois). La fécondité est en relation avec la taille de l'animal. Les oeufs sont attachés aux pattes
abdominales (pléopodes) sur les soies ovigères,
sous
la queue de la femelle et sont très nombreux chez les
langoustes (plusieurs centaines de milliers). L'incubation est très variable,
6
à
11
mois chez les Nephropidae,
avec des stades larvaires très courts
(3
à
6
semaines) et une faible fécondité (quelques centaines
à
quelques
milliers d'oeufs). Cette stratégie de reproduction dépend essentiellement de la température, les espèces de
profondeur
ou
d'eaux froides ayant une incubation plus longue que celles des eaux tropicales superficielles.
Chez certaines espèces tropicales,
il
n'y a pas de période préférentielle de ponte, mais la fréquence des
pontes varie avec l'âge de la femelle.
STADESLARVAIRES.
-
Les macroures ont plusieurs stades larvaires planctoniques et c'est au cours de cette
période, qui peut durer plusieurs mois (parfois plus d'un an), que s'effectue la dispersion de l'espèce. Ces
différents stades sont morphologiquement très différents de l'adulte, généfalement transparents et peuvent être
capturés au filet
à
plancton. Le premier stade larvaire
ou
Naupliosoma ne dure que quelques heures, il est
suivi de stades très caractéristiques, nommés Phyllosomes en raison de leur formes de feuilles. Cette forme
est une adaptation
à
la flottabilité (Fig.
2).
A ce stade, les larves peuvent parcourir des distances
considérables, estimées
à
plusieurs milliers de kilomètres pour
P. penicillatus.
Après cette phase
planctonique, les juvéniles de langoustes (stades Puerulus), qui mesurent quelques centimètres sont encore
bien, vulnérables et choisissent des biotopes
ils peuvent se camoufler,
sous
les blocs, dans
le
gazon algal.
Chez les cigales, ce stade larvaire terminal est appelé Nisto.
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