Un Marseillais de la Mission de Perse sous Napoléon Ier : le

Un
Marseillais
de ·
Ia
Mission
de
Perse
sous Napoléon 1er :
le
Commandant
T
ru
il
hier
Nous avons
trouvé
par
hasard
quatre
lettres
d'un
Officier de
la
Grande
Armée.
Dat
ées de
Paris
au
retour
d'Egypte, de
Zara
au
lendemain
d'Austerlitz, de
Téhéran,
en Perse, d'Anvers, peu
après
Wagram,
cette
correspondance,
quoique
peu
importante,
nous
offre
un
aperçu
sur
la
vie des officiers
pendant
cette période
et
sur
leur
activité.
Le
Directoire, le Consulat
et
l'Empire
offraient
aux
enthousiastes
de
romanesques
et
grandioses évasions.
L'auteur
est
issu
d'une
famille marseillaise,
au
jourd'hui
éteinte,
composée
de
trois frères
et
de trois
ur
s,
qui
habitaient,
selon
une
tradition
bien
locale, en hiver,
leur
maison
sur
le
Cours Isle 361,
au
N'
7,
en
face de l'Eglise Saint-Homobon et, à la belle saison,
une
propriété
sur
le
territoire
Nord de la
commune,
en
tr
e Sainte-
Marthe
et
Saint-Joseph
. Cette propriété, achetée
au
XVI'
siècle,
comportait
une
habitation
agréab
le
dont
certaines
pièces
ont
gardé
le
charme
d'un
style Louis
XV
peu
restauré.
Le
grand-père
d'Hilarion
Truilbier
avait
' été
Premier
Echevin
de
Marseille
en
1754; lui-même
était
.le 16 février 1779 de Michel
Truilhier,
négociant,
mort
en
1786,
et
de Félicité de
Perrache
de
Pierrerue.
Il
résulte
de
cet
acte
que
la
future
épouse
était
la petite-
nièce de F. de Ripert-Monclar
qui
requit
contre
les
Jésuites
au
Parlement
de
Provence
dans
la
lèbre
affaire
La
Valette.
Michel
Truilhier
était,
d'ailleurs,
apparenté
par
sa
mère, à la
famille Lioncy, de
la
Maison Lioncy
et
Geouffre
dont
la faillite du
célèbre
jésuite
avait
ébranlé le crédit.
214
PIERRE
AUBERT
Cette
union
du
haut
négoce
et
de la noblesse de robe est, à
elle seule,
un
signe du temps.
C'est,
en
tout
cas, assez
dire
pour
penser
que
le
jeune
homme
dut
recevoir une bonne éducation
et
des
habitudes
de vie large.
On
s'en
doute, la Révolution de 1789,
succédant
à
la
mort
pré-
maturée
du
père famille,
vint
troubler
l'ordre
des choses
pour
les
Truilhier
.
Hilarion,
enfant,
dut
participer
aux
tribulations
des siens,
mais,
le
plus
jeune
de
sa
famille, il
était
probablement
moins exposé
que les
autres
à
souffrir
de l'absence de
transitions
dans
l'évolution
de
la
situation
familiale. Celle-ci avait été
un
moment
catastrophi-
que.
La
veuve
Truilhier
était
réputée peu révolutionnaire, le clergé
non
asserme
nté
trouvait
chez elle refuge
et
il semble
même
qu'elle
ait
été
quelque
temps
en
prison.
Le Relevé des Services
fourni
par
le
Ministère de
la
Guerre
porte
que
Truilhier
l'Aîné
s'était
engagé
en
1792
dans
la Légion
de Mirabeau, à l'Armée de Condé.
Que
faisait
pendant
ce
temps
son
frère
cadet?
Dans quelle
école était-il élev
é,
se
cachait-il?
Nous n
'e
n savons rien,
mais
nous
apprenons
encore,
par
cette
même
source
qu'un
peu
plus
tard
il faisait
partie
de
l'Arm
ée
d'Egypte
sa
conduite
fut
sans
doute
honorable
puisqu'il
est
cité avoir
pris
part
avec distinction aux
combats
d'El
Anka,
D'Elmenayer,
à la défense
du
Caire, à
la
bataille
d'Héliopolis. Il
fut
aussi blessé
d'un
coup de
sabre
à
la
main
à la
prise
du
village de Matarich.
Successivement
Lieutenant
de
2'
Classe du Génie, puis de
1'" Classe, puis Capitaine en
Premier
au
5'
Bataillon de Sapeurs,
le
jeune
homme,
rapatrié
avec les restes de
l'Arm
ée d'Egypte, écrit
de
Paris
le
27
Pluviôse, An X, à son frère aîné
qui
était
apparem-
ment
porté
sur
la
liste des
Emigrés
:
Part., le 27 Pluv/Ose,
an
X.
Je t'at écrit, mon cher amt, fort peu de jours après mon arrivée
à Paris pour te demander tes papiers
et
les renseignements dont j'avals
besoin pour ton affaire.
81
ces papiers
ne
sont pas égarés dans les
bureaux de la poile
e,
je calcule
Que
je devrais les recevoir blentOt.
LE
COMMANDANT
TRUILHIER
215
TI
n'y a que deux moyens pour obtenir une radlat!on, tous les
renseignements que
J'al
pu prendre s'accordent en cela.
Tu
feras une
pétition pour demander
ta
radiation, tu ne manqueras pas de dire
que
ton
frère, capItaIne du Génie, a servi en Egypte
et
qu'!l y a reçu
plusieurs blessures. ObtIens ensuIte, à prix d'argent ou autrement, une
ou deux aposttues favorables du Préfet ou du général Cervon!
(1).
Je
fera! ajouter à cela d'autres apost!lles et ensUIte l'alIa!re Ira
rondement;
!l m'a fallu
un
mots de démarches continuelles
et
!nut!les pour me faIre
une Idée des dllIlcUltés d'une telle alIalre. L'autre moyen seraIt d'avoIr
auprèS de Bonaparte assez de protection pour obtenIr une aposttue de
lu!.
Je
tentera! ce moyen à l'arrIvée du général Bertrand, mats sans
beaucoup d'espérance de réussIr
par
là.
Barry a trouvé dans
MJD
& Rivoir une fort bonne protection, ne
néglige pas de prendre une lettre · de Ségu!er pour elle, elle volt
Bourlenne
et
lu! a présenté Barry
quI
en a obtenu une· lettre de recom-
mandat!on pour Benezech
(2)
; or, ce Bour!enne, secrétaIre Int!me de
Bonaparte, peut tout dans
ce
moment.
Je
suIs fâché de n'avoIr
aujourd'hui que des 'nouvelles peu agréables à t'annoncer; de meUleures
vIendront, je l'espère.
T.
..
qUI
est formaliste
par
caractère
et
qUI
d'atueurs a eu lut-même des aventures
quI
l'obligent à des ménagements,
T .
..
me recommande beaucoup de t'écrire de ne pas violer ta surveillance,
c'est-à-dIre d'avoIr
un
passeport plutôt qu'une feume de route.
Je
travame auprès
du
m!nlstre de
la
Police pour l'autortsatlon de te rendre
à Parts, avec quelque espoIr de réussIr. D'après
tout
cela, je n'espère
guère
te
voir arrIver à Parts
avant
la
lin
de ventôse,
et
comme c'est
à peu près l'époque je devrais être rendu à Metz, je sera! obligé de
prétexter une maladIe. J'a! reçu une lettre de mon oncle L!oncy à
laquelle je répondrai
au
premier jour.
Par
la marche que je t'Ind!que,
11
peut
voIr combien je suIs peu en
état
de lu! rendre servIce.
Je
verra!
pour
ma
tante
ce
qu'!l me demande.
Je
crots que,
quant
à
lu!,
ses !nflr-
mItés lu! feront obtenir fac!lement l'aposttue du Préfet. C'est
un
objet
essentiel. S'!l veut ensUIte m'adresser cette pétition aInsI aposttuée, je
ne négligera! rIen pour en tirer part! le plus promptement possIble.
Assure-le de mon respectueux attachement dont la reconnaissance me
fait à leur égard
un
devoIr sacré. Adieu mon bon am!, porte-toi bIen.
Je
suis obligé de finir ici pour ne pas manquer l'heure du courrier. Bien des
choses à tous nos amis. T
Ac
he de m'envoyer
ou
d
'a
pporter l'adresse de
mon oncle Dominique.
Adteu
,
Je
vous embrasse tous.
HILARION.
Mon adresse
est
à
pr
ése
nt:
CapItaIne du Gén!e
TaUIlJIlER,
rue des
Petltes-Ecur!es, faubourg Po!ssonnlère
n'
28.
(1)
Cervoni, général commandant la Place de Marseille. (Voir Marseille
~
Re
vue
Municipale, avril-juillet
1959
, pages 9
à.
20: Le Général
CenJont,
par Gabriel
Girod
de
l'AIn.)
(2)
Benezech
(1770.1802),
à.
Montpellier, 'mort à Saint-Domingue. Ministre
de l'Intérieur du Directoire, Gouverneur des Tulleries au d
éb
ut du Consulat.
216
PIERRE
AUBERT
La
lettre
suivante
est,
de
Zara,
en
Dalmatie,
adressée
à sa
mère:
Zara,
20
février
1807.
J'al
reçu de
vos
nouvelles,
ma
chère maman,
par
M.
Somls
(1).
Il
est à Milan
et
s'y amuse beaucoup. Je crois cependant que le carême
a dO diminuer ses plaisirs. A Zara, nous avons eu le contraire. L'arrivée
du général
en
chef Marmont a été le signal des fêtes après une fin de
carnaval très ennuyeuse.
Le
général m'a fait des compliments très
tlatteurs lorsqu'Il a 'reçu
le
corps d'01!lclers de la garnison,
et
depuis.
Je
dlnal hier chez lui et, en
sortant
de table, je fus très étonné de
l'entendre m'adresser la parole pour me demander, de la manière la
plus aimable, des détails sur la conduite de mon frère à la bataille
d'Iéna. J'al eu avec lui, avant-hier, une conférence que
je
redoutais
et
dont je me suis tiré heureusement. C'était
au
sujet
de l'information
d'un procès criminel dont je vous al déjà parlé dans plus d'une de mes
lettres.
Le
général Marmont persiste dans la vive passion qui lui a
dicté
un
ordre du jour
infamant
contre l'ex-commandant
de
Curzola.
Cet officier a
sans
doute des torts graves, mais
11
n'a pas, à beaucoup
près. tous ceux que lui reproche
~e
Général. J'ai exposé mon opinion
que le Général a trouvé très Indulgente. Il m'a demandé à voir mon
rapport
au
Conseil de Guerre
avant
que je ne le présente. Cette
demande
était
Indiscrète, mais je crains de ne pouvoir m'y refuser, et
la loi ne
le
défend pas positivement. En ce cas, j'en déposerai à l'avance
une copie entre les mains du colonel qui doit présider le Conseil.
et
11
n'y sera pas changé une
Virgule.
Vollà l'heure du courrier qui s'approche,
des Importuns sont venus me voir.
Je
suis obligé de · finir.
Je
vous
embrasse tous et
de
tout mon cœur. Votre
fils
affectueux,
HILARION.
Hilarion
qui
n'avait
au
snrplus
que
28
ans
faisait
d'ailleurs
preuve
de
plus
de
caractère
que
de
jugement.
Le
Duc
de
Raguse
qui
commandait
en
Dalmatie,
rapporte,
en
effet,
l'affaire
de
la
manière suivante :
« Le 9
décembre
1806,
Siniavin
(2)
parut
inopinément
devant
c Curzo la, avec
son
escadre.
Le
10,
il
somma
la
place
et
débarqua
«
dans
l'île.
Le
Il,
il
donna
l'assaut,
et
le
11
au
soir le
chef
de
bataillon
Orfengo,
qui
commandait,
retira
la
troupe
de
la
redoute.
Le
12,
il
alla
à
bord
de
l'Amiral
et
signa
une
convention
pour
être
transporté
en
Italie.
J'appris
la
reddition
à
Macarsa
.
Orfengo
(1)
M.
Samis 0745-1836), oncle maternel des deux reines. Julie
et
DéSirée
Cla.ry.
Sm'
la
carrière
de
cet officier, voir Encyclopédie
des
Bouches4u-Rh6ne,
tome XI, p: 504.
(2)
Siniavin, amiral comnianda.nt l'escadre russe.
LE
COMMANDANT
TRVILHIER
217
jouissait
d'une
bonne
réputation,
de
l'avancement
lui
était
promis,
e
j'avais
bien
lieu
de
compter
sur
lui.
Je
le fis
arrêter
et
traduire
devant
un
Conseil
de
Guerre
qui
le
condamna
à 4
ans
de
prison.
Confié à
la
Gendarmerie
pour
être
transporté
en
France,
il
s'évada
e à
son
passage
à
Trieste
et
passa
au
service
de
la
Russie
.•
C'est à
Zara
que
l'ordre
vint
au
Capitaine
Truilhier
de
se
mettre
à
la
disposition
du
Général
Gardanne
dont
il
connaissait
la
famille. Le Général
Gardanne
était
alors
chargé
par
Napoléon
d'une
mission
en
Perse
dont
on
connalt,
au
surplus,
les
grandes
lignes.
On
sait
que,
décidée
au
début
de
1807, la
politique
de
Tilsit
amena
l'Empereur
à
modifier
ses
projets
à
l'égard
de
la
Russie. Les
instruc-
tions
de
Napoléon,
datées
de
Finkestein,
que
reçut
le
Général
Gar-
danne,
sont
du
10
mai
1807. Elles
étaient
singulièrement
précises:
«
La
Perse
est
considérée
par
la
France
à
deux
points
de
vue
:
~
comme ennemie naturelle de la Russie et comme un moyen de
e
passage
pour
une
expédition
aux
Indes
. C'est à
raison
de
ce
double
«
objet
que
de
nombreux
Officiers
du
Génie
et
d'Artillerie
ont
été
«
att
a
chés
' à
la
mission
du
Général
Gardanne
. Ils
doivent
être
«
employés
à
rechercher
quelle
route
elle
(une
armée
de
40.000
«
hommes)
devait
suivre
pour
se
rendre
dans
l'Inde
soit
en
partant
« d'Alep,
soit
en
partant
du
Golfe
Persique.
Ils
devront
aussi
visiter
« les
ports,
les villes, les routes...
de
la
Caspienne
au
Golfe
«
Persique
•.
Bref, le nouvel
Alexandre
méditait
une
intervention
sur
le
théâtre
des
exploits
du
Premier
.
L'armée
française,
après
avoir
rem-
pli
un
premier
rôle
immédiat
de
diversion
contre
la Russie,
devait
s'enfoncer
vers
les
Indes
pour
y
détruire
la
puissance
anglaise
.
D'Istamboul,
il
avait
envoyé les
membres
de
sa
mission,
le
Général
Gardanne
écrivait
le 9
septembre
au
Prince
de
Bénévent
:
«
Déjà
M.
Truilbier
est
à Alep
pour
remplir
les
missions
ordonnées
«
par
Sa
Majesté
• . De ces missions,
un
compte
rendu
succinct
existe
au
Ministère
de
la
Guerre
que
nous
avons
pu
consulter.
Un
dossier
plus
important
parait
exister
au
Ministère
des
Affaires
Etrangères.
Il
s'agissait,
en
somme,
de
reconnaltre
la
roule
la
plus
favorable
pour
amener
en
Perse
une
armée
de
40.000
hommes.
Voici,
dès
l'arrivée
à
Téhéran,
un
précis
de
la
reconnaissance
effec-
tuée,
adressé
au
Général
Gardanne,
tel
qu'il
résulte
du
dossier
des
Archives
du
Ministère
de
la
Guerre
:
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