Fleurs, arbres et cellules: un invariant galoisien pour une famille d

Fleurs, arbres et cellules: un invariant
galoisien pour une famille d'arbres
LEONARDO ZAPPONI
Universite
¨de Franche-Comte
¨, Laboratoire de Mathe
¨matiques, 16, route de Gray,
25030 Besanc° on Cedex, France, e-mail: [email protected]mte.fr
(Received: 5 November 1997; accepted: 5 April 1999).
Abstract. This paper is principally concerned with the action of the absolute Galois group on a
family of dessins d'enfants i.e. isomorphism classes of coverings of the projective line unrami¢ed
outside three points. More precisely, we prove a generalisation of a conjecture proposed by
Yu. Kotchetkov in 1997. The main tool used in this work is a correspondence between dessins
d'enfants and ribbon graphs arising from the theory of Strebel differentials.
Mathematics Subject Classi¢cations (2000): 14H30, 14H25, 14D22, 14G05.
Key words : covers of the projective line, dessins d'enfants, moduli spaces, Strebel di¡erentials
Mots cle
¨s: Reve
ªtements de la sphe
©re de Riemann, dessins d'enfants, espaces des modules,
di¡e
¨rentielles de Strebel.
FLEURS
La the
¨orie des courbes alge
¨briques, dans ses divers aspects, est le point de rencontre
de plusieurs disciplines mathe
¨matiques, allant de la the
¨orie des nombres (corps
de de
¨¢nition, points rationnels, ...)a
©la topologie (groupe fondamental, ...), en
passant par l'analyse. La the
¨orie des dessins d'enfants de Grothendieck, ou©l'on
assimile un reve
ªtement de la sphe
©re de Riemann a
©une ``carte ¢nie'' (un objet
topologico-combinatoire) est peut-e
ªtre l'expression la plus e
¨le
¨gante et raf¢ne
¨ede
cette multiplicite
¨.Sonbutessentiel,quiae
¨te
¨d'ailleurs le moteur initial de ce travail,
consiste a
©de
¨crypter l'action naturelle du groupe de Galois absolu GQGalQ=Q
(note
¨IGdans [G]) sur de telles structures. A ce propos, nous avons retenu ces
quelques lignes de l'Esquisse d'un programme [G]:
``Voici donc ce myste
¨rieux groupe IGintervenir comme agent trans-
formateur sur des formes topologico-combinatoires de la nature la plus
e
¨le
¨mentaire qui soit, ...
... il y a une identite
¨profonde entre la combinatoire des cartes ¢nies d'une
part, et la ge
¨ome
¨trie des courbes alge
¨briques de
¨¢nies sur des corps de
Compositio Mathematica 122: 113^133, 2000. 113
#2000 Kluwer Academic Publishers. Printed in the Netherlands.
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nombres, de l'autre. Ce re
¨sultat profond, joint a
©l'interpre
¨tation
alge
¨brico-ge
¨ome
¨trique des cartes ¢nies, ouvre la porte sur un monde
nouveau, inexplore
¨^eta
©la porte
¨e de main de tous, qui passent sans
le voir.''
Pour affronter ce proble
©me, la strate
¨gie adopte
¨eleplussouventsere
¨duit a
©la
recherche d'invariants galoisiens combinatoires simples pour des familles de dessins
d'enfants. Ce travail s'ave
©re d'autant plus complexe qu'il n'est pas facile de se faire
une ide
¨e intuitive de l'action de GQ. Le recours a
©l'informatique a e
¨te
¨,ilfautledire,
une source ine
¨puisable de renseignements et d'inspirations. Beaucoup de conjec-
tures ont e
¨te
¨formule
¨es ou re
¨fute
¨es suite a
©des calculs explicites par ordinateur (cf.
Maple, PARI, ...). Dans ce contexte, il est commode de restreindre le domaine
de recherche aux arbres ^ une classe particulie
©re de dessins d'enfants ^ qui, par
leur simplicite
¨combinatoire, sont les meilleurs candidats pour une premie
©re e
¨tude
syste
¨matique. Cet article est lui-me
ªme le re
¨sultat de longues observations
experimentales, e
¨troitement lie
¨es a
©un exemple pre
¨sente
¨par Leila Schneps il y
a quelques anne
¨es: deux arbres, connus depuis comme les ``£eurs de Leila'', qui
ne sont pas conjugue
¨s tout en ayant (pratiquement) les me
ªmes caracte
¨ristiques
combinatoires.
Dans ce cas particulier, le groupe de Galois absolu n'a donc pas le droit de
permuter deux ``pe
¨tales'' adjacentes de la £eur. Le fait e
¨tonnant est que cette pro-
prie
¨te
¨n'est pas ge
¨ne
¨rale mais pluto
ªt exceptionnelle. D'autres exemples ``anormaux''
ont e
¨te
¨re
¨pertorie
¨s depuis, mais jusqu'au de
¨but de l'anne
¨e 1997, aucune hypothe
©se
the
¨orique pouvant expliquer une telle dichotomie n'avait e
¨te
¨propose
¨e. C'est a
©cette
date que le mathe
¨maticien russe Kotchetkov [Ko] a conjecture
¨qu'un tel phe
¨nome
©ne
ne se produisait que dans de circonstances bien particulie
©res, lie
¨es aux valences
des sommets des arbres en question. Cette conjecture concernait les arbres de
diame
©tre 4 a
©cinq branches. Ces derniers, introduits par G. Shabat dans le contexte
Les deux arbres de diame
©tre 4connus sous le nom de ``£eurs de Leila''.
114 LEONARDO ZAPPONI
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des dessins d'enfants [Sh], constituent un excellent exemple du con£it entre com-
plexite
¨arithme
¨tique et simplicite
¨combinatoire: ¢xons cinq entiers positifs
a<b<c<d<e. Nous dirons qu'un arbres est de type IVa;b;c;d;es'il posse
©de un
seul sommet central de valence 5 (le ``cÝur'') connecte
¨a
©cinq sommets de valences
respectives a;b;c;d;e(les ``pe
¨tales'').
Le type d'un tel arbre est un invariant galoisien et GQope
©re en permutant les
pe
¨tales. En particulier il existe exactement 24 arbres de type IVa;b;c;d;e. En ayant
introduit ces notation, la conjecture de Kotchetkov peut s'e
¨noncer ainsi:
CONJECTURE. Soient a <b<c<d<e des entiers positifs. Si
abcdeabcdeest un carre
¨parfait alors les arbres de type IVa;b;c;d;eforment
au moins deux orbites galoisiennes.
Par exemple, les £eurs de Leila sont des arbres de type IV2;3;4;5;6et ve
¨ri¢ent
abcdeabcde14400 1202.
Une premie
©re version de l'article e
¨tait consacre
¨ea
©la de
¨monstration de cette con-
jecture. Il s'est vite ave
¨re
¨que les techniques utilise
¨es pouvaient e
ªtre applique
¨es dans
un contexte bien plus ge
¨ne
¨ral, et cette version de
¨¢nitive en est le te
¨moignage. En
ce qui concerne sa structure, on peut distinguer deux parties principales: en un prem-
ier temps, la question est affronte
¨edemanie
©re purement alge
¨brique. Les me
¨thodes
sont e
¨le
¨mentaires et la nature particulie
©re du proble
©me permet d'introduire un
invariant galoisien (alge
¨brique) simple pour une famille d'arbres tre
©sge
¨ne
¨rale.
Cet invariant est un nombre alge
¨brique d,telqueled2est rationnel et ne de
¨pend
que des caracte
¨ristiques combinatoires de l'arbre (liste des indices de rami¢cation).
En se restreignant aux familles e
¨tudie
¨es par Kotchetkov, on obtient
d2abcde
abcde:
En particulier, dest re
¨el ou imaginaire pur, et ce n'est que son signe qui doit e
ªtre
c
a
e
d
b
Un arbre de type IVa;b;c;d;e.
FLEURS, ARBRES ET CELLULES 115
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de
¨termine
¨. Un calcul par ordinateur montre que cet invariant est capable de se
¨parer
les £eurs de Leila et de nombreux autres exemples similaires. Malheureusement,
les simples conside
¨rations alge
¨briques ne tiennent pas compte de la nature
topologico-combinatoire du proble
©me et une expression explicite de dreste peu
envisageable.
On introduit alors les graphes enrubanne
¨s(me
¨triques), qui sont une ge
¨ne
¨ralisation
``continue'' du concept de dessin d'enfant. Ils proviennent des travaux de Penner et
Kontsevich sur la de
¨composition cellulaire des espaces des modules des courbes
``de
¨core
¨es''. Ces ide
¨es s'appuient sur un re
¨sultat fondamental de K. Strebel con-
cernant la ge
¨ome
¨trie des diffe
¨rentielles quadratiques me
¨romorphes sur une surface
de Riemann compacte. Les premiers paragraphes de la deuxie
©me partie de l'article
sont un survol de cette the
¨orie. L'analogie avec les dessins d'enfants est frappante
et peut e
ªtre pousse
¨eaudela
©du simple aspect combinatoire. C'est ce qui est fait dans
le the
¨ore
©me 9, qui peut e
ªtre conside
¨re
¨commelaclefdevouª te de tout le travail. Les
me
¨thodes introduites dans la premie
©re partie se transposent naturellement dans
ce nouveau contexte et l'avantage essentiel est qu'il est possible de parler de
de
¨formation et de continuite
¨.L'e
¨tape succe
¨ssive est alors de construire un complexe
cellulaire topologique (proche de ceux e
¨tudie
¨s par Penner ou Kontsevich
[P1],[P2],[K]) parame
¨trisant les arbres e
¨tudie
¨s (qui correspondent a
©des points a
©
``coordonne
¨es entie
©res''). A la lumie
©re de cette ge
¨ne
¨ralisation, il est possible de
calculer l'invariant dde fac° on simple et purement combinatoire a
©partir des donne
¨es
topologiques de l'arbre.
ARBRES
1. Rappels et de
¨¢nitions
Soit Xune surface de Riemann compacte. Une application de Belyi est une fonction
me
¨romorphe bsur Xinduisant un reve
ªtement b:X!P1non rami¢e
¨en dehors
de f0;1;1g. Le couple X;best appele
¨paire de Belyi.Paruncrite
©re de rigidite
¨
de Weil, Xet le reve
ªtement lui-me
ªme peuvent e
ªtre de
¨¢nis sur un corps de nombres.
En 1978, le mathe
¨maticien russe Belyi [B] a de
¨montre
¨que la re
¨ciproque est vraie,
i.e. il est possible de construire une application de Belyi pour toute courbe projective
de
¨¢nie sur Q,enre
¨pondant ainsi a
©une question pose
¨e par A. Grothendieck [G].
Deux paires de Belyi X;bet X0;b0sont isomorphes s'il existe un isomorphisme
analytique F:X!X0tel que bb0F. Les classes d'isomorphisme de paires de Belyi
sont appele
¨es dessins d'enfants. Cette terminologie, introduite par A. Grothendieck
[G], est justi¢e
¨e par la construction topologique suivante: e
¨tant donne
¨e une appli-
cation de Belyi, la pre
¨image de l'intervalle ferme
¨0;1est un CW-complexe W
immerge
¨dans la surface de Riemann induisant une de
¨composition cellulaire de
celle-ci. Les sommets de Wsont les pre
¨images de 0 et 1 et sont appele
¨s sommets
positifs et ne
¨gatifs respectivement; tous les sommets voisins d'un sommet donne
¨
116 LEONARDO ZAPPONI
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sont du signe oppose
¨. Il existe une pre
¨image unique de 1dans chaque face du dessin.
Une are
ªte est une composante connexe de la pre
¨image de l'intervalle ouvert 0;1.Le
fait essentiel est que les donne
¨es combinatoires de W(tenant compte de l'immersion)
de
¨terminent comple
©tement le reve
ªtement. Pour une introduction comple
©te et
de
¨taille
¨ea
©la the
¨orie des dessins d'enfants nous renvoyons la lectrice ou le lecteur
a
©[S].
Un arbre correspond a
©une paire de Belyi P1;b,ou©best un polyno
ªme; ceci
revient a
©dire que le dessin correspondant a une seule face. Soient p1WWpn
et n1WWnmdes entiers positifs tels que
p1pnn1nmnmÿ1
Nous dirons qu'un arbre Test de type Vn1;...;nm
p1;...;pns'il a nsommets positifs de valences
respectives p1;...;pnet msommets ne
¨gatifs de valences n1;...;nm.Untelarbre
est dit positivement ge
¨ne
¨rique (resp. ne
¨gativement ge
¨ne
¨rique)sip1<<pn(resp.
n1<<nm). L'ensemble des arbres de type Vn1;...;nm
p1;...;pnest une classe de valence (cf.
[S]).
2. Mode
©les normalise
¨s. Polyno
ªmes caracte
¨ristiques
Si bX2QXest un mode
©le polynomial associe
¨a
©un arbre Tde type Vn1;...;nm
p1;...;pn, nous
e
¨crirons de
¨sormais
bXcXÿX1p1...XÿXnpn1cXÿY1n1...XÿYmnm;
ou©c2Qest une constante. Si c1 nous dirons que best un mode
©le normalise
¨.
Quitte a
©composer bavec une homothe
¨tie FXaX, on peut supposer que le
mode
©le best normalise
¨.Deuxmode
©les normalise
¨sb1et b2sont isomorphes si et
seulement si b2Xb1zXaou©zest une racine nmÿ1-ie
©me de l'unite
¨
et a2Q.Demanie
©re ge
¨ne
¨rale les polyno
ªmes de
¨¢nis par
pXXÿX1...XÿXnet pÿXXÿY1...XÿYm
sont appele
¨spolyno
ªmes caracte
¨ristiques de b.
PROPOSITION 1. Soit bX2QXun mode
©le normalise
¨associe
¨a
©un arbre de type
Vn1;...;nm
p1;...;pn. On a alors l'identite
¨polynomiale
X
m
i1
ni
XÿYiÿX
n
i1
pi
XÿXinmÿ1
pXpÿX;
ou
©pXQn
i1XÿXiet pÿXQm
i1XÿYisont les polyno
ªmes
caracte
¨ristiques de b.
FLEURS, ARBRES ET CELLULES 117
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