INTENTIONS ARTISTIQUES OU DE MISE EN SCENE
!
Une des caractéristiques de notre travail est de créer à partir d’un texte d’auteur contemporain.
Pour ce projet, nous avons donc d’abord organisé un comité de lecture. Chaque membre a défendu une
proposition. Après exposés, débats et temps de latence pour laisser mûrir le désir, nous avons choisi,
comme point de départ de notre première création, le texte de l’auteure allemande Anja Hilling :
Tristesse animal noir.
C’est l’histoire d’un groupe de trentenaires/quarantenaires, amis, en couple ou frère et sœur :
Miranda, Paul, Martin, Jennifer, Oskar, Flynn. Ils ont décidé de « sortir de la ville », vivre « une nuit au
grand air ». Ils partent en minibus Volkswagen, et au cœur de la forêt se retrouvent autour du barbecue,
des saucisses, des bières, des histoires, des chansons, des pointes d’ironie… Au moment de glisser vers
le sommeil, la forêt prend feu. La catastrophe va faire voler en éclat, défigurer leur vie, au-dedans
comme au dehors. Après ce tournant irréversible, ceux qui restent sont face au désastre. Comment
revenir de l’horreur, comment en parler ? Dans l’après-catastrophe se posent les questions du souvenir,
de la culpabilité et de la responsabilité. La catastrophe, le feu, met en crise, bouleverse l’état d’équilibre,
l’état de confort de ces jeunes gens en lesquels nous pouvons nous reconnaître. C’est à cet état de
renversement, d’urgence, de prise de risque que nous voulons nous confronter en tant qu’artistes, en
tant que citoyens suisses. C’est en cela que cette pièce est apparue comme un matériau propice pour le
collectif : parce qu’elle traite de la question du groupe en résonance avec celle de l’individu.
Dans Tristesse animal noir tout pose problème : une écriture perturbante, des défis
scénographiques conséquents (comment et dans quelles mesures, représenter sur un plateau de théâtre
une forêt, le mouvement minuscule d’un insecte, un incendie, … ?) Les questions suscitées par la
lecture ont provoqué au sein du collectif de l’enthousiasme, des frictions, du débat, du désir.
Au niveau de l’écriture, ce qui nous a fortement marqués est la dimension déstabilisante et
polymorphe de la pièce. Elle est divisée en trois parties. Dans la première (la fête), les personnages sont
nommés avant de parler et s’expriment dans un langage quotidien sous-tendu par des non-dits pris en
charge par de longues didascalies poétiques. Dans la deuxième (le feu), le nom des personnages
n’apparaît plus, seuls des tirets annoncent le changement de locuteur. Plus de didascalies, seule reste
une parole directe, extrême, violente et totale. Enfin, la dernière partie (la ville), au contraire des deux
autres, apparaît comme un univers fragmenté au niveau de l’espace, du temps et des prises de parole.
Voici les défis de jeu et de scénographie que nous nous imposerons : Comment susciter par le
jeu et la scénographie « le respect face à la forêt, la beauté du monde, l’émerveillement et la joie » ?
Comment jouer pour qu’on sente, sous les mots, la poussée de la pensée, de l’émotion, d’une vie
inconsciente ? Comment faire l’expérience sur scène de la catastrophe, de l’incendie ? Ces défis
correspondent aux moments où on n’a plus les mots. Comment résister à la puissance du vide et faire
l’expérience de ce que propose Deleuze : « Résister c’est créer » ?
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