Climatologie des nuages 38 La Météorologie - n° 82 - août 2013 Avant-Propos L’observation des nuages Didier Renaut La climatologie des nuages avant l’arrivée des satellites Avant l’arrivée des premiers satellites météorologiques (qui date des années 1960), la climatologie des nuages reposait sur la compilation des observations synoptiques de surface effectuées en routine, 4 ou 8 fois par jour, à terre ou à bord de navires, par tous les services météorologiques du monde. Cela représenterait environ un million d’observations par mois pour les stations terrestres et 100 000 pour les navires. Les relevés correspondant à ces observations, archivés mais aussi, le plus souvent, transmis via le système mondial de télécommunications de l’OMM, contiennent, en ce qui concerne les nuages, des informations locales sur la couverture nuageuse totale ainsi que par type de nuage (en trois catégories d’altitude), le « temps présent » (précipitations, brouillard, etc.) et la hauteur de la base des nuages. À l’aide de ces relevés, il est possible d’établir, de façon plus ou moins complète, une climatologie décrivant la couverture nuageuse du globe, ses caractéristiques, voire ses évolutions, avec l’objectif final d’étudier, de surveiller et de modéliser le climat de notre planète. Il semble ainsi qu’une des plus anciennes descriptions de la couverture nuageuse à l’échelle du globe soit due à Brooks (1927). Un historique assez complet de la climatologie des nuages a été publié par Hughes (1984). La version la plus récente de climatologie globale des nuages reposant sur les observations de surface est due à Warren et Hahn, en 2012, sous forme de site Web : http://www.atmos.washington.edu/ CloudMap/. Les observations de surface des nuages, essentiellement visuelles, comportent des limitations qui peuvent introduire des biais dans les climatologies : – situé sous les nuages, l’observateur voit la base et les bords des nuages. En conséquence, il surestime souvent la couverture nuageuse et privilégie les nuages bas. D’autres types d’erreurs peuvent intervenir en fonction de l’expérience de l’observateur et de l’environnement géographique du lieu d’observation. Enfin, l’observation visuelle est difficile de nuit, en particulier pour l’identif ication des cirrus ; – les observations de surface ne donnent que la couverture nuageuse d’une toute petite zone géographique et leur répartition sur le globe est clairsemée et inégale (dense dans certaines régions continentales, presque inexistante sur certains continents et sur certaines parties des océans), ce qui pose un problème important de représentativité. Lorsque l’on compare les climatologies globales des nuages provenant des deux types d’observations (surface et satellite), la principale différence réside dans la couverture en nuages bas, plus importante pour l’observation de surface. Ceci est lié au fait que, dans le cas de nuages sur plusieurs couches, les instruments spatiaux identifient la couche la plus élevée contrairement à l’observateur de surface qui identifie la couche la plus basse. Sur ce point précis, laissons conclure Hughes (1984) : « Les observations de la couverture nuageuse totale par satellite et depuis la surface sont complémentaires ; il est déraisonnable de s’attendre à ce que des climatologies des nuages compilées à partir d’observations de nature différente soient identiques ». Quelques propriétés radiatives et microphysiques des nuages L’épaisseur optique d’un nuage COD (cloud optical depth), en général déterminée dans le domaine visible, mesure l’importance de son interaction avec le rayonnement. Elle dépend de l’épaisseur géométrique du nuage, de sa concentration en particules et de l’aptitude de ses particules à interagir avec le rayonnement. Si la fraction du rayonnement transmise par le nuage (ou transmission du nuage) est I/I 0, l’épaisseur optique du nuage est définie par COD = –ln (I/I0) C’est un nombre sans dimension. Une épaisseur optique nulle correspond à un nuage totalement transparent (I = I0), une épaisseur optique infinie à un nuage totalement opaque (I = 0). L’épaisseur optique dépend de la longueur d’onde considérée. Typiquement, l’épaisseur optique d’un cirrus varie de moins de 0,03 pour un cirrus subvisible à 5 pour des cirrus épais des latitudes moyennes. L’épaisseur optique des nuages d’eau liquide, beaucoup plus élevée, est comprise entre 5 et 100. 39 La Météorologie - n° 82 - août 2013 Image composite de la couverture nuageuse globale, obtenue par la juxtaposition des images, proches dans le temps, fournies par les radiomètres multispectraux (canal infrarouge) de plusieurs satellites météorologiques géostationnaires et défilants. Image du 12-02-2013 à 18 h UTC. (© Météo-France CMS Lannion). L’émissivité d’un nuage CEM (cloud emissivity) est le rapport entre le rayonnement émis par le nuage et celui qu’émettrait un corps noir à la même température. Elle mesure la capacité d’un nuage à absorber et à réémettre le rayonnement (essentiellement le rayonnement infrarouge, à cause de la température des nuages). C’est un nombre sans dimension compris entre 0 et 1. L’émissivité dépend de la longueur d’onde considérée. L’évaluation GEWEX montre qu’en moyenne globale l’émissivité des nuages (glacés et liquides) est comprise entre 0,4 et 0,8 dans l’infrarouge thermique. Le contenu intégré en eau des nuages CWP (cloud water path) est la masse d’eau condensée contenue dans une colonne verticale de surface unité du nuage. Il s’exprime en g.m–2. Selon la phase de l’eau condensée dans le nuage, on peut distinguer le contenu intégré en eau liquide CLWP (cloud liquid water path) et le contenu intégré en glace CIWP (cloud ice water path). L’évaluation GEWEX montre que les valeurs typiques de ces variables varient de 30 à 120 g.m–2. Le rayon effectif des particules du nuage CRE (cloud effective particle Bibliographie Brooks C.E.P., 1927 : The mean cloudiness over the earth. Mem. Roy. Meteor. Soc., 1, 127-138. Hugues N.A., 1984 : Global cloud climatologies: A historical review. J. Climate Appl. Meteor., 23, 724-751. radius) correspond à un rayon moyen de la distribution en taille des particules ou au rapport du volume des particules à leur surface projetée. Cette variable permet de faire le lien avec les propriétés radiatives du nuage. La valeur du rayon effectif dans les nuages varie typiquement de 20 à 120 µm pour les cristaux des nuages glacés et de 5 à 30 µm pour les gouttelettes des nuages d’eau liquide. Le rayon effectif moyen global des particules de nuages est d’environ 14 µm (± 1 µm) pour les sommets des nuages liquides et d’environ 25 µm (± 2 µm) pour les nuages glacés élevés.