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1. L’état des inégalités scolaires en Suisse
La sociologie de l’éducation, on le sait, a pris pour objet les inégalités dans leurs
relations avec les systèmes éducatifs. Ce que les anglo-saxons appellent le schooling
renvoie à cette idée qu’Émile Durkheim (1938) inaugurait dans ses cours au tout début du
20ème siècle, et publiés sous le titre l’Évolution pédagogique en France : les systèmes
éducatifs proposent des formes scolaires qui influent sur les modalités concrètes et les
conséquences de l’éducation sur les individus. Les recherches actuelles dans le domaine ne
disent pas autre chose, même si elles tendent à approfondir les processus éducatifs à
l’œuvre dans l’éducation elle-même (Hallinan, 2000) et à raisonner sur des critères multiples
d’inégalités. L’origine sociale garde certes un poids très fort dans la définition des
performances et des parcours scolaires, mais d’autres dimensions ont une capacité propre à
définir les « destins » scolaires : l’origine ethnique et le genre notamment.
C’est dans cette perspective que nous situons notre propos sur les inégalités scolaires
en Suisse. Comment s’organisent-elles et en fonction de quels critères ? De quoi dépendent-
elles ? En première approximation, nous pouvons raisonner sur les scores moyens par
canton et leur dispersion d’abord entre élèves en indiquant le coefficient de variation2, et
ensuite en fonction de l’index socioéconomique (ESCS). La comparaison s’opère ici à partir
des compétences des élèves mesurées par les tests Pisa en mathématiques3.
TABLEAU 1 : Score moyen et inégalités sociales dans les cantons Suisses
Pisa 2003
Canton
Score moyen du
canton
Coefficient de
variation
Part de variance des
scores expliquée par
l’origine sociale.
(ESCS)
Un point de plus sur
l’échelle économique
sociale et culturelle
implique
Argovie 543 17,5 % 16,4 % 36,2
Berne al 530 16,7 % 9,9 % 27,3
Berne fr 528 15,7 % 10,4 % 28,7
Fribourg 559 14,0 % 4,6 % 17,1
Genève 508 16,9 % 11,7 % 29,3
Jura 539 13,9 % 5,0 % 18,3
Neuchâtel 527 15,1 % 12,5 % 27,7
Saint-Gall 550 15,8 % 16,2 % 35,3
Thurgovie 551 16,5 % 12,8 % 35,1
Tessin 510 15,1 % 10,1 % 24,4
Vaud 524 16,2 % 11,5 % 29,2
Valais al 549 15,1 % 8,7 % 27,7
Valais fr 549 14,2 % 10,0% 26,6
Zurich 536 18,5 % 20,9 % 40,3
Ensemble 535 16,6 % 12,2 % 30,3
Lire ainsi : En Argovie, le score moyen aux tests PISA est de 543, le coefficient de variation de 17,5% indique une dispersion
plus forte que la moyenne des cantons suisses (16,6%), l’origine sociale explique 16,4% de la variance des scores en
mathématiques, une augmentation d’un point sur l’échelle économique, sociale et culturelle implique une augmentation du
score en mathématiques de 36,2 points
Le tableau 1 résume deux dimensions qui permettent de qualifier les systèmes
éducatifs : l’efficacité, mesurée ici par la moyenne des scores, et l’équité, mesurée par les
indices de dispersion d’une part et l’effet de l’index socioéconomique sur le niveau de
compétence en mathématiques d’autre part. Il s’agit là – rappelons le - des compétences des
2 Le coefficient de variation se calcule en divisant l’écart type avec la moyenne. Il permet donc de
comparer la dispersion de moyennes différentes, comme c’est le cas dans le tableau 1.
3 Nous raisonnons dans l’ensemble de ce rapport sur les scores en mathématiques. Les analyses
conduites sur les autres domaines de compétence (lecture et sciences) donnent les mêmes types de
résultats.