partenaires de spectateurs / acteurs qui ne se laissent pas séduire par les discours et s’impliquent malgré
tout pour la vitalité du site universitaire. Ils maintiennent un regard d’ensemble bienveillant sur les
acteurs, l’espace, le jeu, les rituels mais aussi sur les répercussions d’une participation commune. Nous
sommes particulièrement éblouis par la présence souvent discrète à leur côté des conjoints, amis et
collègues qui rendent ces passages plus doux. Nous désirons être pleinement en cette place.
Aux Cliniques, nous restons impressionnés par ces soignants ou membres du personnel que la maladie
amène à devenir patients ; par ces cliniciens qui osent montrer leur part fragile aux stagiaires ; par ces
patients qui deviennent des enseignants de la vie. Les coulisses du monde hospitalier mènent à
rencontrer tel soignant peu sûr de lui, pris entre envie de sauver et consentement à la vulnérabilité ; ou ce
patient supposé être fragile et qui manifeste une bouleversante capacité de résistance. En pédiatrie, les
clowns ou les ‘Camps Valentine’ offrent aux enfants une transposition de leur univers médicalisé – côté
cour – dans le registre symbolique – côté jardin ; ces moments de légèreté et de dégagement par
l’imaginaire, véritable détournement fraternel et ludique, les aident à supporter l’hospitalisation. Que de
passages et de retournements dont nous sommes les témoins directs ou indirects. Certains sont en cours.
Par exemple, il était jadis convenu que les stagiaires médecins revêtent leur tablier blanc pour accueillir
un malade invité à un cours clinique, parce que, dans le théâtre de la vie, il est aussi question de choisir
son costume. Cette tradition se perdant, qui les aidera à inventer une nouvelle forme de respect envers le
patient qui, pour se présenter à eux en auditoire, passe du milieu hospitalier – côté cour – au milieu
facultaire – côté jardin ? Personne pour l’instant.
Le campus universitaire trouve sa raison d’être de par la présence des étudiants. Ceux-ci y déploient leur
expérience de jeunes adultes en équilibrant les engagements académiques et extra-académiques (kots-à-
projets, mouvements de jeunesse, cercles, activités culturelles, etc). Vouloir les ramener à leurs seules
études relève d’une étroitesse d’esprit dont nous sommes aussi les témoins. Les dimensions spirituelle,
religieuse ou culturelle rappellent que nul ne peut être réduit à ce qu’il montre de lui ou à la conformité
qu’une institution attend de lui. D’où vient le possible malentendu ? De ne voir en l’engagement extra-
académique – comme dans le théâtre d’ailleurs – qu’un divertissement. Pour nous, il s’agit surtout d’un
détournement : détourner d’un rapport purement conformiste à la réalité et faire en sorte qu’elle se mue
en une réalité désirée et rêvée.
On ne cesse de le souligner : les nouvelles générations surfent sur la révolution numérique, sur les
nouvelles technologies de communication. Côté cour, des anciens réagissent en méprisant ce qu’eux-
mêmes ne maîtrisent pas. S’ils se laissent détourner côté jardin, ils remarqueront plutôt que chacun
apporte son message, sa voix, et que la conversation ainsi créée représente une nouvelle forme
démocratique en mouvement. Il s’agit, entre autres dans les réseaux sociaux, d’être capable de négocier
en permanence pour savoir ce qu’il convient de livrer de soi. Cela ne va pas sans risque d’épuisement.
L’identité réduite à quelques critères semble désormais se construire par couches, l’une réelle, l’autre
virtuelle, avec des contours imprécis. Ce réductionnisme est indissociable de l’exigence de transparence
qui plaît tant à nos contemporains. Face à ces choix permanents, le temps n’est plus à une contre-culture
qui supposait le refus des contraintes et des normes dominantes. Nous voyons plutôt émerger chez les
jeunes en excès de repères – et non en manque ! – une attente de cadres et de clarté qui leur offriront un
lieu de résistance qui les mènera à se situer, à se construire et – qui sait ? – peut-être aussi à se détourner.
En ce début d’année académique, nous voudrions vous partager deux souhaits conjoints.
Côté cour, clarifions et exprimons notre attente.
Côté jardin, témoignons notre reconnaissance.
abbé Guibert Terlinden abbé Claude Lichtert
Les lettres collectives des années précédentes sont accessibles à la page www.uclouvain.be/30882