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Théâtre de Galafronie
Catherine Simon a rencontré Didier de Neck, Jean Debefve, Marianne Hansé
Ils se sont inventé un royaume : la Galafronie.
Ils se sont crocheté une reine en laines mauve, violette et bordeau : Tarentule…
Non pas fuite, mais rupture. Non pas fuite, mais démarcation.
Et retour à l’enfance par rigueur, sobriété, simplicité, intransigeance.
Presque tous universitaires et arrivés à ce type de travail théâtral par cheminement personnel, comme alternative possible au réel.
Forme de théâtre qui n’est point fin mais moyen. Non pas ersatz, mais aboutissement.
Le théâtre de Galafronie est un collectif de 5 personnes, non subsidié, qui s’est formé il y a deux ans, qui vient de réaliser son
deuxième spectacle.
Le mot collectif ici n’est pas galvaudé. Il s’agit vraiment d’un essai de travail collectif à tous niveaux : financier, technique, adminis-
tratif, artistique.
Ce petit théâtre sans argent a une démarche très particulière : ils admettent au départ comme donnée intangible leurs contraintes
techniques et partent d’elles pour créer leur spectacle.
Ils veulent aller dans les écoles, dans le lieu de l’enfant. Que leur arrivée change le lieu, mais que ce lieu reste malgré tout le lieu de
l’enfant. Ainsi transparaît l’idée subversive de la possibilité de « changer » le lieu du quotidien, à l’école mais aussi ailleurs, pour-
quoi pas. Le théâtre théâtralise le quotidien. Le théâtre même avec peu de moyens change le lieu, le transfigure, donc sous-entend :
vous aussi, vous pouvez changer le lieu.
Dans les écoles, les problèmes sont toujours les mêmes. Il faut un praticable pour que les enfants voient, un fond pour changer le
lieu, que le décor habituel disparaisse ; il faut ne pas prendre trop d’électricité, car les installations ne sont pas puissantes. Partant de
là, ils ont décidé de n’employer que 3 ou 4 projecteurs (2 kilos ou 4 fois 500 watts). Pas plus : économie de moyens, aussi refus du
gaspillage.
Leurs « mots d’ordre » sont peut-être sobriété, rigueur et économie. Le principe d’économie est pris dans le sens de rapport entre ce
que l’on a et ce que l’on en fait. Ils aimeraient bien aussi faire de « beaux éclairages », jouer avec des synthétiseurs… Mais outre que
cette sophistication est incompatible avec leur volonté de départ d’aller jouer dans les écoles, etc…, l’économie pour eux c’est utili-
ser tout à fond. L’économie n’est pas une question de valeur absolue de ce qu’on emploie, mais réside peut-être dans la manière dont
on l’emploie.
Un praticable est toujours une coupure, est toujours lourd « pour rien. Un praticable est toujours quelque chose d’artificiel, non inté-
gré. D’où progressivement est née l’idée de la table (élément que les enfants connaissent) qu’ils ont pu intégrer au jeu, à laquelle ils
ont donné un sens dans le spectacle. La table est quelque chose de concret, de vrai. « Table » : objet tabou de ma famille, sur la
quelle on mange, on travaille, autour de laquelle il faut « se tenir bien », ET QUE le spectacle transgresse.
Pour le fond, c’est l’échec cette fois-ci encore. Ils n’ont pas réussi, disent-ils, à l’intégrer. Ils se sont donc contentés, comme d’habi-
tude, d’un fond « pour oublier », d’un fond pour cacher les murs de la classe ou du hall où on les reçoit.
Ils souhaitent partir du quotidien, rester branchés sur le quotidien, mais un quotidien transformé légèrement, un quotidien un tout
petit peu bizarre.
La table est une table, mais… un peu penchée. Et l’on se demande : pourquoi ? Le parapluie est un parapluie, mais… avec des bou-
les rouges au bout de ses baleines.
Tous les éléments employés dans le spectacle sont signifiant au niveau de l’histoire, mais aussi au niveau du jeu. La table permet de
voir la comédienne, même quand elle joue avec ses pieds, même quand elle enfile ses chaussettes ou ses chaussures.
Chaque objet du spectacle doit s’utiliser au moins deux fois pour justifier son existence. Tout élément qui ne servait qu’à un axe du
travail a été impitoyablement éliminé.
Ils souhaitent établir une continuité dans l’emploi des accessoires. Ils tiennent à ce que toujours SENS et FONCTION soient liés,
donc à établir la continuité de sens et de la fonction de chaque objet. La petite valise rouge est d’abord tache rouge sur ce fond gris :
elle est le premier objet amené dont on se servira beaucoup plus tard ; elle a son rôle de valise, signe de départ : elle authentifie cha-
que « départ » manqué de la comédienne (chaque fin de scène) ; et enfin, elle contient les chaussures, autre objet important du spec-
tacle.
Ainsi pour l’éclairage, il n’y a que deux comédiens et ils sont toujours en scène : donc la technique doit être sur scène. Cachée mal-
gré tout (le mystère…), donc on l’a cache sous la table. Comment intégrer l’éclairage ? En le liant directement au sujet de la pièce :
un des deux personnages a peur du noir, il a besoin de lumière. Il se protège du noir par un parapluie qui chasse la nuit : si ce para-
pluie se referme, la lumière s’éteint. Chaque transition entre deux scènes se fait par ce biais-là : « Houlouberlou » est le mot magique
que l’on chantonne pour chasser la peur et pour ramener la lumière.
Comme il n’y a aucun « effet » d’éclairage, il n’y a aucun effet purement esthétique. Tout raconte l’histoire, rien n’est là pour « faire
joli ».
L’argument : une rencontre « au présent » entre deux personnages qui « existent » dès le début du spectacle – en ce sens qu’ils ont
un passé, non pas un passé qu’ils racontent, mais un passé qui est en eux, que l’on sent dans leur comportement, qui étonnamment
leur donne une consistance de réalité – la rencontre entre une petite fille qui n’aime pas son nez et un petit garçon qui a peur du noir.
Une rencontre « au présent », en ce sens que les deux personnages ne racontent pas quelque chose, mais vivent quelque chose.
Tout est né progressivement, du travail des comédiens surtout (Marianne Hansé et Jean Debefve). Il y avait au début un arbre, puis il
y eut une valise géante, il y a aujourd’hui une table et deux chaises… Ils sont partis du baroque, du TROP, pour atteindre la simplici-
té, le MOINS. Il s’agit, puisqu’ils ne sont que deux pour la tournée, de travailler avec le moins possible, pour ne pas être
« esquintés » par les portages et les montages.
Il fallait rendre les idées les plus claires possibles pour atteindre le dispositif le plus simple possible.
Peut-être leur théâtre pourrait-il être appelé « théâtre de l’objet » et « théâtre du moment »…
Le désir, très important, des Galafroniens est de pouvoir s’adresser à TOUS les enfants « riches » ou « pauvres », belges ou immi-
grés,… d’où un théâtre de l’objet, du geste et non du mot. D’où une histoire composée d’une multitude de petites histoires.