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impératifs introduits par les modes humains généraux de conceptualisation, et par le but de construire des
connaissance concernant des microétats
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Je procéderai par une suite de questions-réponses. Dans chaque phase j’essaierai de faire apparaître : le
but descriptionnel local caractéristique de cette phase ; la façon dont, dans la phase considérée, interviennent les
modes humains de conceptualisation ainsi que des éléments historiques qui tissent (par continuité ou par
opposition) ce qu'on veut construire de nouveau, à ce qui a été construit avant, sous condition d'intelligibilité ;
comment, lors de chaque nouvelle avancée, s’entrelacent inextricablement concepts, opérations physiques,
données factuelles, et mots et signes d’étiquetage qui assurent la communicabilité ; ce qu’on se donne et ce
qu’on obtient qui préalablement était inconnu ; comment émergent progressivement des structures de penser-et-
dire liées à des modes de faire ; comment on peut se heurter à un obstacle qui arrête toute progression et qui ne
peut être contourné que par une décision méthodologique adéquate. Au bout du processus j'examinerai en quel
sens ce qui émerge peut être regardé comme une description des microétats, nonobstant le fait que personne ne
perçoive des microétats et que, en outre, ce qu’on aura pu produire ne soit pas un modèle, n'offre aucune image
de ce que le terme général 'microétat' désigne, ni, d'autant moins, de la manière d'être du microétat particulier
étudié.
Bref, j’essaierai de mettre au jour pas à pas le développement du processus par lequel peut émerger un
système cohérent de manières de penser et d’exprimer concernant ce qu'on dénomme 'microétat', faisant unité
organique avec un système correspondant de procédures physiques et conceptuelles.
Afin de réussir une communication sans flou, je serai obligée d’introduire quelques notations : des
dénominations par symboles au lieu de mots, afin d’éviter des formulations verbales répétées à outrance et trop
longues à chaque fois. Mais ces notations n’auront rien de mathématique. Notamment, les dénombrements de
fréquences relatives, ainsi les probabilités d'un événement, seront seulement définis et dénotés, sans que l'on
calcule avec eux. L’exposé restera rigoureusement qualitatif afin de mettre en évidence ce qui, véritablement,
s’impose au niveau primordial des structures de faits-et-concepts.
4.2. Comment introduire un microétat en tant qu’objet de description ?
4.2.1. Une opération de génération d’un micro-état
Toute description implique une entité-objet
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définie et des qualifications de cette entité-objet, et elle doit
être communicable. Les descriptions scientifiques sont en outre soumises à l’exigence de permettre un certain
consensus intersubjectif. Le but propre de la mécanique quantique est d’offrir des descriptions mécaniques
d’états de micro-systèmes, de micro-états
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(désormais nous écrirons la succession de ces deux mots sans tiret
interne, sauf quand il faudra accentuer la différence entre leurs désignés). Ceux-ci sont des entités hypothétiques
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Toutefois les notes de bas de page contiendront souvent des références au formalisme mathématique de la mécanique quantique : cela,
sans nullement modifier le niveau d'abstraction sur lequel se place l'élaboration entreprise dans le texte principal, et notamment sans altérer
son caractère purement qualitatif, guidera la compréhension des physiciens et préparera au face-à-face entre le formalisme quantique et la
représentation obtenue ici, qui est sa principale visée.
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Dans tout ce qui suit, l’expression 'entité-objet' est une abréviation de l’expression 'entité-(objet d’étude)' où ‘objet d’étude’ spécifie un
rôle descriptionnel. (Par conséquent le pluriel s’écrit : entités-objet). Cette spécification est très importante d’un point de vue conceptuel :
en général l’objet d’étude n’est pas aussi un ‘objet’ au sens de la pensée et le langage classique, ni au sens de la logique classique fondée sur
la pensée classique.
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Les caractéristiques stables d’un micro-système – qu’on peut baptiser 'objectités' – sont étudiées par la physique atomique et la physique
des particules. La mécanique quantique fondamentale présuppose connues les objectités des micro-systèmes qu’elle considère, et elle
s’assigne la tâche spécifique d’étudier leurs états, des microétats, c’est à dire, leurs caractères instables qui dépendent de l’environnement.
C'est dans ce sens que Dirac emploie 'état' et 'microétat', sens à distinguer de celui plus usuel et diamétralement opposé de statique.