Vers la pharmacie québécoise 2.0 Deux pharmaciens montréalais, Benoît Picard et Karl Desjardins, ont lancé une pharmacie postale visant à combiner l’usage optimal des médicaments avec une saine gestion des coûts pour les régimes d’assurance. Simeon Goldstein les a rencontrés. Avantages : Pourquoi la pharmacie postale ? Karl Desjardins (KD) : Nous sommes tous les deux pharmaciens depuis 2010 et cela fait un an qu’on se dit que c’est peut-être le moment de faire quelque chose de nouveau, qui se fait d’ailleurs dans d’autres provinces et aux ÉtatsUnis, mais qu’on voit peu au Québec. Dans le domaine des technologies tout est centralisé et la pharmacie peut tirer profit [de ce modèle]. Benoît Picard (BP) : À un moment donné, nous avons observé des patients, assurés au privé, qui ne renouvelaient pas leurs ordonnances car ils n’avaient pas assez d’argent pour le faire de façon systématique. Nous nous sommes demandés s’il n’y avait pas quelque chose à faire à partir de cette problématique-là; avec la pharmacie postale, le côté pharmaceutique reste inchangé donc c’est peut-être là la solution. D’où vient la différence québécoise ? BP : Au Québec, dans la majorité des cas, on fait une ordonnance au mois, tandis dans le reste du Canada, c’est généralement aux trois mois. Le patient doit alors se déplacer plus souvent. Avec notre modèle on réduit la charge de travail mais aussi les honoraires qui y sont liés. Nous sommes ainsi en mesure • Octobre / Novembre 2016 / 21 La pharmacie québécoise 2.0 de dégager des économies pour la société en général. La discussion se poursuit au sujet de la transparence des informations en pharmacie, notamment en ce qui concerne les honoraires. Qu’en dites-vous ? BP : Très souvent, les patients ne sont pas au courant de tout ce qui se passe dans l’environnement de la pharmacie et qu’il est possible de changer de pharmacie. Pourtant, les mécanismes en place sont très faciles à utiliser. Il y a donc de l’éducation à faire. En ce qui concerne la transparence des prix, peu de patients savent que les prix peuvent varier d’un établissement à un autre. On peut appeler n’importe quel pharmacien pour s’informer, mais cela s’avère un travail laborieux. Pour le rendre plus accessible, on met les informations en ligne. Le client remplit un formulaire et obtient le prix du confort de son salon. Qui est votre client cible ? KD : C’est certain que les personnes qui aiment aller sur place, dans les pharmacies, ne représentent pas notre type de clientèle. Celles qui vont faire affaire avec nous sont les personnes très à l’aise avec la technologie. Nous essayons d’off rir un service clé en main pour que le patient n’ait pas besoin de penser à quoi que ce soit sauf de prendre ses médicaments. Vous avez fait beaucoup parler de vous en août dernier alors qu’une menace de grève planait chez Postes Canada. Cela a dû vous inquiéter ? KD : Nous avons bien sûr examiné différentes options. En temps normal, nous envoyons les médicaments sept jours à l’avance par la poste pour être certains qu’ils arrivent à temps. Nous avons des protocoles très stricts et avons fait des essais rigoureux pour nous assurer que le médicament arrive en bonne condition. Pour les médicaments thermosensibles, comme l’insuline, nous utilisons les services de Purolator; pour les autres c’est par la poste. « On est rendu à un point de rupture où l’assurance collective est onéreuse pour l’employeur. » Benoit Picard Comment répondriez-vous à ceux qui diront qu’une pharmacie n’est pas simplement un service de distribution ? KD : Nous voulons rassurer les gens que la nôtre est une pharmacie comme les autres. La seule différence est que le patient n’est pas obligé d’aller chercher son médicament en succursale. En matière de suivi, nous nous assurons que le patient comprend bien ce qu’il prend. S’il y a des effets secondaires, nous communiquons avec lui pour régler la situation et nous avons toujours un pharmacien de garde les fins de semaine en cas d’urgence. Nous faisons tout ce que fait une pharmacie; c’est seulement le mode de distribution qui change. Il y a donc de l’éducation à faire chez les personnes couvertes par un régime privé ? BP : Étant donné que c’est un pot commun, certains participants pensent peut-être que s’ils ne s’en servent pas quelqu’un d’autre le fera. Mais on est rendu à un point de rupture où c’est tellement onéreux pour les employeurs d’off rir un régime d’assurance collective que s’ils doivent couper, c’est l’employé qui se retrouverait avec la couverture de la RAMQ – d’où l’incitatif à l’achat du générique. Mais il pourrait aussi perdre d’autres avantages sociaux, pas juste l’accès à certains médicaments. Il faut donc faire comprendre au participant que c’est en quelque sorte lui qui paie. Vous affirmez vouloir favoriser l’utilisation des médicaments génériques ? Pourquoi ? BP : Souvent les patients ne sont même pas au courant de l’existence des médicaments génériques, qu’ils coûtent moins cher. Il y a évidemment certains médicaments qu’on ne peut pas remplacer en cours de traitement. Mais lorsque c’est possible du point de vue thérapeutique, nous informons un patient, qui prend l’original, qu’un générique est disponible. Il existe aussi une croyance selon laquelle ce dernier serait moins bon que l’original, donc il y aura de l’éducation à faire. Du côté de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ ) on a tranché : le patient peut prendre l’original, mais il ne sera remboursé qu’au prix du générique. Beaucoup de régimes privés ont emboité le pas, mais ce n’est pas encore généralisé. Toutefois, il est toujours difficile d’avoir une conversation sur l’argent quand on parle de la santé des gens. BP : Le patient qui vient de recevoir un diagnostic n’est souvent pas dans un état d’esprit d’aller demander à dix pharmacies quels sont leurs prix pour un médicament X. On veut l’avoir tout de suite et on est pratiquement prêt à payer un premium pour avoir son antibiotique. Pour les médicaments chroniques, il y a le même phénomène au début. Mais à un moment donné, on peut estimer que le patient devient à l’aise à se pencher sur le côté financier, donc c’est plus à partir de ce moment-là qu’il regardera l’impact financier et magasinera ses médicaments. C’est plus loin dans le processus décisionnel. KD : Le pharmacien off re un service pharmaceutique, dont le prix est une composante. Si un patient n’est pas • Octobre / Novembre 2016 / 23 La pharmacie québécoise 2.0 satisfait, même si ça coûte moins cher il ne restera pas. Mais à service égal, le prix devient une composante intéressante à regarder pour tout le monde. Vous parlez souvent d’éducation et d’information. Comment cela se fait-il sans avoir pignon sur rue ? BP : Le patient doit avoir confiance à l’endroit du pharmacien. Il va souvent l’appeler, poser des questions. Nous n’offrons pas un service banal. Il y a une valeur ajoutée et le patient doit être à l’aise de converser avec son interlocuteur. En sachant que c’est plus difficile par téléphone, nous mettons des efforts supplémentaires pour entrer en contact avec les patients et gagner leur confiance dès le départ. On se donne des moyens d’entrer en contact. Du côté positif, si le patient vient nous voir en pharmacie, il ne sera peut-être pas à l’aise de nous parler au comptoir. Par téléphone, c’est souvent le patient qui initie le contact et à ce moment il est dans un endroit confortable. Cela peut renforcer la COLLOQUE CD « À service égal, le prix devient une composante intéressante à regarder. » Karl Desjardins confidentialité et être l’occasion de donner des infos qu’il n’aurait pas eues en magasin. Quels sont vos objectifs à long terme ? KD : Nous visons la croissance, et ce, à travers la province. Et, bien sûr, des patients heureux. Sans un bassin de patients satisfaits, on n’ira pas loin ! Nous avons aussi pour mission d’essayer cette concurrence sur le plan des coûts et ainsi contribuer à trouver une solution aux enjeux en assurance médicaments au Québec. C’est du travail de longue haleine de convaincre un patient à la fois. Pour lire des réactions au modèle de pharmacie de MM Picard et Desjardins, visitez notre site web : bit.ly/2ehNsRG DERNIÈRE CHANCE DE VOUS INSCRIRE ! 30 novembre 2016 Hôtel Hyatt Regency avantages.ca/cd2016 COMMANDITAIRES QUELLE PLACE POUR LE RÉGIME CD? colloqueCD_nov2016.indd 1 24 / Octobre / Novembre 2016 • Le domaine de la retraite subit de grands bouleversements depuis un certain temps, notamment à l’égard des régimes gouvernementaux, des grandes caisses à prestations déterminées et avec la loi québécoise sur les RVER. Dans ce contexte, quel rôle accordera-t-on aux régimes de capitalisation? Comment devra-t-on faire évoluer les régimes à cotisation déterminée pour les rendre plus attrayants aux participants et ainsi leur offrir une meilleure sécurité financière à la retraite? Pour plus d’information sur les possibilités de commandites, contactez Rita Caci au 514 843-2757 ou [email protected] 2016-10-31 10:38