Pascal MONGNE -
In ToToTl In AmAnTecA
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IN TOTOTL IN AMANTECA
- LES OISEAUX DE LA PLUMASSERIE
AZTÈQUE -
Pascal MONGNE
Mai 2011
Tous les oiseaux ne volent pas, mais tous, en
revanche, portent des plumes et ce sont les
seuls du règne vivant à en être dotés. Bien
des oiseaux ont été recherchés pour leur
chair et leurs œufs, parfois pour leur chant, et certains
ont été dressés pour leurs qualités de chasseurs, mais
presque tous, en fait, ont été appréciés pour leurs plu-
mes, an d’orner l’homme ou seulement le couvrir.
Toucans, colibris, perroquets et perruches,
cotingas, motmots, trogons, gobe-mouches, jacamar,
orioles, tanagres, pour ne citer que les plus « spec-
taculaires » : des centaines d’espèces, vivant le plus
souvent en forêt tropicale humide, peuplent l’Améri-
que et ont su, probablement bien mieux qu’ailleurs,
répondre aux exigences « esthétiques » et cérémoniel-
les des hommes.
La plume, dans le Nouveau Monde, a toujours
joué un rôle essentiel. Sans entrer dans des détails
d’ordre ornithologique qui sortiraient du cadre de no-
tre article, quelques lignes peuvent y être consacrées.
La plume est un appendice tégumentaire qui
recouvre la peau des oiseaux sur tout ou partie de leur
corps, et dont le nombre varie considérablement en
fonction des espèces. Issue du derme de l’animal, la
plume se trouve complètement kératinisée en n de
croissance, sans aucune cellule vivante (comme les
ongles ou la corne). En général les oiseaux renouvel-
lent régulièrement leurs plumes par mue. Cette parti-
cularité doit être signalée, car elle permet de récupérer
les plumes déjà tombées ou le plumage des volatiles
sans les mutiler ni les tuer.
En fonction de leur rôle, et de leur position
sur le corps, les plumes présentent des formes et des
tailles variées : ainsi les plumes de couverture, de pe-
tite dimension, souples, isolent l’animal du froid et de
la pluie ; les rémiges, plumes des ailes, plus longues
et asymétriques, assurent à l’oiseau un rôle primor-
dial dans le vol ; de même les rectrices, plumes de
la queue, symétriques et parfois fort longues – et de
ce fait souvent recherchées en plumasserie –, qui font
ofce de gouvernail.
En général, les plumes présentent la même
structure : un axe creux, le rachis, en ordonne l’archi-
tecture et s’insère dans la peau par le calamus. De part
et d’autre du rachis, s’étendent les barbes, qui portent
chacune un grand nombre de barbules munies de cro-
chets sur les côtés (hamulis). Ces crochets reliant les
barbules les unes aux autres donnent à la plume son
intégrité et ses propriétés physiques.
Aussi curieux que cela puisse nous paraître,
fort peu nombreux sont les pigments induits, qui co-
lorent les plumes. Parmi les principaux, nous pouvons
noter les mélanines, rendant les ocres, depuis le noir
le plus pur jusqu’au beige clair, et les caroténoïdes qui
produisent les jaunes ou les rouges. En fait, le specta-
culaire chromatisme dont les oiseaux se trouvent parés
est essentiellement le résultat de processus physiques
lumineux, ou de l’association de ces processus et des
pigments naturels. Ainsi, les très belles teintes du bleu
ou du vert (très rares sous forme de pigment), ou bien
encore les riches effets d’irisation que l’on distingue
sur certains plumages (canards, colibris), sont-ils dus
au ltrage de la lumière solaire par les composants
de la plume et à l’absorption et au renvoi de certaines
longueurs d’ondes lumineuses.
Malheureusement, comme tout élément orga-
nique mort, la plume est particulièrement sensible à
son environnement et aux modications brutales de
ce dernier. Une fois coupée de son support vivant,
et par nature fragile, elle sera particulièrement su-
jette aux agressions externes (température, lumière,
humidité, chocs). Il est donc rare que les œuvres de
plumasserie anciennes parviennent jusqu’à nous sans
dommage (armatures détruites ou désarticulées, plu-
mes abîmées, couleurs passées ou même totalement
effacées).
L’identication des oiseaux utilisés en plu-
masserie aztèque est issu de la corrélation entre les
dénominations en nahuatl et la taxinomie ornithologi-
que moderne. Ce travail malaisé (Dibble et Anderson,
1959 ; Durand-Forest, 1984 ; Garibay, 1969 ; Gilon-
ne, 1997; Maynez, 1991 ; Sautron-Chompré, 2004 ;
Seler, 1892) est essentiellement fondé sur l’œuvre
monumentale du franciscain Bernadino de Sahagún :
Historia General de las Cosas de Nueva España. Son
travail descriptif sur la faune et la ore (Livre XI) ras-
semble 459 entrées consacrées aux animaux, dont en-
viron 200 associées à l’avifaune (noms d’oiseaux ou
noms de parties d’oiseaux). Si la plupart de ces noms
ne sont cités qu’une fois dans l’oeuvre, une dizaine en
revanche apparaissent à de multiples reprises (quet-
zaltototl, tlauhquechol, zacuan), marque de l’intérêt