GEMESO – Les Dossiers d’Études Mésoaméricaines — In tototl in amanteca Les oiseaux de la plumasserie aztèque Pascal MONGNE Les Dossiers du GEMESO n°2 Mai 2012 GROUPE D’ÉTUDES MÉSOAMÉRICAINES (GEMESO) ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca Série : « Les Dossiers du GEMESO », n° 2 Titre : In totol in amanteca - Les oiseaux de la plumasserie aztèque Auteur : Pascal Mongne Tous droits réservés © GEMESO 2012 Illustration de couverture : © Nicolay Staykov C ette série de « DOSSIERS du GEMESO» est destinée à faire partager les résultats de recherches en cours et à permettre l’accès à des documents non publiés, rapports et traductions du nahuatl, produits au sein du Groupe d’Études Mésoaméricaines de l’École Pratique des Hautes Études, Ve Section-Sciences religieuses (GEMESO-EPHE), ainsi qu’au cours de nahuatl de l’Institut National des Langues et Cultures Orientales (INALCO). Les auteurs sont des membres du groupe GEMESO, tant chercheurs statutaires qu’étudiants avancés (doctorants ou en diplôme de Master). Les sujets portent sur les études mésoaméricaines, avec un accent mis sur les thématiques religieuses, les différentes expressions existantes dans les langues de cette aire culturelle, en particulier le nahuatl classique ou dans ses variantes contemporaines. Nous souhaitons que les « DOSSIERS du GEMESO» soient accessibles à un public scientifique ou élargi, ainsi qu’à des institutions culturelles d’éducation supérieure ou d’enseignement linguistique, à des fins d’information et de discussion. Ces « DOSSIERS » donnent par ailleurs la possibilité à la communauté scientifique internationale travaillant dans le champ des études mésoaméricaines, de l’histoire coloniale, des études coloniales et post-coloniales, de l’art colonial hispanique, de l’anthropologie et de la sociologie latino-américaines d’avoir accès à ces données en temps abrégé. Ces textes ont été approuvés pour leur diffusion en ligne par le comité scientifique et éditorial du GEMESO. Les commentaires et discussions sur ces « DOSSIERS DU GEMESO » seront vivement appréciés. *** Les opinions et points de vue exprimés dans les « DOSSIERS DU GEMESO » sont ceux des auteurs. Les données et le matériel présentés dans ces documents n’impliquent pas l’expression d’une opinion quelconque de la part de l’EPHE (Ve section) ou du GEMESO. Les documents publiés dans cette série sont téléchargeables en format PDF et peuvent être cités à condition de mentionner le GEMESO et l’EPHE (Ve section) comme étant la source d’origine et le possesseur du copyright, avec le titre et l’année de publication. Ils peuvent être librement traduits dans d’autres langues, à la condition d’envoyer une copie électronique du document traduit au GEMES0 (contact : [email protected]). 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Correcteur : Gilles Firmin Mise en page : Jean-Marc Gaudin-Joyeux. —2— Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca GEMESO – Les Dossiers d’Études Mésoaméricaines — In tototl in amanteca Les oiseaux de la plumasserie aztèque Pascal MONGNE Les Dossiers du GEMESO n°2 Mai 2012 GROUPE D’ÉTUDES MÉSOAMÉRICAINES (GEMESO) ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES —3— Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca D Résumé e tout temps, la plume a joué un rôle essentiel au sein des sociétés du Nouveau monde. L’éventail et la qualité des couleurs de son avifaune, issue notamment des zones tropicales humides, en sont la principale raison. Parmi les sociétés traditionnelles américaines ayant fait appel à cette richesse naturelle pour orner hommes, vêtements et parures, le monde aztèque est l’un des mieux connus, grâce notamment aux chroniques du XVIe siècle (Sahagún en premier plan) et à leurs traductions (Seler, Garibay, Dibble et Anderson), mais également grâce aux études récentes (Denis, Durand-Forest, Gilonne, Maynez, Sautron-Chompré). La corrélation entre ces sources nous permet de brosser ici cet essai d’identification et de description des oiseaux utilisés par les fameux amanteca (plumassiers) aztèques dont les oeuvres spectaculaires (au sens premier du terme), tant précolombiennes que coloniales, témoignent aujourd’hui du savoir-faire. *** D Resumen esde sus orígenes, el arte plumario ha cumplido un papel importante en el seno de las sociedades del Nuevo mundo. La variedad y la calidad de los colores de su avifauna, procedente principalmente de las zonas tropicales húmedas, es una de las principales razones. Entre las sociedades tradicionales de las Américas que han utilizado esa riqueza natural para adornar a los hombres, sus vestidos y atavíos, la azteca es una de las más documentadas, gracias, en particular, a las crónicas del siglo XVI (Sahagún principalmente) y a sus traducciones (Seler, Garibay, Dibble y Anderson), así como gracias a los estudios recientes (Denis, Durand-Forest, Gilonne, Maynez, Sautron-Chompré). La correlación entre esas fuentes nos permite bosquejar aquí una tentativa de identificación y descripción de los pájaros utilizados por los famosos amanteca (plumajeros) aztecas, cuyas obras espectaculares (en el sentido original) tanto coloniales como precolombinas, son hoy testigos de su maestría. *** F Summary eathers have always played an important role within the societies of the New World, mainly because of the large and colourful variety of birds, especially those from tropical areas. Among the traditional American societies that used feathers to deck humans, clothes and adornments, are the Aztecs. This civilisation is one of the best documented, thanks notably to the sixteenth-century Spanish chronicles (mainly from Sahagún) translated by Seler, Garibay, Dibble and Anderson and to the recent studies from Denis, Durand-Forest, Gilonne, Maynez, Sautron-Chompré. The correlation between these sources allows us to present this essay of identification and description of birds used by the famous amanteca (the Aztec feather smiths), whose spectacular works, both colonial and pre-Columbian attest, today, of their skilfulness. *** Historien de l’art, Pascal Mongne se consacre à l’étude des collections américaines de France et à l’image des Amériques forgée par l’Europe depuis la Découverte. Il est également responsable du cours « Arts des Amériques » à l’Ecole du Louvre de Paris. —4— Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca In tototl In Amanteca - Les oiseaux de la plumasserie aztèque Pascal MONGNE Mai 2011 T ous les oiseaux ne volent pas, mais tous, en revanche, portent des plumes et ce sont les seuls du règne vivant à en être dotés. Bien des oiseaux ont été recherchés pour leur chair et leurs œufs, parfois pour leur chant, et certains ont été dressés pour leurs qualités de chasseurs, mais presque tous, en fait, ont été appréciés pour leurs plumes, afin d’orner l’homme ou seulement le couvrir. Toucans, colibris, perroquets et perruches, cotingas, motmots, trogons, gobe-mouches, jacamar, orioles, tanagres, pour ne citer que les plus « spectaculaires » : des centaines d’espèces, vivant le plus souvent en forêt tropicale humide, peuplent l’Amérique et ont su, probablement bien mieux qu’ailleurs, répondre aux exigences « esthétiques » et cérémonielles des hommes. La plume, dans le Nouveau Monde, a toujours joué un rôle essentiel. Sans entrer dans des détails d’ordre ornithologique qui sortiraient du cadre de notre article, quelques lignes peuvent y être consacrées. La plume est un appendice tégumentaire qui recouvre la peau des oiseaux sur tout ou partie de leur corps, et dont le nombre varie considérablement en fonction des espèces. Issue du derme de l’animal, la plume se trouve complètement kératinisée en fin de croissance, sans aucune cellule vivante (comme les ongles ou la corne). En général les oiseaux renouvellent régulièrement leurs plumes par mue. Cette particularité doit être signalée, car elle permet de récupérer les plumes déjà tombées ou le plumage des volatiles sans les mutiler ni les tuer. En fonction de leur rôle, et de leur position sur le corps, les plumes présentent des formes et des tailles variées : ainsi les plumes de couverture, de petite dimension, souples, isolent l’animal du froid et de la pluie ; les rémiges, plumes des ailes, plus longues et asymétriques, assurent à l’oiseau un rôle primordial dans le vol ; de même les rectrices, plumes de la queue, symétriques et parfois fort longues – et de ce fait souvent recherchées en plumasserie –, qui font office de gouvernail. En général, les plumes présentent la même structure : un axe creux, le rachis, en ordonne l’architecture et s’insère dans la peau par le calamus. De part et d’autre du rachis, s’étendent les barbes, qui portent chacune un grand nombre de barbules munies de crochets sur les côtés (hamulis). Ces crochets reliant les barbules les unes aux autres donnent à la plume son intégrité et ses propriétés physiques. Aussi curieux que cela puisse nous paraître, fort peu nombreux sont les pigments induits, qui colorent les plumes. Parmi les principaux, nous pouvons noter les mélanines, rendant les ocres, depuis le noir le plus pur jusqu’au beige clair, et les caroténoïdes qui produisent les jaunes ou les rouges. En fait, le spectaculaire chromatisme dont les oiseaux se trouvent parés est essentiellement le résultat de processus physiques lumineux, ou de l’association de ces processus et des pigments naturels. Ainsi, les très belles teintes du bleu ou du vert (très rares sous forme de pigment), ou bien encore les riches effets d’irisation que l’on distingue sur certains plumages (canards, colibris), sont-ils dus au filtrage de la lumière solaire par les composants de la plume et à l’absorption et au renvoi de certaines longueurs d’ondes lumineuses. Malheureusement, comme tout élément organique mort, la plume est particulièrement sensible à son environnement et aux modifications brutales de ce dernier. Une fois coupée de son support vivant, et par nature fragile, elle sera particulièrement sujette aux agressions externes (température, lumière, humidité, chocs). Il est donc rare que les œuvres de plumasserie anciennes parviennent jusqu’à nous sans dommage (armatures détruites ou désarticulées, plumes abîmées, couleurs passées ou même totalement effacées). L’identification des oiseaux utilisés en plumasserie aztèque est issu de la corrélation entre les dénominations en nahuatl et la taxinomie ornithologique moderne. Ce travail malaisé (Dibble et Anderson, 1959 ; Durand-Forest, 1984 ; Garibay, 1969 ; Gilonne, 1997; Maynez, 1991 ; Sautron-Chompré, 2004 ; Seler, 1892) est essentiellement fondé sur l’œuvre monumentale du franciscain Bernadino de Sahagún : Historia General de las Cosas de Nueva España. Son travail descriptif sur la faune et la flore (Livre XI) rassemble 459 entrées consacrées aux animaux, dont environ 200 associées à l’avifaune (noms d’oiseaux ou noms de parties d’oiseaux). Si la plupart de ces noms ne sont cités qu’une fois dans l’oeuvre, une dizaine en revanche apparaissent à de multiples reprises (quetzaltototl, tlauhquechol, zacuan), marque de l’intérêt —5— Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca 1 Bien que l’aigle occupe une grande importance dans le monde cérémoniel et religieux aztèque, il n’est que fort peu cité par Sahagún dans les chapitres 18-21 du Livre IX (consacrés à la plumasserie) : ses plumes apparaissent comme de simples ornements des tenues des déesses Xiuhtlati et Xilo). En l’absence de précision, notamment d’ordre ornithologique, cet oiseau n’est pas traité ici. dans le Mexique central. De ce chiffre, seule une vingtaine d’espèces semble avoir été utilisée par les plumassiers aztèques, si l’on s’en tient aux descriptions des chapitres 18 à 21 de son Livre IX, consacrés à l’art de la plumasserie. Encore ne prenons-nous en considération que la plumasserie d’apparat, celle que constituent les fameuses plumes « riches » dont parlent les chroniqueurs, et qui proviennent essentiellement des oiseaux tropicaux au plumage recherché. La plumasserie que nous pourrions qualifier de « domestique », destinée surtout au doublage des vêtements et des couvertures, faisait appel à des espèces courantes, dont les plumes et duvets étaient abondamment utilisés : canards et oies semblent avoir connu la faveur de cette plumasserie « de tous les jours ». Quetzaltototl (Pharomacrus mocinno) « Oiseau (aux) belles plumes longues et vertes » > quetzal(li)+tototl Plus connu sous le nom de quetzal ou couroucou, c’est l’oiseau est le plus célèbre de la plumasserie mésoaméricaine. De la taille d’un gros pigeon, il porte un plumage vert sombre et son ventre est couvert de plumes rouges. Enfin, deux longues plumes caudales vertes, pouvant atteindre jusqu’à 120 cm, ornent les mâles « comme de larges roseaux, qui brillent, qui ondulent... » (Sahagún IX-2, 1er §). Ces longues plumes ont de tout temps été intensément recherchées par les plumassiers, qui en fabriquaient coiffes, éventails de parades et panaches comme celui de Vienne. Cette chasse, qui perdura bien après les périodes précolombiennes, jusqu’à nos jours, pour les besoins de la plumasserie ou des parcs zoologiques (au XIXe siècle, un quetzal vivant pouvait valoir jusqu’à 1000 dollars), faillit provoquer la disparition de l’espèce de son habitat traditionnel : les forêts tropicales humides de l’Amérique centrale, entre 600 et 3000 mètres d’altitude. —6— ©creative commons : http://quetzalcreation.files.wordpress.comm/2011 que le monde aztèque accordait à certaines espèces, estimées notamment pour la plumasserie. Bien que le terme générique « tototl » (oiseau) existe, il est fort peu utilisé seul mais en noms composés. Comme pour l’ensemble de la faune et de la flore, les noms d’oiseaux sont composés de racines associées (selon le principe agglutinant de la langue nahuatl) issues de la description de l’animal : aspect, couleur des plumes, cri, démarche, vol, alimentation, habitat, etc. Ainsi, à titre d’exemple, le motmot est le xiuhquechol : « (Oiseau) turquoise (au) cou en mouvement » / xihu(itl)+quech(tli)+oli(n). Des 200 noms consacrés aux oiseaux, 60 sont consacrés essentiellement aux parties constitutives (plumes, ailes, têtes, pattes, crêtes, becs, etc.). Si les mots « iuitl, ihuitl, ihhuitl ou iuiyotl » (plume) sont connus, ils sont également rarement utilisés seuls mais en racine de mots composés. En fait, le mot plume est en nahuatl défini par plusieurs dizaines de mots variés, en fonction de l’emplacement et de la fonction sur l’oiseau, ou de la couleur et de l’intérêt que les plumassiers pouvaient y accorder. Ainsi, les plumes du cou sont appelées tapalcayotl ; celles du ventre et du dos : apapachtli ; celles de la croupe : olincayotl, poyaualli, poyauallotl, imaxtli. Le duvet est iuiquauhiotl ou achcayotl. Les plumes des ailes sont qualifiées de tzicoliuhqui, chilchotic, tecpatic, ahauitztli, nacatl, iuiuitztli ; mamaztli est la rémige, longue plume de l’aile. Les plumes de certains oiseaux particulièrement appréciés par les Aztèques, portent des noms propres : ainsi pour l’aigle, tapalcatl, mamaztli, ahaztli, quaquetzalli, quauhtlaxcayotl 1 Egalement, çaquan, quechol et tzinitzcan (traditionnellement noms d’oiseaux) identifient aussi les plumes « précieuses » de ces animaux. Enfin, les plumes caudales, particulièrement recherchées de certains oiseaux sont-elles nommées : quetzalli pour la longue plume verte du quetzal ; cueçalin ou cuezalli pour celle, rouge, du Alo (Ara macao). D’après certaines sources (Gilonne, 1997, p. 43), ce dernier terme pourrait également dénommer les perroquets de petite taille, portant des plumes rouges. L’inventaire ornithologique de Sahagún (Livre XI-2) identifie environ 125 types d’oiseaux connus Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca ©John Gould in Free Wikipedia Tzinitzcan ou teutzinitzcan (Trogonus mexicanus) Étymologie possible : « (oiseau aux plumes noires comme l’) obsidienne à la base » > tzin(tli)+itz(tli)+can[locatif] Appelé aussi trogon mexicain ou coas (de l’onomatopée de son cri), cet oiseau est rencontré dans les zones montagneuses du Mexique, entre 900 et 2000 mètres d’altitude. On le trouve jusqu’au Honduras. Les mâles de l’espèce, d’environ 30 cm du bec à la queue, sont couverts d’un plumage vert foncé, tirant sur le noir autour de la tête. Les ailes sont brunes et le ventre rouge. Une bande horizontale blanche barre la poitrine. [Durand-Forest, p. 62 – Irby Davis, p. 89 (pl. 18-9) – Sahagún, III-3, 2, XI-2, §1 - Dibble and Anderson, XI, p. 19 – Sautron, p. 429, 452] Zaquan (Gymnostinops montezuma) Dénommé aussi Oropendola de Montezuma, cet oiseau de belle taille (43 cm du bec à la queue) est entièrement couvert d’un plumage noir et fauve. Seule la queue présente en fait une couleur voyante : le jaune, visible seulement lorsque l’oiseau fait la roue. L’espèce vit dans les régions humides et basses du golfe du Mexique, sur les côtes du Yucatán et le long de la côte caraïbe de l’Amérique centrale, jusqu’au Panama. [Durand-Forest, p. 62 – Irby Davis, p. 186 (pl. 38-5) – Sahagún, II-26, 4 ; III-3, 3 ; VI-8,39 ; XI-2, §1 - Dibble and Anderson, XI, p. 20 – Sautron, 463] Tzanal ou tzanatl © Wiki Commons © in Free Wikipedia Xiuhtototl (Cotinga amabilis ?) « Oiseau turquoise » > xihu(itl)+tototl Bien que les avis divergent sur son identité, cet oiseau, très recherché pour son plumage, devait être très certainement le cotinga, et plus particulièrement le cotinga céleste. « L’oiseau bleu » (en nahuatl) est aussi appelé charlador turquesa (le «bavard couleur turquoise») en espagnol. Il s’agit d’un passereau de la taille d’un gros moineau, d’une couleur bleu intense, exception faite de la gorge et du ventre couverts de plumes violettes. Le cotinga fréquente les forêts humides de la côte du Golfe du Mexique et l’Isthme de Tehuantepec. On le rencontre jusqu’au Costa Rica, le long de la côte pacifique. Sahagún le signale aussi dans l’Anahuac. [Durand-Forest, p. 62 – Irby Davis, p. 124 (pl. 271-3) – Sahagún, III-3, 3, X-29, 4, XI-2, §1, - Dibble and Anderson, XI, p. 21 – Sautron, 429, 453] © in Free Wikipedia Selon les chroniqueurs, les quetzaltotomeh recherchés pour la plumasserie provenaient des bassesterres de la côte du Golfe (provinces de Cuextlan et de Xicalanco), de la côte pacifique du Mexique et du Guatemala (provinces Ayotlan, Xoconoxco et Tecolotlán), ainsi que des basses-terres de la Mixteca et du pays maya (Province de Tzinacantlan). L’oiseau fut pour la première fois identifié scientifiquement par le docteur Pablo de la Llave, vers 1830 : Pharomachrus, gr. pharos makros, « grand manteau » ; Mocinno en référence au docteur José Mariano Mociño, naturaliste mexicain. En 1875, le célèbre illustrateur naturaliste John Gould établit la première représentation en couleur du quetzal. [Durand-Forest, p. 62 – Irby Davis, p. 87 (pl. 181,2) – Sahagún, III-3, 2, XI-2, §1 - Dibble and Anderson, XI, p. 19 – Sautron, p. 428, 450] Appelé aussi cassique ou oiseau-tisserand, cette espèce de grive ou d’étourneau (Cassidix Palustris) est couverte d’un plumage bleu-noir sur tout le corps. Seules les ailes présentent une couleur vert sombre. L’oiseau est rencontré sur la côte du Golfe du Mexique et à l’intérieur des terres jusqu’à une altitude —7— Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca © in Free Wikipedia Alo (Ara macao) Il s’agit là du spectaculaire ara rouge, probablement le plus célèbre des oiseaux du Nouveau Monde pour le succès qu’il connut en Europe dès la fin du XVe siècle. Appelé aussi macao écarlate ou Guacamayo, ou encore Papagayo, c’est le plus grand de tous les perroquets (81 cm du bec à la queue). L’espèce offre un plumage d’une grande richesse où cinq couleurs au minimum sont réunies: corps et queue rouges, ailes rouges, jaunes, bleu-clair et bleu foncé. L’ara rouge vit dans les forêts humides et basses, en général en dessous de 900 m d’altitude (États mexicains du Veracruz, Chia- Cuitlatexotli Bien que cité à plusieurs reprises par Sahagún, cet oiseau n’est pourtant pas signalé dans son inventaire ornithologique. Le cuitlatexotli est cependant identifié par les principaux traducteurs du franciscain (Seler, p. 432433 ; Garibay, p. 83 ; Dibble et Anderson, IX-21, p. 94) sous le nom d’arara, oiseau bleu ou perroquet bleu. Il pourrait s’agir du macao bleu-jaune (Ara ararauna) reconnaissable à son ventre jaune et à son corps couvert de trois variétés de plumes bleues. Cependant cette espèce ne semble pas fréquenter l’Amérique centrale. L’Ara militaris de plumage vert et de plumes d’ailes et de queue bleues pourrait être aussi le cuitlatexotli. Plus montagnard que son cousin, il vit sur les plateaux du Mexique central, entre 800 et 2400 mètres d’altitude, mais ne dédaigne pas les basses-terres semi-arides. [Irby Davis, p 52 (pl. 7-3 et 7-7) – Sahagún, IX-21] © in Free Wikipedia ©sm ithonianlibraries.si.edunin Iconographie Ornithologique Xiuhquechol (Momotus Lessonii) Étymologie possible : « (Oiseau) turquoise (au) cou en mouvement » > xihu(itl)+quech(tli)+olli(n) Le motmot, de son nom courant, est un bel oiseau d’environ 40 cm du bec à la queue, couvert sur tout le corps de plumes vertes de teintes variées. La tête, le bord des ailes et le jabot présentent des taches de couleur bleu-clair et noires. L’espèce est répandue depuis le sud du Mexique (États de Veracruz, Chiapas et Yucatán) jusqu’au Panama. Sahagún le signala dans l’Anahuac. Il est aussi appelé turco ou encore pájaro-lobo. [Durand-Forest, p. 63 – Irby Davis, p 94 (pl.19-3) – Sahagún, XI-2, §1 - Dibble and Anderson, XI, p. 20 – Sautron, 429, 452] pas, Campeche ; Amérique centrale ; on le retrouve jusqu’au Brésil et Bolivie). Sahagún notait que l’animal pouvait être apprivoisé. [Durand-Forest, p. 63 – Irby Davis, p. 52 (pl. 7-1) – Sahagún, XI-2, §2 - Dibble and Anderson, XI, p. 23 – Sautron, 463] Quiliton (Aratinga azteca) Il s’agit de la perruche aztèque. Les perruches, dont il existe plusieurs espèces au Mexique, appartiennent à la même famille que les aras. Elles sont cependant plus petites et presque uniformément vertes. La perruche aztèque atteint 20 cm du bec à la queue et vit dans le Mexique oriental, depuis l’État du San Luis Potosí jusqu’au Quintana-Roo. Elle fréquente aussi la côte caraïbe de l’Amérique centrale jusqu’au Panama. [Durand-Forest, p. 64 – Irby Davis, p. 53 (pl. 7-14) – Sahagún, XI-2, §2 - Dibble and Anderson, XI, p. 23] —8— © in Free Wikipedia de 2400 m. On le trouve aussi sur la côte pacifique nord du Mexique depuis le Sonora jusqu’au Guerrero. Le tzanal était aussi recherché pour sa chair. [Irby Davis, p. 188 (pl. 38-18 ?) – Sahagún, XI-2, §6 - Dibble and Anderson, XI, p. 50 - Sautron, 452] Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca cabeza amarilla. Sa tête est couverte de plumes jaunes. Le reste du corps est traditionnellement vert, orné de taches de couleur rouge et bleu foncé sur les ailes. Le toztli est un peu plus gros que son cousin tlalacuetzali. Il vit aussi bien sur les hauts plateaux du Mexique (depuis les États de l’ouest : Colima, Guerrero, Oaxaca, jusqu’au Nuevo León) que dans les basses-terres du nord de l’Amérique centrale. Selon Sahagún, l’oiseau est originaire de la province de Cuextlan et peut être apprivoisé. [Durand-Forest, p. 64 – Irby Davis, p. 55 (pl. 8-21 ou 8-22) – Sahagún, XI-2, §2 – Dibble and Anderson, XI, p. 23 - Sautron, 429, 451, 452] © in Free Wikipedia © in Free Wikipedia Cocho ou cochohuitl (Amazona alfibrons) Les perroquets proprement dits sont aussi de la même famille que les aras. Plus proches de ces derniers que les perruches, leur plumage est cependant généralement vert mais présente de belles taches de couleur sur la tête et les ailes. Le cochohuitl, appelé encore perroquet à front blanc, est un oiseau de taille moyenne (environ 25 cm du bec à la queue), orné de deux bandes blanche et bleue sur la tête. Les yeux sont cerclés de rouge. Le bout des ailes présente du rouge et du bleu foncé. L’espèce vit sur la côte pacifique, depuis l’État du Sonora jusqu’au Chiapas. On le rencontre aussi sur la côte du Golfe du Mexique et jusqu’au Nicaragua. Si l’on en croit Sahagún, cet oiseau était aussi recherché pour ses talents d’imitateur et de chanteur. [Durand-Forest, p. 64 – Irby Davis, p. 54 (pl. 8-18) – Sahagún, IX ad. III-32 et XI-2, §2 - Dibble and Anderson, XI, p. 23 – Sautron, 465] © in Free Wikipedia © in Free Wikipedia Chalchiutototl (Cyanerpes cyaneus) « Oiseau couleur jadéite » > chalchihu(it)+tototl Le Blue honeycreeper, ou Quitquit-saï (ou Guitguit ou Gigit), est un oiseau de la taille d’un moineau dont le mâle présente un plumage Tlalacuetzali (Amazona viridigenalis) bleu-vert aux ailes noires et bleu Étymologie possible : « (Oiseau) aux plumes couleur foncé, d’où son nom nahuatl. flamme » > tlecuetzalli : mot composé de « tle(tl « L’espèce est rencontrée dans (feu) et de « cuetzalin » qui désigne précisément les les forêts des basses-terres de la plumes du Alo. côte du Golfe, à une altitude in Le perroquet à couronférieure à 600 mètres (États de © Commons:http://johne rouge (ou à joues vertes) ou San Luis Potosí, Veracruz, Chia- nafdem.fils.wordpress.com Papagayo montes est très propas), ainsi qu’au Yucatán et sur che de son cousin cochohuitl. la côte pacifique du Chiapas. Il en diffère néanmoins par les [Durand-Forest, p. 64-65 – Irby Davis, p. 207 (pl. plumes rouges sur le crâne et 31-18) – Sahagún, XI-2 §1 – Dibble and Anderson, une taille plus importante (28 XI, p. 21 - Sautron, 464] cm du bec à la queue). L’espèce fréquente les forêts tempéTeoquechol ou teoquecholtototl ou tlauhquechol rées du nord-est du Mexique (Ajaja ou Ajaia ajaja) (États de Tamaulipas, Veracruz et San Luis Potosí). Étymologie possible : « Oiseau divin (au cou) en mou[Durand-Forest, p. 64 – Irby Davis, p. 55 (pl. 8-17) vement » > teo(tl)+quech(tli)+olli(n) – Sahagún, XI-2, §2 - Dibble and Anderson, XI, p. La spatule rosée d’Améri23 – Sautron, 466] que appartient à la famille des ibis. L’oiseau, qui peut Toztli (Amazona oratrix ou ochrocephala) atteindre 70 cm du bec à Selon Sahagún, ce perroquet changerait de la queue, est caractérisé couleur avec l’âge : jeune et entièrement vert, appelé par son fameux bec aplati toznene, il deviendrait en vieillissant complètement en spatule curviforme et jaune et porterait alors le nom de toztli. L’oiseau a un plumage blanc rosé. été identifié comme perroquet à tête jaune ou Cotora L’espèce semble assez lar—9— Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca gement distribuée sur les basses-terres du continent américain, depuis les États-Unis jusqu’à l’Argentine. [Durand-Forest, p. 63 – Irby Davis, p. 13 – Sahagún, XI-2, §1 – Dibble and Anderson, XI, p. 20 Sautron, 428, 451] Quappachtototl ou cuappachtototl (Piaya cayana ou Piaya mexicana) Étymologie possible : « oiseau couleur fauve » > cuappach(tli) Appelé communément piaye du Mexique ou encore © in Free Wikipedia vaquero, cette espèce, de la taille d’un pigeon est couverte d’un plumage ocre et brun qui contraste singulièrement avec les couleurs vives que nous avons vues jusqu’à présent. L’oiseau vit dans les basses-terres du Mexique oriental (États de Tamaulipas, San Luis Potosí), jusqu’au Chiapas et Quintana-Roo. On le rencontre jusqu’en Argentine. [Durand-Forest, p. 64 – Irby Davis, p. 56 (et pl. 12-3) – Sahagún, XI-2, §1 – Dibble and Anderson, XI, p. 22 - Sautron, 427, 447] © in Free Wikipedia Aztatl ou teoaztatl (Leucophoyx thula, Egretta thula ?) L’aigrette blanche d’Amérique est d’un plumage entièrement blanc. L’oiseau, d’une cinquantaine de cm du bec à la queue, vit dans les milieux aquatiques. Il semble assez répandu sur tout le continent américain, depuis le sud des États-Unis jusqu’en Argentine. [Durand-Forest, p. 64 – Irby Davis, p. 11 – Sahagún, II-33, 13 et XI-2, §3 – Dibble and Anderson, XI, p. 28 - Sautron, 425, 445] Chamulin Bien qu’il ne soit pas décrit dans son inventaire ornithologique, et donc demeure non identifié scientifiquement, cet oiseau est cependant cité à plusieurs reprises par Sahagún. Le chamolin, selon d’autres appellations, est un oiseau des basses-terres tropicales, couvert entièrement d’un plumage rouge sombre ; probablement un genre de grive. [Sahagún IX-1, 2 ad. III, 69 et IX-21 – Seler, p. 432 et 445] Xochitenacal (Aulacorhynchus prasinus) Plusieurs espèces de Toucans ont été identifiées au Mexique et en Amérique centrale et l’une d’elles, le Xochitenacal ou toucan émeraude est décrite dans l’inventaire ornithologique de Sahagún. Bien plus petit que le fameux toucan noir (environ 36 cm du bec à la queue), cet oiseau présente sur tout le corps un plumage vert sombre de plusieurs teintes. La gorge est selon Sahagún d’un jaune éclatant. L’oiseau vit dans les forêts du sud-est du Mexique (États de San Luis Potosí, Chiapas) et on le rencontre jusqu’au Nicaragua. Selon © in Free Wikipedia Sahagún, l’oiseau vivait dans la province de Cuextlan et la région Totonaque. Bien qu’aucune plume de toucan ne soit jusqu’alors signalée en plumasserie mexicaine, il ne serait pas surprenant que l’oiseau ait joué un grand rôle en Méso-Amérique comme ce fut le cas en Amazonie. Il est d’ailleurs cité comme ave de pluma fina dans l’index de la traduction de Garibay. [Denis, p 63 – Garibay, p 370 – Irby Davis, P. 9797 (pl. 12-17) – Sahagún, XI-2, §1 - Dibble and Anderson, XI, p. 22] — 10 — Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca Le vert colibri, le roi des collines, Voyant la rosée et le soleil clair Luire dans son nid tissé d’herbes fines, Comme un frais rayon s’échappe dans l’air. Il se hâte et vole aux sources voisines, Où les bambous font le bruit de la mer ; Où l’açoka rouge aux odeurs divines S’ouvre, et porte au cœur un humide éclair. Vers la fleur dorée, il descend, se pose, Et boit tant d’amour dans la coupe rose, Qu’il meurt, ne sachant s’il l’a pu tarir. Sur ta lèvre pure, ô ma bien-aimée, Telle aussi mon âme eût voulu mourir, Du premier baiser qui l’a parfumée ! Leconte de Lisle, 1862. © in Free Wikipedia Parmi les bien curieux êtres vivants que l’Amérique a su produire, le colibri ou oiseau-mouche est l’un des plus surprenants. Nombreux ont été les chroniqueurs et voyageurs qui lui consacrèrent de longues pages. Ainsi, le franciscain Motolinia, l’un des premiers évangélisateurs de la Nouvelle-Espagne, décrivait-il l’oiseau en ces termes: « Je ne peux pas taire une chose certainement merveilleuse que Dieu montre en un oiseau répandu en Nouvelle-Espagne ; et bien qu’il soit petit, la nouveauté ne l’est pas et doit être citée. L’oiseau est appelé huicicilin... sa plume est précieuse, notamment celle de la poitrine et de la queue. Et bien qu’il y en ait peu et qu’elle soit fine, dans les œuvres d’or et de plumasserie que font les Indiens elle se pare de nombreuses couleurs : vue de face, elle paraît ocre ; à la lumière, elle devient orangée ; d’autres fois elle sera comme le feu. Cet oiseau, bien qu’il soit très petit, a le bec long et fin, aussi long qu’une phalange... Il ne se nourrit pas de semences ni de mouches, mais se gave seulement du miel et du suc des fleurs qu’il aspire avec son long bec. Ainsi il vole légèrement, de fleurs en fleurs sans s’appuyer sur elles... » (Motolinia, Memoriales II-23,752). Cette description relativement fidèle d’un des plus petits oiseaux du monde (les colibris mexicains n’excèdent que rarement les 10 cm du bec à la queue) montre un intérêt tout particulier pour le phénomène d’iridescence des couleurs. En effet, selon l’angle de vision, les couleurs de la plume changent et prennent des teintes métalliques et irisées qui donnent à l’oiseau l’aspect d’un joyau ou d’un miroir reflétant la lumière. Seuls les colibris, sur l’ensemble de leur plumage, présentent cet aspect qui leur fit attribuer des noms aussi poétiques que « colibri-turquoise », « colibri-flamme », etc. Malheureusement, cette qualité ne survit pas longtemps à la mort de l’animal. Les spectaculaires changements de couleurs en fonction de la manière dont on se place devant l’œuvre de plumes, qu’ont pu admirer conquistadors et missionnaires puis les cours d’Europe au XVIe siècle, ne sont presque plus visibles aujourd’hui. Avant la Conquête, les Aztèques vénéraient cet oiseau ou du moins lui accordaient un rôle particulier : il était le nahual, le double de leur dieu tribal Huitzilopochtli « Colibri de la Gauche » (où, dans la cosmographie aztèque, se trouvait le sud sur lequel le dieu régnait). Mais le colibri était aussi l’âme des guerriers courageux morts au combat ou des victimes du sacrifice qui, après avoir accompagné le soleil dans sa course, redescendait chaque après-midi sur la terre butiner les fleurs en toute félicité. Plus de 110 espèces de colibris peuvent être comptées au Mexique et en Amérique centrale, dont à peu près la moitié fréquente la Méso-Amérique. De ce grand nombre, Sahagún n’a décrit dans son inventaire ornithologique (Sahagún XI-2, 2) qu’une dou- — 11 — © Marc Crethien/ www.oiseaux.net Huitzitzili Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca © in Free Wikipedia Quetzalhuilitzin (Selasphorus platycercus ?) « (Oiseau) vert-quetzal (au bec en forme d’)épine (qui) résonne/ bourbonne (bruyamment) » > huitz(tli)+quetzal(li)+(tzi)tzilin(i) Le colibri vert, ou colibri précieux. La gorge et le haut des ailes sont d’un rouge vif. Il s’agit très cer- © www.rubythroat. org Huitzilin ou huitzitzilin Étymologie possible : « (Oiseau au bec en forme d’) épine (qui) résonne/ bourbonne (bruyamment) » > huitz(tli)+(tzi)tzilin(i) Il s’agit là du nom générique nahuatl de la famille des trochilidés, rassemblant les quelque 60 espèces connues au Mexique. Néanmoins, un « colibri ordinaire ou commun » est signalé sous ce nom par les traducteurs de Sahagún et se trouve en première place dans l’inventaire ornithologique. Il semble donc représenter une ou plusieurs espèces semblables. Selon Sahagún, le uitzitzili est de couleur cendrée, brune. En fait, fort peu de colibris – qui en général offrent des couleurs variées et très vives – répondent à ce signalement ; à moins d’admettre que tous peuvent y prétendre, puisque l’aspect cendré – en fait métallique – est la caractéristique majeure de l’oiseau. Bien qu’aucune identification scientifique de ce colibri commun n’ait été proposée, deux espèces présentant ce signalement existent dans l’inventaire: le telolohuitzili, de plumage cendré et crayeux (non identifié) et le hecauitzili, cendré, noir (Phaeoptila sordida ou cyanolaemus clemencia). [Irby Davis, p. 82 (non illustré) – Sahagún XI-2, §2 – Dibble and Anderson, XI, p. 24-25 - Sautron, p. 427, 449] Xiuhuitzilli (Calypte costae ?) Le colibri-turquoise, « bleu comme le cotinga, comme la turquoise fine », pourrait être le Costa Hummingbird (Calypte costae) espèce californienne et de la côte nordpacifique du Mexique. [Irby Davis, p. 85 (non illustré) – Sahagún XI-2, §2 - Dibble and Anderson, XI, p. 24] tainement du Broad-Tailed Hummingbird (Selasphorus platycercus), répandu dans une grande partie du Mexique et du Guatemala. [Irby Davis, p. 86 (non illustré) – Sahagún XI-2, §2 - Dibble and Anderson, p. 24 - Sautron, 428, 450] Tleuitzilin ou tleuitzili (Selasphorus Sasin) Le colibri-flamme est le quatrième et dernier oiseau-mouche cité en plumasserie par Sahagún. Il s’agit très certainement d’une des plus belles espèces de la famille des Tro- — 12 — © www.rubythroat.org © in Free Wikipedia zaine, probablement les espèces les plus fréquemment rencontrées dans la vallée de Mexico où il vécut et rédigea son œuvre. Ce faible nombre est aussi probablement dû au manque de connaissances ornithologiques du franciscain. Plus surprenant en revanche, est que, de cette douzaine d’espèces, fort peu semblent avoir été utilisées dans les recettes de plumasserie. Il serait pourtant étonnant que l’art de la plume n’ait pas fait appel à toutes les possibilités que lui apportait la famille des trochilidés. Au bout du compte, quatre espèces de colibris « plumassiers » sont notées par Sahagún (Sahagún, IX-21 ; Dibble and Anderson, p. 96). Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca © www.rubythroat. org chilidés, celle dont les plumes « ... miroitent comme la braise... » et fournissent les spectaculaires reflets d’irisation. Le Colibri-flamme est originaire de Californie et migre chaque hiver au Mexique, dans l’État de Guanajuato et dans la région de Mexico. [Irby Davis, p. 87 (non illustré) – Sahagún XI-2, §2 - Dibble and Anderson, XI, p. 25] 1969 Sahagún: Historia General de las Cosas de Nueva-España, Mexico, Porrúa. GILONNE Michel, 1997 La civilisation aztèque et l’aigle royal : ethnologie et ornithologie, Paris, L’Harmattan. GILONNE Michel, 1989 Aigle royal et oiseaux d’après les connaissances ornithologiques aztèques : tentatives d’approche ethno-ornithologiques, Lille 3 – EHESS : ANRT ; Sorbonne > TMC 89-1428 (Salle JAURES. Com. Magasin 5) > 2 Microfiches. MAYNEZ Pilar, 1991 « La fauna mexicana en la obra de fray Bernadino de Sahagún », Estudios de Cultura Nahuatl, 21, p. 145-161. Irby Davis Louie, 1972 A Field guide to the Birds of Mexico and Central America, Austin and London, University of Texas Press. ===== Bibliographie Motolinia (Toribio de Benavente), 1903 Memoriales, Mexico. DENIS Ferdinand, 1875 Arte Plumaria. Les plumes, leur valeur et leur emploi dans les arts au Mexique, au Pérou, au Brésil, dans les Indes et dans l’Océanie, Paris, Ernest Leroux. SAHAGÚN Fray Bernadino de, 1559-1570 Codex Florentino. Manuscrit 21820 de la Bibliothèque Medicea Laurenziana, Florence (Essentiellement Livre IX, Ch. 18 à 21, et livre XI, ch. 2). DIBBLE Charles, ANDERSON Arthur. 1959 The Florentine Codex, General History of the things of New-Spain, Santa Fe, School of American Research, Archaeological Institute of America. SAUTRON-CHOMPRÉ Marie 2004 Le chant lyrique en langue nahuatl des anciens Mexicains : la symbolique de la fleur et de l’oiseau, Paris, L’Harmattan. DURAND-FOREST Jacqueline de. 1984 « Los artesanos mexicas », Revista Mexicana de Estudios Antropológicos, Sociedad Mexicana de Antropología, XXX, Mexico. SELER Eduard, 1892 « L’orfèvrerie des anciens Mexicains et leur art de travailler la pierre et de faire des ornements de plumes », Congrès International des Américanistes, VIIIe session, Paris. GARIBAY Angel Maria. ===== — 13 — ©www.caminandocostarica.com/costa_rica_album_photo/costa_rica_photo_oiseau/turquoise_ browed_motmot Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca L’oiseau illustré ici est un xiuhquechol (Momotus Lessonii) cité par Sahagún parmi les oiseaux utilisés en plumasserie (Livre IX, 18-21). Une autre espèce proche avec laquelle on le confond parfois est le Momotus momota qui est signalé dans l’inventaire de Sahagún (D-A > XI-2, p. 21) sous les noms de xiuhpalquechol et tziuhtli.1 1 Le terme tziuhtli apparaît cinq fois dans le codex de Florence. Dans trois cas Anderson et Dibble le traduisent par motmot (plumes de motmot : II, 92 ; 161 ; III, 45). Dans un cas (X, 61), le terme semble avoir été utilisé pour celui de xiuhtotol (cotinga bleu). Dans le L. XI, 21, Sahagun décrit le xiuhpalquechol dont le nom est également tziuhtli, qu’Anderson et Dibble traduisent par « motmot aux sourcils couleur turquoise » (Eumomota, superciliosa). Page 20 du même livre, le xiuhquechol est décrit comme un oiseau aux plumes couleur vert herbe dont les ailes et la queue sont bleues et qui vit en Anahuac. Anderson et Dibble n’en donnent pas de traduction, mais indiquent en note de bas de page qu’il s’agirait de Momotus lessoni golmani d’après l’ouvrage de Rafael Martin del Campo sur l’interprétation des oiseaux du Livre XI. Il semble donc que le tziuhtli, le xiuhpalquechol et le xiuhquechol soient des oiseaux appartenant à une même espèce celles des momotidae, si bien qu’il ne serait pas incorrect d’assimiler le motmot autant au tziuhtli qu’au xiuhquechol. Il reste que la détermination précise des oiseaux de Sahagún reste conjecturale. — 14 — Pascal MONGNE - In T ototl I n A manteca LES « DOSSIERS DU GEMESO » [Téléchargeable en pdf : http://www.gemeso.com/nahuatl/dossiers/] Déja parus • « Les Dossiers du GEMESO » n° 1, octobre 2010 Titre : Xalaquia ou « l’entrée dans le sable ». Un rite énigmatique des vingtaines mexicaines Auteur : Antoine Franconi • « Les Dossiers du GEMESO » n° 2, mai 2012 Titre : In totol in amanteca - Les oiseaux de la plumasserie aztèque Auteur : Pascal Mongne A paraître • « Les Dossiers du GEMESO » n° 3. Titre : Huixtocihuatl et le sel dans le Codex de Florence. Auteur : Antoine Franconi ***** GEMESO EPHE - Ve section Mai 2012 — 15 —