Clinique OUNNOUGHENE:en images gaba(v5)

publicité
Clinique
Sécheresse oculaire
et micronutrition : quoi de neuf ?
Yasmine Ounnoughene
a sécheresse oculaire résulte d’une atteinte du film
lacrymal du fait, soit d’une production insuffisante de
larmes, soit d’un excès d’évaporation. Cette atteinte entretient un état inflammatoire majeur des tissus conjonctivocornéens. La souffrance tissulaire chronique qui en découle
se traduit par la diminution par apoptose du nombre des
cellules à mucus (figure 1).
Les traitements actuellement disponibles pour lutter contre
la symptomatologie de l’œil sec sont en majorité substitutifs.
Ils sont souvent insuffisants pour pallier la souffrance ressentie par les patients dont la qualité de vie est altérée.
L
Le rôle de la micronutrition dans la prévention des
maladies oculaires est de plus en plus étayé par un
faisceau d’arguments biologiques, épidémiologiques
et interventionnels.
L’étude AREDS, portant sur plus de 5 000 sujets
suivis pendant cinq ans, a démontré l’intérêt de supplémenter en vitamines antioxydantes à fortes doses
pour diminuer le risque de progression vers une
DMLA sévère.
Aucune étude similaire n’a encore été consacrée à
la sécheresse oculaire, mais de nombreux travaux
plaident en faveur de l’effet bénéfique des micronutriments sur la fonction lacrymale.
Le stress oxydant est impliqué
dans de nombreuses pathologies
liées à l’âge
L’œil en général, et la surface oculaire en particulier, subissent des agressions environnementales telles que la pollution ou l’exposition au tabac et à la
lumière.
Le dénominateur commun de l’atteinte tissulaire
est le stress oxydant, impliqué dans de nombreuses
CHNO des Quinze-Vingts
2
Les Cahiers
Figure 1a. Tissu
conjonctival normal.
1b. Tissu conjonctival d’œil
sec : diminution
par apoptose du nombre
des cellules à mucus.
pathologies liées à l’âge comme le syndrome sec et
la DMLA. Il a pour conséquence une production excessive d’espèces oxygénées réactives (ROS, délétères
pour les tissus), qui dépasse les capacités de défenses antioxydantes de l’organisme (élimination par
les systèmes de défenses cellulaires). La balance est
déséquilibrée.
Les vitamines antioxydantes C et E peuvent
améliorer la production et la qualité des larmes
Certaines équipes se sont intéressées au rôle des
vitamines antioxydantes sur la fonction lacrymale.
L’étude de Peponis, effectuée chez 50 patients diabétiques soumis à un régime vitaminique pendant
10 jours (vit C :1 000 mg/j, vit E : 40 UI/j), a révélé une
baisse significative d’oxyde nitrique (métabolite du
stress oxydant) dans les larmes, une amélioration de
la fonction lacrymale (retrouvée aux test de Schirmer,
BUT, Ferning test), et une augmentation de la densité des cellule à mucus.
n° 113 • Octobre 2007
Clinique
Blade et Patel ont constaté une amélioration des
signes cliniques (BUT, vert de lissamine et Schirmer)
chez des patients sous antioxydants souffrant d’un
syndrome sec léger. Ils ont observé une meilleure
stabilité du film lacrymal et, en analysant les empreintes conjonctivales, une augmentation du nombre de
cellules à mucus.
Le zinc : important oligo-élément de lutte
contre l’oxydation
Élément important de la lutte contre l’oxydation
(par son effet stabilisateur des membranes phospholipides), le zinc est un cofacteur enzymatique essentiel dans le métabolisme des acides gras.
Il participe également au maintien des cellules
épithéliales cornéo-conjonctivales et joue un rôle
fondamental dans la croissance des microvillosités
nécessaires à l’adhérence du film lacrymal sur la surface oculaire.
L’AAL a la propriété de recycler partiellement
certains antioxydants
C’est le cas notamment des vitamines E et C et du
glutathion, dont il prolonge ainsi la durée de vie et
les effets.
L’AAL agit également au niveau cellulaire, plus particulièrement au sein du noyau en protégeant l’ADN
des effets délétères des radicaux libres, et joue un
rôle important dans la diminution des médiateurs de
l’inflammation.
Les travaux de Demir ont montré l’effet bénéfique
de l’AAL. Chez des lapins exposés 12 heures par jour
et pendant 90 jours aux rayonnements UVA et PUVA,
la concentration conjonctivale et cornéenne des radicaux libres (free MDA) et des enzymes antioxydantes
(glutathion peroxydase (GSH-PX) et super oxyde dismutase ou SOD) a été évaluée. Dans le groupe sous
AAL, le niveau des radicaux libres n’était pas plus
élevé et les paramètres restaient identiques à ceux
du groupe contrôle.
Vitamine B12 : acteur de cicatrisation
La vitamine B12 est, quant à elle, particulièrement
connue pour son effet activateur de la cicatrisation.
Elle possède une affinité pour l’épithélium conjonctivo-cornéen et agit comme cofacteur important dans
la croissance cellulaire épithéliale.
L’AAL, « anti-oxydant universel »,
fait de plus en plus parler de lui
150
H H
H
H H
Figure 2. Molécule d’acide alpha-lipoïdique.
n° 113 • Octobre 2007
* p < 0,001
100
50
0
0
0,5
5
20
Concentration en acide lipoïque (µg/ml)
50
Figure 3. À concentration croissante, l’AAL diminue
significativement l’apoptose des cellules conjonctivales provoquée
par le chlorure de benzalkonium 0,0002 % (p ⬍ 0,001. Yord M,
2005).
H H H H
H
En présence d’acide alpha-lipoïque, Yord a montré
que le taux d’apoptose des cellules conjonctivales
mises en contact avec du chlorure de benzalkonium
diminue significativement (figure 3).
% Apoptose
L’acide alpha-lipoïdique (AAL) (figure 2), composé
naturel, est un puissant antioxydant, présent en très
faible quantité dans l’organisme. Il est connu pour
sa capacité à piéger les métaux toxiques comme l’arsenic et le mercure. On le trouve dans les viandes
rouges, les abats, les betteraves et les épinards. Il est
appelé « antioxydant universel » car il est à la fois
hydro- et liposoluble. C’est un cofacteur essentiel des
enzymes bioénergétiques mitochondriales.
H H
Un effet antiapoptotique démontré in vitro
H
H H
Carbone
Sulphure
Oxygène
Les acides gras essentiels
agissent contre l’inflammation
En cas de sécheresse oculaire, l’oxydation radicalaire et enzymatique des lipides produit des médiateurs de l’inflammation et le système de défense anti-
Les Cahiers
3
Clinique
oxydant des larmes s’affaiblit. Il devient insuffisant
pour protéger la surface oculaire.
Le dosage de marqueurs, tels que les prostaglandines PGE1 (anti-inflammatoires), les PGE2 (proinflammatoires) et les antigènes de classe II (HLADR), permet d’évaluer le degré d’inflammation.
Une consommation élevée en oméga-3 réduirait
de 62 % le risque de syndrome sec
Les eicosanoïdes tels que l’EPA (acide eicosapentaénoïque) jouent un rôle essentiel au niveau de la
surface oculaire, alors que le DHA est plus approprié
dans la rétine (rôle structurel et propriétés biophysiques membranaires qui s’exercent au niveau des
segments externes des photorécepteurs).
Le métabolisme enzymatique de l’EPA produit des
prostaglandines anti-inflammatoires (PGE3, PGE1),
ce qui réduit les effets de l’inflammation.
L’EPA bloque également la production de cytokines
inflammatoires comme le TNF-alpha et l’interleukine1-bêta. Il inhibe la production d’acide arachidonique à partir du GLA (acide gammalinoléique), voie
de l’inflammation des oméga-6.
Selon une étude épidémiologique menée par Trivedi
sur une cohorte de 32 470 femmes, le risque de syndrome sec diminue de 62 % pour une consommation
élevée en oméga-3. Cette évaluation a été effectuée
à partir d’un questionnaire sur les habitudes alimentaires.
Oméga-6 et oméga-3 : une association synergique
Le métabolisme du GLA par la voie préférentielle
de la cyclo-oxygénase produit des PGE1. La PGE1
induit une augmentation de l’AMP cyclique qui favorise la sécrétion lacrymale.
Aragona a montré que consommer pendant un
mois une spécialité associant oméga-3 et oméga-6
augmentait le taux de PGE1 (anti-inflammatoire) dans
les larmes.
Barabino a constaté une diminution significative de
l’expression des marqueurs d’inflammation HLA-DR
au niveau des cellules épithéliales conjonctivales
après consommation d’une association d’oméga-3 et
d’oméga-6 pendant 45 jours.
La chirurgie réfractive
fait partie des indications
Lors d’un lasik, la découpe du capot induit un syndrome sec postopératoire susceptible de persister
plusieurs mois.
4
Les Cahiers
Cette sécheresse iatrogène serait liée à la section
des rameaux nerveux chez des patients souvent déjà
intolérants aux lentilles de contact. Pour les candidats au lasik, Smirennaia recommande donc un traitement antioxydant dans le but de protéger la cornée
des effets radicalaires.
La technique PKR produit elle aussi un modèle
d’œil sec du fait de la dénervation contemporaine du
geste réfractif. Chez les patients supplémentés en
oméga-6, Macri a montré une réduction des signes
de sécheresse oculaire après PKR.
Micronutrition :
une voie prometteuse pour l’œil sec
L’œil, notamment la surface oculaire, est victime
d’agressions environnementales oxydatives permanentes. Il paraît justifié de viser la diminution du
stress oxydant en augmentant les défenses antioxydantes pour rééquilibrer la balance.
Ainsi la micronutrition, associée aux traitements
classiques, pourrait se révéler très intéressante dans
la prise en charge de l’œil sec. Des études à larges
échantillons semblent nécessaires afin d’en apprécier
l’impact sur la qualité de vie des patient qui souffrent
de syndrome sec.
Références
Barabino S, Rolando M, Camicionel P et al. Systemic linoleic and
gamma-linolenic acid therapy in dry eye syndrome with an inflammatory component. Cornea 2003;22(2):97-101.
Blades KJ, Patel S, Aidoo KE. Oral antioxidant therapy for marginal
dry eye. Eur J Clin Nutrit 2001;55:589-97.
Cho YS, Lee J, Lee TH et al. Alpha-lipoic acid inhibits airway inflammation and hyperresponsiveness in a mouse model of asthma.
J Allergy Clin Immunol 2004 Aug;114(2):429-35.
Demir U, Demir T, Ilhan N. The protective effect of alpha-lipoic acid
against oxidative damage in rabbit conjunctiva and cornea exposed to
ultraviolet radiation. Ophtalmologica 2005; 219(1):49-53.
Macri A, Giuffrida S, Amico V et al. Effect of linoleic acid and gammalinolenic acid on tear production, tear clearance and on the ocular
surface after photorefraction keratectomy. Graefes Arch Clin Exp
Ophtalmol 2003; 241(7):561-6.
Miljanovic B, Trivedi KA et al. Relation between dietary n-3 and n-6
fatty acids and clinically diagnosed dry eye syndrome in women. Am
J Clin Nutr 2005 Oct;82(4):887-93.
Peponis V, Papathanasiou M, Kapranou A et al. Protective role of oral
antioxidant supplementation in ocular surface of diabetic patients.
Br J Ophtalmol 2002;86(12):1369-73.
Smith AR, Shenvi SV, Widlansky M et al. Lipoic acid as a potential
therapy for chronic diseases associated with oxidative stress. Curr
Med Chem 2004 May;11(9):1135-46.
n° 113 • Octobre 2007
Téléchargement