La fatigue chronique : une controverse qui perdure – Test Santé

publicité
FATIGUE CHRONIQUE
Le syndrome
de fatigue
chronique (SFC)
reste une entité
controversée.
Une chose est
sûre : le problème
est bien réel
et nullement
imaginaire.
Qu’est-ce que le syndrome de fatigue chronique (SFC) ? Rien que
poser la question, suffit à susciter
le débat. En effet, même le nom
de l’affection fait l’objet de discussions. Ainsi, d’aucuns estiment
qu’il serait plus correct de parler
d’encéphalomyélite myalgique
(EM). Mais ne compliquons pas
inutilement les choses : dans cet
article, nous utiliserons l’expression "syndrome de fatigue chronique". D’autant plus que, pour les
autorités de santé, en particulier
l’Inami, c’est, jusqu’à nouvel ordre,
le nom à utiliser.
Beaucoup d'études,
peu de certitudes
En dépit d’un grand nombre d’études, on ne connaît toujours pas la
cause exacte du SFC. D’ailleurs,
mieux vaut sans doute parler de
"causes" au pluriel, car il est probable que divers facteurs jouent
un rôle.
Il n’y a à l’heure actuelle aucun
test clair et univoque permettant
de poser ou d’exclure avec certitude un diagnostic de syndrome de
fatigue chronique. Le médecin est
supposé se baser sur un ensemble
de critères. Le premier est, cela va
En Belgique,
le nombre de
personnes
touchées
se situerait
entre vingt
et cinquante
mille
de soi, la fatigue. Pas une fatigue
normale après une rude journée,
mais une fatigue persistante ou
récurrente, sans cause apparente
et, qui ne disparaît pas au repos.
Cette fatigue est telle qu’elle mine
la vie professionnelle et sociale de
la personne. Il faut, en outre, que
la fatigue soit présente depuis au
moins six mois, avant que l’on
puisse parler de SFC.
Mais une fatigue inexpliquée en
tant que telle ne suffit pas pour un
diagnostic de SFC. Il faut, en outre,
qu’au moins quatre des symptômes suivants soient présents, éga-
test santé 94 décembre 2009/janvier 2010
Syndrome Fort
Controversé
>
15
FATIGUE CHRONIQUE
TCC CONTRE SFC
LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
Les piliers du traitement sont la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie par exercices gradués.
Divers dispensateurs de soins participent au traitement
dans les centres, notamment des kinés et des psychologues.
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) se base sur
l’idée que les sentiments, réactions et comportements peuvent
être influencés en modifiant sa manière de penser et de voir
les choses.
La partie physique du traitement consiste à pratiquer des
exercices, en principe de manière très progressive. L’objectif est
d’arriver, pas à pas, à faire toujours plus..
Ces thérapies n’améliorent hélas pas l’état de tous les
patients, loin de là. On a beaucoup critiqué les exercices qui
étaient imposés sans tenir compte des limitations individuelles
de chaque patient.
Actuellement, la thérapie par exercices gradués est supposée être mieux taillée sur mesure, en tenant compte des possibilités réelles de chaque individu.
´
´
´
´
´
La fatigue
n’est pas
l’unique
symptôme qui
caractérise le
syndrome
Sur base des études, il semble que
les interventions susceptibles de
donner les meilleurs (ou les moins
mauvais) résultats soient la thérapie cognitivo-comportementale et
la thérapie par exercices gradués.
C’est pourquoi l’Inami et les centres de référence avaient d’emblée
opté pour cette approche. Un tel
programme de rééducation dans
un centre de référence dure environ 6 mois (le cas échéant étendu
sur une période d’un an). Le but
est d’améliorer l’état du patient,
tant en ce qui concerne ses symptômes que sa qualité de vie.
Comme on pouvait s’y attendre,
l’expérience dans les centres de
référence belges a vite montré que
le traitement proposé ne convenait
pas à tout le monde. On a surtout
noté beaucoup de problèmes au
niveau de la thérapie par exercices
gradués, mal acceptée par de nombreux patients. Depuis, on tente de
mieux tenir compte des particularités individuelles de chaque indi-
test santé 94 décembre 2009/janvier 2010
>
16
lement depuis au moins six mois :
troubles de la mémoire ou de la
concentration ; mal de gorge ; ganglions du cou ou des aisselles sensibles ; douleurs musculaires ou
articulaires ; maux de tête ; sommeil non réparateur ; apparition,
après tout effort, d’un malaise qui
persiste plus de 24 heures.
Il faut aussi savoir que la fatigue
et les symptômes évoqués peuvent avoir pour origine une maladie sous-jacente, que le médecin
devra exclure par des examens
approfondis. Ce n’est qu’ensuite
qu’on peut parler de SFC.
Il est donc normal que le diagnostic prenne beaucoup de temps. Ce
serait plus simple s’il existait un
test fiable basé sur une analyse de
sang ou d’urine, par exemple, mais
on n’en est pas encore là.
En pratique, le diagnostic est le
plus souvent posé dans un des
centres de référence agréés, mais il
peut parfaitement aussi être posé
par un médecin en dehors d’un
centre. Pour un meilleur remboursement de certains traitements, il
faut toutefois une prescription établie par un centre de référence.
Signalons que la majorité des personnes pour lesquelles les centres
de référence diagnostiquent un
syndrome de fatigue chronique
sont des femmes (87 %).
Les centres restent
la référence
C’est en 2002 que les pouvoirs publics ont établi des centres de référence pour le SFC. L’objectif était
de mieux encadrer le diagnostic
et de proposer un traitement optimal basé sur les meilleures données scientifiques disponibles. Le
problème est hélas que, à l’heure
actuelle, il n’est toujours pas possible d’indiquer un traitement en
particulier qui serait vraiment très
efficace pour permettre le rétablissement du malade.
Les centres de référence belges sont liés à des
cliniques universitaires.
vidu, pour proposer un traitement
un peu plus "sur mesure".
En principe, la convention entre
l’Inami et les centres se termine
fin 2009, mais elle sera très probablement renouvelée.
En 2006, l’Inami publiait un rapport sur les résultats des centres
de référence pendant la période
2002-2004. Voyons les principales
conclusions.
■ Tant au terme de la revalidation
que six mois plus tard, on note
chez la plupart des patients une
certaine amélioration statistiquement significative en matière de
fatigue. Cependant, chez d’autres
il n’y a pas d’amélioration et parfois même une aggravation. Les
mêmes constats valent pour la
concentration et l’activité physique.
■ En dépit de la relative amélioration, les "scores" après traitement
restent de loin inférieurs à ceux
d’une population normale.
■ Personne n’a quitté le programme de rééducation avant terme
suite à une guérison complète.
Nonobstant, même si cela semble
actuellement rare, il y a aussi des
personnes qui se rétablissent totalement.
■ Pour 71 % des patients, l’équipe
traitante était d’avis qu’une amélioration suffisante avait été atteinte pour que le traitement puisse
être poursuivi par les prestataires
de soins de première et de deuxième ligne (médecins généralistes et
spécialistes).
■ Les résultats des centres SFC
semblent moins bons que les résultats obtenus lors des études
antérieures, qui avaient montré
un effet positif de la thérapie combinée. Une explication possible est
le manque de moyens dont disposent les centres. En outre, pour les
études, les participants sont triés
sur le volet et ne représentent pas
nécessairement tout à fait les patients traités par les centres.
Le traitement
dans les
centres de
référence ne
permet pas
d’améliorer
l’état de tous
les patients
Vu les moyens limités, la thérapie cognitivo-comportementale se fait
dans des groupes de trois personnes. Une thérapie individuelle serait
plus efficace.
La décision de malgré tout continuer dans cette voie s’explique par
le fait qu’on ne connaît actuellement pas de meilleure alternative.
Quoi qu’en disent certains, sur
base des données les plus fiables
dont on dispose actuellement, la
thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie par exercices
gradués sont les traitements dont
l’utilité relative reste la mieux documentée.
Lutter contre
les préjugés
Ce qui est indubitablement positif,
c’est que les centres de référence
ont organisé des séances d’information pour les partenaires et
l’entourage familial des patients.
En effet, de nombreux patients se
heurtent à l’incompréhension de
leur entourage immédiat. Ce qui a
un impact négatif sur leur moral
et ne fait qu’aggraver les choses. Il
>
WALLONIE ET FLANDRE
DES DIFFÉRENCES SURPRENANTES
Les Flamands sont-ils plus souvent atteints que les Wallons et les Bruxellois ? En
tout cas, le diagnostic de SFC est beaucoup plus souvent posé en Flandre.
Quand les centres de référence SFC ont été créés en 2002, l’intérêt en Wallonie
était beaucoup plus restreint qu’en Flandre. Quatre centres néerlandophones furent
finalement établis (trois en Flandre et un pour les enfants et adolescents à Bruxelles)
contre seulement un centre francophone à Bruxelles, avec une sous-section en Wallonie.
Depuis, le centre francophone de Bruxelles n’existe même plus.
En Flandre, on a dû établir des listes d’attente, tandis que le centre francophone n’a
jamais attiré tellement de patients. Il faut dire que le concept de "syndrome de fatigue
chronique" est beaucoup moins connu en Wallonie qu’en Flandre.
En revanche, en Wallonie, on pose plus souvent le diagnostic de fibromyalgie. La
fibromyalgie est également une entité controversée, caractérisée par des douleurs musculaires intenses. Elle présente toutefois certaines ressemblances avec le SFC.
´
´
´
test santé 94 décembre 2009/janvier 2010
Des résultats
parfois décevants
17
FATIGUE CHRONIQUE
LES ASSOCIATIONS DE PATIENTS
UN POINT DE VUE PARFOIS DIFFÉRENT
Certaines associations de patients SFC ne sont guère enthousiastes sur la manière
dont l’affection est aujourd’hui diagnostiquée et traitée.
Certaines associations rejettent résolument le modèle dit "biopsychosocial" du
SFC qui, selon elles, met unilatéralement l’accent sur la composante psychologique du
problème.
Ces associations favorisent plutôt une approche "biomédicale", estimant que le
SFC est une maladie qui doit être traitée par des neurologues et des spécialistes en
médecine interne, non par des psychologues et autres psychothérapeutes.
Ces associations préfèrent aussi parler d’encéphalomyélite myalgique plutôt que
de SFC. Leur point de vue étant que la maladie se caractérise par des inflammations du
cerveau et de la moelle épinière.
Un tel point de vue permet d’espérer un jour un traitement vraiment efficace et
strictement médical. Mais le rôle éventuel d’inflammations dans l’apparition du SFC est
un sujet fort controversé.
Associations de patients : www.me-cvs.be (site belge bilingue) ; www.aqem.org
(Québec) ; www.meab.be, www.mecvs.net et www.cvscontactgroep.be (sites belges
unilingues néerlandophones).
Associations : www.me-cvs.be, www.aqem.org , www.meab.be, www.mecvs.net
et www.cvscontactgroep.be.
´
´
´
´
´
´
rence, mais veut également confier
plus de responsabilités aux généralistes et aux spécialistes des hôpitaux non universitaires. Ce qui
était d’ailleurs prévu à l’origine,
lors de l’établissement des centres
de référence en 2002. A l’époque,
pour des raisons pratiques et financières, les formations requises
et les collaborations nécessaires
n’avaient toutefois pas pu être mises en place. Hélas, aujourd’hui,
des incertitudes demeurent. Qui
devra assurer les formations ? Où
trouver les budgets nécessaires ?
Quel sera le nouveau rôle des
centres de référence ? Comment
répondre aux souhaits et demandes des associations de patients ?
Bref, encore bien des problèmes
en perspective.
A. Driesen et K. Jooken
test santé 94 décembre 2009/janvier 2010
>
18
faut aussi savoir que, si une bonne
partie du traitement se déroule
dans les centres, il y a aussi une
partie que le patient effectue à domicile. Un climat familial positif
est alors une aide précieuse.
Mais il ne suffit pas de mieux informer l’entourage familial du patient. Les médecins eux-mêmes
connaissent parfois fort mal la
problématique du SFC. Il faudra
mieux les informer, d’autant plus
que leur rôle dans la prise en charge deviendra sans doute plus important dans les années à venir.
Un rôle accru pour
les médecins
Actuellement, le SFC est un sujet
qui n’est pas, ou à peine, abordé
dans les études de médecine. Pas
étonnant donc que les patients
se heurtent parfois à l’incompréhension de leur médecin. Il faut
que cela change. L’Inami souhaite
continuer avec les centres de réfé-
Les études
de médecine
devraient
consacrer
plus
d’attention
à cette
affection
NOS CONSEILS
D'abord le médecin de famille
Tout le monde se sent parfois fatigué. Même quand la
fatigue persiste, il ne s’agit pas pour autant nécessairement
du syndrome de fatigue chronique !
´
En cas de fatigue persistante sans cause apparente, le
médecin demandera, entre autres, des analyses de sang et
d’urine. Si cela ne permet toujours pas de déterminer la cause
du problème et si la fatigue dure plus de six mois, il pourrait
s’agir du SFC. Dans ce cas votre médecin peut vous renvoyer
vers un centre de référence SFC.
´
Indépendamment de toutes les controverses, il nous semble positif que les autorités veuillent à terme confier une partie
des tâches actuelles des centres de référence aux médecins
généralistes.
´
Il n’existe pas de médicament ou de remède miracle contre
le syndrome de fatigue chronique. Méfiez-vous des sites internet ou de personnes qui suggéreraient le contraire.
´
Téléchargement