La fatigue chronique : une controverse qui perdure – Test Santé

test santé 94 décembre 2009/janvier 2010
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Le syndrome
de fatigue
chronique (SFC)
reste une entité
controversée.
Une chose est
sûre : le problème
est bien réel
et nullement
imaginaire.
En Belgique,
le nombre de
personnes
touchées
se situerait
entre vingt
et cinquante
mille
FATIGUE CHRONIQUE
Syndrome Fort
Controver
Qu’est-ce que le syndrome de fa-
tigue chronique (SFC) ? Rien que
poser la question, su t à susciter
le débat. En e et, même le nom
de l’a ection fait l’objet de discus-
sions. Ainsi, d’aucuns estiment
qu’il serait plus correct de parler
d’encéphalomyélite myalgique
(EM). Mais ne compliquons pas
inutilement les choses : dans cet
article, nous utiliserons lexpres-
sion "syndrome de fatigue chroni-
que". D’autant plus que, pour les
autorités de santé, en particulier
l’Inami, c’est, jusqu’à nouvel ordre,
le nom à utiliser.
Beaucoup d'études,
peu de certitudes
En dépit d’un grand nombre d’étu-
des, on ne connaît toujours pas la
cause exacte du SFC. D’ailleurs,
mieux vaut sans doute parler de
"causes" au pluriel, car il est pro-
bable que divers facteurs jouent
un rôle.
Il n’y a à l’heure actuelle aucun
test clair et univoque permettant
de poser ou d’exclure avec certitu-
de un diagnostic de syndrome de
fatigue chronique. Le médecin est
supposé se baser sur un ensemble
de critères. Le premier est, cela va
de soi, la fatigue. Pas une fatigue
normale après une rude journée,
mais une fatigue persistante ou
récurrente, sans cause apparente
et, qui ne disparaît pas au repos.
Cette fatigue est telle qu’elle mine
la vie professionnelle et sociale de
la personne. Il faut, en outre, que
la fatigue soit présente depuis au
moins six mois, avant que l’on
puisse parler de SFC.
Mais une fatigue inexpliquée en
tant que telle ne su t pas pour un
diagnostic de SFC. Il faut, en outre,
qu’au moins quatre des symptô-
mes suivants soient présents, éga-
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FATIGUE CHRONIQUE
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LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
TCC CONTRE SFC
´ Divers dispensateurs de soins participent au traitement
dans les centres, notamment des kinés et des psychologues.
´ La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) se base sur
l’idée que les sentiments, réactions et comportements peuvent
être infl uencés en modifi ant sa manière de penser et de voir
les choses.
´ La partie physique du traitement consiste à pratiquer des
exercices, en principe de manière très progressive. L’objectif est
d’arriver, pas à pas, à faire toujours plus..
´ Ces thérapies n’améliorent hélas pas l’état de tous les
patients, loin de là. On a beaucoup critiqué les exercices qui
étaient imposés sans tenir compte des limitations individuelles
de chaque patient.
´ Actuellement, la thérapie par exercices gradués est sup-
posée être mieux taillée sur mesure, en tenant compte des pos-
sibilités réelles de chaque individu.
Les piliers du traitement sont la thérapie cognitivo-compor-
tementale et la thérapie par exercices gradués.
La fatigue
n’est pas
l’unique
symptôme qui
caractérise le
syndrome
Les centres de référence belges sont liés à des
cliniques universitaires.
lement depuis au moins six mois :
troubles de la mémoire ou de la
concentration ; mal de gorge ; gan-
glions du cou ou des aisselles sen-
sibles ; douleurs musculaires ou
articulaires ; maux de tête ; som-
meil non réparateur ; apparition,
après tout e ort, d’un malaise qui
persiste plus de 24 heures.
Il faut aussi savoir que la fatigue
et les symptômes évoqués peu-
vent avoir pour origine une mala-
die sous-jacente, que le médecin
devra exclure par des examens
approfondis. Ce n’est qu’ensuite
qu’on peut parler de SFC.
Il est donc normal que le diagnos-
tic prenne beaucoup de temps. Ce
serait plus simple s’il existait un
test  able basé sur une analyse de
sang ou d’urine, par exemple, mais
on n’en est pas encore là.
En pratique, le diagnostic est le
plus souvent posé dans un des
centres de référence agréés, mais il
peut parfaitement aussi être posé
par un médecin en dehors d’un
centre. Pour un meilleur rembour-
sement de certains traitements, il
faut toutefois une prescription éta-
blie par un centre de référence.
Signalons que la majorité des per-
sonnes pour lesquelles les centres
de référence diagnostiquent un
syndrome de fatigue chronique
sont des femmes (87 %).
Les centres restent
la référence
C’est en 2002 que les pouvoirs pu-
blics ont établi des centres de réfé-
rence pour le SFC. Lobjectif était
de mieux encadrer le diagnostic
et de proposer un traitement op-
timal basé sur les meilleures don-
nées scienti ques disponibles. Le
problème est hélas que, à l’heure
actuelle, il n’est toujours pas pos-
sible d’indiquer un traitement en
particulier qui serait vraiment très
e cace pour permettre le rétablis-
sement du malade.
Sur base des études, il semble que
les interventions susceptibles de
donner les meilleurs (ou les moins
mauvais) résultats soient la théra-
pie cognitivo-comportementale et
la thérapie par exercices gradués.
C’est pourquoi l’Inami et les cen-
tres de référence avaient d’emblée
opté pour cette approche. Un tel
programme de rééducation dans
un centre de référence dure envi-
ron 6 mois (le cas échéant étendu
sur une période d’un an). Le but
est d’améliorer l’état du patient,
tant en ce qui concerne ses symp-
tômes que sa qualité de vie.
Comme on pouvait s’y attendre,
l’expérience dans les centres de
référence belges a vite montré que
le traitement proposé ne convenait
pas à tout le monde. On a surtout
noté beaucoup de problèmes au
niveau de la thérapie par exercices
gradués, mal acceptée par de nom-
breux patients. Depuis, on tente de
mieux tenir compte des particula-
rités individuelles de chaque indi-
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DES DIFFÉRENCES SURPRENANTES
WALLONIE ET FLANDRE
´ Quand les centres de référence SFC ont été créés en 2002, l’intérêt en Wallonie
était beaucoup plus restreint qu’en Flandre. Quatre centres néerlandophones furent
nalement établis (trois en Flandre et un pour les enfants et adolescents à Bruxelles)
contre seulement un centre francophone à Bruxelles, avec une sous-section en Wallonie.
Depuis, le centre francophone de Bruxelles n’existe même plus.
´ En Flandre, on a dû établir des listes d’attente, tandis que le centre francophone n’a
jamais attiré tellement de patients. Il faut dire que le concept de "syndrome de fatigue
chronique" est beaucoup moins connu en Wallonie qu’en Flandre.
´ En revanche, en Wallonie, on pose plus souvent le diagnostic de fi bromyalgie. La
bromyalgie est également une entité controversée, caractérisée par des douleurs mus-
culaires intenses. Elle présente toutefois certaines ressemblances avec le SFC.
Les Flamands sont-ils plus souvent atteints que les Wallons et les Bruxellois ? En
tout cas, le diagnostic de SFC est beaucoup plus souvent posé en Flandre.
Le traitement
dans les
centres de
référence ne
permet pas
d’améliorer
l’état de tous
les patients
Vu les moyens limités, la thérapie cognitivo-comportementale se fait
dans des groupes de trois personnes. Une thérapie individuelle serait
plus effi cace.
vidu, pour proposer un traitement
un peu plus "sur mesure".
En principe, la convention entre
l’Inami et les centres se termine
n 2009, mais elle sera très proba-
blement renouvelée.
Des résultats
parfois décevants
En 2006, l’Inami publiait un rap-
port sur les résultats des centres
de référence pendant la période
2002-2004. Voyons les principales
conclusions.
■ Tant au terme de la revalidation
que six mois plus tard, on note
chez la plupart des patients une
certaine amélioration statistique-
ment signi cative en matière de
fatigue. Cependant, chez d’autres
il n’y a pas d’amélioration et par-
fois même une aggravation. Les
mêmes constats valent pour la
concentration et lactivité physi-
que.
■ En dépit de la relative améliora-
tion, les "scores" après traitement
restent de loin inférieurs à ceux
d’une population normale.
■ Personne n’a quitté le program-
me de rééducation avant terme
suite à une guérison complète.
Nonobstant, même si cela semble
actuellement rare, il y a aussi des
personnes qui se rétablissent tota-
lement.
■ Pour 71 % des patients, l’équipe
traitante était davis qu’une amé-
lioration su sante avait été attein-
te pour que le traitement puisse
être poursuivi par les prestataires
de soins de première et de deuxiè-
me ligne (médecins généralistes et
spécialistes).
■ Les résultats des centres SFC
semblent moins bons que les ré-
sultats obtenus lors des études
antérieures, qui avaient montré
un e et positif de la thérapie com-
binée. Une explication possible est
le manque de moyens dont dispo-
sent les centres. En outre, pour les
études, les participants sont triés
sur le volet et ne représentent pas
nécessairement tout à fait les pa-
tients traités par les centres.
La décision de malgré tout conti-
nuer dans cette voie sexplique par
le fait qu’on ne connaît actuelle-
ment pas de meilleure alternative.
Quoi qu’en disent certains, sur
base des données les plus  ables
dont on dispose actuellement, la
thérapie cognitivo-comportemen-
tale et la thérapie par exercices
gradués sont les traitements dont
l’utilité relative reste la mieux do-
cumentée.
Lutter contre
les préjugés
Ce qui est indubitablement positif,
c’est que les centres de référence
ont organisé des séances d’infor-
mation pour les partenaires et
l’entourage familial des patients.
En e et, de nombreux patients se
heurtent à l’incompréhension de
leur entourage immédiat. Ce qui a
un impact négatif sur leur moral
et ne fait qu’aggraver les choses. Il
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FATIGUE CHRONIQUE
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NOS CONSEILS
D'abord le médecin de famille
´ Tout le monde se sent parfois fatigué. Même quand la
fatigue persiste, il ne s’agit pas pour autant nécessairement
du syndrome de fatigue chronique !
´ En cas de fatigue persistante sans cause apparente, le
médecin demandera, entre autres, des analyses de sang et
d’urine. Si cela ne permet toujours pas de déterminer la cause
du problème et si la fatigue dure plus de six mois, il pourrait
s’agir du SFC. Dans ce cas votre médecin peut vous renvoyer
vers un centre de référence SFC.
´ Indépendamment de toutes les controverses, il nous sem-
ble positif que les autorités veuillent à terme confi er une partie
des tâches actuelles des centres de référence aux médecins
généralistes.
´ Il n’existe pas de médicament ou de remède miracle contre
le syndrome de fatigue chronique. Méfi ez-vous des sites inter-
net ou de personnes qui suggéreraient le contraire.
UN POINT DE VUE PARFOIS DIFFÉRENT
LES ASSOCIATIONS DE PATIENTS
´ Certaines associations rejettent résolument le modèle dit "biopsychosocial" du
SFC qui, selon elles, met unilatéralement l’accent sur la composante psychologique du
problème.
´ Ces associations favorisent plutôt une approche "biomédicale", estimant que le
SFC est une maladie qui doit être traitée par des neurologues et des spécialistes en
médecine interne, non par des psychologues et autres psychothérapeutes.
´ Ces associations préfèrent aussi parler d’encéphalomyélite myalgique plutôt que
de SFC. Leur point de vue étant que la maladie se caractérise par des infl ammations du
cerveau et de la moelle épinière.
´ Un tel point de vue permet d’espérer un jour un traitement vraiment effi cace et
strictement médical. Mais le rôle éventuel d’infl ammations dans l’apparition du SFC est
un sujet fort controversé.
´ Associations de patients : www.me-cvs.be (site belge bilingue) ; www.aqem.org
(Québec) ; www.meab.be, www.mecvs.net et www.cvscontactgroep.be (sites belges
unilingues néerlandophones).
´ Associations : www.me-cvs.be, www.aqem.org , www.meab.be, www.mecvs.net
et www.cvscontactgroep.be.
Certaines associations de patients SFC ne sont guère enthousiastes sur la manière
dont l’aff ection est aujourd’hui diagnostiquée et traitée.
faut aussi savoir que, si une bonne
partie du traitement se déroule
dans les centres, il y a aussi une
partie que le patient e ectue à do-
micile. Un climat familial positif
est alors une aide précieuse.
Mais il ne su t pas de mieux in-
former l’entourage familial du pa-
tient. Les médecins eux-mêmes
connaissent parfois fort mal la
problématique du SFC. Il faudra
mieux les informer, d’autant plus
que leur rôle dans la prise en char-
ge deviendra sans doute plus im-
portant dans les années à venir.
Un rôle accru pour
les médecins
Actuellement, le SFC est un sujet
qui n’est pas, ou à peine, abor
dans les études de médecine. Pas
étonnant donc que les patients
se heurtent parfois à l’incompré-
hension de leur médecin. Il faut
que cela change. L’Inami souhaite
continuer avec les centres de réfé-
Les études
de médecine
devraient
consacrer
plus
d’attention
à cette
aff ection
rence, mais veut également con er
plus de responsabilités aux géné-
ralistes et aux spécialistes des hô-
pitaux non universitaires. Ce qui
était d’ailleurs prévu à l’origine,
lors de l’établissement des centres
de référence en 2002. A l’époque,
pour des raisons pratiques et  -
nancières, les formations requises
et les collaborations nécessaires
n’avaient toutefois pas pu être mi-
ses en place. Hélas, aujourd’hui,
des incertitudes demeurent. Qui
devra assurer les formations ? Où
trouver les budgets nécessaires ?
Quel sera le nouveau rôle des
centres de référence ? Comment
répondre aux souhaits et deman-
des des associations de patients ?
Bref, encore bien des problèmes
en perspective.
A. Driesen et K. Jooken
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