"Ecoute, Israël" (Deut. 6,4-9) : Le Shema"
La confession de foi des v. 4-9 forme, avec Deut. 11,13-21 et Nombres 15, 37-41, la
prière quotidienne d'Israël. Il s'agit d'un acte rituel, liturgique. C'est en prononçant ces
mots: "ECOUTE, Israël! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN" que le croyant
israélite exprime sa foi.
Selon le Nouveau Testament, Jésus reprendra ce texte: "Tu aimeras le Seigneur ton
Dieu...", en le reliant au "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" de Lévit. 19,18,
dans le célèbre "sommaire de la Loi" (Mat 22, 34-40; Marc 12, 28-34; Luc 10, 25-28). Il
s'agit donc d'une confession de foi centrale tant pour l'Ancien que pour le Nouveau
Testament.
Du point de vue de la théologie pratique, ce texte figure les trois moments centraux
vie spirituelle:
- Ecouter
- Aimer
- Transmettre
1 Ecouter
1. Écouter, c'est faire un choix. Dieu doit être aimé exclusivement et totalement:
"C'est YHWH notre Dieu, YHWH seul!" Le Seigneur n'est pas divisible: "C'est
moi le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de
servitude" (Deut. 5,6). Il ne s'agit pas d'un monothéisme théorique, mais d'un
choix existentiel en vue d'une vie libre. Ce n'est pas le théisme qui est en jeu (si
Dieu existe), mais quel Dieu nous voulons choisir parmi les autres dieux (dont
l'existence n'est pas niée). Vivre libre, c'est donc écouter cette voix unique de
YHWH venant nous parler.
2. Appel aux lecteurs et lectrices: ECOUTE, lecteur, "c'est moi le Seigneur ton
Dieu". Il faut refaire ce choix chaque jour, aujourd'hui (v.6). Le Deutéronome, ce
prédicateur qui annonce la Loi prêchée et la confession de foi d'hier pour chaque
maintenant, insiste beaucoup là-dessus (cf. note e) de la TOB ad Deut. 1, 10).
Ce qu'il faut comprendre, c'est que cet "aujourd'hui" désigne à la fois le jour où
Moïse s'adressa à Israël pour lui donner la Loi ("les dix Paroles" = Décalogue,
Deut.5 et Exode 20) et le jour où le Seigneur interpelle les lecteurs du livre.
Nous sommes faits contemporains de la Parole que Moïse adresse à son peuple
de la part de Dieu.
3. Écouter, ce n'est donc pas "lire" seulement ou "faire l'exégèse du texte", mais
c'est se remémorer, se souvenir, "répéter" (v.7: la racine du verbe donnera
Mischna, la Torah orale), murmurer, dire, transmettre. En Israël, il s'agissait
d'une récitation orale (cf. Ps 1,2) de type liturgique, comme plus tard dans la
tradition monastique (lectio divina). L'écoute est donc un processus global,
holistique, qui inclut toute la personne. Ce qui est visible dans l'abondance des
pronoms personnels: "notre Dieu"; "ton Dieu"; "ton coeur"; "ton être"; "ta force";
etc. L'écoute est un effort d'attention, au centre de la personne, afin de donner
un élan à son engagement et à son action. Cet élan, c'est la vie spirituelle.
Telle est donc la "logique" globale de l'acte d'écouter: de l'affirmation
théocentrique centrale (Dieu est Un), on passe à l'exigence, non de craindre,
mais d'aimer de toute sa personne (3 fois "tout") dans toutes les circonstances
de la vie tant personnelle ("sur ton coeur") que familiale (tes enfants), historique
(sur la route), quotidienne (couché/debout) et sociale (ta maison, la ville).
L'unicité de ce Dieu implique une réponse totale, non partagée, de la part de
l'humain ainsi appelé (cf. Jacques 1,8 et 4,8).