rapporté dans le Ta'rîkh de Tabarî (m. 920) au moment de la révolte de celui que l'on
nomme Muhammad al-Nafs al-Zakiyya.
Ce personnage s'identifiait ainsi dans la mesure où il descendait de al-Hasan, le fils
aîné de 'Alî et Fâtima par son père et de al-Husayn, le fils cadet, par sa mère. Il se
trouvait donc au "centre" de la généalogie hachémite ce qui était censé lui donner
une légitimité supérieure à celle du calife de la branche abbaside qui descendait non
de Muhammad directement mais de son oncle 'Abbas.
En dehors du rapport de force politique en sa défaveur, ce raisonnement avait une
faille dans la mesure où si le révolté, tout comme les abbasides, se réclamait de
Muhammad : il descendait de lui par une femme, Fâtima, fille de Muhammad, tandis
que le calife en place descendait du clan hachémite par un homme, l'un des oncles
paternels de Muhammad. Or, est il rappelé dans la réponse que le calife est censé
faire au révolté, que l'héritage politique se transmet par les hommes et non par les
femmes. L'expression est néanmoins très intéressante pour faire prendre la mesure
des enjeux de socialité que véhicule le wasat dans son contexte d'origine.
La compréhension actuelle de «umma wasat » tend à diffuser l’idée que l’islam est la
religion de la « voie modérée », de la religion modérée en opposition aux
conceptions extrémistes de la religion. Cette préoccupation n’était pas celle des
premiers hommes de l’islam qui n’imaginaient même pas l’idée de « modération » ou
de « tolérance », concepts qui sont survenus plus tard dans l’histoire des
civilisations.
PROPOSITION DE TRADUCTION DU VERSET 2, 143
A la lumière de ces observations, comment faut-il comprendre le verset 143 de la
sourate 2 ? Toute traduction est perfectible, mais toute traduction se doit d'essayer
de restituer le message, quitte à lui ajouter quelques commentaires. Dans ce sens, le
verset en question peut s'entendre comme suit :"De vous nous avons fait un groupe
bien guidé, ummatan, qui reste bien centré, wasatan(sur la voie tracée en évitant
de s'en écarter comme le font les juifs médinois) pour que vous soyez les témoins
(de la véritable direction de la qibla) devant les hommes (de Médine donc ceux qui
sont là devant vous) et que le messager (Muhammad) soit témoin devant vous. Nous
n'avions placé la direction du culte, qibla, que tu suivais auparavant (quand tu étais à
La Mekke) que pour que nous reconnaissions celui qui suivait le messager de celui
qui tournait les talons. Même si cela est chose grave, elle ne l'est pas pour ceux
qu'Allah guide. Allah n'aurait pas laissé se perdre la foi que vous avez en lui. Allah
est bienveillant et miséricordieux avec les hommes (il s'agit des hommes concernés
par cette affaire en son temps, pas de l'humanité)"
On ne peut que constater que l'insertion textuelle du passage sur la umma wasat lui
enlève totalement l'horizon de généralité intemporelle qui me semble, ici, une pure
extrapolation. On ne peut que constater qu'il s'agit d'un passage conjoncturel que l'on
ne saurait faire échapper à son contexte