IRE LES LIVRES ET LES IDÉES 122 Editorial D’un empire à l’autre l Bernard 123 Les marchés expliqués aux marchands l Roger 125 Guesnerie Le Robin des Bois de Wall Street l Charles 130 Paquot Marions-nous pour être riches et heureux ? l Julien 138 Le Lien Quand Paris était capitale du monde l Thierry 134 Cazes Damon La « culture », un bagage génétique ? l Dominique 142 Guillo L’historien face à l’abominable l Jean-Louis Margolin LE BILLET DE GÉRARD MOATTI Leçons de printemps G rèves, manifs, réformes : un printemps pourri pour l’économie française, comme prix à payer pour un indispensable changement. On peut, selon l’humeur, se réjouir du résultat ou déplorer son coût. En tout cas, ces semaines pesantes nous auront peut-être appris quelque chose sur la politique, les syndicats, et la société française. En politique, une confirmation : vouloir faire passer plusieurs réformes à la fois – on l’avait déjà vu en 1995 –, c’est s’exposer au risque d’offrir aux adversaires l’occasion de faciles amalgames. Les retraites, plus la décentralisation de quelque Les grands syndicats 110 000 fonctionnaires, plus l’autonomie des universités, c’était beaucoup. En outre, cet encom- ont éprouvé, plus que brement a brouillé la perception des véritables motivations des contestataires. Mobilisés pour jamais, la nécessité de défendre leurs futures pensions, les enseignants renforcer leur légitimité grévistes ont pu mettre en avant la régionalisation (au demeurant parfaitement justifiée) d’agents pour être des interlocu– non enseignants – en criant au « démantèlement de l’éducation nationale ». Mais, au-delà des pré- teurs forts et fiables. textes contestables, l’ampleur de leur mouvement, les formes surprenantes, parfois désespérées qu’il a prises, n’exprimaient-elles pas surtout le malaise d’une profession en mal de reconnaissance sociale et doutant de ses missions ? Les syndicats du « front du refus », eux, avaient des motivations claires. Ceux de l’éducation nationale détestent la décentralisation, parce que tout ce qui contrarie la « massification » de leurs troupes ébrèche leur pouvoir. Ceux des entreprises publiques ont bien compris que le régime de retraite des fonctionnaires était un précieux rempart pour défendre les avantages de leurs propres régimes. Mais le principal échec des grandes centrales réfractaires – outre leur impuissance à mobiliser les salariés du privé – est d’avoir été manifestement dépassées par une partie de leur base. Sans doute ont-elles éprouvé, plus que jamais, la nécessité de renforcer leur légitimité pour être des interlocuteurs forts et fiables : sur ce point, les projets de la CGT et de la CFDT (fondant la représentativité des syndicats, pour la signature des accords, sur les résultats des élections professionnelles) sont assez proches. L’expérience de juin va peut-être servir à accélérer leur mise en œuvre. Enfin, sur un plan plus général, la société française a commencé à sortir du « quant-à-soi » que nous évoquions récemment dans ces colonnes (n° 39). La devise « chacun pour soi, l’Etat pour tous » perd de sa force quand l’avantage dont bénéficie une catégorie rompt l’équité de façon trop voyante, et se traduit par un désavantage patent pour d’autres catégories : c’est le cas des retraites des fonctionnaires, puisqu’elles sont directement à la charge du budget de l’Etat. On a constaté, pour la première fois, que le soutien apporté par l’opinion aux grévistes – naguère assez général – se fissurait sérieusement. Il y a peut-être là, comme le craint le Premier ministre, le risque d’une « déchirure sociale ». Mais aussi le signe d’une meilleure Sociétal N° 41 e 3 trimestre 2003 3