Revue Médicale Suisse
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5 février 2014 365
mieux comprendre ce qui se trame en son
sein ? Georges Canguilhem a-t-il véritable-
ment vu, dans l’invention du stéthoscope
par Laennec, le début de l’éclipse du symp-
tôme par le signe (Rev Med Suisse 2008;4:
1179) ? Ne faut-il pas plutôt distinguer, dans
ces quelques centimètres amplificateurs, une
marche supplémentaire vers l’objectivation-
distanciation du patient ? Avec en prime
l’abandon du mouchoir médical de la pu-
deur hygiénique.
L’histoire piaffe. De nombreuses amélio-
rations sont rapidement apportées (adapta-
teurs en ivoire, tube flexible...) mais il faut
attendre le milieu du XIXe siècle pour voir
apparaître le stéthoscope à deux oreilles (bi-
auriculaire) dont le principe est toujours
d’actualité. Le plus célèbre est aujourd’hui
celui mis au point au début des années 1960
par le cardiologue américain David Littmann
avec double pavillon réversible. Il est désor-
mais omniprésent dans la pratique médicale,
qu’il s’agisse du cœur, des poumons, de
l’abdomen, du fœtus ou de la tension arté-
rielle.
Omniprésent certes, mais demain ? Dans
un éditorial de la dernière livraison de la
revue Global Heart,2 les Prs Jagat Narula et
Bret Nelson (Mount Sinaï School of Medi-
vine, New York) laissent entendre que ses
jours sont peut-être comptés. L’invention
durable de Laennec résistera-t-elle encore
longtemps à l’avènement des ultrasons et
de l’échographie, d’appareils de moins en
moins volumineux, de moins en moins coû-
teux ?
«Au moment où nous écrivons ces lignes,
plusieurs constructeurs proposent des écho-
graphes portables, à peine plus gros qu’un
paquet de cartes à jouer, avec une technolo-
gie et des écrans inspirés des smartphones
modernes» écrivent les deux médecins amé-
ricains. La taille et le prix des échographes
miniatures continuent de diminuer sans que
la qualité des images en soit altérée. «De ce
fait, de nombreux experts ont affirmé que
l’échographe était devenu le stéthoscope du
XXIe siècle. Mais alors, pourquoi ne trouve-
t-on pas d’appareils à ultrasons dans la poche
de tous les cliniciens» interrogent les Prs
Narula et Nelson. Plusieurs facteurs entrent
en ligne de compte. Parmi eux, le fait que de
nombreux cliniciens d’âge mûr ont terminé
leurs études bien avant que l’échographie
ne devienne une pratique de base dans leur
spécialité.
Les stéthoscopes les moins
onéreux sont par ailleurs deve-
nus objets presque jetables alors
qu’ils étaient hier encore pieu-
sement conservés par les mé-
decins tout au long de leur car-
rière. Mais les appareils à ultra-
sons les moins chers coûtent
encore plusieurs milliers de dol-
lars. Ce qui est un obstacle
majeur dans les pays en déve-
loppement. Pour autant, le mou-
vement de substitution est en
marche et il est irréversible.
«Les conditions sont réunies
pour un bou leversement, assu-
rent les deux médecins. Les vi-
nyles ont été remplacés par les
cassettes audio, puis par les CD
et par les MP3. Le stéthoscope finira par
s’incliner de la même manière face à l’écho-
graphie. Les étudiants en médecine vont
s’entraîner à utiliser ces appareils portables
pendant leurs études précliniques. Puis ils
auront accès à des anatomies et des physio-
logies vivantes qui n’étaient jusqu’ici con-
sultables que via des simulations. Ces étu-
diants verront l’avè nement d’une échogra-
phie guidée par une ultrasonographie ciblée.
Puis une fois en position d’autorité, ils réali-
seront peut-être que le potentiel de cette
technologie aujour d’hui balbutiante est en-
core bien plus étendu.»
Que deviendront nos vieux stéthoscopes ?
Seront-ils nettoyés, étiquetés, et placés sous
scellés ? Vendus dans les brocantes et ache-
tés par des férus de l’antique acoustique
analogique ? Qui, le 17 février 2016, sera de-
vant le Louvre pour célébrer la mémoire de
Laennec ?
Jean-Yves Nau
jeanyves.nau@gmail.com
1 A noter une édition toujours disponible et accessible (7
euros) de la thèse de Louis-Ferdinand Destouches sou-
tenue en 1924 et consacrée à la vie et à l’œuvre de Phi-
lippe Ignace Semmelweis : Céline L.F. Semmelweis,
préface de Philippe Sollers. Paris : Gallimard, 1999.
2 Nelson BP, Narulay J. How relevant is point-of-care ultra-
sound in LMIC ? Global Heart 2013;8:287-8.
Testostérone et réponse
immunitaire
Niveau de testostérone, expression génique
et réponse immunitaire sont corrélés, comme
le démontre pour la première fois une étude
menée à l’Institute for immunity, transplanta-
tion and infection de Stanford.
1
On savait déjà que les femmes répon-
dent plus fortement à la vaccination que les
hommes. Il ressort de cette nouvelle étude –
ayant inclus 53 femmes et 34 hommes,
suivis pendant plusieurs années après une
vaccination annuelle contre la grippe –, que
le système immunitaire des hommes ayant
un taux de testostérone élevé réagit de fa-
çon moins importante à la vaccination. Les
auteurs ont remarqué la sensibilité à la
testostérone d’un ensemble de gènes, re-
groupés sous le nom de Module 52, impli-
qués dans la régulation immunitaire. Les
hommes ont ensuite été répartis en deux
groupes : ceux chez qui la testostérone cir-
culante était au-dessus de la moyenne, et
ceux pour lesquels elle était moyenne ou
inférieure. Dans le premier groupe, une
haute activation du Module 52 était corrélée
à une quantité moindre d’anticorps postvac-
cination. «La testostérone ne semble pas
"refroidir" directement la réponse immuni-
taire, mais interagirait plutôt avec cet en-
semble de gènes en atténuant la réponse»,
résument les auteurs.
On ne peut pourtant pas dire qu’une ré-
ponse immunitaire élevée soit un réel avan-
tage des femmes sur les hommes. Selon
lhypothèse des auteurs, la testostérone
pourrait en fait prévenir les surréactions du
système immunitaire auxquelles les femmes
sont plus sujettes.
Marina Casselyn
1 Furman D, Hejblum BP, Sion N, et al. Systems analysis
of sex differences reveals an immunosuppressive role for
testosterone in the response to influenza vaccination.
PA N S 2014;111:8 69 - 74.
immunologie
D.R.
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