donner toute sa place à la vie culturelle et spirituelle. Al-Gabarti relate par ailleurs la présence
des Français en Egypte, mais sensible aux mouvements profonds de l'histoire, il se montre
inquiet avant tout de l'interruption d'un pèlerinage qui relie le croyant à l'Islam et à ses
semblables.
C'est autour de cet enjeu de l'identité que s'affirme la résistance du monde musulman :
veillons à ne pas créer une véritable ligne de fracture, à ne pas donner le sentiment que
modernité et religion s'opposeraient. En campant sur une supériorité technologique, l'Occident
risquerait à la fois de susciter de nouvelles formes d'opposition et d'obscurcir le vrai visage de
la modernité, qui s'exprime à travers l'éducation, le progrès, la tolérance et l'ouverture.
Chateaubriand écrivait déjà : " Il est temps que l'homme européen s'efface pour qu'on
découvre une autre planète ". Dans un monde où l'identité fournit la clé des rapports entre les
peuples, veillons, sans que la modernité ne s'efface, à ce qu'elle n'apparaisse pas comme rivale
des traditions et des religions.
Nous devons être d'autant plus vigilants que face au risque de crispation des sociétés, le
fondamentalisme se veut un remède séduisant. Il n'est pas propre à l'islam, et constitue la
forme extrême d'un repli identitaire, sa cristallisation exacerbée. Aujourd'hui, ni l'islam ni le
christianisme ne sont des religions violentes : partout le fanatique peut trouver dans la religion
prétexte à la dérive de l'intolérance.
A la source des mouvements terroristes, certains développements récents doivent être mis en
valeur. La libération de l'Afghanistan par les combattants musulmans face à l'URSS d'hier a
ouvert la voie aux revendications intégristes qui ont su ensuite exploiter, après la première
guerre du Golfe, la présence militaire occidentale en Arabie Saoudite et se transformer en
opposition au régime saoudien et à ses appuis occidentaux. Les premières traductions
violentes en furent rapides, avec les attentats anti-américains de 1995 et 1996 à Riyad et Al-
Khobar.
Ces mouvements terroristes sont évidemment, d'où qu'ils viennent, inexcusables. Il ne saurait
y avoir de bons et de mauvais terroristes. Ils font planer sur le monde occidental, mais aussi
sur le monde musulman, la menace de la pire barbarie. Prenons garde, cependant. Tout ce qui
attise le sentiment d'humiliation facilite la propagande fondamentaliste. Avec l'image souvent
répandue d'un islam des banlieues, ne cédons pas à l'épouvantail des " classes dangereuses "
du XIXè siècle. Nous ne ferions qu'attiser, à travers le rejet de l'autre, le réveil d'identités
blessées au sein de nos propres sociétés. Est-ce un hasard si les principaux acteurs d'Al Qaeda
ont tous été élevés dans un milieu occidental ? La Suède pour Ben Laden, le Royaume-Uni
pour Omar Sheikh, le ravisseur de Daniel Pearl. Veillons à ce qu'une rencontre ratée entre
deux mondes n'enfante pas d'autres individus déterminés à la violence la plus radicale.
Aujourd'hui, face aux difficultés sociales qui se manifestent au sein du monde musulman, les
intégristes se font fort de proposer un mode alternatif : l'éducation religieuse stricte des
madrasas au lieu des écoles laïques, des prêts de confiance au lieu des banques, la charité
religieuse au lieu de l'Etat providence. Cette propagande se nourrit également de deux facteurs
géopolitiques :
- Les conflits régionaux, d'abord, qui créent des zones de désordre et de non-droit favorables
au recrutement et à l'entraînement des terroristes, à l'image de l'Afghanistan d'hier. Ces crises
gangrènent le monde. Le conflit israélo-palestinien déchire des peuples qui ont tous deux
vocations à vivre dans la dignité et la sécurité. Israéliens et Palestiniens, juifs, musulmans et