une grande oasis sahélienne, à l’instar du delta intérieur du Niger. Partagé entre quatre Etats (Tchad, Niger,
Nigeria, Cameroun), il abrite aussi des enjeux économiques et géopolitiques [1] .
Une opinion communément répandue, fréquemment véhiculée par les médias à partir de travaux scientifiques
pourtant contestés (cf. infra), considère que le lac Tchad diminue inexorablement, sous l’effet du réchauffement
climatique – qui ferait baisser la pluviométrie dans les zones sèches comme le Sahel et augmenterait
l’évaporation – et des prélèvements anthropiques – qui limiterait les apports au lac de ses tributaires. On le voit
ainsi en mer d’Aral africaine, condamné à disparaître à brève échéance, victime de l’irresponsable action
humaine sur la nature.
Au risque de décevoir le lecteur, la seule certitude que l’on puisse énoncer d’emblée, c’est que l’on ne sait pas
quelle part le réchauffement climatique prendra dans l’avenir du lac Tchad. Ce que l’on sait en revanche, c’est
que le bas niveau actuel du lac a déjà été connu à plusieurs reprises par le passé, et que les Cassandre se trompent
probablement : si l’utilisation humaine des eaux du bassin demeure à un niveau comparable à ce qu’elle est
actuellement, le lac ne devrait pas disparaître à brève échéance, c’est-à-dire à l’échelle du temps humain [2].
En effet, le lac Tchad a été abondamment étudié, notamment par des chercheurs de l’ORSTOM (aujourd’hui
I.R.D), sous l’angle des dynamiques environnementales, de la biologie [3] , de la pêche [4] , de l’hydrologie [5].,
mais aussi de l’histoire, du peuplement et des systèmes agricoles et économiques [6] . Les relations entre
l’histoire de ces recherches et celle du lac ne sont pas sans intérêt. Les études de terrain sur le lac ont été
importantes dans les années 1950 à 1970, correspondant au « moyen Tchad » (cf. infra). Avec la sécheresse des
années 1970, on entre dans une période de « petit lac ». Ce moment correspond aussi à la guerre civile
tchadienne, dont les différents épisodes vont éloigner les chercheurs du lac au moins jusqu’au milieu des années
1990. Durant les 20 dernières années, la recherche prend de la hauteur : la télédétection prend le pas sur
l’approche au ras du sol. Cela favorise des découvertes, comme celle du Méga-lac Tchad de l’Holocène [7] .
Mais cela autorise aussi certains contresens, comme l’analyse de la NASA selon laquelle le rétrécissement du lac
entre la fin des années 1960 et la période actuelle annonce sa disparition (NASA 2001).
Il s’agira ici de décrire les variations du lac Tchad et son fonctionnement actuel ; puis de présenter l’histoire des
relations entre les sociétés riveraines et le lac, pour s’interroger enfin sur les scenarii d’évolution du lac et les
enjeux anthropiques associés, dans le contexte du changement climatique.
Figure 1 : Le bassin hydrographique théorique du lac Tchad