Sécurité au travail
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par Anna Aznaour
Les fenêtres de l’âme embrumées
Les quatre dysfonctionnements dus
aux erreurs de réfraction sont la myo-
pie (difficultés à voir de loin en raison
d’un œil trop grand, bonne vision de
près), l’hypermétropie (baisse de
l’acuité visuelle à toute distance en
raison d’un œil trop petit et surtout
de près), l’astigmatisme (vision défor-
mée de près comme de loin due à un
globe oculaire pas parfaitement sphé-
rique), et la presbytie (la vision de près
est floue en raison d’une lentille cris-
talline devenue un peu trop rigide
sous l’effet de l’âge, celle de loin est
bonne). Tous ces problèmes de réfrac-
tion peuvent être corrigés par le port
des lunettes ou de lentilles de
contact. En cas d’hypermétropie ac-
compagnée de mauvaise coordination
entre les deux yeux, le travail sur
écran est encore plus fatigant.
Quant aux problèmes de coordination
oculaire, qui sont la seconde cause de
la fatigue oculaire, il s’agit de troubles
qui entravent la tendance naturelle
de nos yeux de s’accommoder de la
distance de l’objet afin d’en obtenir
ria Fleury – optométriste et Jean-
Bernard Weber – avocat.
Le travail sur écran, la pollution, la
mauvaise hygiène de vie sont au-
tant de raisons pour expliquer la
fatigue oculaire récurrente de nos
contemporains. Quelles en sont les
raisons médicales Docteur Molnar?
Istvan Molnar: Les problèmes de ré-
fraction (vision floue) et ceux de coor-
dination oculaire sont les causes prin-
cipales de cette gêne visuelle. Tout
d’abord quelques explications sur le
fonctionnement de l’œil. A l’avant de
l’œil, se trouvent la cornée (mem-
brane transparente extérieure) et la
lentille cristalline (structure transpa-
rente juste derrière la pupille), res-
ponsable de la mise au point des
rayons lumineux qui proviennent de
ce que nous voyons sur la rétine, or-
gane sensible à la lumière. L’erreur de
réfraction est un problème qui sur-
vient lorsque le système de mise au
point de l’œil ne fonctionne pas adé-
quatement, ce qui occasionne une vi-
sion floue.
Au conseil suprême des sept sages, un
jour un commerçant apporta un petit
objet rond dont il se plaint de ne pas
pouvoir trouver ni l’origine ni l’utilisa-
tion. Même ses efforts de pesée res-
taient vains puisque rien de ce qu’il
mettait sur la balance ne la faisait
pencher de l’autre côté que celui de
cette petite boule. Après moult dis-
cussions, l’un des sages proposa de
mettre un peu de terre sur un des pla-
teaux et c’est alors que la balance
pencha finalement du côté de la terre.
Le verdict du sage fut: «Cette boule
est l’œil de l’être humain, tant qu’il
n’est pas couvert de terre (donc en-
terré), il est insatiable».
Les yeux appelés également les fe-
nêtres de l’âme, sont les outils qui
nous permettent de savourer les
images et les trois dimensions qui
nous entourent et pour ce faire, tous
les moyens sont bons: la lecture, la
télévision, l’Internet et j’en passe.
Mais que faire quand ce trop plein
d’information les embrume ou pire
encore, les endommage? Quelles so-
lutions pour ceux dont la vue pâtit à
cause de leur profession? Voici les ré-
ponses de nos trois sages: Istvan Mol-
nar – ophtalmologue chirurgien, Hou-
Houria Fleury, Dr en optique physiologique, Spécialiste des verres de
contact, Genève.
Istvan Molnar, Ophtalmologue
chirurgien, Genève.
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tuellement, on ne perd plus forcé-
ment la vue suite à cette maladie, car
on dispose désormais de traitements
efficaces, en particulier dans les
formes dites « humides », d’où l’im-
portance d’un diagnostic et d’un trai-
tement précoce.
En ce qui concerne le glaucome, son
danger est lié à la difficulté de le dé-
tecter à temps puisque l’acuité vi-
suelle reste bonne pendant très long-
temps contrairement au champs
visuel qui lui s’altère progressivement
sans pour autant que le patient s’en
rende compte au début. La plupart
des types de glaucome se caractéri-
sent par une pression intraoculaire
élevée, et c’est essentiellement à cela
qu’il faut s’attaquer pour prévenir son
aggravation. Le glaucome étant une
maladie difficilement détectable à ses
débuts, il serait judicieux de sou-
mettre notamment les travailleurs
actifs aux dépistages annuels afin
d’en prévenir les effets néfastes.
L’amblyopie chez l’enfant était autre-
fois une cause importante de mau-
vaise vue d’un œil. Cette mauvaise
vue était due au fait qu’un des deux
yeux avait un problème de réfraction
plus important que l’autre et l’œil le
plus proche de la perfection devenait
dominant. Ainsi, la relation entre l’œil
et le cerveau ne se développait pas
bien pour l’autre oeil. Ces vingt der-
nières années, de nombreuses prises
en charges et modules de prévention
dans les milieux scolaires ont permis
de détecter les troubles oculaires chez
les enfants et de traiter en particulier
l’amblyopie avant qu’elle ne devienne
irréversible.
Globalement, des programmes de
prévention coûteraient beaucoup
moins cher aux employeurs et d’une
manière générale à la société que les
arrêts maladie ou encore une cécité
invalidante des personnes concer-
nées.
Quelle est, Docteur Fleury, la
différence entre un ophtalmologue
et un optométriste?
Houria Fleury: La principale différence
peut être correctement transmise à
la rétine, ce qui produit une image
floue) n’est pas l’apanage exclusif des
personnes âgées. Lors de ma pratique
au Mali, j’ai pu constater la proliféra-
tion de ce trouble chez les patients
très jeunes. Une des explications se-
rait les expositions non-protégée aux
rayons ultraviolets. D’ailleurs en ma-
tière de maladies professionnelles, la
cataracte touche plus particulière-
ment les travailleurs exposés aux ra-
diations ionisantes; ces situations
sont toutefois devenues très rares.
En matière de mise en garde et de
programme de prévention, quelles
seraient à votre avis les maladies
oculaires prioritaires?
La DMLA (La dégénérescence macu-
laire liée à l’âge) qui attaque la vision
centrale et le glaucome. Ces deux ma-
ladies sont les principales causes de
cécité dans les pays développés! Chez
l’enfant il faut détecter l’amblyopie à
temps.
La DMLA est à ce jour la plus impor-
tante cause de perte de vision chez les
personnes âgées de plus de 50 ans.
Avec l’actuel vieillissement de la po-
pulation, le nombre de patients at-
teints de cette maladie va, ces pro-
chaines années, connaître une
recrudescence très importante. Ac-
une vision nette. Dans cette optique,
l’œil tend à converger ou à diverger.
Or, c’est la superposition des images
perçues par les deux yeux qui permet
de voir en tridimensionnel. Ainsi, lors-
qu’un problème de coordination
entre les mouvements des deux yeux
pouvant se manifester au début par
des maux de tête ou une fatigabilité
visuelle accrue survient, si le port de
lunettes appropriées ne suffit pas, un
traitement de rééducation orthop-
tique peut s’avérer nécessaire. Ceci
essentiellement dans le but de réap-
prendre aux deux yeux à travailler en-
semble en parfaite harmonie. Enfin,
d’autres problèmes, tels que la pollu-
tion ou un air ambiant trop sec sur-
tout dans les environnements clima-
tisés peuvent être source d’irritations
oculaire persistantes mais traitables.
Dans votre pratique d’ophtalmo-
logue chirurgien, quelles sont les
principales raisons de consultation
de vos patients?
Parmi toutes les difficultés rappor-
tées, les plus fréquentes sont les pro-
blèmes de lunettes, la cataracte qui
s’opère facilement avec de très bons
résultats, le glaucome et finalement
la baisse d’acuité visuelle due au dia-
bète. Contrairement aux idées reçues,
la cataracte (quand le cristallin de-
vient très opaque et la lumière ne
Jean-Bernard Weber, Avocat, Genève.
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peuvent favoriser la survenue des
divers troubles visuels. Or, peu de
maladies sont reconnues dans la
législation suisse comme des
maladies professionnelles. Quelles
sont les moyens pour les faire
reconnaître?
Les maladies professionnelles sont
déterminées en fonction de deux
listes, celle des substances nocives et
celle des affections médicales recon-
nues comme maladies profession-
nelles. Ces listes figurent dans l’an-
nexe 1 de l’Ordonnance d’application
de la Loi fédérale sur l’assurance-
accident (www.admin.ch/ch/ f/rs/8/
832.202. fr. pdf). Afin de faire recon-
naître une nouvelle maladie profes-
sionnelle par le législateur, il faut tout
d’abord prouver le lien de causalité
entre la profession exercée ou la nou-
velle substance nocive et la maladie
en question. Pour ce faire, l’analyse du
risque est la première étape indispen-
sable de la démarche. Les sources
d’informations doivent être d’une
part les statistiques des assureurs de
l’assurance accidents et d’autre part
les études épidémiologiques réalisées
en Suisse ou à l’étranger. L’étape sui-
vante est celle de la légitimation de
ces données par l’administration fé-
dérale qui devra valider les résultats
présentés. Une autre possibilité de
prouver le lien de causalité est de dé-
fendre un cas individuel devant les tri-
bunaux car si l’on résout le problème
pour une personne, cela pourra faire
évoluer la législation dans le sens de la
reconnaissance. Dans ce cas, il faut
établir que la maladie professionnelle
a été causée de manière prépondé-
rante (au moins à 75%) par l’exercice
de l’activité professionnelle en ques-
tion.
Conclusion: Cervantès disait (si les
yeux ne voient pas, le cœur ne se fend
pas( et c’est d’autant plus vrai pour
les primates dont nous sommes les
lointains cousins. Préservons donc
notre vue afin de chérir notre cœur.
elle est irréversible et représente,
dans certains cas, un facteur de risque
important.
En votre qualité d’optométriste,
quels conseils pourriez-vous
donner aux personnes souffrant
de fatigue oculaire?
Tout d’abord, il faut avoir une bonne
correction en lunettes ou en lentilles
et de préférence faire des contrôles
réguliers de la vue. Puis il faut avoir un
bon éclairage afin que le champ de vi-
sion soit uniformément éclairé pour
faciliter la lecture et permettre un
certain confort visuel. Ensuite, la dis-
tance à laquelle on travaille (ex. lire)
doit être convenable, c’est à dire à 35-
40 cm des yeux. Quant au travail sur
ordinateur, l’écran doit être installé à
40-50 cm des yeux et dans un angle
précis par rapport à l’œil. Et finale-
ment pour détendre les yeux, prati-
quer régulièrement (le palming(, c’est
à dire se frotter énergiquement les
mains et les apposer, comme des co-
quilles, devant les yeux sans toutefois
les toucher.
Du point de vue juridique, quelles
sont, Maître Weber, les solutions
possibles pour les travailleurs
touchés par les maladies de l’œil
et se trouvant dans l’impossibilité
d’exercer leurs professions?
Jean-Bernard Weber: Dans le cas
d’une impossibilité partielle ou totale
d’exercice de fonction, le travailleur
peut être pris en charge par l’Assu-
rance Invalidité (AI). En effet, l’AI offre
des mesures de réadaptation profes-
sionnelle, notamment la formation
qui permet d’acquérir d’autres savoir-
faire et la réadaptation pratique qui
fait appel aux stages dans les ateliers
protégés. En cas d’accident de travail
endommageant la vue, les mesures
d’indemnisation économique sont
décidées en fonction des dispositions
de la Loi Fédérale sur l’Assurance Acci-
dent (LAA) (octroi de rentes et d’in-
demnités pour atteintes à l’intégrité).
Certaines professions qui exigent
une concentration et sollicitation
des yeux très importantes,
entre les deux est que le premier
soigne l’œil et le second corrige la vue.
Un optométriste a les mêmes notions
de base que l’ophtalmologue mais il
est spécialisé dans la correction de
vices de réfraction de l’œil par le biais
de lunettes ou de lentilles de contact.
Il doit être capable de faire un dia-
gnostic sur des pathologies simples de
l’œil pour pouvoir adresser le patient
à l’ophtalmologue en cas de symp-
tôme suspect.
Y a-t-il des cas où le port des
verres de contact corrige mieux la
vue que les lunettes?
De manière générale, le port des len-
tilles de contact donne une meilleure
acuité visuelle par rapport au port des
lunettes. En effet, les lentilles de
contact ne changent pas la taille des
objets extérieurs alors qu’avec les lu-
nettes, ils paraissent soit plus petits si
on est myope, soit plus grands si on
est hypermétrope. Par ailleurs, non
seulement la vue se trouve améliorée
mais le champ visuel est étendu et
complet car non limité par le cadre
des lunettes. Ainsi, le regard est com-
plètement libéré notamment pour le
sport où la performance est plus
grande. Il y a des cas médicaux graves
où seule les lentilles de contact appor-
tent une solution efficace et durable:
par exemple le kératocône (malfor-
mation congénitale évolutive de la
cornée), l’anisométropie (grande dif-
férence de correction entre les deux
yeux), l’amblyopie (œil paresseux) usw.
Dans tous ces cas spéciaux où les len-
tilles sont prescrites, il y a une bonne
prise en charge par l’assurance de
base obligatoire. Depuis environ cinq
ans, la dernière innovation technolo-
gique consiste à porter, uniquement
la nuit, des lentilles orthokératolo-
giques qui (gomment( la myopie et
l’astigmatisme pendant le sommeil.
Ainsi, le patient est doté d’une vision
optimale et libéré de port des lu-
nettes ou des lentilles pendant la
journée. Par la suite, il suffit de porter
les lentilles une à deux nuits par se-
maine selon le défaut visuel. Pour cer-
tains patients, c’est une excellente al-
ternative à la chirurgie réfractive qui
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