dossier
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/ novembre 2012 / n°426
Il a enfin qualifié la transition écologique,
je cite, « de puissant levier de croissance
de compétitivité de nos entreprises et
d’amélioration de notre bien-être collectif ».
Dans un contexte de crise économique
mondiale, les exigences écologiques ne
passent-elles pas au second plan ? On a
le sentiment que cette crise tend à réduire
la capacité d’action des Etats en matière
de transition écologique…
Je ne le crois pas. Au contraire, la crise
économique et financière met en évidence
l’intérêt du concept de développement
durable. Ce n’est pas le moment de lâcher
prise alors que le bien-être social est
aujourd’hui remis en question. Concilier
la protection de la biosphère et le bien
être de l’humanité, sauvegarder les biens
communs mondiaux et la vie décente
d’une population qui compte aujourd’hui
7 milliards d’individus, demain 9 milliards,
est un objectif devenu prioritaire.
Toute transition écologique importante
doit être soutenue par les Etats. C’est ce
qui se passe dans les pays du nord de
l’Europe, qui ont mis en place des politiques
d’achats publics responsables. Certes, les
dettes souveraines et la dette publique
font que les crédits dédiés à la protection
de l’environnement diminuent mais,
parallèlement, les entreprises ont compris
qu’il allait de leur intérêt de renouveler leurs
modèles. La rareté des ressources naturelles
fait que les producteurs sont enclins à moins
les utiliser, à limiter les déchets et à les
réutiliser. Cela aide au développement de
l’économie circulaire. Par ailleurs, nous
savons que le CO2 sera de plus en plus taxé,
ce qui conduit les entreprises à développer
des process moins consommateurs de CO2.
Pour les gouvernants, l’arbitrage est difficile
entre le court et le long terme. D’un côté,
nos institutions privilégient encore trop
le court terme alors que les bénéfices du
développement durable sont à long terme.
La diminution du budget public ne doit pas
entraver la marche en avant, et l’importance
des investissements économiques en matière
écologique montre que l’on va dans le bon
sens. Et puis, en dehors des budgets de
Etats, la sensibilisation a fini par produire
ses effets. Il suffit de voir le volontarisme
des entreprises et des collectivités locales…
L’effort écologique des entreprises passe par
un arsenal de normes. Après la directive
européenne Reach, le protocole de Kyoto et
les directives de réduction d’émissions de
carbone, la réglementation est-elle encore
appelée à se durcir ? Ne faudrait-il pas
mieux compter désormais sur une régulation
des entreprises par elles-mêmes ?
Les réglementations ont poussé les
entreprises à utiliser plus rationnellement
les ressources et à internaliser le coût du
CO2. Elles savent qu’elles doivent respecter
les normes, réguler l’offre de produits et de
services, et investir au risque de nuire à leur
propre processus de production.
Je pense que désormais la production de
normes est suffisante, sauf en matière
sanitaire où la législation et le contrôle ne sont
pas encore allés assez loin. La responsabilité
sociale, sociétale et environnementale prend
le relais ; les engagements volontaires ne
doivent en aucun cas remplacer les normes,
les deux doivent produire du sens pour
l’entreprise au sein d’une société en pleine
mutation.
Un rapport sur l’Après Rio +201, dont vous
avez assuré la direction, met en exergue
la nécessité de coconstruire de nouveaux
modes de production et de consommation.
Qu’entendez-vous par coconstruction ?
L’exercice même du développement durable
est une coproduction. On n’instaure pas
le développement durable sans œuvrer
à une communauté mondiale, et à des
communautés locales qui agissent pour
que la planète soit viable. Les Agendas 21
illustrent cette coproduction de tous les
citoyens ensemble. Au niveau mondial, la
coproduction concerne tous les pays, toutes
les souverainetés nationales. Elle s’épanouit
dans la proximité et aussi la gouvernance
de l’environnement, de la biodiversité. Elle
est délibérative, participative, elle qualifie
la « co-viabilité. » ■
1 - Après RIO+20. Le développement durable, synthèse et priorités à l’usage
des décideurs. Etude réalisée et publiée par PWC / Landwell & Associés à
l’occasion de la Global Conference 2012 des Ateliers de la Terre.
Lire aussi le rapport « Resilient people, resilient planet : a future worth
choosing », et les numéros 2 et 3 de la revue Vraiment Durable dont Bettina
Laville est rédactrice en chef
Comment Landwell & Associés accompagne-t-il ses clients
sur cette problématique ?
« Nous conseillons beaucoup d’entreprises à "devancer" la
réglementation en terme de prévention, dit Bettina Laville.
Aujourd’hui, il y a une coproduction d’un corpus vertueux mais
le problème posé porte sur le moyen de l’action. C’est pourquoi,
je crois beaucoup à l’investissement socialement responsable
(ISR). L’économie est tenue par la finance. Il faut donc que
cette dernière soit vertueuse. Malheureusement, les fonds ISR
restent marginaux, ils ne représentent pas aujourd’hui 5 % de
l’ensemble. Il faudrait également travailler sur leur rentabilité ».
Landwell & Associés accompagne aussi bien le privé que le
public. Ainsi, le cabinet opère pour soutenir le port autonome de
Dunkerque à établir son Plan de développement durable ; C4 est
une première. Il intervient également au Maroc suite à un appel
d’offre sur la stratégie nationale du pays pour le développement
durable. En matière de RSE, il mène des missions de conseils
juridiques pour les entreprises.