4 En conclusion et pour résumer... D’après le Centre Fédéral d’Expertise, la revue de littérature scientifique ne permet pas de remettre en question le programme de dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans. Les conditions de réussite du programme de dépistage dépendent du taux de participation et de la qualité de la mammographie : le “mammotest” en Communauté française offre les meilleures garanties de qualité puisqu’il répond aux normes européennes. Malheureusement, le taux de participation des femmes de 50 à 69 ans est actuellement nettement insuffisant. L’extension du programme à d’autres tranches d’âge pose question : pour les femmes de 40 à 49 ans, l’efficacité du dépistage sur la mortalité spécifique n’a pas été démontrée tandis que les effets négatifs sont clairement identifiés (en particulier les faux positifs) ; pour les femmes de 70 à 74 ans, la mammographie est efficace mais la décision de dépister dépend de l’espérance de vie et des co-morbidités de la personne concernée. Par contre, la revue “Prescrire” jette un pavé dans la marre : le programme est-il aussi efficace que ce que démontrent plusieurs études de fiabilité médiocre ? [ Hainaut Préventionfo le devoir d’une information complète et éclairée des femmes concernées ; le regard critique des autorités de la Santé Publique responsables de la mise en place du programme national par Mammotest ; la nécessité d’une évaluation rigoureuse du programme national ; le besoin crucial d’une évaluation du bilan sénologique en Belgique. Dans ce cadre, rien n’a été mis en place à ce jour pour mesurer les risques et bénéfices de la démarche auprès des femmes. Dr Anne-Marie Berghezan Coordinatrice du Programme Observatoire de la Santé du Hainaut Les brèves... SANTE BUCCO-DENTAIRE DES JEUNES SCOLARISES EN HAINAUT La Fondation pour la Santé Dentaire et l’Observatoire de la Santé du Hainaut ont réalisé une enquête sur la santé bucco-dentaire des jeunes. L’enquête a été menée auprès de 1147 jeunes selon un protocole de recherche de l’OMS. Elle s’est déroulée dans le cadre du réseau des Centres de santé scolaire vigies et a reçu le soutien de la Communauté française. Les résultats de l’enquête sont à votre disposition. Pour toute commande, contactez nous au 065 87 96 14. LES MIDIS SANTE DU BOIS D’HAVRE Jeudi 12 avril 07 : Installation des assuétudes chez les jeunes Chantal CLAES - Association Pénombre Mardi 8 mai 07 : L’étiquetage nutritionnel Samuel TOURBEZ - Espace de prévention et d’intervention sur les addictives Jeudi 28 juin 07 : Croissance contre santé Christian LEONARD - Economiste de la santé - Professeur de politique de santé Offre de formation Vous êtes responsable d’un GLEM ou d’un DODECAGROUPE, vous êtes de la région du Centre ou de Charleroi et vous souhaitez que le calcul du risque cardiovasculaire global du patient vous soit présenté… Votre confrère le Dr BUISSERET peut vous l’exposer en présence d’un médecin cardiologue “expert”, en collaboration de l’Observatoire pour les supports pédagogiques. Contactez-nous au 065/87.96.75 (Dr Berghezan). Cette lettre d’information est disponible gratuitement sur demande écrite à l’OSH, rue Saint-Antoine 1 - 7021 Havré, par tél. : 065 87 96 00, par courriel : [email protected] ou téléchargeable via web : http://observatoiresante.hainaut.be In La lettre d’information aux médecins sur les activités de prévention de l'OSH, Mars 2007 Edito En tout cas, elle nous interpelle sur plusieurs plans : Editeur responsable : Luc BERGHMANS rue Saint-Antoine 1 - 7021 Havré Tirage : 2100 exemplaires Parution : Mars 2007 L’année 2006 a vu la publication de plusieurs articles consacrés à l’efficacité du dépistage du cancer du sein : en avril, une revue très complète publiée dans “Prescrire” ; en octobre, la mise à jour de la métaanalyse de la collaboration Cochrane ; en décembre, une étude anglaise sur les femmes de 40 à 49 ans. Ceci nous a incité à faire un tour d’horizon sur la controverse existant à ce sujet. Par nature, tout dépistage comporte des effets bénéfiques et des effets pervers qui sont d’autant plus gênants que l’intervention s’adresse à une population a priori en bonne santé. Que le dépistage ait lieu dans un cadre organisé ou dans un cadre individuel, le bénéfice n’est que statistique et ne se fait sentir qu’au niveau de la population. À l’échelle individuelle, le médecin qui prescrit un dépistage (mammotest ou bilan sénologique) ne peut pas savoir si le dépistage va prolonger la vie de sa patiente, sera sans effet majeur ou conduira à des examens inutilement invasifs, voire à des traitements superflus parfois lourds et toujours angoissants. Les articles parus l’an dernier ont le mérite de relancer le débat sur l’efficacité du dépistage des cancers du sein. Les conclusions sur les bénéfices et les inconvénients des techniques de dépistage s’appliquent tout autant aux mammotests qu’aux bilans sénologiques utilisés pour le dépistage. Les programmes organisés ont néanmoins le mérite d’atteindre plus équitablement les différents groupes de femmes, d’instaurer un contrôle de qualité et de permettre une évaluation de leur efficacité en termes de détection de cas. Cette évaluation ne remplace pas les essais randomisés et ne suffit pas pour trancher le débat sur l’efficacité du dépistage. Elle permet de contrôler a posteriori la qualité du travail accompli. J’espère que ce numéro alimentera un débat basé sur les éléments scientifiques disponibles dans un domaine où la balance risques/bénéfices des examens réalisés serait moins favorable que nous le pensions initialement. Dr Christian Massot Responsable du programme Observatoire de la Santé du Hainaut n° 7 Le dépistage du cancer du sein Position du Centre Fédéral d’Expertise En 2005, le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a réalisé une revue systématique de littérature scientifique concernant le dépistage du cancer du sein chez les femmes asymptomatiques à l’attention des médecins. Il souligne : la nécessité d’un programme de dépistage au niveau de la population ; le choix de la mammographie comme seul test fiable pour un dépistage ; l’efficacité d’autres techniques n’a pas été démontrée ; la population cible : entre 50 et 69 ans, tous les 2 ans ; l’importance de l’information des femmes. 1. Le programme de dépistage au niveau de la population L’organisation d’un programme de dépistage au niveau de la population est essentielle pour assurer un contrôle de qualité des procédures et une efficacité optimale. 2. La mammographie : seul test de dépistage Actuellement, seule la mammographie est recommandée dans la littérature scientifique pour un dépistage (“mammotest” dans le programme de la Communauté française) selon les critères d’assurance de qualité définis par le groupe “L’Europe Contre le Cancer”. Les centres de dépistage agréés par la Communauté française répondent à ces critères : la qualité des appareils et la double lecture des clichés entre autres. Suite page 2 Comité de lecture Dr Roland BARBIER, médecin généraliste ; Dr Michel DE JONGHE, médecin généraliste ; Dr Michèle VILAIN, médecin généraliste. Observatoire de la Santé du Hainaut rue Saint-Antoine 1 - 7021 Havré (Belgique) Tél. : 065 87 96 00 Fax : 065 87 96 79 Courriel : [email protected] Web : http://observatoiresante.hainaut.be 2 Le dépistage du cancer du sein : Position du Centre Fédéral d’Expertise Pour la mise en place d’un programme de dépistage, les principales motivations sont le bénéfice d’un traitement précoce et la réassurance des femmes dont l’examen est négatif. Ces arguments doivent être pondérés par les effets négatifs potentiels de l’examen : les faux positifs : ils entraînent une anxiété inutile chez les femmes, de nombreux examens complémentaires inutiles et coûteux, parfois invasifs ; les faux négatifs : des femmes faussement réassurées pourraient retarder une consultation lors de symptômes entre deux dépistages ; les traitements non nécessaires : les cancers dépistés ne sont pas de même pronostic que des lésions qui s’expriment cliniquement. Parmi eux, certains cancers même invasifs ont un développement lent tandis que certains cancers “in situ” n’évolueront probablement jamais vers des cancers invasifs. L’histoire naturelle des cancers du sein est mal connue. 3. La population cible : les femmes entre 50 et 69 ans La population cible pour le dépistage du cancer du sein est la population des femmes âgées de 50 à 69 ans. C’est dans cette tranche d’âge que les diminutions de mortalité les plus importantes ont été observées. Par ailleurs, le KCE souligne qu’il est nécessaire d’interpréter avec prudence les études qui évaluent l’efficacité des programmes de dépistage. Leur interprétation est toujours délicate en raison des nombreux facteurs qui peuvent influencer la mortalité spécifique. La littérature scientifique actuelle n’a pu mettre en évidence de diminution de mortalité chez les femmes dont le dépistage se déroule entre 40 et 49 ans. Par ailleurs, les bénéfices au-delà de 70 ans dépendent de l’espérance de vie de la personne concernée et les données manquent sur le dépistage à cet âge. Les données disponibles ne permettent donc pas de recommander un dépistage de masse pour ces tranches d’âges. 4. L’information des femmes : une priorité Le KCE rappelle l’importance d’informer les femmes au sujet du dépistage du cancer du sein. Le message doit être objectif, nuancé et compréhensible. Les limites et les effets négatifs doivent être expliqués. Actuellement, les médias constituent la source d’information principale de nombreuses femmes. Elles ont parfois des attentes démesurées quant à l’efficacité du dépistage et n’ont pas une bonne connaissance de ses effets potentiels positifs et négatifs. Tous les canaux disponibles doivent être utilisés à cette fin : en priorité, le médecin de famille et le gynécologue jouent un rôle primordial de conseillers. Résumé révisé par Dominique Paulus, médecin expert senior au Centre Fédéral d’Expertise et co-auteur du document initial Plus d’informations ? Dépistage du cancer du sein : mise à jour de la méta-analyse de la Collaboration Cochrane 1 Les auteurs ont examiné 7 études. Une est rejetée en raison de biais majeurs. Deux sont jugées de bonne qualité et ne montrent pas de réduction de la mortalité par cancer du sein dans le groupe “dépistage”. Quatre présentent des défauts méthodologiques susceptibles d’altérer les résultats et montrent une réduction de 25 % de la mortalité par cancer du sein dans le groupe “dépistage”. Au vu des données disponibles, les auteurs estiment que le dépistage par mammographie permet de réduire la mortalité par cancer du sein de 15 % environ, ce qui représente un risque absolu de 0,05 %. Le dépistage entraîne un surdiagnostic et un surtraitement évalués à 30 % soit un risque absolu de 0,5 %. Autrement dit, pour 2000 femmes invitées pendant 10 ans, une verra sa vie prolongée, 10 femmes indemnes de cancer du sein en l’absence de dépistage seront diagnostiquées et traitées inutilement pour cancer du sein. Tous les auteurs ne partagent pas le point de vue de Gøtzsche et Nielsen. Nul doute que cette publication suscitera encore bien des discussions sur l’intérêt du dépistage fut-il opportuniste ou de masse. Résumé : Dr Christian Massot Responsable du programme Observatoire de la Santé du Hainaut (1) Gøtzsche PC, Nielsen M. Screening for breast cancer with mammography The Cochrane Collaboration. Cochrane Database of Systematic Reviews 2006; Issue 4:1-64 Les avantages de la mammographie de dépistage dépassent-ils les effets indésirables ? Position de la revue “Prescrire” Suite à la publication dans la revue “Prescrire” en avril et mai 2006(1) d’articles portant sur la pertinence de la mammographie, il nous a semblé important de vous faire part des messages principaux à en retenir. Les cancers du sein sont les cancers les plus fréquents chez la femme. La taille, l’envahissement local et à distance jouent un rôle primordial sur le résultat du traitement. La détection des cancers du sein a semblé être une méthode susceptible d’améliorer le pronostic. Les mammographies de dépistages du cancer du sein ont fait l’objet de 10 essais comparatifs randomisés, tous réalisés dans une population générale, chez des femmes de 40 à 69 ans. Ces essais se révèlent être de qualité très disparate. Pour les femmes de 40-49 ans, aucun résultat significatif n’a été observé. Pour les femmes de 50-59 ans et 60-69 ans, les diminutions de mortalité sont plus marquées dans les études de moindre qualité. Les études de bonne qualité ne montrent pas de diminution de mortalité. Les résultats relatifs à la diminution de la mortalité due au cancer du sein sont de faibles niveaux de preuves. Pour les femmes de 70 ans et plus, il n’y a pas d’étude à grande échelle. Le rapport du Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé : http://kce.fgov.be (rapport 11B, 2005). Le rapport de l’Agence Intermutualiste relatif aux données du dépistage en Belgique : http://www.nic-ima.be/ (onglet “projets”). 3 Un autre bénéfice du dépistage pourrait être le recours à une chirurgie moins mutilante ou à des traitements moins pénibles. Ce n’est pas le cas dans tous les pays, le programme de dépistage s’accompagne tantôt d’une diminution tantôt d’une augmentation du nombre de mastectomies. Face aux incertitudes qui pèsent sur l’effet sur la mortalité, il faut aussi examiner les effets indésirables du dépistage : 1. une douleur lors de l’examen ; 2. une irradiation responsable de l’induction de cancer du sein et de 1 à 5 décès pour 100 000 femmes pour un dépistage à partir de 50 ans. Cet effet est plus marqué à un âge plus précoce ; 3. des effets psychologiques : réactions anxieuses voire dépressives liées à l’attente des résultats des examens complémentaires ; 4. de nombreuses biopsies du sein en l’absence de cancer du sein ; 5. des diagnostics par excès : certains cancers du sein découverts grâce au programme de dépistage n’auraient jamais eu d’expression clinique pour la patiente, ou en tout cas, n’auraient influencé ni la mortalité ni la morbidité. Dr Michel Dejonghe, médecin généraliste avec la collaboration de l’OSH (1) revue “Prescrire” 2006 ; 26 (271) : 269-310 revue “Prescrire” 2006 ; 26 (272) : 348-374 Le dépistage des femmes de 40 à 49 ans : une nouvelle publication L’effet sur la mortalité du dépistage systématique du cancer du sein chez les femmes de 40 à 49 ans fait l’objet d’une controverse. Certains des bénéfices observés sont attribués au dépistage après 50 ans de femmes âgées de moins de 50 ans au moment de leur inclusion dans les études. En décembre 2006, S. Moss et coll. ont publié un article dans le Lancet(1). Cette étude britannique porte sur 160 921 femmes âgées de 39 à 41 ans au moment de l’inclusion. Le groupe intervention a été invité à passer une mammographie annuelle jusqu’à l’année du 48ème anniversaire. Le groupe contrôle a reçu la prise en charge habituelle. Les résultats montrent une diminution non significative de 17 % de la mortalité par cancer du sein (intervalle de confiance à 95 % : moins 34 % à plus 4 %). Les auteurs attribuent l’absence de signification statistique à un échantillon moins élevé que prévu initialement et à un taux de mortalité par cancer du sein plus faible qu’attendu dans le groupe contrôle. Dans cette étude, il faut dépister environ 2500 femmes pour prévenir un décès. Le risque de faux positifs au bout de 7 dépistages est environ deux fois plus élevé chez les 40-49ans (23 %) que chez les 50 ans et plus (12 %). Sans trancher définitivement la question, cette étude apporte des éléments à intégrer à ceux des études antérieures sur la difficile question de l’utilité d’un dépistage avant 50 ans. Résumé : Dr Christian Massot Responsable du programme Observatoire de la Santé du Hainaut (1) Moss S, Cuckle H, Evans A, Johns L, Waller M, Bobrow L et al. Effect of mammographic screening from age 40 years on breast cancer mortality at 10 years’follow-up : a randomised controlled trial. The Lancet 2006 ; 368 (December 9, 2006) : 2053-2060