La vie à Saint-Louis Interview de Laurent Van Eynde
du pape, il y avait quand même
quelque chose à réfléchir. Avec
Rainier, je m’en contrefous
complètement. Ce n’est pas que
je sois pris d’une grande
émotion, mais tout ce qui s’est
passé à côté de sa mort et de son
enterrement était plus intéressant
d’un point de vue critique.
Le Marais – En ce moment quel
philosophe, outre Mme Dillens,
vous emballe ?
L. V. E. – C’est souvent les
philosophes sur lesquels je
travaille qui m’emballe. Pour
l’instant, je suis passionné
d’Hegel bien que je sois très loin
de sa pensée. J’ai une
fascination pour lui même si je
le prends souvent comme
repoussoir. Celui avec lequel je
suis le proche, c’est Castoriadis.
Le Marais – Que diriez-vous à
l’étudiant en philosophie
désabusé qui tombe dans le
scepticisme pour le ramener au
bercail ?
L. V. E. – La philosophie peut
être joyeuse, elle peut être assez
ludique à condition qu’elle ne
soit pas qu’une pure et simple
remise en cause, à condition que
l’on s’efforce de construire des
explications, de construire des
images du monde, des situations
pour les remettre en cause aussi
tôt. C’est pour cela que la
philosophie est ludique. La
philosophie, ce n’est pas du
scepticisme, c’est de l’ironie.
L’ironie n’est pas purement
destructrice. L’ironie, c’est sans
arrêt se moquer de soi-même.
C’est créer quelque chose que
l’on remet en cause. On est
créateur aussi bien au moment
où l’on invente, on
conceptualise que lorsque l’on
se remet en cause. Dans ce
domaine, mes auteurs fétiches
sont les romantiques allemands
qui soutiennent que l’ironie est
un mode de l’enthousiasme. La
philosophie, c’est
l’enthousiasme de vouloir
comprendre en inventant et en
mettant sans cesse en cause ce
que l’on invente.
Le Marais – Quel est le meilleur
philosophe, vous ou Mme
Dillens ?
L. V. E. – Je vais vous faire une
réponse dialectique. Je crois que
nous nous complétons bien !
Peut-être que je ne pourrais pas
exister sans elle. Entre elle et
moi, ça se répartit de manière
avantageuse en tout cas du point
de vue des réputations. Elle a
l’exubérance ou la luxuriance du
bleu dans les cheveux tandis que
moi j’aurais l’aspect ascétique
du noir puisque on dit que je
m’habille toujours en noir.
Le Marais – Qu’est-ce que
l’enseignement de la
philosophie a à apporter à Saint-
Louis par rapport aux autres
unifs ?
L. V. E. – Il y a beaucoup de
choses originales, c’est pourquoi
nous avons bonne réputation
même si nous ne sommes pas
nombreux. Il y a un style Saint-
Louis qui tient d’abord à
l’interdisciplinarité. On est très
sensible à ce qui se fait dans les
autres sections et facultés plus
que dans les autres universités
où l’on a uniquement des
centres ou des orientations bien
précises où l’on va travailler
avec des autres facultés. Vu que
l’on a que le premier et le
troisième cycle, il y a quelque
chose qui nous pousse à faire le
premier cycle comme si c’était
déjà du deuxième. On essaie de
mettre l’accent sur un mixte de
recherche et d’enseignement. Je
ne fais jamais dans mon cours
une « galerie de monstre » en
disant que Platon, c’est ceci
qu’Aristote, c’est cela. Le fait
d’être proche des étudiants
permet un dialogue constant qui
va nous permettre de voir
jusqu’où on pourra aller dans la
réflexion avec les étudiants. Je
ne donne jamais mes cours de
manière chronologique, il y a
toujours un enjeu thématique
comme dans la recherche. On a
beaucoup d’étudiants qui sont
bien préparés à faire des travaux
en second cycle. Ce sont des
étudiants très peu scolaires qui
ne se contentent pas d’étudier
un cours mais qui vont vouloir
faire plus, aller au-delà d’une
simple réception de la matière.
Le Marais – Qui est le plus fort,
l’hippopotame ou l’éléphant ?
L. V. E. – Je ne vois même pas
comment on peut poser cette
question vu que l’éléphant
gagne sur tous les terrains… Il
est plus costaud et en même
temps plus rapide. Il tourne, il
pivote plus facilement. Sans
oublier la trompe et les
Avril 2005 - Le Marais --