La Revanche des Étoiles Oubliées

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Roger Dupuy
La Revanche des
Étoiles Oubliées
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Avez-vous remarqué ?… Très souvent à la campagne,
le soir, le calme s’installe. Le vent s’apaise, les oiseaux
diurnes se taisent et rejoignent en silence leurs cachettes.
Normalement, la plupart des humains en font autant,
on dirait que la nature et ses occupants obéissent à une règle
précise, dès l’arrivée du crépuscule.
Doucement, le Soleil se cache derrière l’horizon,
nuages parfois se dissipent et les uns après les autres,
points brillants que sont les étoiles s’offrent à nous, tel
gigantesque spectacle, provoquant chez les curieux
immense questionnement.
les
les
un
un
Ce plafond naturel n’est malheureusement pas offert à
tous les terriens. Les plus favorisés sont situés en pleine
nature, loin des villes. Les déserts, les iles perdues au milieu
des océans et les sommets de montagnes sont des lieux
idéaux, permettant des vues époustouflantes vers le ciel.
Les humains privés d’une vue correcte sur les cieux,
sont loin d’imaginer l’activité étonnante, fantastique et
mystérieuse de la nature qui évolue au-dessus de leur tête et
tout autour de notre planète Terre.
Ciel, ce mot utilisé couramment est devenu un peu trop
banal. Quel dommage ! Si vous saviez ce qui se passe en
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permanence dans ce gigantesque Univers, vous prendriez
plus de temps à l’observer.
Mais voilà ! Le ciel c’est quoi ?
Nous avons l’habitude de parler du ciel bleu où
circulent les nuages. Ciel gris ou chargé, il va pleuvoir, ciel
bleu, il fait très beau. Il est rouge flamboyant lors de certains
couchers de Soleil.
Mais ce n’est pas de ce ciel là dont nous allons parler.
Ce ciel changeant au-dessus de nos têtes où circulent les
oiseaux et les avions est très intéressant, mais nous le
laissons aux météorologues.
Le ciel que nous allons visiter, c’est celui qui, beaucoup
plus loin, à des distances inouïes, se charge d’étoiles plus ou
moins brillantes, souvent de couleurs différentes mais
pleines d’interrogations.
Alors, que sont ces étoiles qui, petit à petit, jour après
jour, comme scotchées sur le fond noir d’un baldaquin se
déplacent rapidement vers l’ouest en une nuit et changent
complètement de position au fil des mois et des années ?
Intrigué par le spectacle féérique d’un ciel étoilé, j’ai
longtemps cherché à comprendre la magie de cette beauté
changeante qui, maintenant, m’a généreusement apporté
liberté d’esprit et sérénité.
Par respect de mes semblables, je me sens le devoir de
partager avec eux les découvertes que j’ai faites pendant de
longues années d’observation et de recherche. Personnage
tout à fait ordinaire, j’ai compris en gros, le fonctionnement
de cette voûte céleste curieuse et constaté avec une certaine
déception, qu’un nombre incroyable d’humain, n’a aucune
connaissance de cette nature envoûtante, dont nous faisons
partie intégrante malgré nous.
Cette méconnaissance générale permet la diffusion sur
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toute la planète de légendes, de croyances, de superstitions,
voire de bêtise incroyable. Toutes ces lacunes découlent
peut-être d’un proverbe qui dit : « La curiosité est un vilain
défaut ! » J’ajouterai simplement que « L’ignorance est mère
de tous les vices et de tous les maux ! ».
Personnage singulier, je sors à la tombée de la nuit,
alors que la plupart de mes semblables rentrent chez eux !
C’est le moment privilégié pour moi, d’aller réfléchir et
méditer calmement avec bonheur, sur mon « observatoire ».
A pied, le nez en l’air, comme d’habitude, je rejoins
mon lieu d’observation distant de quelques centaines de
mètres !
Installé sur un ilot de rochers, (point culminant de tout
un secteur), j’embrasse l’horizon du regard et bénéficie ainsi
d’une vue imprenable pratiquement tout autour de moi, audelà des collines environnantes.
Comme Le Petit Prince d’Antoine de SAINT
EXUPERY, installé sur l’astéroïde B 612, j’ai vraiment
l’impression d’être assis sur la planète Terre, elle dessous et
moi dessus.
Au fil des heures, cette impression se confirme
largement, je suis seul dans le silence de la nuit, avec pour
plafond la voûte céleste. Grande différence avec Le Petit
Prince, ma planète à moi me semble démesurée.
Cet emplacement orienté vers le sud a été choisi loin
des lumières de la ville. Par chance, mon petit village est
encore préservé de la lumière artificielle des lampadaires qui
poussent partout comme des plantes vivaces.
Assis sur le sol, un petit rocher vertical me sert de
dossier et de chaque côté, légèrement en arrière, je peux
poser mes mains. Ainsi, bras tendus et en appui, j’ai trouvé
la position presque idéale afin d’apprécier pleinement la
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beauté féérique de la voûte céleste, sans me casser le cou à
force de regarder en l’air.
Un soir d’été, où comme d’habitude dans l’obscurité mon
regard scrutait une constellation difficile à repérer dans le
fourmillement des étoiles, de légers bruits de pas et une ombre
se sont approchés doucement. Je ne suis pas peureux, mais
j’étais vraiment surpris d’apercevoir une silhouette arriver à
cet endroit que j’étais pratiquement le seul à fréquenter.
– Bonsoir m’sieur !
– Bonsoir jeune homme !
– Je peux rester un moment ?
– Heu… Bien sur… Mais que viens-tu faire ici ?
– Je viens vous voir !
– D’accord, c’est gentil, mais je ne comprends pas ce
que tu viens faire ici à une heure pareille !
– Moi aussi, je ne comprends pas pourquoi vous venez
ici dans le noir !
– Eh dis donc, tu es curieux toi, tu arrives là comme ça,
et tu oses me demander ce que je fais là ! Assieds-toi ici que
l’on parle un peu ! Comment t’appelles-tu jeune homme et
d’où viens-tu ?
– Excusez-moi m’sieur, j’peux pas vous l’dire !
– Pourquoi ?
– Parce que vous ne devez pas me poser de questions !
– Tu ne manques pas de culot toi !… Tu arrives là à pas
de loup et je ne dois pas te demander qui tu es ? Je ne te
connais pas, et il n’est pas prudent de te promener seul dans
un endroit pareil à une heure aussi tardive !
– C’est pour ça que j’viens vous voir, je suis pas seul
maintenant !
– Je ne comprends pas ! C’est le hasard, ou tu savais que
j’étais ici !
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– Depuis quelques jours, le soir, j’vous vois passer et
disparaître dans la nuit. Alors, je suis venu voir de jour et
j’ai découvert cet endroit me dit-il en montrant mon petit
rocher. Je me demande bien ce que vous venez faire ici, y a
rien à cueillir ou à ramasser.
– Donc, tu m’as espionné ! C’est curieux, je n’ai
rencontré personne sur mon chemin depuis bien
longtemps, et toi, tu m’observais de loin !
– Oui, c’est pas difficile, vous venez ici à la tombée d’la
nuit et j’vous vois jamais r’partir. Vous dormez dehors ?
– Mais dis donc, je suis un grand garçon, je n’ai pas de
compte à te rendre ! C’est moi qui vais te demander de me
répondre et de me dire qui tu es, d’où tu viens et ce que tu
fais ici à cette heure ci ! Te rends-tu compte que tes parents
vont s’inquiéter en attendant ton retour, ils vont être
malheureux et te chercher partout, en pleine nuit c’est pas
facile !
– Non m’sieur ! J’vous ai dit qu’il fallait pas m’poser de
questions. Si vous insistez, pour savoir qui j’suis, je pars et
vous me reverrez plus !
Surpris par une telle réaction, j’ai pensé qu’il valait
mieux conserver sa confiance. Après tout, il était en sécurité
avec moi, rien ne pressait mais je n’étais pas très rassuré.
Dans un moment, je trouverai bien le moyen de le
raccompagner chez lui. Il n’avait pas l’air d’être perdu,
alors !
– Soit, je veux bien ne plus rien te demander, mais
accepte que je te conduise chez toi tout à l’heure !
Il me répondit par une question.
– Vous faites quoi ici, tout seul, vous attendez
quelqu’un ?
– Mais, ça ne te regarde pas !
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– Je crois qu’vous êtes seul, j’ai jamais vu quelqu’un
d’autre venir ici ! Alors pourquoi venez-vous seul ici, le
soir ? Vous vivez la nuit ?
– Non, je regarde le ciel.
– Pourquoi ?
– Parce que j’adore m’attarder sous cette voûte céleste
fascinante qui m’intrigue et éveille toujours ma curiosité !
– Pourquoi ?
Si tu veux savoir pourquoi, préviens tes parents et
reviens demain soir un peu plus tôt, avant la tombée de la
nuit ! Je me ferai un plaisir de te faire découvrir l’Univers
qui nous entoure et qu’il n’est pas nécessaire d’être un
scientifique de haut niveau pour apprécier le bonheur
d’exister.
Très obéissant, à ma grande surprise, il a disparu dans
le noir.
Avant cette visite inattendue, je parlais des
observations à l’œil nu qui ne demandent pas une stabilité
importante. Par contre, si l’on utilise des jumelles, ça
devient plus compliqué, parce que nous ne pouvons pas
rester immobiles comme une statue. Alors si l’on a la chance
d’observer une planète ou un objet du ciel profond au
travers d’un télescope, une certaine rigueur est
indispensable. Grâce à un positionnement correct, notre
cerveau peut se concentrer uniquement sur l’observation.
Lors d’animations grand public, par manque d’équilibre et
de stabilité, certaines personnes sont déçues de ne pas voir
grand-chose au travers d’un télescope. C’est normal, dans le
noir, nous avons besoin de tenir quelque chose de stable,
d’avoir un repère, sinon, notre corps a tendance à balancer
un peu, ce qui suffit à déplacer notre pupille de l’axe de
l’oculaire au travers duquel on observe. C’est fort dommage.
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Le réglage manuel de la netteté est compromis, les détails
comme les cratères de la Lune, les quatre satellites de la
planète Jupiter et ses bandes brunâtres échappent aux
observateurs.
Vous distinguerez mal les superbes anneaux de
Saturne, la forme des nébuleuses, les surprenants amas
d’étoiles, les comètes. Ces objets étonnants vont perdre tout
leur attrait et leur beauté si les conditions d’observations ne
sont pas réunies.
J’ai tenu compte des quelques remarques précédentes
en choisissant cet endroit sur mon rocher. Pour plus de
confort, sauf l’été où je ne porte qu’un coussin, en demisaison et surtout lors des soirées d’hiver, je m’équipe d’un
chaud bonnet de laine, de vêtements épais imperméables au
vent et d’après-ski. Vous comprendrez que l’astronomie
n’est pas une activité réchauffante. Ainsi paré, il m’arrive de
rester des heures à m’évader en rêvant au milieu de
l’Univers.
Si l’hiver demande un peu de volonté et surtout une
forte protection, le courage est toujours largement
récompensé. Le ciel est plus noir donc par contraste, les
étoiles paraissent plus brillantes et l’on peut en apercevoir
davantage.
Pourquoi le ciel est plus noir que l’été me direz-vous !
Plusieurs raisons ; la première et la principale est qu’au
milieu de la nuit, le Soleil se trouve beaucoup plus bas sous
l’horizon, il est pratiquement à l’opposé de notre position,
c’est-à-dire aux antipodes, en direction du Nadir pour les
astronomes. (Nadir opposé au zénith). Les rayons solaires
n’éclairent plus au-dessus de nous la haute atmosphère qui
disparaît complètement.
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La nuit étant deux fois plus longue que le jour en hiver,
il nous est permis d’observer le ciel beaucoup plus longtemps.
Autre détail que l’on oublie trop souvent. Les particules
microscopiques d’humidité et de poussière qui flottent en
permanence dans l’atmosphère se contractent par le froid.
Leur densité devient plus importante et elles tombent
doucement vers le sol, rendant l’air qui nous entoure plus
clair, plus pur, autrement dit nettoyé. Ce n’est pas le cas l’été.
Au fil des saisons, on peut voir circuler et se succéder
les nombreuses étoiles qui forment les constellations,
repères indispensables permettant de nous y retrouver dans
leur fourmillement.
De temps à autre, au moment où l’on s’y attend le
moins, une étoile filante ou un météore, dans un silence
absolu, marque d’un grand trait lumineux d’une blancheur
éblouissante le noir profond du ciel.
Ce spectacle changeant, silencieux et totalement
gratuit, me fascinait depuis longtemps. Il m’a conduit à me
poser mille questions.
Et vous, vous posez-vous la question de savoir ce qui se
passe dans cet Univers gigantesque dont on ne connait pas les
limites. Lieu où notre petite planète Terre qui pourtant nous
semble énorme, évolue allègrement depuis si longtemps ?
Dans mon enfance, le soir, puisqu’il n’y avait chez moi
ni télévision ni téléphone, que l’été les soirées sont longues
et qu’il fait bon dehors, il nous arrivait souvent de « prendre
le frais » assis sur un vieux banc de pierre en écoutant les
histoires que me racontaient mes parents. La seule chose qui
pouvait attirer notre regard, c’était le ciel !
C’est dans ces conditions privilégiées que j’ai
commencé à m’intéresser à ce que nous avions au-dessus de
la tête.
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Je pense à mon visiteur d’hier soir avec lequel je
souhaiterais partager mes quelques connaissances. Je lui
offrirais avec grand plaisir ce que j’aurais aimé découvrir
dans mes jeunes années. Mais viendra-t il ?
Par habitude ou par tradition, puisque je suis né en
France, mes parents m’ont fait baptiser. J’ai fait ma
communion à l’église catholique, j’ai servi la messe comme
tous les gamins de mon âge. Et là, on m’a appris que Dieu
était le créateur de tout cet univers qui nous entoure. Il n’y
avait plus de question à se poser.
Dieu était partout, responsable de tout, la cause de tout,
donc les réponses aux questions étaient toutes réglées
d’avance ! Cela me semblait un peu trop facile et exacerbait
ma curiosité !
Pas convaincu du tout, je ne comprenais pas cette
version ! Dieu est-il capable de fabriquer des rochers, des
arbres, des hommes et des animaux ? Comment a-t-il pu
trouver autant d’eau pour remplir les mers et les océans ?
Que sont les étoiles, et comment tiennent elles là haut toutes
seules ? Vous devinez que les questions peuvent être
innombrables ! Pendant ma scolarité, les « BT »
(Bibliothèques du Travail) nous renseignaient un peu, mon
père me montrait la Grande Ours, l’Etoile Polaire, mais
c’était très succinct tout cela !
L’apprentissage, le service militaire et l’installation
artisanale ont pris énormément de place dans ma vie et mon
questionnement d’adolescent subsistait de façon sous
jacente. Plus tard, j’ai eu l’occasion d’assister à des cours
d’astronomie ou j’ai appris beaucoup de choses. Bien sur, il
reste encore de nombreuses questions sans réponses, mais
je sais maintenant que les Dieux, qu’il y en ait un ou
plusieurs ne sont responsables de rien. Les hommes ont
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inventé les Dieux pour se rassurer, puisqu’ils ne maitrisaient
pas la connaissance actuelle. Ils avaient peur de mourir et
que disparaître à jamais était inconcevable !
Mes quelques connaissances en astronomie m’ont
conduit à mener des animations dans des écoles, collèges,
lycées, lieux de grand public et divers.
C’est là qu’une évidence quasi tragique m’est apparue.
J’ai constaté avec une profonde déception, presque avec
effroi, qu’une majorité écrasante de nos contemporains ne
connaissait rien, ou très peu de chose concernant le ciel et
ses mystères.
C’est ce qui m’incite fortement à m’adresser à mes
contemporains, à tous les curieux soucieux de comprendre
au moins en partie cette nature inimaginable et merveilleuse
dont nous faisons partie.
Un éclairage honnête sur la réalité des phénomènes
extraordinaires qui nous entourent, s’il est apporté au plus
grand nombre, peut,… peut-être, calmer les ardeurs
destructrices de certains fanatiques sur nos continents. Estce une utopie ?
Pourvu que mon visiteur d’hier soir revienne ! Mais
rien n’est certain, d’ailleurs il est un peu en retard !
Je reconnais volontiers que chacun est libre de mettre
ou non le pied à l’étrier, afin d’ouvrir objectivement les yeux
sur le fantastique et mystérieux Univers qui nous emmène à
toute allure autour de notre Galaxie. Il serait dommage de
renoncer, cela conduirait à croire à n’importe quoi sans
curiosité, sans réflexion !
Un télescope et des maquettes me permettaient de
montrer aux curieux le déroulement des saisons, et de
nombreux phénomènes de la mécanique céleste.
Très souvent, le soir après dîner, entre les animations,
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j’aimais me retrouver près de chez moi, sur mon petit
rocher, seul dans le calme.
Il faut au moins vingt minutes d’adaptation dans le noir
pour que nos pupilles s’ouvrent au maximum. Nous
arrivons alors à distinguer de nombreuses étoiles très peu
brillantes, le sol, les haies, les arbres se dessinent de plus en
plus. Le profil de l’horizon devient plus net et sans doute
grâce à la présence des milliers d’étoiles, on se sent moins
isolé. Cette sensation de calme agréable permet d’entendre
le chant un peu sec du hibou et des chouettes, d’écouter ces
oiseaux nocturnes qui échangent des discours
incompréhensibles ainsi que quelques chiens signalant leurs
positions. Aux premiers beaux jours, du printemps au début
de l’été, les engoulevents nous adressent des pétarades
étonnantes. Ce curieux chant ressemble fortement au son
d’un moteur de petite cylindrée. Très caractéristique il
ajoute une note amusante au plaisir d’une observation
agréable. Ainsi, nous ne nous sentons pas vraiment seuls
dans la nuit. C’est une ambiance particulière toute naturelle
dont sont privés les gens de la ville.
Un ciel dégagé de tout nuage, loin des lumières
parasites des lampadaires, comme ici, offre souvent un
spectacle superbe, dont je ne me lasse pas.
– Tiens, te voilà ! Mais il est tard ! J’ai cru que tu ne
viendrais plus, mais c’est très bien, ça me fait énormément
plaisir de te revoir.
– Vous êtes là tous les soirs ?
– Non, mais très souvent !
– Vous êtes normal m’sieur ?
– Pourquoi tu me poses cette question ?
– Pa’ce que c’est bizarre de r’garder l’ciel comme ça !
– Tu ne trouves pas que le spectacle est superbe ? Lève
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les yeux, regarde toutes ces étoiles, ces milliers d’étoiles dont
certaines scintillent ! Tu distingues cette longue trainée
lumineuse qui coupe en deux la voûte céleste ?
Ca ne t’intrigue pas, ce couvercle constitué de points
brillants qui change de position pendant la nuit, aussi avec
les saisons et dont la beauté se renouvelle en permanence !
– Le ciel, c’est l’ciel, c’est comme ça d’puis longtemps !
– Tu as raison, le ciel est là depuis longtemps. Il
n’empêche que si tu réfléchis un peu, ce qui te semble
normal, banal et ordinaire ne l’est pas du tout !
– Pourquoi ?
– Si tu savais tout ce qui se passe là haut, mais pas
seulement là haut, tout autour de nous, dans l’Univers qui
nous entoure, tu serais très surpris !
– Pourquoi ?
– Tu es curieux toi, tu m’interdis de te poser des
questions et tu te permets de m’interroger constamment !
– Oui m’sieur, mais pourquoi r’gardez-vous l’ciel ?
– Ecoute moi, je te raconterai tout ou presque
concernant le ciel, une autre fois. Tu dois rentrer chez toi,
tes parents vont s’inquiéter si tu rentres tard dans la nuit !
Dis-leur la vérité ! Dis-leur que tu as découvert une
personne qui te propose d’apprendre le ciel, la mécanique
céleste et ses mystères, ils ne s’inquièteront pas s’ils savent
où tu es et ce que tu fais. Propose-leur de venir assister à une
soirée, nous ferons connaissance !
– Impossible ! Vous m’chassez ?
– Non pas du tout ! Tes parents savent que tu es là ?
– Non mais y savent que j’sors m’détendre le soir en
m’prom’nant un peu ! Surtout, dites à personne que vous
m’avez rencontré, je r’viendrai p’t’être bientôt ! Au r’voir
m’sieur !
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Un peu désarçonné, j’ai continué machinalement à
lever les yeux vers les étoiles, sans rien observer de précis. Je
pensais à mon visiteur imprévu, à son drôle de
comportement, à ses sorties seul le soir !
C’est curieux, quand même que des parents laissent
leur enfant se promener seul dans la nuit en pleine
campagne où il n’y a pas grand-chose à voir !
C’est curieux aussi qu’il m’ait repéré et suivi des yeux
jusqu’à venir voir de jour le lieu où je viens observer le soir.
Au moment où j’allais quitter mon observatoire pour
rentrer chez moi à mon tour dans la nuit, la brillante I.S.S.
(Station Spatiale Internationale) apparaissait au sud-ouest.
Je l’ai suivie des yeux plusieurs minutes, jusqu’à l’horizon
nord-est où elle a disparu.
Il faut savoir, que pendant la période s’étalant du milieu
du printemps au milieu de l’automne, si vous êtes comme
moi situé à peu près à 45° de latitude nord, (à mi-chemin
entre l’équateur et le pôle nord), le Soleil, apparemment, ne
descend pas très bas au-dessous de l’horizon nord. Il éclaire
la haute atmosphère où circulent en permanence de
nombreux satellites artificiels qui, tels des miroirs, nous
renvoient la puissante lumière solaire. Pendant les longues
nuits d’hiver où l’ombre de la Terre occupe toute la voûte
céleste, les satellites artificiels disparaissent dans le noir de
la nuit. Pourtant ils circulent aussi, mais le Soleil ne les
éclaire pas.
Ces satellites divers aux trajectoires variées sont
souvent des objets de méprise. Bon nombre de nos frères
terriens y voient des objets venant d’ailleurs ! Ce que l’on
appelle les O.V.N.I. (Objets Volants Non Identifiés) qui
sont pourtant très souvent identifiés. Il suffit d’un peu de
réflexion. Vu le nombre impressionnant de nuits passées à
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scruter le ciel, je n’ai jamais vu d’extraterrestre ! Il m’est
arrivé à de nombreuses reprises d’être surpris par un point
brillant ou un faisceau lumineux apparaissant brusquement
dans le ciel. Chaque fois, quelques secondes m’ont suffi à
identifier l’objet ou la raison de cette surprise.
Les plus impressionnants à mon avis sont les ronds de
lumière émis par les phares puissants d’une voiture qui, au
loin, sans que l’on puisse l’entendre, négocie un virage en
côte. Sur le fond d’un ciel blanchâtre chargé d’humidité, des
ronds blancs lumineux provoqués par les projecteurs de
certaines voitures, se déplacent à vive allure en décrivant de
superbes courbes au-dessus de nos têtes, dans un silence
total.
A plusieurs reprises, j’ai pu observer des phares
d’atterrissages d’avions que les pilotes avaient oublié
d’éteindre. Depuis l’horizon, un point brillant, de plus en
plus éblouissant s’approche, et nous interpelle. Après
quelques minutes, ce faisceau de lumière est facilement
identifiable. Mais au début, il peut occasionner des frayeurs
lorsqu’on est seul dans la nuit noire, loin de toute
habitation.
Des fragments de fusées, des coiffes de satellites
artificiels ou de restes de satellites anciens circulant à toute
allure autour de notre planète, sont attirés par la force de
gravitation de la masse de la Terre.
Ils perdent de l’altitude et s’approchent lentement des
couches plus denses de l’atmosphère terrestre. Alors, le
frottement de plus en plus important dû à leur vitesse
engendre une chaleur progressive. Ils s’échauffent,
deviennent rouges comme du métal en fusion et filent à
toute allure dans la nuit, dans un silence presque inquiétant.
Il est possible de suivre les derniers instants de ces
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objets qui vont se désintégrer quelque part ou au-dessus de
nos têtes. Filant à environ 20 ou 30 mille km/h, ils peuvent
facilement passer aux yeux des personnes non initiées à
l’astronomie, pour des objets venant de contrées galactiques
inconnues !
Un soir de fête internationale de l’astronomie, comme
tous les ans à l’occasion de la « Nuit des Etoiles », une
spectatrice m’interpelle et me montre un truc bizarre qui se
déplace dans le ciel. Quelques secondes d’hésitation m’ont
permis de lui expliquer, ainsi qu’au public, qu’il s’agissait
vraisemblablement d’une pièce de satellite artificiel. Ayant
la forme d’une lame de tondeuse à gazon, ce morceau de
métal entré dans l’atmosphère à grande vitesse en tournant
sur lui-même, commençait sa désintégration. Circulant à 15
ou 20 milles mètres d’altitude, il se désagrégeait, tout
simplement.
Il est facile de comprendre que des personnes loin de
s’intéresser à ce domaine se posent des questions, voire
interprètent ces phénomènes à leur manière, influencées
par des écrits ou des films de science fiction.
Dernièrement, dans le journal local, un article signalait
qu’une dame au volant de sa voiture avait été suivie par un
O.V.N.I !
Après renseignements et détails, il s’est avéré tout
simplement que cette charmante dame, de nuit, sur une
route droite, longeait une haie au travers de laquelle elle
apercevait par intermittence la Lune toute ronde (pleine
Lune), basse sur l’horizon. Plus elle accélérait, plus l’objet
brillant qu’elle voyait à sa gauche allait vite. Afin d’essayer
de comprendre ce qui se passait, elle a ralenti, s’est arrêtée.
L’objet en question a ralenti et s’est arrêté aussi. Seule dans
son véhicule et cédant à la panique, elle a accéléré, pris de la
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vitesse afin d’échapper à cette chose brillante qui insistait
afin de rester à ses côtés. Arrivée dans sa demeure, elle a
informé un journaliste qui a repris ses explications,
confirmant pratiquement qu’un objet volant suivait
consciencieusement une automobiliste rentrant chez elle.
C’est ainsi que naissent des histoires rocambolesques
que de trop nombreux contemporains croient et répandent
le plus sérieusement du monde !
Des renseignements plus précis vous seront offerts plus
loin.
Pendant que je vous racontais tout cela, j’ai rejoint mon
domicile.
Après quelques heures de sommeil et une journée bien
remplie j’attendais le moment de retrouver le jeune homme
de la veille, mais la journée n’en finissait pas. Le ciel taché
de quelques petits cumulus blancs commençait à
m’inquiéter un peu. Allait-il faire beau la nuit prochaine ?
Finalement, lentement, les cumulus se sont désagrégés,
annonçant une soirée d’observation acceptable.
J’étais installé sur mon petit rocher avant le crépuscule
civil. Si je vous parle du crépuscule civil, c’est qu’il y a des
raisons. Je vous dois quelques petites précisions. Il existe
trois crépuscules !
Le premier, le crépuscule civil est le moment à la
tombée de la nuit, où le centre du Soleil se trouve à 6° audessous de l’horizon. Le second, le crépuscule nautique, est
le moment où le centre du Soleil est à 12° au-dessous de
l’horizon, le ciel est un peu plus sombre. Quant au troisième,
le crépuscule astronomique, celui qui nous intéresse, c’est le
moment où le centre du Soleil est à 18° au-dessous de
l’horizon. Il fait presque nuit.
Quelques minutes après mon arrivée, sans doute
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