Recommandation sur l`exposition au virus Zika à l`intention

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Le 26 février 2016
Recommandation sur l’exposition au virus Zika à
l’intention des cliniciens intervenant auprès des
femmes enceintes et de celles qui envisagent de le
devenir
Avant-propos
L’émergence rapide du virus Zika, en tant qu’agent causal potentiel de lésions neurologiques fœtales, a
soulevé des questions cliniques auxquelles nous ne pouvons fournir que des réponses fondées sur des
données cliniques limitées. Il est donc nécessaire de prodiguer immédiatement des conseils aux femmes
qui pourraient en subir les impacts. Cette mise à jour repose largement sur une opinion d’expert, issue
d’une collaboration entre nos comités des maladies infectieuses, d’imagerie diagnostique, de médecine
fœto-maternelle, d’endocrinologie de la reproduction et d’infertilité ainsi que le Collège des médecins
de famille du Canada (CMFC) et la Société canadienne de fertilité et d’andrologie (SCFA). Elle est
destinée à compléter la ligne directrice (1) de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), dont la
SOGC a participé à l’élaboration. Ces recommandations pourraient faire l’objet d’une mise à jour, de
façon à refléter les modifications de pratique attribuables à la publication de nouvelles données
probantes et à l’obtention de nouveaux renseignements.
Introduction
Le virus Zika appartient à la catégorie des flavivirus. On l’a d’abord observé chez des singes en 1947, puis
on l’a décelé chez des êtres humains en Ouganda, en 1952. Plus de 30 pays ont maintenant signalé la
transmission du virus Zika, dont le Center for Disease Control (CDC) (2) actualise la cartographie. Des
anomalies congénitales, y compris la microcéphalie chez des bébés nés de femmes ayant souffert d’une
infection à virus Zika, ont fait l’objet d’une déclaration en Polynésie française et au Brésil. En outre, on a
isolé l’ARN du virus Zika dans le tissu cérébral d’un nourrisson microcéphale (3), ainsi que dans le
liquide amniotique d’au moins deux fœtus chez qui on avait détecté une anomalie cérébrale
(microcéphalie) à l’échographie.
Le moustique associé au virus Zika est introuvable au Canada. Par conséquent, les préoccupations des
autorités canadiennes se limitent aux voyageurs et à leur partenaire qui reviennent des
zones d’endémicité. Le moustique vecteur de l’infection à virus Zika est répandu dans les climats plus
chauds; il pique jour et nuit. Cette infection est brève, et environ 80 % des personnes qui la contractent
demeurent asymptomatiques. Par ailleurs, on a maintenant documenté la transmission sexuelle du
virus Zika chez des hommes qui ont séjourné dans les zones d’endémicité. Les personnes qui ont
souffert d’une infection à virus Zika semblent exposées à un risque accru d’apparition du syndrome de
Guillain-Barré. Cependant, on ignore si d’autres facteurs peuvent contribuer au risque de
lésion neurologique.
Le 26 février 2016
Conseils aux femmes qui envisagent de voyager dans les zones d’endémicité
Les données actuelles ne suffisent pas à établir une estimation exacte du risque. Jusqu’à maintenant, on
a déclaré des cas de microcéphalie chez des nourrissons nés de mères infectées par le virus Zika dans
deux pays seulement. Cependant, il est trop tôt pour déterminer si on observera cette infection dans les
pays qui ont entrepris de signaler la transmission du virus Zika depuis peu. Les femmes qui souhaitent
devenir enceintes devraient attendre entre deux et trois mois après leur retour d’une zone affectée
avant d’essayer de concevoir. Lorsqu'elles voyagent dans une zone affectée, les femmes actives
sexuellement doivent envisager l’emploi d’une méthode de contraception régulière et efficace pendant
leur séjour. En effet, on croit que le virus Zika est transmissible sexuellement.
Recommandation 1 :
Établir les antécédents et le carnet de voyage de toutes les femmes qui sont enceintes ou qui planifient
une grossesse.
Recommandation 2 :
Les femmes qui tentent de concevoir ou qui sont enceintes devraient reconsidérer leur décision de
voyager dans des zones de transmission active du virus Zika.
La liste des pays ayant confirmé la transmission du virus Zika inclut de nombreuses destinations
vacances populaires (2).
Recommandation 3 :
Les professionnels de la santé devraient fournir une lettre de médecin aux femmes qui préfèrent éviter
de voyager dans les pays affectés.
Les femmes qui ne peuvent éviter de voyager dans les zones d’endémicité doivent prendre des mesures
de protection personnelle contre les piqûres de moustique et les respecter pour toute la durée de leur
séjour. Ces mesures de protection incluent des barrières physiques, dont le port de vêtements longs
recouvrant la peau, le filet moustiquaire et l’emploi d’insectifuges. Des essais réalisés sur l’usage
personnel du DEET (diéthyltoluamide) et le prétraitement des vêtements par la perméthrine ont révélé
l’innocuité de ces produits pour les femmes enceintes et allaitantes.
Recommandation 4 :
Il faut conseiller aux femmes qui ne peuvent pas reporter leur voyage de prendre des mesures de
protection personnelle contre les moustiques, et les rassurer sur l’emploi sans danger des insectifuges
renfermant du DEET.
Conseils aux hommes qui reviennent des zones d’endémicité et dont la partenaire tente de concevoir
Le virus Zika demeure quelques jours dans le sang et jusqu’à deux semaines dans l’urine. Toutefois, il
peut séjourner deux mois ou plus dans le sperme. Les cas déclarés de transmission sexuelle du virus Zika
se sont manifestés quelques semaines après le retour d’une zone d’endémicité. Néanmoins, la
protection par le condom se révèle efficace contre la transmission sexuelle des virus présents dans le
sperme.
Recommandation 5 :
Le partenaire masculin de la femme qui planifie une grossesse doit recourir à un préservatif pendant
deux ou trois mois après son retour. Il est raisonnable d’envisager l’emploi du condom pour la durée
Le 26 février 2016
de la grossesse chez l’homme ayant reçu un diagnostic d’infection à Zika, ou ayant probablement
souffert d’une maladie à virus Zika.
On peut offrir un nettoyage de sperme aux couples qui n’ont pas l’intention de respecter le délai
d’attente recommandé de deux ou trois mois (en raison d’un traitement de fertilité, p. ex.). Aucune
donnée scientifique ne démontre l’efficacité du nettoyage de sperme quant à l’élimination du virus Zika,
mais ce procédé s’est révélé efficace pour d’autres infections virales. Cependant, les couples doivent
savoir qu’il peut subsister un risque de transmission. Les hommes qui envisagent de faire un don à une
banque de sperme doivent également être informés que la congélation ne détruit pas nécessairement le
virus Zika.
Conseils aux femmes ayant voyagé dans des zones d’endémicité
Dans le cas des autres virus affectant le SNC du fœtus, le premier trimestre représente une période à
risque élevé de lésion neurologique. Pour ce qui concerne le virus Zika, cependant, les données
scientifiques actuelles ne suffisent pas à définir une période de vulnérabilité.
Recommandation 6 :
Les femmes qui ont séjourné dans des pays à risque élevé, qui manifestent des symptômes
d’infection virale, notamment de la fièvre, une éruption cutanée, une conjonctivite, une myalgie ou
des douleurs oculaires, et dont les symptômes sont apparus il y a moins de 10 jours devraient subir un
test de dépistage du virus Zika par prélèvement sanguin et sérologique. Des services de soutien
psychologique devraient être offerts.
Le Laboratoire national de microbiologie, ou encore des laboratoires provinciaux ou territoriaux
réalisent le test de dépistage du virus Zika selon la méthode d’amplification en chaîne par polymérase
(ACP). Le virus Zika peut demeurer dans l’urine quelques jours après la virémie et l’urine peut faire
l’objet d’analyses au cours des 10 premiers jours suivant l’apparition des symptômes. Il est recommandé
de suivre le protocole établi par la province ou le territoire, le cas échéant.
Recommandation 7 :
On devrait recommander une analyse sérologique fondée sur les IgM aux femmes dont les symptômes
d’une infection à virus Zika se sont dissipés. On peut également l’offrir, après discussion, aux femmes
ayant séjourné dans des zones d’endémicité, mais qui ne manifestent aucun symptôme.
L’analyse sérologique (non spécifique) fondée sur les IgM peut avoir lieu entre dix jours et
douze semaines après leur retour de voyage ou la manifestation de leurs premiers symptômes. Des
services de soutien psychologique devraient être offerts.
L’analyse sérologique fondée sur les IgM qui est disponible à l’heure actuelle peut révéler de faux
résultats positifs et engendrer une réactivité croisée avec d’autres flavivirus, dont les virus de la
fièvre dengue, qui cocirculent dans les mêmes zones géographiques que le virus Zika. Une infection
antérieure à flavivirus ou la vaccination (contre la fièvre jaune, p. ex.) peuvent également causer des
difficultés d’interprétation des IgM. On ignore le coefficient de prévision négatif de l’analyse sérologique
fondée sur les IgM, pour l’instant. L’analyse confirmatoire fondée sur les IgG est un procédé utilisateur
de main-d’œuvre. Par conséquent, son délai d’exécution est lent.
Recommandation 8 :
Les femmes enceintes dont l’analyse virale ou sérologique a révélé la présence du virus Zika devraient
être orientées vers une clinique multidisciplinaire de grossesse à risque élevé. En fonction de la
Le 26 février 2016
situation clinique, la patiente devrait se voir offrir (dans le cadre d’une consultation) d’envisager la
tenue d’une amniocentèse visant l’analyse du liquide amniotique par ACP (en plus de celle d’une
échographie détaillée permettant d’établir la situation de départ) en vue de chercher à déceler la
présence d’une infection fœtale. Au besoin, la tenue d’une consultation auprès d’un spécialiste
approprié au sein d’un établissement de soins tertiaires peut alors être mise en œuvre. La consultation
et la prise en charge de cette infection congénitale potentielle devraient suivre les procédures locales
d’orientation vers l’unité des maladies infectieuses de la reproduction ou l’unité de médecine fœtomaternelle.
Recommandation 9 :
Il n’existe aucun consensus quant à un suivi spécifique par échographie chez les femmes dont l’analyse
fondée sur les IgM a révélé un résultat négatif. Dans cette situation, outre l’échographie
morphologique du deuxième trimestre, on devrait offrir une échographie au troisième trimestre (31 à
33 semaines), au minimum. On peut aussi envisager d’autres examens scintigraphiques au moment de
la présentation et (ou) une série d’échographies mensuelles. On devrait cependant informer les
femmes des limites de l’échographie, qui ne permet pas de déceler les anomalies aux premiers stades
de la grossesse.
Certaines lignes directrices recommandent la réalisation d’une série d’échographies chez les femmes
potentiellement exposées à un risque d’infection à virus Zika, mais dont l’analyse sérologique a révélé
un résultat négatif. Cependant, les femmes et leurs professionnels de la santé doivent savoir que
l’échographie comporte des limites quant au dépistage des lésions neurologiques aux premiers stades
de la grossesse. D’après l’expérience acquise relativement à d’autres infections périnatales connues
pour causer la microcéphalie, les lésions ne se manifestent à l’échographie qu’aux derniers stades de la
grossesse. Par conséquent, l’interprétation correcte des anomalies précoces et subtiles, le cas échéant,
peut exiger l’intervention d’une unité d’imagerie diagnostique hautement compétente. À
l’heure actuelle, on constate un manque de données démontrant l’évolution des lésions neurologiques
associées au virus Zika, malgré leur nécessité absolue. Néanmoins, la documentation publiée jusqu’à
maintenant laisse entrevoir des conséquences similaires à celles de l’infection à CMV in utero, qui
entrave la migration des neurones et la maturation du cerveau, produit des calcifications, limite la
croissance et cause la ventriculomégalie.
Le 26 février 2016
Algorithme 1 Dépistage et prise en charge des femmes en âge de procréer qui sont exposés à des
risques d’infection par le virus Zika
Antécédents
de voyage
(Positifs)
Symptomatique
Asymptomatique
Moins de 10 jours après
l'apparition des symptômes
Entre 10 jours et 12 semaines
après un retour de voyage (et la
disparition des symptômes)
1. Analyse par ACP, analyse sérologique fondée sur les IgM, analyse
d'urine par ACP
1. Offrir une analyse sérologique fondée
sur les IgM.
2. Orientation vers une clinique de grossesse à risque élevé
3. Échographie
4. Répétition de l'analyse sérologique fondée sur les IgM dans un délai
de 2 semaines
2. Planifier une échographie.
3. Orienter vers une clinique de grossesse
à risque élevé.
Entre 10 jours et 12 semaines
après un retour de voyage
1. Offrir une analyse
sérologique fondée sur
les IgM.
2. Planifier une
échographie.
Le 26 février 2016
Algorithme 2 Dépistage et prise en charge des femmes enceintes qui sont exposées à des risques
d’infection par le virus Zika
Analyse sérologique
fondée sur les IgM
Sérologie positive
Sérologie négative
Orienter vers un centre de grossesse à risque élevé
(consultation en MFM).
Engager une discussion éclairée sur
les limites diagnostiques de
l'échographie.
Réaliser des échographies additionnelles.
Envisager l'amniocentèse.
Recommander, au minimum, une échographie additionnelle entre la 31e et
la 33e semaine.
Envisager un suivi par une série d'échographies mensuelles après discussion
approfondie avec la patiente.
Évaluer les ressources locales, les possibilités d'accès, la disponibilité du
personnel soignant et les préférences de la patiente.
Le 26 février 2016
Liste de références
(1) Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages.
Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du virus Zika, Agence de la
santé publique du Canada, 2016 [extrait le 19 février 2016]. Disponible à l'adresse URL suivante :
http://www.canadiensensante.gc.ca/publications/diseases-conditions-maladiesaffections/committee-statement-treatment-prevention-zika-declaration-comite-traitementprevention/index-fra.php?_ga=1.211148183.347494959.1453823832
(2) Centers for Disease Control and Prevention. Areas with Zika, 2016 [extrait le 19 février 2016].
Disponible à l'adresse URL suivante : http://www.cdc.gov/zika/geo/index.html
(3) Mlakar, J., M. Korva, N. Tul, M. Popovic, M. Poljsak-Prijatelj, J. Mraz et coll. « Zika Virus Associated
with Microcephaly », N Engl J Med, 10 février 2016.
Document approuvé par le conseil d’administration de la SOGC le 22 février 2016
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