Œil sec
Il n’y a pas de consensus sur la définition de l’œil sec.
Les patients rapportent des symptômes peu spécifiques :
brûlures, prurit, sensation de corps étranger, larmoiement
paradoxal, difficulté d’ouverture des paupières le matin et
beaucoup plus rarement sensation d’œil sec. Les tests
cliniques proposés pour authentifier la sécheresse ocu-
laire ont des limites importantes :
•Le test de Schirmer, bien qu’imprécis en raison des
chevauchements qui existent entre sujets normaux et ma-
lades, reste un test très utile à la condition d’être réalisé
dans des conditions standardisées et c’est là que le bât
blesse. Le test de Schirmer I (sans anesthésie, insertion
d’une bandelette de papier filtre calibrée au niveau du
cul-de-sac conjonctival inférieur, à la jonction du tiers
externe et du tiers moyen) est le test de référence. Un test
de Schirmer I inférieurà5mmen5minutes est considéré
comme anormal.
•Le temps de rupture du film lacrymal (break up time,
BUT) consiste à instiller une goutte de fluorescéine et à
mesurer le temps au bout duquel on observe une rupture
du film (tâches noires apparaissant dans le film lacrymal
coloré en vert par la fluorescéine après interposition du
filtre bleu cobalt de la lampe à fente). Un temps de rupture
inférieur à 10 s est considéré comme pathologique mais ce
test est peu sensible et peu spécifique.
•La mise en évidence d’une kératite ponctuée super-
ficielle est beaucoup plus évocatrice d’œil sec. On instille
un colorant puis on lave au sérum physiologique : quand
il existe une kératite ponctuée superficielle, le colorant
reste fixé sur les cellules épithéliales qui souffrent, car la
couche mucinique de surface est déficiente. Ce test doit
faire l’objet d’une quantification : la surface de l’œil expo-
sée dans l’ouverture de la fente palpébrale est divisée en
trois parties (conjonctive bulbaire nasale, temporale et
cornée au milieu) et pour chacune de ces parties la colo-
ration est évaluée par un score de0à3enfonction de la
densité et de la surface de la coloration. Un score de 0/9 à
9/9 peut ainsi être défini au niveau de chaque œil. Un
score supérieur à 4/9 est pathologique. Le test au rose
Bengale est abandonné depuis 1999 (colorant non dispo-
nible) et a été remplacé par le test au vert de lissamine dont
la sensibilité est bien moindre.
•D’autres tests, faisant référence à une étude des
larmes, ont été proposés : test de cristallisation des larmes
(Ferning test, aspects observés très différents quand il
existe un syndrome sec comparativement au sujet nor-
mal), électrophorèse des protéines lacrymales, dosage du
lysozyme et des IgA dans les larmes. Ces tests ne sont pas
utilisés en pratique : pas de standardisation, normes non
définies, absence de consensus.
De nombreuses affections sont susceptibles d’induire
des anomalies des tests dont le but est de démontrer une
sécheresse lacrymale, parfois d’ailleurs en raison d’un
syndrome sec secondaire à ces processus pathologiques :
allergies conjonctivales, conjonctivites infectieuses. Le
problème est d’autant plus difficile que les collyres utilisés
pour le traitement des symptômes de sécheresse ont eux-
mêmes une toxicité cellulaire par le biais des conserva-
teurs qu’ils contiennent. En définitive, pour retenir le
diagnostic d’œil sec, deux tests doivent être positifs et c’est
le test de Schirmer I et le test au vert de lissamine qui se
sont imposés. Quand on sait qu’après 70 ans 15 à 20 %
des sujets ont des symptômes d’œil sec et que 10 % des
sujets de cet âge font usage de collyres substitutifs des
larmes, on peut mesurer l’ampleur du problème.
Bouche sèche
On a vu les difficultés qu’il y a à porter le diagnostic
d’œil sec. Affirmer une bouche sèche est tout aussi diffi-
cile. La sensation subjective de bouche sèche est en effet
un symptôme fréquent, particulièrement chez les sujets de
plus de 65 ans. La prévalence de cette sensation de
bouche sèche dans la population âgée ambulatoire a été
estimée à 17 % dans une étude récente [3] consacrée à ce
problème à partir de deux questions validées [4]. Cette
plainte est plus fréquente chez la femme et augmente avec
l’âge.
Outre cette sensation de bouche sèche, les syndromes
secs buccaux entraînent une gène lors la parole (la langue
colle au palais), une gène lors de la déglutition, des
douleurs buccales à type de brûlures.
Une hyposialie sévère est responsable d’un aspect
vernissé de la muqueuse buccale, d’une langue dépa-
pillée, favorise les infections locales (gingivites, parodon-
tites, candidose buccale récidivante) et les caries dentaires
multiples et d’évolution rapide. La constatation d’une
hypertrophie des glandes salivaires (uni- ou bilatérale,
permanente ou récurrente), le plus souvent des parotides,
est un signe objectif indiscutable de souffrance des glan-
des salivaires quand il existe des signes fonctionnels de
bouche sèche.
Affirmer l’hyposialie impose d’avoir recours à une
mesure du flux salivaire. Plusieurs approches ont été pro-
posées : mesure du flux salivaire parotidien de réalisation
délicate et en pratique abandonnée, mesure du flux sali-
vaire total après stimulation, mesure du flux salivaire total
sans stimulation. C’est cette dernière technique qui est
actuellement recommandée. La mesure doit être prati-
quée dans des conditions standardisées (le matin à jeun, le
sujet devant s’abstenir de fumer). On s’accorde pour rete-
nir le diagnostic de xérostomie quand le débit salivaire,
habituellement mesuré pendant 15 mn, est inférieur à 1,5
ml. Le recueil de la salive dans un simple tube, suivi de la
pesée de la salive recueillie, est la méthode la plus simple
(un gramme de salive est égal à un millilitre).
D’autres méthodes [5] visant à apprécier une bouche
sèche peuvent être utilisées. La scintigraphie séquentielle
des glandes salivaires qui consiste à mesurer l’intensité et
Revue
mt, vol. 10, n° 5, septembre-octobre 2004
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