Les mal-aimés - Eau et Rivières de Bretagne

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Les
mal-aimés
Pour une réhabilitation des
obscurs et autres pestiférés
des zones humides
Dour ha Stêroù Breizh
Centre Régional d’Initiation à la Rivière - 22810 Belle-Isle-en-Terre - Tél : 02 96 43 08 39
http://educatif.eau-et-rivieres.asso.fr/
Depuis son avènement sur terre, l’homme impose ses lois. Il décide de l’avenir de tel paysage, de telle
espèce végétale ou animale. Et bien entendu, si un être quel qu’il soit lui inspire la crainte, celui-ci
devient rapidement pestiféré. Il est alors pourchassé, traqué, si possible jusqu’à l’éradication. Et ce
par tous les moyens dont les nombreuses balivernes colportées ici et là depuis la nuit des temps.
Aujourd’hui, on parle beaucoup du retour du loup et de toute la peur qui en découle ; les contes et
légendes y ont largement contribué… Mais ici nous n’allons pas parler de ce magnifique trouillard
qu’est ce pauvre loup. La liste des « maudits » est malheureusement longue comme le bras et nous
nous contenterons dans ces pages de présenter ceux qui fréquentent nos chères zones humides.
Tous les maux de la terre !
L’homme ne manque pas d’imagination lorsqu’il s’agit de désigner un coupable. Voici la
liste non exhaustive des griefs reprochés à ses infortunés cousins.
• « Sale gueule » : Si l’animal ne répond pas à des
canons de beauté qui viennent d’on ne sait où, il
devient donc indésirable et inutile. C’est le reflet
que l’on ne veut pas voir dans le miroir… Tant pis
donc pour les êtres ne possédant pas des yeux
de biches, de jolies couleurs ou une apparence de
peluche. C’est un peu dur pour justifier un coup de
pelle sur la tête… mais c’est un fait !
• Dangereux : La morsure ou la piqûre de certaines espèces peut
s’avérer dangereuse, certes. Mais sous nos contrées cela concerne tout au plus cinq espèces
et les cas sont extrêmement rares. Malheureusement, la liste des bestioles jugées dangereuses
est à tort beaucoup plus longue, par ignorance ou croyance.
• Nuisibles : Il doit y avoir autant de raisons de juger un animal nuisible qu’il existe d’hommes
sur terre… Tout ce qui gêne notre confort, notre quotidien « métro boulot dodo », notre
économie… est bon pour juger un être nuisible. Si on cherche bien, toutes les espèce doivent
y passer à un moment ou à un autre ! En réalité, toutes ont une utilité, question de point de
vue ou de bon sens. Les sureffectifs d’une espèce sont souvent liés à des déséquilibres causés
par les êtres humains : bouleversements de l’habitat, introductions d’espèces exotiques,
élimination des prédateurs naturels…
• Concurrents : Si une espèce a le malheur de convoiter
une même cible que l’homme, c’est le début des
ennuis pour elle ! C’est lui qui décide, c’est ainsi et pas
autrement. Même si cela n’a pas toujours de sens.
• Sales : Un seul être vivant est capable de polluer les
sols, l’eau et l’air, et c’est le même qui juge ce qui est
sale ou ne l’est pas ! Vous avez le droit de sourire… ou
pas.
• Mauvaise augure : Les croyances provenant du fin fond
du Moyen-âge sont encore tenaces. Et pour conjurer le
mauvais sort, on est prêt à toutes les âneries…
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Crapauds,
grenouilles et
salamandre
Vade retro crapaud !
Aristote, Pline, Democrite… Depuis très
longtemps les plus illustres de nos congénères
ont disserté sur les prétendus pouvoirs et autres
maléfices qu’occasionnent ces animaux. Ce qui
arrangera bien la chrétienté qui n’y voyait que
« vermines qui naissent de notre pourriture et
nous font redouter Dieu et sa puissance »… La Bible classait ainsi les amphibiens dans l’enviable
catégorie des « impures » et l’église lui imputait les péchés de chair. Lors de l’inquisition, la seule
présence d’un crapaud sous une pierre à votre porte vous conduisait invariablement vers le
bûcher ! Et même durant le siècle des Lumières, dans sa célèbre encyclopédie, Diderot le traitera
de suspect ! N’en jetez plus !
On reproche au crapaud son aspect terne et sa peau visqueuse recouverte de verrues. Et
à partir de ce constat, tous les fantasmes les plus grotesques surgissent : son haleine serait
mortelle, sa morsure et son urine seraient venimeuses, sa seule vue pourrait provoquer spasmes,
convulsions ou mort…
La grenouille, dont la peau n’est pas verruqueuse, a tout de même été très longtemps mise dans
le même sac que le crapaud. Ainsi, celle-ci est présentée dans la Bible comme étant l’une des
dix plaies d’Egypte ! Au Moyen-âge, les femmes souffrant de douleurs menstruelles abritaient
dans leur ventre une grenouille, enfin c’est ce que pensaient les médecins de l’époque… Et
enfin, le clergé appréciait modérément que la messe soit interrompue par les chants sonores de
ces batraciens.
Heureusement, dans presque toutes les autres civilisations du monde, la grenouille jouit d’une
bien meilleure image : symbole de la vie et de la fécondité (grecs), de renaissance (Egypte),
messagère du bonheur (celtes, Japon), reine des sources (Afrique du Nord)…
Et en plus ils forniquent !!
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Du dragon au blason
Comme la grenouille et le crapaud, au Moyen-âge la salamandre est considérée comme un être
diabolique. On lui attribue alors une liste de pouvoirs incroyables. Ainsi, si elle vous voit avant
que vous ne la voyez, vous serez ni plus ni moins foudroyé ! Elle empoisonne les puits, fait
tourner le vinaigre. Ne vous aventurez pas non plus à croquer une pomme qu’elle aurait infectée
de sa bave et ne vous baignez pas dans l’eau dans laquelle elle aurait nagé ! Il vous en coûterait !
Pire, elle pourrait vous mordre ou même vous projeter son venin à distance ! Dans ce cas,
il vous faudrait autant de médecins qu’il y a de taches sur l’animal ! Heureusement, si vous
parvenez à la tuer avant, vous éviterez cent jours de purgatoire !
Ce n’est pas tout. La bestiole fait à peu près tout ce qu’elle veut avec le feu : elle y vit, elle le
crache (de préférence vers son ennemi, c’est-à-dire vous), elle l’éteint même si tel est son désir !
Car oui, depuis l’Antiquité, il est acquis que jeter « cet animal froid comme de la glace » dans
un brasier, et de flammes il n’est plus question… Les anciens Egyptiens l’appelaient d’ailleurs
« homme mort de froid ».
A la Renaissance, François 1er va redorer le blason de la salamandre. Il en fait sa devise : « Je
l’entretiens et je l’éteins ». Parlait-il des femmes qu’il aimait beaucoup ou du feu ? Débat non
tranché aujourd’hui. Peut-être voyait-il en elle sa capacité à traverser les épreuves sans faiblir ?
Son blason devait à l’origine montrer une salamandre traversant le feu et crachant de l’eau.
Les copistes, mal informés, ont transformé l’eau en flammes d’où cet étrange apparence de
dragon… (voir l’image ci-dessous)
• Si la peau des amphibiens est visqueuse,
c’est qu’ils doivent la maintenir humide (à l’aide
de glandes). Ils respirent essentiellement par
la peau, et cette humidité facilite les échanges
gazeux.
• Les verrues du crapaud et la peau de la
salamandre abritent un venin qui sert à les
protéger des prédateurs. Il ne peuvent en aucun
cas l’inoculer ! On peut les saisir sans danger,
mais pas les croquer !
• Les amphibiens sont des alliés du jardinier
et de l’agriculture : ils consomment entre autres
limaces, escargots, chenilles, fourmis…
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• Leur laideur est très subjective. Une
joue tartinée de maquillage n’est pas moins
repoussante, question de point de vue
toujours…
• Les concerts amoureux des amphibiens
sont-ils plus désagréables que le balais des
tondeuses dans les jardins, que l’aboiement
des chiens du voisin, que le ronronnement de
la quatre voies ? Si oui, quittez la campagne et
optez pour le centre ville !
• N’oublions pas de plus que ces animaux
sont strictement protégés par la loi !
Pour en savoir plus : http://educatif.eau-etrivieres.asso.fr/pdf/livret-amphibiens-v2.pdf
Les
serpents
Comme les amphibiens, et peut-être même pire encore, les serpents subissent depuis fort longtemps
une très mauvaise réputation. Déjà, au temps des Grecs, Méduse, la Gorgone, dont la chevelure est
faite de serpents sifflants pouvait métamorphoser en pierre quiconque la regarde droit dans les yeux. La
Bible, jamais en reste, considérait que derrière ces animaux se cachaient le mal, le vice, l’adultère, et
même Satan en personne. D’ailleurs, lorsque Dieu créa l’anguille, le diable fit la couleuvre, et quand
le créateur eut fait les poissons, Satan fit les serpents qui vivent dans l’eau (sic)…
Comble de malheur, ces viles bestioles sont dangereuses : elles piquent ! Leur langue est un véritable
dard qui vous perce la peau pour mieux introduire le terrible venin qui vous fera mourir après d’atroces
souffrances !! Mais l’animal pourrait aussi profiter de votre sommeil pour s’introduire dans votre corps
par votre bouche ouverte ; il n’aurait alors plus qu’à vous grignoter de l’intérieur…
Les couleuvres vont même jusqu’à téter le pis des vaches ; celles-ci donnent alors du lait rouge et
finissent par dépérir. On en a même vu s’en prendre aux seins d’une imprudente nourrice qui s’était
endormie. A moins qu’elle ne fût hypnotisée par le regard perfide du reptile ?
Maudits serpents ! Et pour s’en débarrasser, ce n’est pas si simple : jetés dans le feu, il leur pousse des
pattes ! Taillés en pièces, ils donneront autant de serpents que de morceaux… Heureusement que les
forces divines sont là, et que Dieu envoya quelques Saints (Patrick, Maudez…) pour éradiquer le mal ici
et là… « Mort la bête, mort le venin ! » comme on disait en Haute-Bretagne !
De nos jours, les croyances ne sont pas aussi fortes, mais la méfiance et la
crainte existent toujours. Les croyances populaires sont le « bilan »
de plusieurs cultures, en découlent des superstitions qui
finissent en préjugés soi-disant fondés et tenaces. Malgré
une protection totale, dans les campagnes, un serpent
vivant doit mourir quasi systématiquement…
On peut noter quand même qu’au sein de certaines civilisations,
les serpents ont parfois eu la côte. Les Celtes en avaient fait
le symbole de la fertilité et de la régénération. Les Romains
leur vouaient un culte (Esculape) ; pour les Aztèques, les
dieux-serpents étaient des dieux d’abondance (eau, terre,
moisson)…
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"Celui qui met le pied sur une vipère risque
une mort sure." écrivait Jean Aillaud en
plaisantant...
• En Bretagne, on peut rencontrer cinq espèces
de serpents (4 couleuvres et une vipère). Et
encore, deux d’entre elles sont localisées
à l’extrême est de la région. Les deux plus
communes sont la couleuvre à collier et la
vipère péliade. Mais même elles deviennent
rarissime localement…
• Seule la vipère péliade possède des
crochets venimeux. Mais une morsure ne
garantit pas une envenimation ! En effet, 50 %
des morsures sont dites blanches. Puis les cas
d’envenimation graves sont extrêmement rares
avec un cas de mortalité par an en moyenne
(contre une cinquantaine pour les piqûres
d’hyménoptères). Et pour se faire mordre, il
faut vraiment faire preuve de malchance ou
d’imprudence inconsidérée…
• Non ! Les serpents ne piquent pas ! Avec
quoi piqueraient-ils ? Ils mordent, ou plutôt, elle
mord (la vipère) et de préférence ses proies
favorites, à savoir les rongeurs essentiellement !
Ce qui en fait à ce titre une alliée de l’agriculture.
• Non ! Les serpents ne sont pas agressifs ! Ils
sont même très craintifs et fuient le danger, ou
simulent la mort, comme la couleuvre à collier.
• Non ! Ils ne sont pas sales ! Leur peau
recouverte d’écailles soudées et vernissées est
même renouvelée par mue régulièrement.
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• Non ! Les serpents ne sifflent pas pour vous
jeter un sort ! Inquiétés, il leur arrive de souffler
pour impressionner l’agresseur. Un peu comme
un chat...
• Non ! Ils ne peuvent pas vous hypnotiser,
n’en déplaise à Kaa. Leur regard fixe et étrange
est aussi inoffensif que celui que vous renvoie
le miroir le matin…
• Non ! Lorsqu’il sont coupés en morceaux,
les serpents ne se multiplient pas ! Et c’est
bien dommage, car ils font souvent les frais du
fauchage mécanique…
• Non ! Les serpents ne tètent pas les
vaches ! Mais fallait-il vraiment le préciser…
Cette croyance absurde vient probablement du
fait que lorsqu’on les écrase, un liquide blanc
et épais se répand. C’est simplement l’urine
des serpents qui se présente ainsi. De plus
les couleuvres aiment pondre dans les tas de
végétaux en décomposition (fumier), en raison
de la chaleur qui s’y dégage. Les fermes, les
vaches, le lait, le serpent… Tout était réuni pour
construire une légende.
• Non ! On ne doit pas et on ne peut pas les
détruire ! Ils sont intégralement protégés par
la loi. Depuis 1976, il est même interdit, sauf
autorisation, de les capturer. Et heureusement,
car aujourd’hui, ces animaux fascinants se font
de plus en plus rares.
@ Benoit Henrion
Oiseaux
de
malheur
Hérons et cormorans
Corbeaux de mer ! Pirates !
Pour être précis, on parle ici du grand cormoran et
du héron cendré. Le cormoran huppé ne quitte pas
les falaises littorales et les autres hérons (aigrettes,
pourpré…) sont moins concernés, car moins piscivores
ou bien moins communs.
Quand il s’agit de vilipender ces deux grands oiseaux, les termes de manquent pas. Alors qu’ils
pouvaient fasciner le pêcheur tranquillement assis au bord de l’eau il y a une trentaine d’année
encore, aujourd’hui la musique a changé. Que s’est-il donc passé durant tout ce temps pour que
l’émerveillement ait laissé place à la colère ? A l’époque, ce n’est pas si loin, observer un héron cendré
à l’affût sur la berge ou un cormoran remonter à la surface d’un étang étaient choses rares et donc
sujet à contemplation. Il faut dire que pendant longtemps, ces volatiles se sont fait joyeusement
massacrés jusqu’à la quasi-extinction. Mais depuis leur protection à la fin des années 70, les effectifs
de ces oiseaux ont régulièrement augmenté. Et
le seuil de tolérance est semble t-il largement
dépassé pour les pêcheurs et les pisciculteurs
qui s’indignent de voir « leurs poissons » finir
dans le gosier de ces « envahisseurs ». Alors dans
une région comme la nôtre où l’on a sacrifié
des centaines d’hectares de zones humides
pour creuser des étangs afin de taquiner le
goujon le dimanche ou à la retraite venue, ça
grogne…Touche pas à mon poiscaille !
Petites histoires et symbolique
D’après la Bible (encore !), le cormoran faisait partie de l’excursion dans l’arche de Noé lors du déluge.
Mais comme il aurait été sale, Noé pour le punir, lui aurait retiré son imperméabilité et lui aurait
donné la couleur noire de son plumage, d’où son nom de corbeau des mers… ça démarrait mal.
Le héron quant à lui était symbole de force, de pureté, de patience et de longue vie en Chine. Les
égyptiens l’honoraient en tant que créateur de la lumière et annonciateur de bonnes nouvelles, et les
Amérindiens faisaient de lui le symbole de la sagesse. Mais chez nous, d’aucun pensait que le héron
attirait le poisson grâce à une substance secrétée par la peau de ses pattes... que l’on fit donc bouillir
pour en extraire le pouvoir magique. Il y a encore une quarantaine d’années, on vendait (à prix d’or)
des fioles d’huile de pattes de hérons…
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Buffon, qui fréquentait Versailles, le décrivait
comme un oiseau taciturne dont la « peine
intérieure trace sa triste empreinte jusque
sur sa figure ». Pourtant, il aurait dû savoir
que le choix de ce domaine royal devait
beaucoup aux hérons. Louis XIII, qui adorait
chasser l’échassier avec ses faucons, décida
d’y prendre ses quartiers et d’y construire
un pavillon de chasse. L’endroit était riche
en hérons et proche de Paris, tout ce dont il
rêvait !
• Le grand cormoran et le héron cendré ne
sont pas des prédateurs spécialisés dans
une ou plusieurs espèces. Ils consomment les
proies les plus abondantes et les plus faciles à
capturer.
• Ces oiseaux peuvent poser problème dans
les régions de pisciculture (Brenne, Dombes,
Sologne…), mais tout est relatif. Ainsi, en
Brenne, les prélèvements annuels du cormoran
représentent 3% de la production annuelle et
ceux du héron sont encore bien moindres (1%
de la biomasse à récolter). De plus, il existe des
techniques de protection efficaces et rentables
aujourd’hui. Mais la Bretagne est-elle vraiment
concernée ?
• Le héron cendré n’engloutit pas que
des poissons mais aussi des insectes, des
amphibiens… D’ailleurs, en automne et en
hiver, il ne se nourrit quasiment que de micromammifères (campagnols, mulots…). Il est
d’ailleurs très fréquent de l’observer dans les
champs à cette occasion.
• Une peu de bon sens ! Ce ne sont pas ces
oiseaux qui vident nos rivières et nos étangs de
leurs poissons, mais d’autres causes bien plus
graves et insidieuses : pesticides, eutrophisation,
cyanobactéries…
Les rapaces
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Le busard cendré est
l’un de nos rapaces
les plus menacés.
@ René Dumoulin
Les zones humides, formidables réservoirs de
biodiversité, constituent d’excellents terrains
de chasse pour de nombreux rapaces. Certains,
plus rares, y passent même le plus clair de leur
temps et s’y reproduisent même. C’est le cas
par exemple du busard des roseaux.
En France, depuis 1972, tous les rapaces, sans
exception, sont protégés. Il était temps, car au
début des années 1970, les populations étaient
pour la plupart tombées au niveau le plus bas,
en raison des persécutions dont elles faisaient
l’objet (tir, piégeage, empoisonnement). Cellesci avaient d’ailleurs abouti à l’éradication, en
France, de plusieurs espèces au cours du XXe
siècle.
Sus aux “ becs crochus ” !
@ Christian Maliverney
S’ils sont vénérés par de nombreuses civilisations de par le monde (Grecs, Egyptiens,
Amérindiens…), c’est loin d’être le cas en Europe. Dès le XVIe siècle, on accordait des primes
de mise à mort pour protéger les animaux d’élevage victimes de « ces becs crochus », quand
ce n’était pas les enfants…. Même Buffon s’y mettait : « [...] les oiseaux de proie sont ignobles,
immondes et lâches [...] ».
Et entre 1850 à 1900 à cause de la popularité de la chasse au petit gibier, ce fut l’apogée de cette
boucherie. Il fallait exterminer ces concurrents venus du ciel : on estime ainsi de deux cent à
trois cent mille le nombre de rapaces abattus par an à cette époque en France.
Et ne parlons pas des chouettes et hiboux, les pauvres… En plus d’être des rapaces, ils vivent la
nuit, poussent des cris lugubres et ont un regard terrifiant. Horreur ! Malheur ! A la campagne,
ces démons viennent même jusqu’à se poser sur les toits des maisons pour annoncer la mort
d’une bête ou d’un proche… Pour conjurer le mauvais sort, il s’agit alors de clouer l’oiseau
vivant à la porte de la grange.
Un couple de chouette effraie élevant 4
jeunes consomme près de 6000 proies dans
l’année, dont plus de 80 % de rongeurs !
• Non ! Les rapaces ne s’attaquent pas au
bétail ni aux jeunes enfants ! Même un aigle
royal serait bien incapable de porter dans ses
serres une proie d’un tel poids !
• Non ! L’extermination des rapaces
n’entrainerait pas d’augmentation du
gibier mais favoriserait plutôt les rongeurs
et les corvidés. Et depuis quand une espèce
devient-elle nuisible sous prétexte qu’elle
convoite la même proie qu’un chasseur armé
d’un fusil ?
•Non ! Les chouettes et les hiboux ne sont
pas des envoyés du démon. Ils vivent la nuit
(comme de nombreux animaux d’ailleurs) car
ils sont adaptés à la vie nocturne (face en forme
de parabole, vue, ouïe) et ils évitent ainsi la
concurrence des prédateurs diurnes.
• Non ! Leur cri n’annonce rien de morbide !
Entonné dans la nuit, le chant d’une chouette
ou d’un hibou peut impressionner l’homme,
si peu adapté à la vie nocturne. Mais il ne faut
pas que cette peur se transforme en paranoïa
non plus. Il n’annonce ni plus ni moins que la
saison des amours bat son plein là-haut dans les
arbres !
• Ces oiseaux ne sont pas seulement
extrêmement fascinants, ils sont aussi de
formidables auxiliaires pour l’agriculture.
Ce sont de grands consommateurs de rongeurs
par exemple. Ils sont aussi les garants d’une
nature saine et équilibrée.
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Les
mustélidés
Les mustélidés regroupent des mammifères
de l’ordre des carnivores. Quelques espèces
fréquentent assidument les zones humides :
Le putois, les visons et la loutre d’Europe.
@ Corentin Marvan
Le putois (ci-dessus), pour le commun des mortels, est un animal qui pue, d’où son nom peu
glorieux (du latin putere = puer). Et apparemment cela ne lui suffit pas car le bestiau ne fait pas
dans le discret : il gueule comme un…putois. On peut rajouter également au dossier qu’il est un
prédateur du lapin. Sacrilège ! Sans compter qu’il lui arrive aussi de dévaster les poulaillers…
n’en jetez plus ! Dans le genre « bon élève », on a connu mieux… Conclusion : le putois est « une
espèce de gibier que l’on peut chasser en période de chasse et dans certains départements, il
peut même être classé parmi les «nuisibles», c’est-à-dire qu’il peut être traqué en dehors des
périodes de chasse, par tirs ou piégeages ».
Élevé pour sa fourrure, le vison d’Amérique (ci-dessous à droite) a été introduit en Europe entre
les deux guerres. Relâchés volontairement ou échappés des élevages (encore une bonne idée),
plusieurs individus se sont si bien acclimatés qu’ils ont fini par supplanter leur cousin autochtone,
le vison d’Europe, qui a aujourd’hui disparu de la région. Aujourd’hui, sa progression menace
même gravement « l’européen » qui ne subsiste plus que dans l’extrême sud-ouest de la France.
« L’américain » est donc une espèce chassable et il figure sur la liste des espèces susceptibles
d’être classée nuisibles.
@ Eric Jézéquel
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@ Emmanuel Holder
La loutre a meilleure presse auprès du grand public, mais ce
ne fut pas toujours le cas, loin de là. Aujourd’hui protégée en
France (depuis 1972), elle fut traquée, chassée et piégée pour
sa fourrure jusqu’en 1960. Ainsi, la revue Rustica titrait : « La
loutre, un des pires bandits de nos rivières ! ».
Après avoir disparu de nombreux territoires, elle
retrouve aujourd’hui peu à peu ses quartiers (http://
educatif.eau-et-rivieres.asso.fr/pdf/loutre-reconqueterevue.pdf).
Mais déjà, des voix grondent. Encore un vilain
prédateur qui va venir vider les poissons de nos rivières
et nos bassins ! Les pêcheurs et les pisciculteurs voient d’un mauvais œil le retour de ce
prédateur. La longue liste des griefs qui lui seront reprochés est déjà prête…
• Non ! Le putois ne devrait plus être considéré
nuisible ! Il est un des seuls prédateurs du rat
musqué, des jeunes ragondins et du surmulot.
Cela devrait suffire à le classer parmi les espèces
protégées ! Et bien non, pas en France, sans
doute car il est également le prédateur du lapin,
lui-même pourtant classé nuisible… Etonnant
non ? D’autant que le putois fait partie de la
longue liste rouge des espèces menacées.
• Non ! Le putois ne décime pas les
poulaillers ! S’il lui arrive de prélever de la
volaille, c’est vraiment exceptionnel. Et une
basse-cour bien clôturée (c’est la base), suffit à
éviter ce genre de désagréments.
• Oui ! Le putois crie de toutes ses forces…
lorsqu’il sent se refermer sur lui les mâchoires
d’un piège. Il y a de quoi… Mais dans la vraie vie,
c’est un animal discret et furtif, pas du genre à
hurler sous les fenêtres.
• Oui ! Le putois, encore sous l’effet de la douleur
(piégeage), libère le contenu de ses glandes
anales et l’odeur est désagréable. On se défend
comme on peut… Mais au quotidien, il ne passe
pas son temps à flatuler à tous vents !
• Non ! Le retour de la loutre ne videra
pas nos rivières de ses poissons. Aucun
prédateur n’est assez stupide pour mettre en
péril sa ressource de nourriture. A part l’homme
peut-être, par les pollutions qu’il y déverse, entre
autre…
•« La prédation joue un rôle important dans
la composition, la structure et la dynamique
des écosystèmes, et on considère qu’un
milieu naturel équilibré comprend à la fois de
nombreuses espèces proies et de nombreuses
espèces prédatrices ».
B. Brosset, directeur de recherche au CNRS.
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Taons, moustiques,
sangsues et autres
petites bestioles
Taons et moustiques
Ces insectes font partie de la très grande famille des diptères (une seule paire d’ailes) comme
les mouches. Et les mouches, comme les guêpes, sont une création du diable, au contraire de
l’abeille, créature de Dieu. Si, si, c’est dans la bible ! En plus, les horribles bestioles ont la sale
manie de piquer les humains.
Les sangsues
Ces vers plats inspirent souvent la crainte et le dégout. Pourtant, l’homme connaît et utilise
la sangsue à des fins thérapeutiques depuis 3500 av J-C. Les romaines l’utilisaient aussi en
décoction pour teindre leurs cheveux en brun… Elle sera tellement utilisée (avec plus ou moins
de bonheur) par la médecine jusqu’au XIXè siècle, qu’elle disparaîtra quasiment des marais à
cause des prélèvements excessifs, mais lucratifs.
Aujourd’hui, l’usage des sangsues est généralement réservé aux hôpitaux, par l’intermédiaire
des services de chirurgie plastique et traumatologique (greffes, phlébites, arthrose…).
Dans la nature, les sangsues médicinales sont devenues très rares. Mais il existe d’autres espèces
plus communes, et toutes ne sont pas hématophages.
• Seules les femelles des taons et des
moustiques « piquent ». Les mâles se
contentent de butiner. Chez certaines espèces,
elles pondent ensuite dans l’eau et ces larves
ont donc un développement aquatique.
• En France, une dizaine d’espèces nous
importunent, auxquelles on peut rajouter
un moucheron, la simulie, dont la larve se
développe de préférence dans les rivières
impactées par des pollutions organiques.
• Si vous faites partie du groupe sanguin
O, pas de chance ! Ce sont les protéines que
les moustiques préfèrent. Vous avez deux fois
plus de chance de les attirer qu’une personne
du groupe A car votre peau secrète un produit
chimique qui leur indique votre groupe
sanguin… Couvrez-vous d’un vêtement clair
ou utilisez des huiles essentielles d’eucalyptus
citronné.
Dessins : Michel RIOU, Photos couverture : Ghislain RIOU,
Olivier FARCY et François (Bretagne vivante)
• Les moustiques nous repèrent par le dioxyde
de carbone que l’on rejette, mais aussi par notre
sueur (acide lactique, urée…). La lumière ne les
attire pas du tout !
• Autour des maisons, ne laissez jamais
de l’eau stagner dans un récipient ! C’est
l’endroit rêvé pour le développement des larves
de moustique ! Elles n’y rencontrent pas de
prédateurs comme dans une mare par exemple.
• La plupart de nos sangsues ne sont pas
hématophages mais prédatrices d’invertébrés.
Elles sont de très petite taille et ne présentent
absolument aucun danger.
avec le
soutien de :
Établissement public du ministère
chargé du développement durable
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