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Préface de Philippe Texier,
membre du Comité des DESC des Nations unies (1987-2004)
Janvier 2005
La question de l'indivisibilité des droits de l'homme s'est posée dès l'adoption
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948 qui englobe une série
de droits considérable, mêlant indifféremment droits civils, politiques, économiques, sociaux
et culturels. Mais, très curieusement, dès le départ, dès qu'il s'est agi de la mise en œuvre
de ces droits, c'est-à-dire d'adopter un Pacte permettant de vérifier concrètement
l'application par les Etats de la déclaration, les travaux de la Commission des droits de
l'homme, des années 1946-48 jusqu'aux années 1950, montrent qu'un grand débat s'est
amorcé pour différencier ces droits. Par conséquent, alors qu'il n'aurait dû y avoir qu'un seul
Pacte, et malgré la volonté de certains des initiateurs de la DUDH, notamment René Cassin
et Eleanor Roosevelt, ce sont deux Pactes qui ont finalement été adoptés : le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international sur relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).
La reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) a, en
effet, fait l'objet d'une opposition farouche de certains Etats, au premier rang desquels les
Etats-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni, qui considéraient – et, sans doute, considèrent
toujours - que ces derniers ne sont pas de véritables droits mais éventuellement des
objectifs à atteindre. Les deux Pactes ont tous deux été adoptés en 1966 et sont devenus
applicables en 1976, après avoir obtenu trente-cinq ratifications. Toutefois, la différence de
traitement entre les deux séries de droits persiste. Le PIDCP prévoit que les droits qu'il
protège sont immédiatement applicables et dispose de la création d'un Comité des droits de
l'homme. Il établit la composition et les méthodes de travail de ce Comité et prévoit que le
Secrétaire général des Nations unies devra mettre à sa disposition les moyens humains,
matériels et techniques nécessaires à son fonctionnement. Rien de tel n'est prévu pour le
PIDESC, en raison de l'opposition de certains pays à considérer les DESC comme de
véritables droits. Il en résulte une application quelque peu chaotique du PIDESC dans les
premières années de sa mise en vigueur.
Aucun comité n'étant prévu, c'est, au départ, une simple réunion d'experts
qui veille à l'application du Pacte. Ce groupe d'experts se réunit à New York, trois semaines
par an, pour examiner les rapports des Etats. Il le fait cependant de façon très informelle,
sans beaucoup de moyens, sans procédure précise et sans publicité. Ce groupe a d'abord
été composé des représentants des gouvernements à New York, puis d'experts
gouvernementaux, mais le système n'a jamais fonctionné de façon satisfaisante. Assez
rapidement, le groupe a donc proposé au Conseil économique et social (ECOSOC) la
création d'un comité ad hoc. Il a fallu attendre mai 1895 pour que ce comité soit créé ; sa
première réunion s'est tenue en 1987.
Une deuxième différence entre les deux Pactes concerne la procédure de
recours. Dans un cas,pour le PIDCP, en même temps que le Pacte, a été adopté un
protocole facultatif, qui permet aux individus de présenter des «communications» (ce qu'en
langage courant on appellerait des plaintes) par lesquelles ils peuvent saisir le Comité,
lorsqu'ils estiment qu'un de leurs droits civils ou politiques a été violé et après que toutes
les voies de recours internes ont été épuisées. Il faudra attendre 1993 pour que la
perspective d'adopter un Protocole similaire pour le PIDESC soit finalement sérieusement
envisagée au sein des Nations unies : c'est la Conférence mondiale des droits de l'homme
de Vienne, en 1993, qui a recommandé au Comité des DESC de préparer un projet de
protocole facultatif et de le soumettre à la Commission des Droits de l'homme.