152° Année - N" 26 - Le n" 1 fr. Fondé en 1701 SAMEDI 27 JUIN 1942 MONITEUR RÉDACTION - ADMINISTRATION - PUBLICITÉ VIENNOIS 13 Cours Président-Wilson R. C. Munie 7706 Téléprione 4-17 C. C P Lyon 7M-7P ABONNEMENTS : francs — f An : -*0 francs 6 Mois : Hebdomadaire de la vie locale et régionale Le Complot contre la France et le discours de M. Pierre Laval par E, Chenebon II y a deux ans, le 25 juin 1940, la France et l'Allemagne signaient l'armistice. Quelques jours plus tard à Vichy les Chambres réunies en .Assemblée Nationale proclamaient légalement la déchéance de la République. L'Etat nouveau naissait. Le Maréchal Pétain et M, Pierre Laval en étaient les deux piliers et se désignaient tout naturellement, aux coups d e tous les profiteurs camouflés de l'ancien régime, de l'administration, de la politique, de l'armée, de tous ceux qui ne savaient mettre leurs espoirs ou leurs intérêts qu'au delà de nos frontières. Le complot n'allait pas tarder à s'ourdir. Complot de la bêtise et de l'ignorance, mais aussi des valets de l'étranger, agents de Londres, de Moscou-,;ou de New-York, conscients ou inconscients dont le travail obscur mais passionné allait s'employer à travestir les actes du gouvernement, à colporter le bobard, à discréditer les actes et jusqu'aux intentions des deux hommes d'Etat. ^;Xé Maréchal le 24 juin 1940 avait du rappeler à M. Churchill qui nous avait apostrophés comme un vulgaire dominion qu'il n'était pas juge des intérêts de notr«e pays et encore moins de l'honneur français. Contraints à cesser le combat après une lutte loyale nous espérions avoir acquis le droit de panser nos blessures et de travailler à notre relèvement. Rien ne s'y opposait pas même le vainqueur qui à Montoire devait nous montrer qu'il entendait répudier les traditionnelles relations de vainqueur à vaincu. Mais les forées obscures l'entendaient autrement. Une France unie, renaissante à l'espoir, surmontant sa défaite, s'élevant au plan supérieur d'un grand idéal humain de réconcilia.. tion avec l'Allemagne et d'organisation Européenne, cela ne faisait pas l'af1 faire des capitalistes anglais. Comme ils avaient commis M. Churchill à la harangue radiophonique, ils envoyèrent leurs avions et leur flotte le 3-7-1940 nous donner les verges à Mers-el-Kébir puis plus tard à Dakar. Puis ce furent les agressions contre notre empire africain, l'agression de Madagascar, les bombardements de la région parisienne, nos bateaux araisonnés, nos pêcheurs assassinés. Le complot contre les biens s'accom. pagnait du complot contre les personnes et contre le moral de la nation. Tout ce que la France comptait encore de retraités ulcérés de la politique, de calculateurs, de juifs, de F.-M., d'agitateurs communistes et de catholiques indisciplinés, tout ce qui pouvait être sensible à l'or de Londres, de NewYork ou Moscou, tout cela se rejoignit, s'agita, s'empressa, imprima, distribua, provoqua, chuchota... L'atmosphère politique s'alourdit. Le 13 décembre 1940 M. Laval fut victime d'une conjuration qui l'écarta du pouvoir. La politique du coup d'épingle s'élargit et devint vite contre l'occupant celle du coup de revolver ; les fous parlaient de revanche sans dire avec quoi ils la ferait, et Pon faisait si bien que la France qui avait vu à Montoire une fenêtre s'ouvrir sur l'avenir la vit se refermer. Les prisonniers étaient sacrifiés, un malaise pro- pice aux entreprises révolutionnaires pesait sur l e pays. Le complot suivait son chemin et les meneurs se réjouissaient. La France saignait comme il fallait c'est-à-dire assez pour ne plus savoir ce qu'elle voulait ni ce qu'elle pouvait ; assez pour qu'entre elle et l'occupant se~~ multiplient les conflits qui mènent aux gestes irréparables. C'était cela que voulaient les meneurs. Ils avaient bien travaillé. Mais deux hommes veillaient : le Maréchal à son poste de chef d'Etat, Pierre Laval dans sa retraite. Ils voyaient tous deux l'impasse vers laquelle glissait le pays. C'est alors qu'ils résolurent d'intervenir. Le 22 juin dernier, M. Pierre Laval a parlé. Le complot qui avait commen. é le 13 décembre 1940 et depuis 18 c mois se renforçait du silence que l'on fuyait sur le problème capital de la réconciliation franco - allemande est éventé parce que toutes les équivoques sont abattues, M. Pierre Laval n'a rien caché aux Français, ni la gravité de notre ^position, ni les chances perdues, ni les espoirs déçus ; il a dégonflé les illusions et notamment celle d'une . bien faisante Providence qui nous fabriquerait sur mesure un monde où nous n'aurions que la peine de nous présenter pour en devenir les arbitres. Il y des naïvetés qui sont trop grandes pour ne pas cacher des calculs criminels, et croire à la fable d'une Allemagne qui ferait tous les frais d'une victoire profitable à tous sans, un jour, en répartir les charges sur les bénéficiaires, est une de ces illusions mortelles dont nous devons nous préserver. '-'Pierre Laval l'a dit, le moyen de iious sauver c'est de prendre notre part de la défense de l'Europe en travaillant pour les combattants. Nous serons d'autant moins vaincus que nous aurons su nous associer à la victoire sur le bolcheyisme. Voilà CE dont nous devons nous pénétrer, et cetije position a pour le pays trois avantages : nous ménager l'avenir, nous garder du bolchevisme, réaliser la relève des prisonniers. Ainsi M. Pierre Laval avec une te nace bonne volonté, en complet accord avec -le Maréchal tente-t-il de renouer le fil d'une collaboration que des forces obscures acharnées contre la Fran ce avaient cru ruiner définitivement. La tache du chef du Gouvernement est rude et pour l'accomplir il a besoi du concours du peuple Français. On ne peut remonter des abîmes du malheur que par les sentiers du courage » a-t-il dit ; le courage dont il s'agit n'est pas seulement, celui qui se mesure à notre capacité de résistance volontaire aux difficultés matérielles, mais plus encore ce courage intellec tuel qui nous conduit à réviser notre conception du monde, nous permet de nous élever au-dessus de nos rancœurs et de nos amour-propres, nous fait concevoir un ordre Européen nouveau et nous y assigne notre rôle et notre place. Les Français ne sont pas incapables de cet effort de l'esprit ni de cetfc élévation d'âme, ils le prouveront. ftzofioi de M1 SirrifiLet Je n'aime pas voir souffrir les gens. Bonté d'âme ? Simple égoïme ? 7e préfère ne pas rechercher la cause de cette répugnance instinctive et vous dire tcjut simplement que j'eus le cœur serré, lors de ma dernière viaite à mon vieil ami Simplet, en le trouvant enfoncé dans un fauteuil, la jambe empaquetée de ouate et allongée sur un coussin, offrant tous les symptômes d'une patience résignée parmi les affres d'une douleur lancinante. — Alors, Monsieur Simplet, la goutte ? —■ La goutte, oui, mon ami. Admirez l'ironie des choses et la suffisance des médecins ! Autrefois, j'ai souffert d'attaques semblables, mon médecin me disait : < C'est la bonne chère ! Vous vous nourrissez trop bien ». Aujourd'hui, avec la même autorité, il me dit: « Ce sont les restrictions. Vous manquez d'aliments gras ». Tant il est vrai que les extrêmes se rejoignent. Ils se rejoignent malheureusement sur mes innocents orteils, ce dont j'éprouve quelque peine à me consoler. — Et vous souffrez beaucoup ? — Beaucoup, je n'ose le dire. Mais assez, je vous l'assure. Il est vrai que cet état trouve des compensations que j'ose dire précieuses. Sans ces lancées péniblement tolérables, je n'aurais pas célébré avec la même ferveur — y aurais-je seulement pensé ? — le centenaire de l'anesthésie qui tombait cette année 1942, le 30 mai. Car c'est il y a cent ans qu'un petit médecin américain, Crawford Lang, après inhalation d'éther opérait sans la moindre douleur une tumeur de la nuque. Et quatre ans plus tard, après diverses tentatives plus ou moins heureuses, ohn Warren, chirurgien à Boston, procédait avec plein succès à l'ablaîon d'une volumineuse tumeur du cou. i/anesthésie prenait possession de la enirurgie et devait comme vous le savez la faire progr-esser prodigieusement. Surtout elle fermait l'ère des atroces soufirances que«.J.as chirurgiens .jaugeaient à leurs patients, et, conséquence de poids, elle ouvrait celle des uentistes et de leur fortune. Ne pensez- vous pas, comme moi, que le centenaire d'une pareille découverte derait être cêiéDre dans le monde en1er dont les habitants s'évertuent, en c massacrant allègrement, à en démontrer les bienfaits ? — Bien sûr, Monsieur Simplet. Mais î n'y a sans doute pas songé. El le souvenir de Crawford Lang paraîtrait un reproche à ceux qui multiplient les occasions d'appliquer sa découverte. En tout cas celle-ci, qui n'a que des conséquences heureuses, réhabilite la science dont les trouvailles sont généralement plus néfastes que bienfaisantes. Il est seulement . regrettable que la souffrance ne soit qu'occasion neUement supprimée, et qu'il en reste assez pour désoler la pauvre humanité. C'est gentil de dire cela à mon intention, mon cher ami, mais c'est tout de même une bêtise. L'anesthésie n'est pleinement louable que, précisément, parce que, en apaisant des souffrances,* elle laisse subsister la souffrance qui est plus utile qu'elle et plus bienfaisante encore. Avez-vous réfléchi que la douleur physique est l'avertissement d'un dérangement de notre organisme qui, sans elle, ■ demeurerait ignoré et nous expédierait, sans ennui mais sans remède dans le monde d'où l'on ne revient pas '! Et qu'elle est en somme notre première réaction de d.éfense et qu'elle nous pousse à prendre sans tarder, si toutefois elles existent, les mesures qui en supprimeront les causes ? Il serait dans de beaux draps, monsieur dont la . vésicule biliaire s'emplit de moellons si cette accumulation de matériaux de construction, lui infligeant un innommable martyre, ne le jetait précipitamment dans les bras du chirurgien et ne lui faisait affronter avec joie ses grands couteaux ! Et, poursuivit M. Simplet avec un enthousiasme qui me parut et que je devais vérifier plus tard un peu conventionnel et forcé, et cette utilité matérielle de la douleur n'est que peu de chose auprès de son utilité morale. C'est la souffrance qui a engendré dans un monde pétri d'égoïsme la pitié, la divine pitié sans laquelle la vie ne vaudrait pas d'être vécue, la piti^ qu,i aious élève au-deBSus de nous-mêmes et nous éclaire d'un reflet divin. Sans la pitié, et par conséquent sans la souffrance, nous ignorerions la fraternité humaine et la douceur de la compassion. Parce que nous aurons tous eu faim, dans ces jours de misère, même ceux qui se flattaient d'échapper toujours aux crampes d'estomac, peut-être essaierons-nous plus tard d'empêcher que d'autres hommes aient faim, quand les jours seront revenus d'abondance au . moins relative. Si la souffrance n'existait pas, il faudrait l'inventer. — Mais elle existe,, (emehaîna M. Simplet dans un e grimace qui me sembla corroborer péremptoirement son affirmation ; elle existe et il faut s'entraîner à la bien utiliser. J'ai relu pour m'y encourager, l'admirable prière de Pascal « pour demander à Dieu le bon usage des maladies ». C'est évidemment trop au-dessus de moi, mais quel plaisir qu'une pareille lecture et comme la souffrance en est soulagée qui nous a inspiré d'y recourir ! Et voyez, je relis les lettres de Senèque à Lucilius, qui sont un traité de stoïcisme et qui disent au moins, si elles ne le prouvent pas, que la douleur n'est qu'un vain mot. » C'est tonique, et cela s'ajoute à la torture pour faire passer une heure ou deux... — Et cela vous soulage ? — Oui, ...de la souffrance des autres ! — Mais de la vôtre ? Monsieur Simplet hésita. Puis avec un bon sourire amusé : : — Oui... avec beaucoup d'aspirine ! p. c. o. 0. Lavalette N. D. L. R. — Le Moniteur adresse à « M. Simplet » qui vient d'être grand' père pour la seconde fois ses compliments. Notre ami, érudit et philosophe, saura n'en doutons pas pratiquer au plus haut degré « l'art d'être grand' père ». quelques mots sur la Ligue maritime et coloniale par Pierre CHANVILLARD Professeur d'Histoire et de Géographie au Collège Ponsard L'armistice de 1940 a laissé à notre pays deux forces : sa marine et son empire. Deux forces sans lesquelles ïaP France vaineue pèserait bien peu dans la balance internationale. Deux forces qui depuis deux ans ont démontré leur valeur.- En effet, aurions-nous pu réaliser la fameuse soudure du blé en 1941 et 1942 sans les envois de notre empire? et le concours de notre marine marchande ?* Et cet empire luimême, l'aurions-nous conservé en grande partie sans notre marine de guerre ? Ces deux forces qui nous apparaissent enfin ainsi qu'à d'autrès d'une importance vitale, la France ne les a acquises que lentement pièce par pièce grâce à des français énergiques et obstinés dont l'action fut soutenue, encouragée par des groupements créés à la. fin du 19° siècle. En 1899, la ligue maritime était fondée. Par son bulletin « la Mer », ses campagnes de conférences à travers le. pays et la création de sections locales et scolaires, elle attira l'attention de l'opinion sur la nécessité d'avoir aivi marine forte. En 1906, elle est reconnue d'utilité publiqiu : eflé ne groupe alors que 70.000 adhérents. Parallèlement la ligue coloniale fondée à la même époque appuya les efforts des coloniaux, efforts incompris par une fraction importante de l'opinion publique et de députés comme Clémenceau qui avaient les yeux fixés sur le Rhin. Après 1918 les deux ligues fusionnèrent. La « ligue maritime et coloniale » était fondée. Elle groupe actuellement plus de 700. 900 adhérents .et publie une merveilleuse revue « Mer et colonies ». Ses buts essentiels restent d'après son directeur, le commandant Damour « de convaincre l'.opinion publique qu'une marine forte et prospère,' un empire uni et judicieusement mis en valeur sont indispensables au redressement de la Patrie ». Pour atteindre ce but, elle compte sur tous les. français conscients de leurs devoirs pour qu'ils soutiennent de leur adhésion et de leur cœur l'œuvre jmpériale. Elle compte également et surtout sur la jeunesse, sur une jeunesse instruite, prête à servir et gonflée d'idéal. Car l'empire réclame non des aven-, turiers, mais des hommes dé,v voués : techniciens, médecins; •' missionnaires... en LUI mot de;' vrais français. Il importe pour cela que dans tous les établissements scolaires soient fondées des sections scolaires de la L. M. C. Pour que les jeunes connaissent Tes ressourde l'empire et les possibilités qu'il leur offre. Et surtout pour qu'ils connaissent l'œuvre de ceux qui, soldats, marins, missionnaires, médecins et autres, ont contribué et contribuent encore au rayonnement spirituel de la France. Car suivant la parole de l'a. ■ :i ral Platon « chaque adhésion fi la L. M. C. est une pierre &y. '.itée à l'édifice de l'empire ». Vie de la section « Joseph Martin » du Collège Ponsard A l'occasion de la quinzaine impériale, une section de la Ligue maritime et coloniale s'est fondée au Collège Ponsard. Le comité est ainsi formé : Président d'honneur : M. Creusot (principal) ; Présidents : Lacroix (1 cycle) ; " fc Grinand (2 cycle) î Secrétaire : Michaud ; Trésorier : Renoux ; Membres : Mlles Lacroix et Chonion ; MM. Urbain, Carbonel, Fataud. Plus de 150 élèves ont adhéré à la section qui a pris le nom de « Joseph Martin » en souvenir d'un explorateur viennois (1848-1892), ancien élève du Collège, qui en 4 voyages échelonnés de 1878-1892 a exploré l'Asie orientale particulièrement les monts Stanovoï. Le virus bolcheviste en Angleterre par G. O. C. « Pour souper avec le diable il faut une très longue cuiller », aimait à répéter naguère le Premier Britannique alors si généreusement prodigue d'avertissements aux imprudents qui voulaient pactiser avec le bolchevisme ! Ce sera une des ironies de l'histoire de nous avoir montré Wintson Churchill uniquement préoccupé de sa précieuse carrière politique se désavouer luimême et ouvrir délibérément la porte de sa bergerie au loup bolcheviste. Pour qui connait l'Angleterre et son organisme politique resté jusqu'ici assez sain malgré ses graves défauts, les progrès du virus, de la peste rouge sont tout simplement effarants. Jusqu'ici son seul anti-christianisme faisait que le communisme répugnait profondément à un peuple resté très religieux. Un prêtre de nos amis nous a raconté deux petits incidents que ceux qui sont un peu au fait des mœurs anglaises trouveront typiques de l'hostilité que rencontrait le bolchevisme en Angleterre. On sait que chaque dimanche à l'entrée de Hyde Park à Londres, près du petit arc de triomphe dit « Marble Arch » se tiennent, sous l'œil débonnaire des gigantesques policemen qui vont et viennent, douze ou quinze « meetings » en plein air où des orateurs divers s'épanchent inlassablement sur les sujets sociaux, économiques et politiques. Les badauds se promènent d'un « tas » à l'autre attentifs aux discours les plus passionnés, ce qui, entre nous doit leur faire une belle bouillabaisse de pensées. Toutefois ce sont les orateurs évangélisants qui prédominent et notre ami vit l'un d'eux brandir un jour la Bible pendant qu'il déclarait pour appuyer une vérité : « Que je la jette par terre si je mens ». Alors à la stupéfaction générale un camarade à l'air voyou dè s'écrier : « Jetez là, va, pour tout le mal que ça peut faire ». Une ruée générale sur l'individu suivit le propos blasphémateur, ii C'est un communiste, démolissons-le », criait-on, et sans l'intervention rapide des géants policiers notre homme était bel et bien écharpé. (suite page 2)