Costimulation lymphocytaire : des concepts fondamentaux aux

Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o2 - juillet-août-septembre 2001
70
!A. Brossay*, H. Watier*
Recherche
i le concept
très fonda-
mental de costimu-
lation lymphocy-
taire s’est autant
répandu dans le
domaine de la transplantation, c’est en rai-
son des promesses bien réelles de parve-
nir à une tolérance du greffon par sa mani-
pulation thérapeutique (1, 2). La
costimulation lymphocytaire est en effet
une étape indispensable à l’engagement et
à la pérennisation de toute réponse immu-
nitaire, qu’elle soit bénéfique, dans le cas
de la vaccination par exemple, ou néfaste,
dans le cas des réponses allogéniques. Les
approches thérapeutiques en émergence
ont pour objectif essentiel de bloquer la
costimulation lymphocytaire dans le but
de freiner les réponses allogéniques, voire
d’induire un véritable état de tolérance vis-
à-vis du greffon. Avant de présenter ces
nouvelles approches, nous rappellerons
l’historique du concept de costimulation
et sa définition, puis nous analyserons la
dynamique des signaux de costimulation
lors de l’établissement de la synapse
immunologique et les réponses lympho-
cytaires qui en résultent, et nous évoque-
rons les voies physiologiques récemment
identifiées qui permettent une régulation
de la costimulation.
CONCEPTS ET DÉFINITIONS
Le concept de costimulation lymphocy-
taire a été peu à peu élaboré au cours des
années 1970 à 1980, postulant que la
seule reconnaissance spécifique de l’an-
tigène conduisait à une “paralysie” lym-
phocytaire, et qu’il fallait un deuxième
signal pour provoquer une réponse
immunitaire (3, 4). Les premières
démonstrations de ce principe ont été
apportées à la fin des années 80, alors
même que la nature des signaux de costi-
mulation (ou cosignaux) restait inconnue
(4-6). De même, on suspectait que ces
signaux provenaient des cellules acces-
soires (3, 5), et on pensait alors que des
facteurs solubles tels que l’IL-1 pou-
vaient remplir cette fonction. C’est en fait
la production intensive des anticorps
monoclonaux (AcMo) reconnaissant les
antigènes de surface des lymphocytes et
l’essor de l’immunologie moléculaire qui
ont permis d’étayer ce concept de costi-
mulation lymphocytaire sur un véritable
jeu de molécules.
Ce sont d’abord les récepteurs lympho-
cytaires capables de transmettre des
signaux de costimulation qui ont été mis
en évidence, par la capacité d’AcMo à
déclencher une réponse lymphocytaire T
in vitro, lorsqu’ils sont associés à des
anticorps anti-CD3/TCR (figure 1) (7-9).
Ce système artificiel a permis de confir-
mer que deux signaux différents (la paire
d’AcMo) sont en effet nécessaires, et suf-
fisants, pour induire l’expression du
CD25, la synthèse d’IL-2 et la proliféra-
tion lymphocytaire (7-9). Les anticorps
anti-CD3/TCR (signal 1) miment les
signaux spécifiques d’antigène (cognate
signals) habituellement provoqués par
l’engagement du TCR par des complexes
CMH-peptide sur la cellule présentatrice
d’antigènes (CPAg). En pontant une autre
molécule de surface que le TCR, comme
le CD28, le deuxième AcMo (signal 2)
active d’autres voies intracellulaires
d’activation lymphocytaire (7-9). Il a
été confirmé que la “paralysie” des
lymphocytes T ne recevant que le signal 1
(anti-CD3/TCR) sans le signal 2 (CD28)
*
EA 3249 “Cellules hématopoïétiques, hémostase et
greffe, faculté de médecine, laboratoire d’immuno-
logie, 37032 Tours Cedex.
S
Costimulation lymphocytaire :
des concepts fondamentaux
aux applications thérapeutiques
en transplantation
T
T
T
T
T
IL-2
CD25
Anti-CD3
ABC
T T T T T T
T
TT
T
Anti-CD28
Figure 1. Identification de molécules costi-
mulantes à l’aide d’un couplage anticorps
anti-CD3/TCR et anticorps anti-antigène lym-
phocytaire : l’exemple des anticorps anti-
CD28.
Dans le puits A,la fixation des anticorps anti-
CD3 sur les lymphocytes T n’induit aucune pro-
lifération lymphocytaire, de même que dans le
puits B, où les anticorps anti-CD28 seuls ne per-
mettent pas d’activer les lymphocytes T. Dans
le puits C,le couplage des anticorps anti-CD3
et anti-CD28 entraîne une prolifération lym-
phocytaire, après avoir induit l’expression de
CD25 et la production d’IL-2.
Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o2 - juillet-août-septembre 2001
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persiste, même dans le cas d’une resti-
mulation par une paire d’AcMo (signal 1
et signal 2). Cette non-réponse induite
par l’antigène et spécifique de celui-ci
(mimé par l’anti-TCR/CD3) correspond
à la définition d’une induction de tolé-
rance immunitaire. Dans cette situation,
le lymphocyte T peut être en état d’aner-
gie, ou avoir subi un processus délétion-
nel par apoptose. Ces constatations faites
in vitro suggéraient qu’il était possible
d’induire un état de tolérance (spécifique
d’antigène) en bloquant sur une courte
période la délivrance du deuxième signal.
Ce concept en apparence assez simple
doit malheureusement tenir compte
d’une grande diversité moléculaire. En
effet, de très nombreux antigènes mem-
branaires du lymphocyte T se sont
avérés capables in vitro de transduire
un signal 2, mais ces antigènes ne pou-
vaient être considérés physiologiquement
comme des récepteurs de costimulation
que si des ligands spécifiques (ou contre-
récepteurs) étaient mis en évidence sur la
membrane des CPAg. C’est alors qu’un,
puis deux ligands du récepteur CD28 ont
été découverts : le CD80 [B7.1] (10) et le
CD86 [B7.2] (11), que l’on appelle
collectivement molécules B7.
La situation s’est compliquée au fur et à
mesure que d’autres récepteurs de costi-
mulation étaient caractérisés sur le lym-
phocyte T, et que les molécules de costi-
mulation correspondantes étaient décrites
sur la CPAg (tableau I). La multitude des
récepteurs de costimulation capables de
fournir le signal 2 a conduit à s’interro-
ger sur l’importance et le rôle physiolo-
gique respectifs de chacun d’eux, avec
l’objectif d’identifier les meilleures
cibles thérapeutiques. Ce sont essentiel-
lement les techniques d’invalidation
génique (souris knock-out) qui ont per-
mis petit à petit d’apprécier le rôle de
chaque couple de costimulation, et de
pouvoir dresser un tableau d’ensemble de
la situation. Seuls quelques couples se
sont avérés posséder une authentique
fonction de costimulation (tableau I) et
agir de concert pour délivrer le signal 2 :
le pluriel s’impose donc désormais (les
deuxièmes signaux). Tous les récepteurs
de costimulation (sur le lymphocyte T)
appartiennent soit à la superfamille des
immunoglobulines (IgSF), soit à celle des
récepteurs du TNF (TNFRSF). Aux
récepteurs de la superfamille IgSF cor-
respondent sur la CPAg des molécules de
costimulation qui appartiennent égale-
ment à la superfamille IgSF, tandis
qu’aux récepteurs TNFRSF correspon-
dent des molécules de costimulation de
la superfamille du TNF (TNFSF)
(tableau I). Enfin, ajoutons que ces
concepts de costimulation lymphocytaire
développés pour les lymphocytes T
s’appliquent désormais aussi aux lym-
phocytes NK (costimulés par leur cible)
et aux lymphocytes B (costimulés par une
CPAg ou par un lymphocyte auxiliaire).
Cependant, nous limiterons l’exposé à la
costimulation des lymphocytes T, cible
principale pour l’induction d’une tolé-
rance du greffon.
Molécules de costimulation Récepteurs lymphocytaires
sur la CPAg de costimulation
Répartition Autres noms Noms usuels Autres noms Répartition
cellulaire cellulaire
CD, monocytes,
macrophages, LT
mémoires, LFA-3 CD58 CD2 LFA-2 LT
LB des centres
germinatifs
B7-1 sur CD et LB B7-1 CD80 LT4 (95 %)
CD28 Tp44 et LT8 (50 %)
B7-2 sur LB, B7-2 CD86
monocytes et CD
LB, CD, monocytes ICOSL
B7h/B7RP-1 B7-H2 ICOS LT activés
B7-H3 ?
Induit sur LB et CD
par la liaison
CD40/CD40, TNFSF4 OX40L CD134 OX40 LT4 et LT8
cellules TNFRSF4 activés
endothéliales
Transitoirement CD27L CD70 CD27 TNFRSF7 LT et LB
sur LT, LB TNFSF7
après activation
CD matures 4-1BBL CD137 4-1BB LT4 et LT8
et LB activés TNFSF9 TNFRSF9 activés
CD : cellule dendritique ; LT : lymphocyte T ; LB : lymphocyte B.
Tableau I. Les différents couples
ligand-récepteur impliqués dans
la costimulation lymphocytaire.
En jaune pâle sont figurés les
membres de la superfamille des
immunoglobulines (IgSF), en
jaune soutenu, les membres de
la superfamille du TNF (TNFSF)
et, en vert, les membres de la
superfamille des récepteurs du
TNF (TNFRSF). Les dénomina-
tions suivies d’un astérisque se
rapportent à la souris.
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ASPECTS DYNAMIQUES
ET TOPOGRAPHIQUES
DE LA COSTIMULATION
C’est avant tout la nature de la CPAg et
son état de différenciation/maturation
(cellules dendritiques) ou d’activation
(cellules endothéliales, lymphocytes
B…) qui sont responsables de la diver-
sité des molécules de costimulation
exprimées en surface, et, par consé-
quent, de la façon dont les lymphocytes
T vont être costimulés. Aucune molé-
cule de costimulation n’apparaît vérita-
blement spécifique d’un type donné de
CPAg, même si les molécules B7 ne
semblent pas exprimées par les cellules
endothéliales humaines (12). Par
ailleurs, leur expression membranaire
est extrêmement bien contrôlée. Hormis
les signaux microbiens transmis par les
TLR (toll-like receptors), ce sont essen-
tiellement des cytokines de la famille du
TNF qui contrôlent l’expression des
molécules de costimulation sur la CPAg
(tableau II).
L’environnement inflammatoire, inévi-
table en transplantation, est responsable
de la synthèse de TNFα(TNFSF2) et de
lymphotoxine α(TNFSF1), cytokines
connues pour faire arriver à maturation
les cellules dendritiques et/ou activer les
cellules endothéliales. Une autre cyto-
kine, TRANCE (TNFSF11), est égale-
ment connue pour faire arriver à matura-
tion les cellules dendritiques (13). En
agissant sur leurs récepteurs (famille
TNFRSF) à la surface des CPAg
(tableau II),ces cytokines induisent
habituellement l’expression ou la surex-
pression de molécules de costimulation,
les rendant de ce fait immunogènes et
facilitant ainsi l’initiation des réponses
immunitaires. Une quatrième cytokine de
cette famille, le CD154 (CD40L ou
TNFSF5), produit par les mastocytes, les
plaquettes ou les lymphocytes T, joue
également un rôle important en se fixant
au récepteur CD40 (TNFRSF5) de la
CPAg. Les signaux qu’il induit aboutis-
sent eux aussi à une surexpression des
molécules de costimulation et à l’appari-
tion de CPAg (cellules dendritiques) de
phénotype “super-mature”.
À la suite de la rencontre d’un lympho-
cyte T et d’une CPAg, et de la formation
de ce que Paul et Seder ont décrit dès
1994 sous le nom de synapse immunolo-
gique (14), se déroule une séquence
d’événements qui pourront aboutir à l’ac-
tivation lymphocytaire, intégrant le
signal 1 et un ensemble de deuxièmes
signaux. Le rapprochement avec la
synapse neuronale a été confirmé récem-
ment par l’identification de parentés
moléculaires (15). La mise en place de la
synapse immunologique suppose un pre-
mier rapprochement cellulaire faisant
intervenir les grandes molécules d’adhé-
rence ICAM-1 (CD54) sur la CPAg et
LFA-1 (CD11a/CD18) sur le lymphocyte
T. Dans un deuxième temps, la liaison de
CD2 à CD58 permet de réduire encore
l’espace intercellulaire en excluant les
complexes ICAM-1/LFA-1 en périphérie
(16-18) (figure 2). Ce rapprochement est
nécessaire pour favoriser les interactions
entre CMH et TCR, d’autant que le TCR
possède une petite taille, qu’il a une faible
affinité pour les complexes CMH-peptide
qui lui sont spécifiques et que ces der-
niers sont en nombre très limité à la sur-
face des CPAg. Tous ces événements se
déroulent en quelques minutes (16-18).
Au cours de cette séquence d’événe-
ments, d’autres couples de molécules de
costimulation, notamment les couples
B7-CD28, vont également rejoindre l’es-
pace synaptique, renforçant sa cohésion
et amenant divers éléments de signalisa-
tion intracellulaire. La synapse finit par
devenir une véritable plate-forme de
LFA-1
CD28
B7 CD58 CMH/
peptide
CD2 TCR
ICAM-1
Figure 2. La synapse immunologique.
Le premier contact se produit grâce aux molécules d’adhérence ICAM-1/LFA-1. Dans un second
temps, les complexes ICAM-1/LFA-1 sont refoulés en périphérie, et l’espace intercellulaire synap-
tique se réduit grâce aux interactions CD58/CD2. Cela permet la formation et la stabilisation
des complexes CMH/peptide-TCR rassemblés au centre de la synapse avec leurs complexes de
transduction. Le couple B7/CD28 intervient lui aussi dans la stabilisation de l’ensemble des
complexes, en apportant ses propres voies de transduction.
Ligands Récepteur sur la CPAg
Autres noms Noms usuels Autres noms
TNFSF1 Lymphotoxine αTNF-RI/CD120a TNFRSF1A
TNFSF2 TNFαTNF-RII/CD120b TNFRSF1B
TNFSF5/CD154 CD40L CD40 TNFRSF5
TNFSF11 TRANCE RANK TNFRSF11A
Tableau II. Les signaux inducteurs de la maturation des CPAg.
En jaune sont figurés les membres de la superfamille du TNF (TNFSF) et, en vert, les membres
de la superfamille des récepteurs du TNF (TNFRSF).
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signalisation, mêlant le signal 1 (couples
TCR-CMH) et les signaux 2 [couples de
costimulation] (19, 20).
L’initiation d’une réponse immunitaire
primaire, c’est-à-dire l’activation de lym-
phocytes TCD4+ naïfs, semble dépendre
strictement d’une costimulation par la
voie du CD28 (figure 3). Deux molécules
sont capables d’engager ce récepteur,
CD80 et CD86. Elles sont, en effet, les
principales molécules initiatrices de la
costimulation. Outre l’induction de l’ex-
pression du CD25 (IL-2Rα) et de la syn-
thèse d’IL-2 par le lymphocyte TCD4+,
la liaison B7/CD28 induit le gène anti-
apoptotique Bcl-XLet prévient, de ce fait,
le processus délétionnel qui aurait lieu en
absence de costimulation (21). Enfin, la
liaison B7/CD28 induit l’expression de
CD154 membranaire et celle de la molé-
cule ICOS (inductible co-stimulator) par
le lymphocyte TCD4+ (22) (figure 3). On
a vu plus haut que CD154, comme
d’autres TNFSF, était un puissant induc-
teur de propriétés costimulantes sur les
CPAg. La liaison CD154-CD40 entraîne
une surexpression des molécules B7-1 et
B7-2 par la CPAg, et l’expression de nou-
velles molécules de costimulation telles
que CD70, CD134L, CD137L, ou encore
B7-H2 (B7h ou B7RP-1 chez la souris),
dont le récepteur lymphocytaire s’avère
être justement ICOS (23) (tableau I,
figure 3). Il se produit donc un jeu com-
plexe et alternatif d’interactions cellu-
laires et de signaux bidirectionnels (acti-
vation du lymphocyte T et activation de
la CPAg) que l’on peut qualifier de “ping-
pong intercellulaire” (figure 3). Dans ce
schéma, il apparaît clairement que le
couple CD154/CD40 sert de relais dans
la séquence de costimulation. Bien qu’il
ne puisse être lui-même qualifié de
couple de costimulation, puisqu’il four-
nit un signal allant du lymphocyte T à la
CPAg, il s’avère cependant indispen-
sable au maintien de l’activation lym-
phocytaire, par l’induction de signaux de
costimulation qui apparaissent plus
“accessoires” que le couple initiateur
B7/CD28 (24) (figure 3). Ces couples de
costimulation interviennent en fait pour
soutenir l’activation lymphocytaire T,
pendant que des cytokines induisent une
différenciation lymphocytaire Th1 (IL-
12, IL-18), Th2 (IL-4, IL-13) ou autre.
Quelques travaux suggèrent que certains
couples de costimulation peuvent inter-
venir eux-mêmes dans la décision
d’une orientation Th1/Th2, comme
AB
CD
EF
Cellule T
Cellule présentatrice d'antigène
CMH/
peptide
CD58
TCR
LFA-1
TNFα
LTα
TRANCE ICAM-1
CD2 CD28
CD80/86 CD40
Cellule T
Cellule présentatrice d'antigène
CMH/
peptide
CD58 +
TCR
LFA-1
ICAM-1
CD2
CD28
CD80/86
CD40
CD154
Cellule T
Cellule présentatrice d'antigène
CMH/
peptide
CD58
TCR
LFA-1
ICAM-1
CD2 CD28
CD80/86
CD40
Cellule T
Cellule présentatrice d'antigène
CMH/
peptide
CD58
TCR
LFA-1
ICAM-1
CD2
CD28
CD80/86
CD40
Cellule T
Cellule présentatrice d'antigène
ICOS
B7-H2
LFA-1
ICAM-1
CD28
CD80/86
CD40
CD154
Cellule T
Cellule présentatrice d'antigène
ICOS
LFA-1
ICAM-1
CD28
CD80/86
CD40
CD154
Figure 3. La costimulation lymphocytaire :
“ping-pong” entre la CPAg et le lympho-
cyte T.
A. Les CPAg, devenues matures grâce à des
signaux inflammatoires (TNF
α
,LT
α
,
TRANCE), expriment un grand nombre de
molécules du CMH et de molécules de
costimulation. B. La synapse se forme
d’abord grâce aux molécules d’adhérence.
C. Le signal 1 est fourni par la reconnais-
sance TCR-CMH/peptide et la costimulation
par la liaison CD58/CD2, et surtout par la
liaison B7/CD28. D. L’activation lympho-
cytaire induit, entre autres, l’expression de
ICOS et de CD154. E. CD154, par rétro-
contrôle positif, induit la surexpression de
CD80 et CD86 et l’expression des molécules
accessoires B7-H2 et d’autres (CD27,
CD134 et CD137), non figurées sur ce
schéma. F. La molécule B7-H2 nouvellement
exprimée se lie à la molécule ICOS et four-
nit d’autres signaux de costimulation aux
lymphocytes T.
Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o2 - juillet-août-septembre 2001
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CD134L/CD134 vers une voie Th2 (25),
mais leur rôle semble moindre que celui
des interleukines.
Un autre effet du CD154 produit par les
lymphocytes T est de rendre les cellules
dendritiques capables de stimuler et
costimuler les lymphocytes TCD8. En
effet, seules les cellules dendritiques ren-
dues super-matures par le CD154 peu-
vent présenter efficacement les antigènes
HLA de classe I aux lymphocytes T cyto-
toxiques. C’est ainsi que s’explique l’ef-
fet auxiliaire des lymphocytes TCD4 sur
la réponse TCD8 cytotoxique. Ce relais
assuré par le CD154 et la cellule dendri-
tique permet de dissocier dans le temps
et dans l’espace la rencontre de la CPAg
avec le lymphocyte TCD4 puis avec le
lymphocyte TCD8 (26). Les molécules
de costimulation exprimées par les CPAg
et nécessaires à l’activation des TCD8
sont encore mal connues, mais il semble
que CD27 et 4-1BB pourraient jouer un
rôle dans ce phénomène (27).
COSTIMULATION ET RÉGULATION
DES RÉPONSES IMMUNITAIRES
Nous avons vu précédemment que
l’absence de costimulation pouvait
induire une apoptose ou une anergie des
lymphocytes TCD4 spécifiques (28).
L’absence d’expression de molécules de
costimulation par les cellules parenchy-
mateuses (cellules épithéliales, fibro-
blastes, cellules musculaires…), même
quand celles-ci expriment de façon inha-
bituelle des antigènes du CMH de
classe II, peut contribuer à induire un état
de tolérance spécifique des antigènes du
greffon. De même, les cellules dendri-
tiques immatures, qui expriment peu
d’antigènes du CMH de classe II et très
peu de molécules de costimulation, indui-
sent des phénomènes de tolérance immu-
nitaire (29) et prolongent la survie des
greffons (30). Ces phénomènes sont très
certainement importants en physiologie,
en l’absence de tout stimulus inflamma-
toire, et contribuent au maintien d’un état
de tolérance périphérique vis-à-vis des
antigènes du soi (31).
L’apparition de molécules de costimula-
tion sur les CPAg peut rompre cet équi-
libre, mais les réponses immunitaires
induites ne sont pas forcément néfastes,
en raison des possibilités ultérieures de
réorientation de la différenciation
lymphocytaire T (tolérance par déviation
immunitaire). Comme nous l’avons
précisé plus haut, une costimulation sou-
tenue par les molécules “accessoires”
favorise l’action des cytokines différen-
ciantes. Outre les états Th1 et Th2, tous
deux délétères pour le greffon, certains
lymphocytes T peuvent être amenés sous
l’action de l’IL-4 à exprimer un phéno-
type Th3 caractérisé par la synthèse de
TGFβtrès immunosuppresseur (32) ou
un phénotype Tr1 (T regulatory 1) carac-
térisé par une forte sécrétion d’IL-10 et
d’IL-5 (33).
Outre ces possibilités de régulation des
réponses lymphocytaires par les molé-
cules de costimulation elles-mêmes,
d’autres acteurs moléculaires étroitement
associés aux processus de costimulation
peuvent également jouer un rôle régula-
teur. Par exemple, CTLA4 (cytotoxic T
lymphocyte antigen 4), aussi dénommé
CD152, récepteur apparenté à CD28,
possède les mêmes ligands que ce der-
nier, c’est-à-dire les molécules CD80 et
CD86, mais il les lie avec une plus grande
affinité que CD28 (tableau III). CTLA4
n’est exprimé à la surface du lymphocyte
T que 24 heures après l’engagement du
TCR et la costimulation initiale par
CD28, par une exocytose de vésicules de
stockage. Bien que CTLA4 ne s’exprime
qu’en faible densité à la surface lympho-
cytaire, son excellente affinité pour les
molécules B7 détourne ces dernières de
leur récepteur CD28, faisant cesser la
costimulation. De plus, la liaison des
molécules B7 au récepteur CTLA4 induit
des signaux intracellulaires de type inhi-
biteur, empêchant la phosphorylation des
résidus tyrosine (34). Ce processus de
régulation physiologique permet de faire
cesser l’importante costimulation initia-
lisée par CD28, et permet de mettre en
Tableau III.Les couples
récepteur-ligand impli-
qués dans l’inhibition de la
costimulation.
Ligands Récepteurs
Répartition cellulaire Autres noms Noms usuels Autres noms Répartition cellulaire
B7-1 sur CD et LB B7-1 CD80 Sur les LT activés
CTLA4 /après engagement
B7-2 sur LB, B7-2 CD86 TCR/CMH et CD28/B7
monocytes et CD
Sur monocytes,
CD, kératinocytes
activés par IFNγ,B7-H1 PD-L1
macrophages PD-1 /Sur monocytes,
et cellules LT et LB
non lymphoïdes
Idem PD-L2
CD : cellule dendritique ; LT : lymphocyte T ; LB : lymphocyte B.
1 / 8 100%

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