revue - John Libbey Eurotext

publicité
revue
Virologie 2005, 9 : 35-48
Les glycosyltransférases virales
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
N. Markine-Goriaynoff
A. Vanderplasschen
Immunologie-vaccinologie (B43b),
Département des maladies infectieuses
et parasitaires,
Faculté de médecine vétérinaire,
Université de Liège, B-4000 Liège,
Belgique
<[email protected]>
Résumé. Les glycanes constituent une classe biochimique difficile à investiguer,
mais dont les rôles essentiels à tous les niveaux de la biologie se sont imposés
comme une évidence ces dernières décennies. Il apparaît maintenant qu’ils
représentent la quatrième catégorie de molécules bio-informatives après l’ADN,
l’ARN et les protéines. À ce titre, après la génomique, la transcriptomique et la
protéomique, l’ère de la glycomique est appelée à concentrer beaucoup d’intérêts. Des millions d’années durant, les virus ont co-évolué avec leurs hôtes ; au
cours de ce processus adaptatif, ils ont évolué de manière à favoriser leur
multiplication par l’acquisition de moyens visant à imiter, détourner ou saboter
les mécanismes les plus complexes de la physiologie de leurs hôtes, y compris
les mécanismes destinés à interférer avec le glycome. La découverte de l’importance du glycome dans le contexte de la régulation des interactions entre les virus
et leurs hôtes a récemment mené à la notion de « glycovirologie ». Un aspect
fascinant de la glycovirologie est l’étude des mécanismes viraux visant à
modifier le glycome. Les virus affectent le glycome de deux façons : en régulant
l’expression des glycosyltransférases de la cellule hôte ou en exprimant leur
propre glycosyltransférase. Cette revue est consacrée aux glycosyltransférases
virales et à la description de leurs fonctions. La description de ces enzymes
illustre différents concepts fondamentaux de virologie et démontre indirectement le rôle crucial joué par la glycomique dans les processus biologiques.
Mots clés : glycosyltransférase, interactions virus-hôte, glycovirologie
Abstract. During the last decades, advances in cellular biology highlighted the
crucial roles of glycans in numerous important biological processes, raising the
concept of glycomics, which is currently considered to be complementary to
genomics, transcriptomics and proteomics. Viruses are forced parasites, depending on and interfering with the host cell machinery. Studies of the last decade
revealed that viruses have acquired the capability to interfere with the glycome at
their own benefit. The study of the glycans resulting from viral infection and
their functions is called « Glycovirology ». One of the most fascinating aspects
of glycovirology is the study of how viruses affect the glycome. Viruses reach
that goal either by affecting the expression of host glycosyltransferases, or by
expressing their own glycosyltransferases. Up to now, viral glycosyltransferases
have been reported in one herpesvirus and several poxviruses, baculoviruses,
phycodnaviruses and bacteriophages. In this review, viral glycosyltransferases
will be described exhaustively and their established or putative functions will be
discussed. The description of those enzymes illustrates several fundamental
aspects of virology.
Key words: glycosyltransferase, virus-host interactions, glycovirology
Tirés à part : A. Vanderplasschen
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
35
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
revue
L’étude de la biologie cellulaire a successivement permis de
distinguer plusieurs niveaux de complexité, regroupés sous
les termes de génomique, transcriptomique, protéomique et
glycomique. Le glycome définit l’entièreté des glycanes
produits par une entité biologique ; il comprend notamment
les sucres associés aux protéines, aux lipides et à l’ADN
[1]. La glycomique est la discipline étudiant les différentes
facettes du glycome ; cette science émergente donne une
perspective nouvelle à la biologie cellulaire. Le glycome se
caractérise notamment par une biosynthèse ne résultant pas
de la lecture d’un patron linéaire mais de la collaboration
spatio-temporelle ordonnée de nombreuses glycosyltransférases. Une autre caractéristique du glycome est la structure extrêmement complexe et variée de ses constituants
qui sont le plus souvent produits en quantités infinitésimales. Cela permet à la cellule d’exploiter un niveau de complexité inégalé, mais contribue également à rendre très
délicate l’étude des glycanes. Récemment encore, les saccharides liés aux protéines étaient à peine mieux considérés
qu’une source d’irritation, compromettant l’étude de la
« partie importante » de la glycoprotéine, à savoir sa composante protéique. Il apparaît à présent que la portion
saccharidique d’une glycoprotéine peut être aussi importante que sa partie protéique elle-même. La glycosylation
peut effectivement avoir des effets déterminants sur la
fonction, la structure, les propriétés physiques ou l’adressage de la glycoprotéine.
Durant des millions d’années, les virus ont co-évolué avec
leurs hôtes. Ce processus évolutif progressif a permis aux
virus de s’adapter de façon très fine aux évolutions de la
biologie cellulaire. Les virus, en intégrant les aspects les
plus complexes de la physiologie de leurs hôtes, ont réussi
à imiter, détourner ou saboter la biologie cellulaire à leur
propre bénéfice. Récemment, un nombre croissant d’études
a mis en lumière l’importance du glycome dans le contexte
des interactions virus-hôte. De cela résulte le concept de
glycovirologie, qui fut le thème principal du premier
congrès international de glycobiologie virale (15 au 18 juin
2003, Göteborg, Suède).
Les virus affectent le glycome de deux façons. Certains
sont capables de réguler le niveau d’expression des glycosyltransférases cellulaires [2, 3]. Par exemple, le virus
T-lymphotrope 1 humain (HTLV1 ou human T-cell leukemic virus), en transactivant l’expression de la fucosyltransférase VII cellulaire, augmente l’expression de structures
sialyl de Lewis X (sLex) à la surface des cellules infectées.
Il est très intéressant de constater que, chez les patients
adultes atteints de leucémie à HTLV1, il y a une corrélation
positive entre le niveau d’expression de sLex à la surface de
cellules T leucémiques et le degré d’infiltration leucocytaire des tissus. Alors que certains virus affectent l’expression des glycosyltransférases cellulaires, d’autres modifient le glycome en exprimant leur(s) propre(s)
36
glycosyltransférase(s). La présente revue est consacrée à la
description exhaustive des glycosyltransférases virales et à
la discussion de leurs fonctions établies ou présumées dans
la biologie de l’infection virale. La description de ces
enzymes illustre différents concepts fondamentaux en virologie.
- Certains gènes viraux ont une origine cellulaire. Il a par
exemple été possible de déterminer que l’herpèsvirus bovin
4 (BoHV4) a acquis un gène codant pour une core 2-b-1,6N-acétylglucosaminyltransférase-M aux dépens d’un ancêtre du buffle africain il y a approximativement 1,5 million
d’années.
- Certains virus infectant des organismes pluricellulaires
ont la capacité d’altérer de manière systémique le métabolisme de leur hôte. Ce type de phénomène se produit au
cours de l’infection de lépidoptères par certains baculovirus ; ces derniers, en exprimant une ecdystéroïde transférase, sont capables d’inactiver l’action de l’hormone de
mue de l’insecte.
- Les virus sont capables de contrer certains mécanismes
antiviraux. Par exemple, certains bactériophages expriment
une a et une b-glucosyltransférases. Ces enzymes glucosylent l’ADN viral pour le protéger de l’action des endonucléases de la cellule hôte.
- Certains phages tempérés infectant des bactéries pathogènes peuvent conférer à ces dernières des facteurs de virulence additionnels. Ce concept est illustré par quelques
bactériophages tempérés ayant la propriété de modifier le
sérotype de la cellule hôte via l’expression d’une glycosyltransférase virale au cours de l’infection lysogénique.
La présente revue est consacrée à la description exhaustive
de toutes les glycosyltransférases virales ayant été décrites
à ce jour. Des glycosyltransférases virales ont été décrites
chez un herpèsvirus et différents poxvirus, baculovirus,
phycodnavirus et bactériophages (tableau 1). Leur(s) glycosyltransférases seront présentées ici en accord avec cet
ordre.
La core 2b-1,6-Nacétylglucosaminyltransférase-M
exprimée par l’herpèsvirus bovin 4
L’herpèsvirus bovin 4 (BoHV4) appartient au genre Rhadinovirus de la sous-famille des Gammaherpesvirinae. Il a
été isolé à travers le monde de bovins sains ou atteints de
diverses pathologies [4]. Le buffle africain (Syncerus caffer) constitue également un réservoir naturel du BoHV4 en
Afrique. Le séquençage du génome du BoHV4 a révélé
que, comparativement aux autres membres du genre Rhadinovirus, ce virus possède peu de cadres de lecture ouverts
(ORF ou open reading frames) homologues à des gènes
cellulaires [5]. Néanmoins, le gène Bo17 du BoHV4 est le
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
revue
Tableau 1. Glycosyltransférases virales
Virus
Herpèsvirus
Rhadinovirus: BoHV4
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
Poxvirus
Chordopoxvirus:
MYXV et autres léporipoxvirus
Entomopoxvirus: MsEPV
AmEPV
Baculovirus
Tous les baculovirus
caractérisés, à l’exception
des XcGV et PhopGV
Glycosyltransférases
Effets biochimiques
principales fonctions biologiques établies
Références
Core 2b-1,6-Nacétylglucosaminyltransférase
de type mucinique (C2GnT-M)
Modifications post-traductionnelles
des protéines de structure
[6, 8, 9]
a-2,3-sialystransférase
Modifications post-traductionnelles
de SERP1
- glycosyltransférase potentielle
- glycosyltransférase potentielle
[14-16, 18]
ORF MSV206
ORF AMV248
Ecdysteroïde transférase
Glycosylation de l’hormone ecdystéroïde
d’insecte :
[19]
[20]
[22, 23]
- inhibition des mues et de la métamorphose
de l’insecte
Phycodnavirus
Chlorovirus PBCV1
PBCV1
ORF a64r, a111r, a114r, a222226r, a328l, a473l, et a546l
Hyaluronan synthase
CVK2
Chitine synthase
Phaeovirus EsV1
ORF 84
Modifications post-traductionnelles
de la protéine majeure de capside Vp54
Synthèse d’un dense réseau de
hyaluronan à la surface de la cellule
infectée
Synthèse d’un dense réseau de chitine
à la surface de la cellule infectée
- glycosyltransférase potentielle
(potentiellement une hyaluronan, une chitine
ou une alginate synthase)
[26, 28, 29]
[31, 34]
[33]
[36]
Bactériophages
Bactériophages T2, T4 et T6
de E. coli
Glucosyltransférases a et b
Bactériophages induisant
une modification du sérotype
bactérien
Gtr(type) spécifique pour
chaque bactériophage
seul gène viral connu actuellement pour exprimer un homologue fonctionnel de la core 2-b-1,6-N-acétylglucosaminyltransférase de type mucinique (C2GnT-M) cellulaire [6] ;
la C2GnT-M est un membre de la famille des b1,6-Nacétylglucosaminyltransférases (b1,6GnT) cellulaires.
Les b1,6GnT sont des glycosyltransférases impliquées
dans la synthèse de liens (GlcNAcb1 → 6) Gal (NAc) ;
elles jouent des rôles déterminants dans la synthèse des
glycanes [7]. On observe des modifications du niveau d’expression des b1,6GnT cellulaires au cours de certains processus liés au développement, aux immunodéficiences et à
l’oncogenèse. Trois types d’activité enzymatique sont décrits au sein de la famille des b1,6GnTs sur la base des
accepteurs reconnus comme substrats : les activités de
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
Glucosylation de l’ADN viral:
- protection de l’ADN viral à l’encontre
des endonucléases bactériennes
Conversion de l’antigène O bactérien :
- inhibition de la surinfection de la bactérie
par des phages apparentés
- inhibition de la rétention des virions
à la surface des débris cellulaires, après
l’infection lytique
- conversion du sérotype de la cellule hôte
[37-41]
[45, 48, 49]
branchement core 2 [Galb1 → 3 (GlcNAcb1 → 6) GalNAc], core 4 [GlcNAcb1 → 3 (GlcNAcb1 → 6) GalNAc],
et I [GlcNAcb1 → 3 (GlcNAcb1 → 6) Gal]. Parmi les
b1,6GnTs décrites à ce jour, la C2GnT-M est la seule
enzyme douée de ces trois activités de branchement (core 2,
core 4 et I).
L’activité de branchement core 2b1,6GnT (C2GnT) produit
une structure core 2 à partir d’une structure accepteur core
1 (Galb1 → 3GalNAc) [7]. Dans de nombreuses cellules, la
structure core 2 est le composant principal des O-glycanes
[7]. L’importance biologique de la structure core 2 s’explique du fait que différents ligands sucrés sont construits
directement sur des oligosaccharides branchés core 2. Par
exemple, les structures sLex et sLex sulfaté sont formées sur
37
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
revue
des oligosaccharides branchés core 2 et représentent les
ligands préférentiels des sélectines P et L [7]. L’activité de
branchement core 4 b1,6GnT (C4GnT) génère une structure core 4 à partir d’une structure accepteur core 3 (GlcNAcb1 → 3GalNAc). La structure core 4 est principalement exprimée au sein de tissus producteurs de mucines
[7]. Si les structures core 2 et core 4 sont produites sur des
O-glycanes, la structure I se retrouve quant à elle sur des Net O-glycanes et sur des glycolipides. L’activité de branchement I b1,6GnT (IGnT) convertit une poly-Nacétyllactosamine linéaire (Galb1 → 4 GlcNAcb1 → 3)n
en poly-N-acétyllactosamine branchée [Galb1 → 4GlcNAcb1 → 3 (Galb1 → 4GlcNAcb1 → 6) Gal → R] [7].
Le BoHV4 étant le seul virus connu à ce jour pour exprimer
un homologue fonctionnel de la C2GnT-M cellulaire, il
procure un modèle unique pour étudier les fonctions biologiques d’une b1,6GnT dans le contexte d’une infection
virale. Pour cette raison, des efforts importants ont étés
consentis pour étudier l’origine et les fonctions du gène
Bo17 du BoHV4. L’étude de son origine a révélé que ce
gène a été acquis d’un ancêtre du buffle africain, il y a
approximativement 1,5 million d’années, ce qui implique
que sa présence actuelle chez les bovins domestiques résulte d’une transmission interespèce ultérieure [8]. Cette
observation fait de Bo17 l’exemple connu le plus récent
d’acquisition d’un gène par un herpèsvirus. Cette étude
phylogénique a aussi révélé que Bo17 a été fixé dans la
population BoHV4 et ce malgré son acquisition récente ;
depuis son transfert dans le génome viral, sa séquence a été
soumise à une forte pression de sélection négative à l’encontre des substitutions non synonymes. Ces données suggèrent que Bo17 a une fonction importante pour le BoHV4.
Le produit d’expression de Bo17 (pBo17) est un homologue fonctionnel de la C2GnT-M cellulaire. L’expression
transitoire de pBo17 en cellules CHO a permis de montrer
que cette protéine a conservé les trois activités enzymatiques de branchement propres à la C2GnT-M cellulaire, à
savoir les activités de branchement core 2, core 4 et I [6]. De
plus, des cellules négatives pour l’expression de l’activité
de branchement core 2 et permissives à la réplication virale
ont été infectées par le BoHV4 ; il en résulte l’expression de
structures core 2 [6]. L’analyse de neuf souches représentatives de l’espèce BoHV4 a révélé que toutes expriment
une enzyme fonctionnelle [9]. La délétion du gène Bo17 a
révélé que ce gène n’est pas essentiel à la réplication virale
in vitro, et ce bien qu’il contribue aux modifications posttraductionnelles des protéines de structure [9]. Cela est
corroboré par la découverte du fait que Bo17 est exprimé en
phase précoce [9].
Différentes hypothèses non exclusives peuvent être émises
concernant le(s) rôle(s) de Bo17 dans la biologie de l’infection par le BoHV4. In vitro, pBo17 induit des modifications
post-traductionnelles des protéines de structure [9]. In vivo,
38
ces modifications pourraient affecter le tropisme du virion
et/ou sa sensibilité aux anticorps et/ou au complément.
Cette dernière hypothèse est renforcée par la démonstration
que la résistance au complément des virions du virus Sindbis est affectée par le niveau d’expression en acide sialique
des cellules utilisées pour la production virale [10, 11].
En plus de modifier des protéines de structure, il est probable que pBo17 modifie également des glycoprotéines virales et/ou cellulaires exposées à la surface cellulaire ; par ce
biais, il pourrait contrôler certaines propriétés biologiques
de la cellule infectée. Ces modifications pourraient diminuer la sensibilité de la cellule infectée à une lyse due aux
anticorps et/ou au complément et/ou à une cytotoxicité à
médiation cellulaire. Cette dernière hypothèse est renforcée
par l’observation qu’une augmentation du niveau d’activité
C2GnT réduit de façon significative les interactions entre la
cellule qui exprime ces structures sucrées et les cellules du
système immunitaire [12]. Une autre hypothèse attrayante
serait que le BoHV4, grâce à l’expression de Bo17, est
capable d’induire l’exposition de ligands pour les sélectines
à la surface cellulaire ; cela pourrait avoir une incidence sur
le tropisme de la cellule infectée vers les sites secondaires
de réplication virale et/ou de ré-excrétion. De nouvelles
études sont nécessaires pour identifier les protéines virales
et cellulaires qui sont sujettes à l’activité enzymatique de
pBo17 et pour déterminer l’effet de ces modifications posttraductionnelles sur les propriétés biologiques du virion
et/ou de la cellule infectée.
Les glycosyltransférases exprimées
par des poxvirus
La famille Poxviridae regroupe des virus à ADN de grande
taille et partageant de nombreuses propriétés uniques [13].
Cette famille se décompose en deux sous-familles, les
Chordopoxvirinae et les Entomopoxvirinae, infectant respectivement des vertébrés et des insectes invertébrés.
Chordopoxvirinae :
l’a2,3-sialyltransférase des léporipoxvirus
Des données complètes sont disponibles pour un groupe de
chordopoxvirus exprimant une a2,3-sialyltransférase. Le
myxoma virus d’Amérique du Sud (MYXV) est le prototype de ce groupe. Il appartient au genre Leporipoxvirus de
la sous-famille Chordopoxvirinae. À l’état naturel, le
MYXV infecte le lapin de forêt brésilien (Sylvilagus brasiliensis) chez qui il cause le développement de petites
tumeurs bénignes et localisées qui ne persistent que quelques mois. Par contre, l’infection du lapin européen (Oryctolagus cuniculus) provoque la myxomatose, une maladie
souvent létale qui n’a rien à voir avec les symptômes
insignifiants observés chez l’hôte naturel.
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
revue
En 1999, Jackson et al. ont démontré que le MYXV exprime une a-2,3-sialyltransférase fonctionnelle [14].
L’inactivation du gène MST3N codant pour cette glycosyltransférase virale a révélé son caractère non essentiel pour
la réplication in vitro et pour l’induction d’une myxomatose clinique chez des lapins sensibles [14]. Cependant, en
l’absence d’expression de sialyltransférase, les symptômes
de la maladie sont retardés ; cela suggère que l’a-2,3sialyltransférase du MYXV pourrait agir en synergie avec
d’autres facteurs de virulences.
Les rôles de MST3N lors de l’infection par le MYXV
peuvent être formulés par différentes hypothèses qui ne
s’excluent pas mutuellement. Premièrement, cette glycosyltransférase pourrait agir par le biais de modifications
post-traductionnelles de glycoprotéines sécrétées par la
cellule infectée et/ou de glycoprotéines exprimées à la
surface de la cellule infectée ou des virions. Deuxièmement, cette glycosyltransférase pourrait aussi agir comme
une lectine. La plupart de ces hypothèses doivent encore
être testées. Ci-dessous, nous passons en revue les données
publiées et discutons ces hypothèses.
Il a été démontré que l’a-2,3-sialyltransférase du MYXV
contribue aux modifications post-traductionnelles de la serpine (serine-proteinase inhibithor) virale SERP1 [15].
Cette protéine virale est douée de propriétés antiinflammatoires et est sécrétée. À ce jour, SERP1 est le seul
exemple connu de serpine virale sécrétée par la cellule
infectée sous la forme d’une glycoprotéine soluble. Elle
constitue également le premier exemple d’un facteur de
virulence sécrété qui soit modifié par une glycosyltransférase virale. Les modifications de SERP1 par le produit
d’expression du gène MST3N ne sont pas essentielles à
l’aptitude de SERP1 à inhiber les protéases in vitro [15] ;
cela n’exclut cependant pas que la sialylation de SERP1 ait
différentes fonctions in vivo. Premièrement, cette modification post-traductionnelle pourrait diminuer le caractère
antigénique de SERP1. Deuxièmement, elle pourrait augmenter le temps de demi-vie de SERP1 au sein des tissus
infectés. Troisièmement, la sialylation de SERP1 pourrait
aussi augmenter son aptitude à se lier à la surface de cellules
cibles spécifiques. Le mécanisme permettrait d’augmenter
la concentration locale de SERP1 ou de l’écarter du plasma
et de ses protéases. Ces hypothèses pourraient également
être appliquées à toute autre molécule immunomodulatrice
virale, qu’elle soit sécrétée ou associée aux cellules.
Le bon déroulement de différents processus immunitaires
repose sur la sialylation adéquate de glycoprotéines spécifiques exposées en surface cellulaire. Il n’est donc pas
étonnant de découvrir que certains agents pathogènes ont
acquis le pouvoir d’altérer la sialylation comme stratégie
d’échappement de la réponse immune [14]. Il se pourrait
que les virions ou les cellules infectées par le MYXV soient
protégés d’une réponse innée du système immun grâce à la
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
sialylation terminale de glycoconjugués exposés à leur
surface. La sialylation de composés de surface pourrait
également autoriser des interactions entre un virion ou une
cellule infectée et la surface d’une cellule exprimant certains récepteurs reconnaissant les molécules sialylées, des
récepteurs de la famille des sialo-adhésines, par exemple
[7]. Alternativement, l’a-2,3-sialyltransférase du MYXV
pourrait collaborer avec une GlcNAc a-1,3/4fucosyltransférase, de façon à former des structures sialylLewis a (sLea, Siaa2,3Galb1,3 [Fuca1,4] GlcNAc) et
sialyl-Lewis x (sLex, Sia a2,3Galb1,4 [Fuca1,3] GlcNAc).
Les structures sLea/x sont les ligands des sélectines E, P et
L, des lectines impliquées dans la régulation du trafic
leucocytaire lors de l’inflammation et de la réponse immune [7]. Il est intéressant de constater que le produit
d’expression du gène MST3N est capable de transférer
l’acide sialique sur un accepteur fucosylé au sein d’une
structure Lewis a et Lewis x [16] ; cette propriété unique
distingue le produit d’expression du gène MST3N de toutes
les sialyltransférases cellulaires connues à ce jour. L’expression de structure sLea/x pourrait favoriser la propagation virale au sein de l’hôte.
En plus de potentiellement exercer certaines fonctions biologiques par l’intermédiaire des produits résultants de son
activité enzymatique, le produit d’expression du gène
MST3N pourrait aussi agir par lui-même, en tant que lectine exprimée à la surface du virion et/ou de la cellule
infectée. Certaines observations suggèrent que les particules du virus de la vaccine (un autre chordopoxvirus)
contiennent des ligands pour des récepteurs saccharidiques
non sialylés [17]. Comme les membranes du réseau transgolgien participent à la formation de la membrane externe
de la forme extracellulaire enveloppée du virus (EEV, extracellular enveloped virus) [7], il a été proposé que ces
ligands puissent être des sialyltransférases d’origine cellulaire et normalement résidentes de l’appareil de Golgi [14].
Le cycle biologique du MYXV pourrait reposer sur la
présence, en membrane externe de l’EEV, d’un ligand spécifique non exprimé par les cellules infectées. Une hypothèse est que le MYXV coderait sa propre a2,3sialyltransférase pour remplir cette fonction. Le ligand viral
pourrait favoriser l’attachement ultérieur des EEV à la
surface de cellules cibles spécifiques.
En plus du MYXV, il a été démontré que d’autres léporipoxvirus possèdent un orthologue du gène MST3N : le
virus du fibrome de Shope (SFV, Shope fibroma virus) et les
virus du fibrome du lièvre et de l’écureuil [14, 18]. De plus,
une activité a-2,3-sialyltransférase fonctionnelle est induite au sein des cellules infectées par le SFV [14].
Ces données suggèrent que l’expression d’une a-2,3sialyltransférase est une propriété du genre léporipoxvirus.
39
revue
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
Glycosyltransférases potentielles
d’Entomopoxvirinae
Deux entomopoxvirus, Melanoplus sanguinipes entomopoxvirus (MsEPV) (un virus de sauterelle) et Amsacta
moorei entomopoxvirus (AmEPV) (un virus isolé de chenilles velues rouges du genre Amsacta), pourraient chacun
exprimer une glycosyltransférase par l’intermédiaires de
leur ORF respectif MSV206 et AMV248 [19, 20] (tableau 1). Ces ORF ressemblent à des gènes bactériens
codant pour des glycosyltransférases impliquées dans la
synthèse de la capsule lipopolysaccharidique et dans la
pathogénie. Il a été suggéré que le produit d’expression de
l’ORF MSV206 soit responsable de la modification des
carbohydrates observée à la surface des hémocytes des
sauterelles infectées par le MsEPV. Cependant, les fonctions biologiques et l’importance de ces ORF restent à
déterminer.
L’ecdystéroïde glucosyltransférase
exprimée par les baculovirus
Les Baculoviridae sont des virus à ADN bicaténaire circulaire de grande taille dont le spectre d’hôte est restreint aux
arthropodes [21]. Une autre particularité de ces virus est la
production d’agglomérats de virions enrobés dans une gangue protéique ; ces agglomérats sont appelés corps d’occlusion (OB, occlusion bodies). Le cycle infectieux des baculovirus débute lorsqu’un aliment contaminé par des OB est
ingéré par une larve d’une espèce hôte sensible. Les particules virales sont libérées dans l’intestin et se répliquent
tout d’abord au niveau des cellules de l’épithélium intestinal. En général, une large gamme de tissus finit par être
infectée, ce qui provoque une lyse totale de la larve à la fin
du processus infectieux. Après la mort, le cadavre larvaire
se désintègre et les OB sont libérés dans l’environnement
afin de contaminer de nouveaux hôtes.
La plupart des baculovirus ont été isolés chez des lépidoptères. Ces insectes subissent un cycle biologique très spécifique, caractérisé par une succession de profondes transformations physiologiques et anatomiques. Ces dernières
surviennent pendant la croissance par le biais de différentes
mues au terme desquelles la chenille se transforme en
nymphe (ou chrysalide) qui subit une métamorphose finale
en papillon (mue imaginale) (figure 1, A). Les ecdystéroïdes sont des hormones importantes chez la chenille ; elles
régulent chaque mue, y compris la mue imaginale. Ces
hormones sont secrétées dans l’hémolymphe par la glande
prothoracique.
Une caractéristique remarquable de la plupart des baculovirus est leur aptitude à interférer avec le développement et
le comportement de l’hôte infecté [7]. Une étude consacrée
à l’AcMNPV (Autographa californica multiply-embedded
40
nucleopolyhedrovirus) a révélé que cet aspect fascinant de
l’interaction baculovirus-hôte est attribuable à un gène
(egt) codant pour une ecdystéroïde UDP-glucosyltransférase virale (EGT) [22, 23]. Au cours de l’infection,
l’EGT virale est sécrétée par les cellules infectées ; une fois
dans l’hémolymphe, elle catalyse la conjugaison d’hormone ecdystéroïde circulante avec du glucose ou du galactose (figure 1, B) [7, 23]. Cette conjugaison inactive les
fonctions biologiques des ecdystéroïdes. L’effet de l’infection sur le développement de l’insecte dépend de l’équilibre
existant entre la synthèse d’ecdystéroïdes actives par l’hôte
et leur inactivation par l’EGT virale [24].
On peut expliquer à plusieurs niveaux les avantages conférés aux baculovirus exprimant une EGT. Premièrement, il
semble que, sous l’effet des modifications physiologiques
induites par les ecdystéroïdes, l’insecte devienne moins
sensible à une infection par baculovirus [7, 23]. Les baculovirus, en inactivant ces hormones, pourraient empêcher
l’instauration chez la chenille d’une résistance développementale envers la réplication virale [7]. Deuxièmement,
chaque mue sollicite d’importantes ressources biologiques
de l’insecte qui, en outre, cesse de s’alimenter à cette
occasion [7, 25]. L’inactivation des ecdystéroïdes par
l’EGT s’oppose à ces effets et permet de préserver toutes
les ressources de la chenille pour les besoins de la réplication virale. Troisièmement, en plus d’être nuisible au rendement de l’infection virale comme suggéré ci-dessus, la
transformation en chrysalide constitue un nouvel obstacle à
la propagation du virus. Les baculovirus, en empêchant ce
processus, évitent que les virions produits soient séquestrés
dans une pupe rigide et hermétique. Quatrièmement, les
ecdystéroïdes agissent aussi au niveau comportemental. En
effet, pour de nombreuses espèces de lépidoptères, sous
l’action des ecdystéroïdes, la nymphe arrivée à maturation
quitte le feuillage pour s’enfouir sous la terre. Ce comportement n’est pas observé lorsqu’une chenille est infectée
par un baculovirus exprimant l’EGT. On peut facilement
imaginer que cette altération du comportement est favorable à la propagation virale puisque les chenilles résident au
niveau du feuillage [23].
Pour conclure, les baculovirus nous donnent ici un des
exemples les plus frappants de la façon dont un seul gène
viral peut induire une altération systémique de la physiologie de l’hôte.
Les glycosyltransférases exprimées
par des phycodnavirus
Les phycodnavirus sont des virus polyédriques de grandes
tailles (150 à 190 nm de diamètre) contenant de l’ADN
double brin (génomes pouvant atteindre 560 kb) et infectant
des algues eucaryotes [26]. Ils sont présents en milieu
aqueux à travers le monde et jouent un rôle dynamique
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
revue
Mort et
dissémination
A
Infection par
baculovirus
Chenille
Mues
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
Oeufs
Inhibition des
mues
Adulte
Nymphe
OH
OH
OH
OH
B
O
Ecdystéroide
OH
HO
CH2OH
OH
OH
HO
O
UDP-glucosyltransférase
H O
HO
OH
HO
H O
Figure 1. A) Représentation schématique des cycles biologiques d’Autographa californica et de l’infection par l’AcMNPV. Au cours du
cycle biologique des lépidoptères (à gauche), les femelles adultes déposent leurs œufs sur un feuillage où vont éclore des chenilles. Ces
dernières subissent différentes mues au cours de leur croissance. Après la dernière mue, la chenille arrête de s’alimenter et quitte
généralement la plante, s’enferme dans une pupe et se transforme en nymphe. Au terme de cette métamorphose, la pupe libère un
papillon adulte qui recommence le cycle. Les mues, la métamorphose et les événements physiologiques associés sont gouvernés par des
hormones de l’insecte, au nombre desquelles les ecdystéroïdes jouent un rôle déterminant. Le cycle viral (à droite) est déclenché par
l’ingestion de corps d’inclusion par une chenille sensible. Les particules virales libérées dans le système digestif de l’insecte infectent les
cellules épithéliales de l’intestin avant de se propager à la plupart des tissus de l’hôte. L’infection finit par être létale et la chenille se lyse
sur le feuillage de façon à libérer un grand nombre de particules virales agglomérées en corps d’inclusion. B) Structure de l’ecdysone
glucosylée formé par l’enzyme EGT du baculovirus. L’ecdysone est transformée par l’EGT en un conjugué inactivé : l’ecdysone 22-Ob-d-glucose [51].
important, bien que mal défini, dans la régulation des populations de phytoplanctons. Le génome de certains phycodnavirus a le potentiel d’exprimer plus de 600 protéines, ce
qui est supérieur au nombre total de gènes observés chez les
organismes autonomes les plus simples.
Un nombre croissant d’observations suggère que les phycodnavirus et leurs gènes ont une histoire évolutive très
ancienne. Cette famille émergea probablement à une époque contemporaine de la séparation eucaryotes-procaryotes
(c’est-à-dire il y a plus d’un milliard d’années) [26].
Les membres du genre Chlorovirus sont des virus cytopathogènes qui infectent certains isolats d’algues vertes unicellulaires apparentées à la chlorelle. Le Paramecium bursaria chlorella virus (PBCV1) est le virus prototype du
genre ; il infecte la chlorelle NC64A, une algue normalement associée de façon endosymbiotique et héréditaire au
protozoaire P. bursaria [26]. La chlorelle endosymbiotiVirologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
que, aussi appelée zoochlorelle, est résistante à l’infection
virale : seules les algues séparées du cilié sont sensibles à
l’infection. À l’heure actuelle, le cycle biologique de ces
algues unicellulaires et leur mode d’association et de dissociation avec P. bursaria sont mal définis.
Le PBCV1 a un génome de 330 744 bp contenant 697 ORF
d’au moins 65 codons [26]. Un bon nombre des produits
d’expressions du PBCV1 a été identifié. En rapport avec
cette revue, certains d’entre eux sont des enzymes qui
manipulent les sucres. Il est probable qu’au moins sept de
ces enzymes sont des glycosyltransférases impliquées dans
la glycosylation de la protéine majeure de capside Vp54 du
PBCV1. Trois autres enzymes sont impliquées dans la
synthèse d’une matrice polysaccharidique extracellulaire
constituée d’acide hyaluronique. Deux enzymes supplémentaires sont impliquées dans le métabolisme des sucres
nucléotidiques. Au moins cinq enzymes exprimées par le
41
revue
PBCV1 sont impliquées dans la dégradation de polysaccharides et une enzyme est une glycosylase qui déclenche
l’excision des pyrimidines photodimérisées [26]. Nous ne
parlerons ici que des glycosyltransférases impliquées dans
la glycosylation de la protéine majeure de capside Vp54 et
dans la synthèse d’acide hyaluronique à la surface de la
cellule infectée.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
Glycosylation de protéines
Dans la majorité des cas, les protéines virales sont glycosylées exclusivement par des glycosyltransférases d’origine cellulaire résidant dans le réticulum endoplasmique
(RE) et dans l’appareil de Golgi [27]. Par conséquent, la
composante sucrée des glycoprotéines virales est spécifique de l’hôte. Cependant, une étude fondée sur l’utilisation
d’anticorps a montré que la glycosylation de la protéine
majeure de capside Vp54 du PBCV1 se produit selon un
schéma différent [28]. Il est possible de neutraliser le
PBCV1 par un sérum polyclonal préparé à l’aide de particules virales intactes. Dans ces conditions, on observe
cependant, selon un taux avoisinant 10-6, l’émergence
spontanée de PBCV1 variants capables de résister à la
neutralisation. Ces variants résistants se répartissent en
quatre classes sérologiques distinctes. Des sérums polyclonaux préparés à l’aide des membres de chacune de ces
classes antigéniques réagissent avec l’équivalent de la protéine Vp54 issue des virus appartenant exclusivement à la
classe utilisée pour l’immunisation. Les quatre classes sérologiques de variants se distinguent entre elles par le fait
qu’elles regroupent chacun des virus ayant un défaut commun de glycosylation de la protéine Vp54 [28]. Différentes
observations ont permis de déduire que le PBCV1 code
pour au moins quatre glycosyltransférases impliquées dans
la maturation post-traductionnelle de la protéine Vp54 et
que des mutations ciblant ces glycosyltransférases, en altérant la glycosylation de Vp54, rendent la particule virale
résistante à la neutralisation par des anticorps [28].
Lorsque les séquences protéiques déduites des ORF du
PBCV1 sont comparées aux protéines répertoriées dans les
banques de données, il apparaît que sept gènes de ce virus
codent potentiellement des glycosyltransférases : a64r,
a111r, a114r, a222-226r, a328l, a473l et a546l [26].
L’étude de l’ORF a64r a révélé que son produit d’expression est bien l’une des glycosyltransférases impliquées
dans la synthèse des glycanes de Vp54 [29]. Un autre
élément intrigant caractérise la glycosylation de Vp54 : elle
ne semble pas suivre les voies de synthèse cellulaires classiques. Cette hypothèse est confortée par plusieurs observations. Aucune des glycosyltransférases, avérées ou supposées, du PBCV1 ne semble posséder un peptide signal
capable de les adresser au RE. Les programmes de prédiction de localisation de protéines cellulaires prédisent que
toutes ces protéines, à l’exception du produit d’expression
42
de l’ORF a473l, sont cytoplasmiques. Ce dernier aurait une
localisation membranaire. Par ailleurs, des particules virales du PBCV1 sont assemblées dans une zone spécialement
dédiée du cytoplasme appelée centre d’assemblage viral
(CAV) ; il a été suggéré que le CAV serve non seulement à
l’assemblage du virion, mais aussi à toutes les étapes de
synthèse et de modifications post-traductionnelles de ses
constituants. En outre, les virus deviennent ordinairement
infectieux par bourgeonnement à travers une membrane
cellulaire contenant les glycoprotéines virales ayant suivi
les voies de synthèse classiques. À l’inverse, des particules
intactes et infectieuses de PBCV1 s’accumulent au sein du
cytoplasme 30 à 40 minutes avant leur libération de la
cellule infectée.
Ensemble, les résultats précités indiquent que la glycosylation de la protéine majeure de capside du PBCV1 se caractérise, par rapport à d’autres glycoprotéines virales, par sa
glycosylation viro-spécifique et indépendante du RE et de
l’appareil de Golgi. Il se pourrait que la glycosylation de
Vp54 représente un vestige d’une voie de synthèse ancestrale ayant préexisté à la formation du RE et de l’appareil de
Golgi.
Synthèse d’acide hyaluronique
Il fut surprenant de découvrir que trois enzymes exprimées
par le PBCV1, la glutamine : fructose-6-phosphate amidotransférase (GFAT), l’UDP-glucose déhydrogénase (UDPGlcDH) et la hyaluronan synthase (HAS) (le gène codant
pour la HAS sera ultérieurement appelé has), sont impliquées dans la synthèse d’acide hyaluronique (ou hyaluronan) [30]. Ce polysaccharide linéaire est composé de la
succession d’une moyenne de 20 000 résidus d’acide glucuronique et de N-acétylglucosamine s’alternant selon des
liens b1,4 et b1,3, respectivement. Ces trois gènes sont
transcrits en phase précoce de l’infection et un réseau de
fibres de hyaluronan commence à s’accumuler à la surface
externe de la surface de la chlorelle dès 15-30 minutes après
l’infection, pour devenir extrêmement dense 240 minutes
après (figure 2) [29, 31, 32]. La synthèse d’hyaluronan par
des enzymes virales était inattendue parce que, jusqu’à
cette découverte, ce composé n’avait été décrit que dans la
matrice extracellulaire des vertébrés et dans la capsule
extracellulaire d’un petit nombre de bactéries [33]. La
synthèse d’une seule chaîne de hyaluronan demande une
dépense énergétique considérable ; l’équivalent de cinq
ATP, deux cofacteurs NAD, un groupe acétylCoA et deux
composants monosaccharidiques sont nécessaires à la formation de chaque unité disaccharidique [30]. Cela suggère
que la synthèse d’hyaluronan doit avoir une fonction essentielle ou procure un avantage sélectif déterminant pour le
virus.
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
revue
Non infectée
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
CW
Cyto
240 min p.i.
CW
Cyto
240 min p.i.
+
HA lyase
CW
Cyto
piéger des cellules non infectées et ainsi favoriser la propagation du virus.
Deux éléments compliquent cependant la compréhension
des fonctions biologiques du réseau extracellulaire de hyaluronan : certains chlorovirus n’expriment pas de HAS et
certaines cellules infectées sont dépourvues de polysaccharide de surface [34]. Quoi qu’il en soit, la capacité pour
certains chlorovirus d’induire un halo glucidique à la surface des cellules infectées semble être une propriété importante. En effet, alors que certains chlorovirus, par le biais de
l’expression d’une HAS, induisent l’exposition de hyaluronan à la surface des cellules infectées, d’autres chlorovirus
ont, à la place du gène has, un gène chs codant pour une
chitine synthase (CHS). Cette glycosyltransférase induit
l’expression d’un réseau de chitine à la surface des cellules
infectées [35]. La chitine est un polysaccharide linéaire
composé de résidus N-acétylglucosamine liés par des liens
b1,4. Il se pourrait qu’un réseau extracellulaire de chitine
puisse assumer des fonctions biologiques équivalentes à
celles d’un réseau extracellulaire de hyaluronan au cours de
l’infection par des chlorovirus ne possédant pas le gène has.
La chitine est parfois considérée comme la version ancestrale de l’hyaluronan et ce phénomène pourrait résulter de
ce que certains chlorovirus n’ont pas encore fait le « pas
évolutif vers l’hyaluronan » [35]. Il est intéressant de constater que quelques virus possèdent les deux gènes (has et
chs) et sont capables d’induire l’apparition des deux types
de polysaccharides à la surface des cellules infectées [35].
Enzymes manipulant les sucres et autres
glycosyltransférases potentielles
Figure 2. Modifications ultrastructurales de la paroi cellulaire (CW
pour cell wall) d’une algue infectée par le phycodnavirus PBCV1.
Des cellules de chorelles de la souche NC64A ont été observées
en microscopie électronique (technique de quick-freeze deepetch). Les panneaux supérieur, moyen et inférieur montrent respectivement une cellule non infectée, une cellule infectée depuis
240 minutes et une cellule infectée depuis 240 minutes ayant subi
un traitement avec de l’hyaluronan-lyase. Cette figure est issue de
la référence [7] et est reproduite avec l’aimable autorisation de
Journal of General Virology. Cytoplasme : Cyto ; Post-inoculation :
PI ; minute : min.
Trois fonctions biologiques ont été proposées pour expliquer la synthèse d’hyaluronan à la surface de la cellule
infectée par le PBCV1 :
– Le polysaccharide préviendrait l’internalisation par la
paramécie d’une chlorelle infectée. Il est vraisemblable que
les virions libérés au sein de la paramécie suite à la lyse de
la chlorelle infectée seraient digérés par le protozoaire au
lieu d’être transmis à d’autres algues.
– Le virus pourrait avoir un autre hôte s’infectant par l’ingestion d’algues couvertes d’hyaluronan.
– La formation de polysaccharide extracellulaire est sans
doute le facteur responsable du fait que les cellules infectées ont tendance à s’agglomérer. Cette agrégation pourrait
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
Le PBCV1 est le premier virus connu pour exprimer des
enzymes impliquées dans le métabolisme des sucres couplés aux nucléotides. Ces enzymes virales permettent au
virus d’induire la synthèse GDP-L-fucose et de rhamnose
[7].
Les gènes codant pour des glycosyltransférases semblent
fréquents dans la famille des phycodnavirus. En plus du
PBCV1, trois autres phycodnavirus ont été séquencés ou
sont en voie de l’être. Ces séquençages ont révélé plusieurs
glycosyltransférases potentielles : le virus de l’Ectocarpus
siliculosus (EsV) coderait pour une chitine synthétase [36],
le virus de l’Heterosigma akashiwo (EaV) coderait au
moins pour trois glycosyltransférases [7] et le virus de
l’Emiliania huxleyi (EhV) coderait au moins pour une
glycosyltransférase [7].
Les glycosyltransférases exprimées
par des bactériophages
Deux types de glycosyltransférases sont exprimés par des
bactériophages. Premièrement, certains bactériophages ly43
revue
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
tiques sont capables de glucosyler leur ADN afin de le
protéger du système de restriction par endonucléases bactériennes. Deuxièmement, quelques bactériophages tempérés expriment une glycosyltransférase capable de modifier
le sérotype de la bactérie infectée au cours de la lysogénie.
Ces deux types de glycosyltransférases sont décrits cidessous.
Les glucosyltransférases exprimées
par les phages lytiques T2, T4 et T6 de E. coli
Les bactériophages T2, T4 et T6 de E. coli expriment des
enzymes qui, au cours de la réplication, remplacent les
résidus cytosine de leur ADN par des hydroxyméthylcytosines (HMC). Après réplication de l’ADN viral, les HMC
sont la cible d’une glucosylation par des glycosyltransférases phagiques. L’ADN phagique ainsi modifié est résistant
à l’action des endonucléases bactériennes [37-39]. Les
glycosyltransférases virales responsables de la glucosylation de l’ADN sont l’a-glucosyltransférase des bactériophages T2, T4 et T6, et la b-glucosyltransférase du bactériophage T4 ; ces enzymes lient le glucose selon un lien a
ou b, respectivement. Par ailleurs, les phages T2 et T6
expriment une b-glucosyl-HMC-a-glucosyltransférase qui
ajoute un glucose par un lien b à une HMC à laquelle un
premier glucose a déjà été fixé par un lien a [40, 41].
Les glycosyltransférases phagiques décrites ci-dessus représentent un moyen de protection efficace de l’ADN viral
vis-à-vis des endonucléases de l’hôte. Certaines bactéries
ont cependant trouvé une parade en faisant l’acquisition
d’endonucléases spécifiques leur permettant de détruire
l’ADN phagique malgré sa glycosylation [42, 43]. En plus
de son rôle protecteur à l’encontre du système de restriction
bactérien, il est possible que la glucosylation de l’ADN ait
d’autres fonctions, relatives à la structure du génome phagique, à la modulation du niveau d’expression de ses gènes
ou encore à la régulation de certains mécanismes de recombinaison [7]. La glycosylation de l’ADN est un processus
rare. Le seul autre exemple de glucosylation de l’ADN a été
décrit chez Trypanosoma bruceii [44]. Il s’agirait d’un
mécanisme impliqué dans la régulation de l’expression des
variants protéiques de surface.
Les glycosyltransférases de phages tempérés
modifiant le sérotype de la bactérie hôte
L’infection de cellules permissives par des bactériophages
tempérés peut prendre deux voies. Le virus peut se répliquer ; la libération des virions néoformés est associée à la
lyse cellulaire (infection lytique). Alternativement, l’ADN
viral peut s’intégrer dans le génome bactérien et exprimer
un nombre limité de gènes, de façon à établir une infection
persistante (infection lysogénique). Finalement, ce dernier
type d’infection peut être réactivé en infection lytique. Très
souvent, les phages tempérés altèrent le phénotype de la
cellule hôte au cours de l’infection lysogénique, ce qui se
traduit par la production de toxines ou l’expression d’antigènes de surface modifiés. Ce phénomène porte le nom de
conversion lysogénique ou antigénique. Du fait de leur
capacité à conférer un phénotype particulier à la cellule
hôte, les phages tempérés jouent un rôle crucial dans l’évolution des bactéries pathogènes [7].
Shigella flexneri est l’agent étiologique principal de la
shigellose, ou dysenterie bacillaire. Lors d’une infection
par S. flexneri, la réponse immune protectrice de l’hôte est
dirigée contre l’antigène O du lipopolysaccharide (LPS) de
la membrane bactérienne externe. Cette réponse immune
est spécifique du sérotype et procure une protection ultérieure contre toute bactérie dotée du même sérotype [45].
L’antigène O natif de S. flexneri confère le sérotype Y
(figure 3, A). La conversion antigénique résulte d’une addition de résidus glucosyl et/ou O-acétyl sur l’un des différents sucres de l’unité tétrasaccharidique du LPS (figure 3,
A). Il a été démontré que les facteurs responsables de la
conversion antigénique chez S. flexneri sont tous codés par
des bactériophages tempérés [45]. Lorsque ce processus fut
initialement observé dans la fin des années trente [7], il fut
notamment montré qu’il est possible de modifier le sérotype d’une souche de S. flexneri par simple contact avec un
filtrat récolté de la culture d’un autre sérotype. Les phages
tempérés responsables de cette conversion antigénique furent ultérieurement isolés et caractérisés. Les facteurs phagiques impliqués dans la modification de l’antigène O chez
S. flexneri sont notamment des glycosyltransférases. Les
Figure 3. A) Treize différents antigènes O sont décrits chez S. flexneri. Ces antigènes font partie du LPS exposé sur la membrane externe
de la bactérie et jouent un rôle important en tant que cible de la réponse immune neutralisante au cours de l’infection. Mis à part celui du
sérotype 6 (non représenté ici), les antigènes O de S. flexneri sont tous construits sur une structure tétrasaccharidique commune
composée d’une acétylglucosamine directement liée à trois unités rhamnose (voir bas du panneau). Cette structure non modifiée
correspond à l’antigène natif de S. flexneri, donnant lieu au sérotype Y. Parmi ceux décrits à ce jour, tous les facteurs impliqués dans la
synthèse des variantes du sérotype Y sont codés par des phages lysogéniques. Ces modifications consistent en l’addition spécifique de
groupes glycosyle et/ou O-acétyle sur le tétrasaccharide du sérotype Y (ces groupe sont ici représentés par un carré noir et un disque noir,
respectivement). Les facteurs responsables de ces modifications peuvent être, en fonction du bactériophage considéré, une glucosyltransférase ou une acétyltransférase. Ce mécanisme permet notamment au phage de modifier son récepteur d’entrée à la surface de la
bactérie et donc de réguler la permissivité de la cellule pour une infection ultérieure par des phages apparentés. B) Les bactériophages
lysogéniques SfI, SfII, SfIV, SfV et SfX sont capables de modifier l’antigène O par glycosylation, induisant ainsi l’apparition des sérotypes
1a, 2a, 4a, 5a et X, respectivement. Ces bactériophages possèdent un opéron de séroconversion composé des gènes gtrA, gtrB et gtr
(type). Ces derniers codent respectivement pour une UndP-glucose translocase, une bactoprénol glucosyltransférase et une glycosyltransférase spécifique du sérotype. Les gènes homologues sont représentés par des flèches semblables.
44
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
revue
A
Y (3,4)
X (7,8)
α3
1a (I:3,4)
1b (I:6)
α4
α4
2a (II:3,4)
2b (II:7,8)
α3
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
α4
3a (III:6,7,8)
α4
3b (III:6,3,4)
α3
4a (IV:3,4)
4b (IV:6)
α6
α6
5a (V:3,4)
5b (V:7,8)
α3
α3
Unités
rhamnose
I
II
α3
N-acétylglucosamine
III
Groupe O-acétyle
Groupe glucosyle
B
Sérotype
induit
Bactériophage
Opéron codant les facteurs de séroconversion
UndP-glucose
translocase
1a
Bactoprénol
glucosyltransférase
Glycosyltransférase
sérotype-spécifique
orf1
orf2
gtr1 (orf3)
orf2
bgt
gtrII
gtrA
gtrB
gtr1Vsf
orf6
orf5
gtrV
gtrA
gtrB
gtrX
Phage cryptique SfI
(S. flexneri Y53)
2a
4a
Bactériophage SfII
Phage cryptique SflV
(S. flexneri NCTC 8296)
5a
Bactériophage SfV
X
Bactériophage SfX
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
45
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
revue
bactériophages SfI, SfII, SfV, SfX et le phage supposé
cryptique SfIV, expriment des glycosyltransférases responsables des conversions du sérotype Y en sérotypes 1a, 2a,
5a, X et 4a, respectivement (figure 3, B) [7]. Ces phages,
bien qu’ils soient morphologiquement différents et qu’ils
appartiennent à des familles virales différentes, présentent
des points communs en ce qui concerne l’organisation des
gènes impliqués dans la glucosylation de l’antigène O. Il
s’agit de trois gènes organisés en opéron [45], gtrA, gtrB et
gtr (type), ce dernier codant pour une glycosyltransférase
spécifique de chaque sérotype (figure 3, B). Les produits
d’expression de ces gènes seront respectivement appelés
par la suite GtrA, GtrB et Gtr (type). Les deux premières
protéines sont fortement conservées et interchangeables
entre les sérotypes, alors que la troisième est unique pour
chaque bactériophage. Le taux moyen en bases GC au sein
de la cassette gtrA-gtrB-gtr (type) est inférieur à celui
observé pour le reste du génome ; cela pourrait indiquer que
ces gènes ont été acquis aux dépens d’un autre organisme.
La fonction du gène gtrA n’a pas été caractérisée ; on
présume que la protéine GtrA fonctionne comme une translocase autorisant le transfert d’un précurseur UndP-glucose
depuis le cytoplasme vers le périplasme, où se déroule la
synthèse de l’antigène O du LPS [46]. Cela permettrait
d’approvisionner la Gtr (type) en molécules de glucose à
transférer sur l’unité rhamnose de l’antigène O à modifier.
Les protéines GtrB fonctionnent généralement comme des
bactoprénol glucosyltransférases, à savoir des enzymes cytoplasmiques catalysant le transfert d’un glucose depuis un
UDP-glucose vers un bactoprénol phosphate, de façon à
générer un UndP-glucose. Cette dernière molécule peut
alors être transloquée par la GtrA dans le périplasme, où le
résidu glucosyl est transféré par une Gtr (type) sur un
antigène O en voie de synthèse [45-47].
Les Gtr (type) ne partagent pas d’homologie significative,
bien qu’elles utilisent toutes le UndP-glucose comme substrat. Cela s’explique probablement par leur capacité individuelle à reconnaître un accepteur spécifique et à catalyser
l’addition du glucose par un lien caractéristique pour chaque sérotype [45].
Le mécanisme de conversion antigénique orchestré par
glycosyltransférases phagiques a été caractérisé chez
S. flexneri. Quoi qu’il en soit, des processus très similaires
ont été observés chez d’autres bactéries. En particulier, des
cassettes de glycosylation semblables aux gtrA-gtrB-gtr
(type) décrits ci-dessus ont été observées chez Salmonella
spp. Ces gènes pourraient avoir une origine virale [48].
Cette hypothèse a été vérifiée pour les phages P22 [48] et
ST64T [49] de S. enterica serovar Typhimurium. Un mécanisme similaire peut être supposé pour les phages b15 et b34
de Salmonella [7].
Les glycosyltransférases provoquant une conversion antigénique ont différentes fonctions biologiques. La chaîne
46
polysaccharidique de l’antigène O est non seulement le
substrat de la conversion antigénique, mais aussi le récepteur pour l’attachement du phage à la surface bactérienne.
Par conséquent, l’infection modifie le récepteur d’entrée du
virus et procure à la bactérie hôte une immunité à l’encontre
de la surinfection par d’autres phages apparentés. De manière similaire, la fonction de conversion du récepteur
d’attachement pourrait être un moyen de prévenir la rétention, sur les débris cellulaires, des phages produits à l’issue
de l’infection lytique. Lors d’une infection par S. flexneri,
la réponse immune de l’hôte est dirigée contre l’antigène
O. Pour cette raison, la conversion antigénique ici décrite
constitue un facteur de virulence important pour la bactérie.
De fait, la création d’une variation antigénique augmente
les chances de survie de la bactérie au sein d’une population
d’hôtes en la prémunissant des réponses immunes adaptatives existant à l’encontre des autres sérotypes. Cela suggère que le transfert horizontal de cassette de glucosylation
au sein d’une population bactérienne a pu jouer un rôle
épidémiologique important dans le développement de maladies bactériennes à caractère épidémique ou endémique.
Conclusions
Cette revue démontre que les glycosyltransférases virales
sont plus fréquentes qu’on ne pourrait le croire et qu’elles
sont toujours impliquées, ou supposées l’être, dans la régulation des interactions virus-hôte. Il est très improbable que
les exemples décrits ici soient les seuls à exister. Il est
probable que de nombreuses autres glycosyltransférases
virales seront découvertes lors de futurs séquençages de
génomes viraux. En accord avec cette prévision, le séquençage du génome d’un virus d’amibe de 1100 kb (appelé
amoeba virus, ou mimivirus pour mimicking microbe virus) indique que ce virus possède un grand nombre de
gènes dont au moins six sont des glycosyltransférases [50].
Finalement, le fait que des virus aptes à affecter le glycome
aient été sélectionnés au cours de l’évolution constitue une
preuve supplémentaire que la glycomique joue un rôle
important dans de nombreux processus biologiques.
Remerciements. A. Vanderplasschen et N. Markine-Goriaynoff
sont respectivement maître de recherches et chargé de recherches
du Fonds national belge de la recherche scientifique (FNRS).
Références
1. Hirabayashi J, Arata Y, Kasai K. Glycome project : concept, strategy
and preliminary application to Caenorhabditis elegans. Proteomics 2001 ;
1 : 295-303.
2. Hiraiwa N, Yabuta T, Yoritomi K, et al. Transactivation of the fucosyltransferase VII gene by human T-cell leukemia virus type 1 Tax through a
variant cAMP-responsive element. Blood 2003 ; 101 : 3615-21.
3. Cebulla CM, Miller DM, Knight DA, Briggs BR, McGaughy V,
Sedmak DD. Cytomegalovirus induces sialyl Lewis (x) and Lewis (x) on
human endothelial cells. Transplantation 2000 ; 69 : 1202-9.
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
revue
4. Markine-Goriaynoff N, Minner F, de Fays K, et al. L’herpèsvirus bovin
4. Ann Méd Vét 2003 ; 147 : 173-205.
5. Zimmermann W, Broll H, Ehlers B, Buhk HJ, Rosenthal A, Goltz M.
Genome sequence of bovine herpesvirus 4, a bovine Rhadinovirus, and
identification of an origin of DNA replication. J Virol 2001 ; 75 : 1186-94.
6. Vanderplasschen A, Markine-Goriaynoff N, Lomonte P, et al. A multipotential beta -1,6-N-acetylglucosaminyl-transferase is encoded by bovine herpesvirus type 4. Proc Natl Acad Sci USA 2000 ; 97 : 5756-61.
7. Markine-Goriaynoff N, Gillet L, Van Etten JL, Korres H, Verma NK,
Vanderplasschen A. Glycosyltransferases encoded by viruses. J Gen Virol
2004 ; 85 : 2741-54.
8. Markine-Goriaynoff N, Georgin JP, Goltz M, et al. The core 2 beta-1,6N-acetylglucosaminyltransferase-mucin encoded by bovine herpesvirus 4
was acquired from an ancestor of the African buffalo. J Virol 2003 ; 77 :
1784-92.
9. Markine-Goriaynoff N, Gillet L, Karlsen OA, et al. The core 2 beta1,6-N-acetylglucosaminyltransferase-M encoded by bovine herpesvirus 4
is not essential for virus replication despite contributing to posttranslational modifications of structural proteins. J Gen Virol 2004 ; 85 :
355-3567.
10. Hirsch RL, Griffin DE, Winkelstein JA. Natural immunity to Sindbis
virus is influenced by host tissue sialic acid content. Proc Natl Acad Sci
USA 1983 ; 80 : 548-50.
11. Meri S, Pangburn MK. Discrimination between activators and nonactivators of the alternative pathway of complement : regulation via a sialic
acid/polyanion binding site on factor H. Proc Natl Acad Sci USA 1990 ;
87 : 3982-6.
12. Fukuda M, Tsuboi S. Mucin-type O-glycans and leukosialin. Biochim
Biophys Acta 1999 ; 1455 : 205-17.
13. Moss B. Poxviridae : The Viruses and Their Repication. In :
Knipe DM, Howley PM, eds. Fields Virology. Fourth ed. Philadelphia :
Lippincott Williams & Wilkins, 2001 : 2849-84.
14. Jackson RJ, Hall DF, Kerr PJ. Myxoma virus encodes an alpha2,3sialyltransferase that enhances virulence. J Virol 1999 ; 73 : 2376-84.
15. Nash P, Barry M, Seet BT, et al. Post-translational modification of the
myxoma-virus anti-inflammatory serpin SERP-1 by a virally encoded
sialyltransferase. Biochem J 2000 ; 347 : 375-82.
16. Sujino K, Jackson RJ, Chan NW, Tsuji S, Palcic MM. A novel viral
alpha2,3-sialyltransferase (v-ST3Gal I) : transfer of sialic acid to fucosylated acceptors. Glycobiology 2000 ; 10 : 313-20.
17. Vanderplasschen A, Smith GL. A novel virus binding assay using
confocal microscopy : demonstration that the intracellular and extracellular vaccinia virions bind to different cellular receptors. J Virol 1997 ; 71 :
4032-41.
18. Willer DO, McFadden G, Evans DH. The complete genome sequence
of shope (rabbit) fibroma virus. Virology 1999 ; 264 : 319-43.
19. Afonso CL, Tulman ER, Lu Z, Oma E, Kutish GF, Rock DL. The
genome of Melanoplus sanguinipes entomopoxvirus. J Virol 1999 ; 73 :
533-52.
20. Bawden AL, Glassberg KJ, Diggans J, Shaw R, Farmerie W,
Moyer RW. Complete genomic sequence of the Amsacta moorei entomopoxvirus : analysis and comparison with other poxviruses. Virology 2000 ;
274 : 120-39.
21. Blissard GW, Black B, Crook N, et al. Baculoviridae. In : Van
Regenmortel MHV, Fauquet CM, Bishop DHL, et al., eds. Virus Taxonomy. Seventh Report of the International Committee for the Taxonomy
of viruses. San Diego : Academic Press, 2000 : 195-202.
22. O’Reilly DR, Miller LK. A baculovirus blocks insect molting by producing ecdysteroid UDP-glucosyl transferase. Science 1989 ; 245 :
1110-2.
23. O’Reilly DR. Baculovirus-encoded Ecdysteroid UDP-glucosyltransferase. Insect Biochem Mol Biol 1995 ; 25 : 541-50.
24. O’Reilly DR, Hails RS, Kelly TJ. The impact of host developmental
status on baculovirus replication. J Invertebr Pathol 1998 ; 72 : 269-75.
25. Flipsen JT, Mans RM, Kleefsman AW, Knebel-Morsdorf D, Vlak JM.
Deletion of the baculovirus ecdysteroid UDP-glucosyltransferase gene
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
induces early degeneration of Malpighian tubules in infected insects. J
Virol 1995 ; 69 : 4529-32.
26. Van Etten JL. Unusual life style of giant chlorella viruses. Annu Rev
Genet 2003 ; 37 : 153-95.
27. Olofsson S, Hansen JE. Host cell glycosylation of viral
glycoproteins--a battlefield for host defence and viral resistance. Scand J
Infect Dis 1998 ; 30 : 435-40.
28. Wang IN, Li Y, Que Q, et al. Evidence for virus-encoded glycosylation specificity. Proc Natl Acad Sci USA 1993 ; 90 : 3840-4.
29. Graves MV, Bernadt CT, Cerny R, Van Etten JL. Molecular and genetic evidence for a virus-encoded glycosyltransferase involved in protein
glycosylation. Virology 2001 ; 285 : 332-45.
30. DeAngelis PL. Hyaluronan synthases : fascinating glycosyltransferases from vertebrates, bacterial pathogens, and algal viruses. Cell Mol Life
Sci 1999 ; 56 : 670-82.
31. DeAngelis PL, Jing W, Graves MV, Burbank DE, Van Etten JL. Hyaluronan synthase of chlorella virus PBCV-1. Science 1997 ; 278 : 1800-3.
32. Landstein D, Graves MV, Burbank DE, DeAngelis P, Van Etten JL.
Chlorella virus PBCV-1 encodes functional glutamine : fructose-6phosphate amidotransferase and UDP-glucose dehydrogenase enzymes.
Virology 1998 ; 250 : 388-96.
33. DeAngelis PL. Evolution of glycosaminoglycans and their glycosyltransferases : Implications for the extracellular matrices of animals and the
capsules of pathogenic bacteria. Anat Rec 2002 ; 268 : 317-26.
34. Graves MV, Burbank DE, Roth R, Heuser J, DeAngelis PL, Van
Etten JL. Hyaluronan synthesis in virus PBCV-1-infected chlorella-like
green algae. Virology 1999 ; 257 : 15-23.
35. Kawasaki T, Tanaka M, Fujie M, Usami S, Sakai K, Yamada T. Chitin
synthesis in chlorovirus CVK2-infected chlorella cells. Virology 2002 ;
302 : 123-31.
36. Delaroque N, Muller DG, Bothe G, Pohl T, Knippers R, Boland W.
The complete DNA sequence of the Ectocarpus siliculosus Virus EsV-1
genome. Virology 2001 ; 287 : 112-32.
37. Freemont PS, Ruger W. Crystallization and preliminary X-ray studies
of T4 phage beta-glucosyltransferase. J Mol Biol 1988 ; 203 : 525-6.
38. Gram H, Ruger W. The alpha-glucosyltransferases of bacteriophages
T2, T4 and T6. A comparison of their primary structures. Mol Gen Genet
1986 ; 202 : 467-70.
39. Winkler M, Ruger W. Cloning and sequencing of the genes of betaglucosyl-HMC-alpha-glucosyl-transferases of bacteriophages T2 and T6.
Nucleic Acids Res 1993 ; 21 : 1500.
40. Vrielink A, Ruger W, Driessen HP, Freemont PS. Crystal structure of
the DNA modifying enzyme beta-glucosyltransferase in the presence and
absence of the substrate uridine diphosphoglucose. EMBO J 1994 ; 13 :
3413-22.
41. Lariviere L, Gueguen-Chaignon V, Morera S. Crystal structures of the
T4 phage beta-glucosyltransferase and the D100A mutant in complex with
UDP-glucose : glucose binding and identification of the catalytic base for
a direct displacement mechanism. J Mol Biol 2003 ; 330 : 1077-86.
42. Ishaq M, Kaji A. Mechanism of T4 phage restriction by plasmid Rts 1.
Cleavage of T4 phage DNA by Rts 1-specific enzyme. J Biol Chem 1980 ;
255 : 4040-7.
43. Janosi L, Yonemitsu H, Hong H, Kaji A. Molecular cloning and expression of a novel hydroxymethylcytosine-specific restriction enzyme
(PvuRts1I) modulated by glucosylation of DNA. J Mol Biol 1994 ; 242 :
45-61.
44. Gommers-Ampt JH, Van Leeuwen F, de Beer AL, et al. beta-Dglucosyl-hydroxymethyluracil : a novel modified base present in the DNA
of the parasitic protozoan T. brucei. Cell 1993 ; 75 : 1129-36.
45. Allison GE, Verma NK. Serotype-converting bacteriophages and
O-antigen modification in Shigella flexneri. Trends Microbiol 2000 ; 8 :
17-23.
46. Guan S, Bastin DA, Verma NK. Functional analysis of the O antigen
glucosylation gene cluster of Shigella flexneri bacteriophage SfX. Microbiol 1999 ; 145(Pt 5) : 1263-73.
47
revue
bacteriophage ST64T : evidence for modular genetic architecture. J Bacteriol 2003 ; 185 : 3473-5.
50. Raoult D, Audic S, Robert C, et al. The 1.2-megabase genome sequence of Mimivirus. Science 2004 ; 306 : 1344-50.
51. O’Reilly DR, Howarth OW, Rees HH, Miller LK. Structure of the
ecdysone glucoside formed by a baculovirus ecdysteroid UDPglucosyltransferase. Insect Biochem 1991 ; 21 : 795-801.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
47. Mavris M, Manning PA, Morona R. Mechanism of bacteriophage
SfII-mediated serotype conversion in Shigella flexneri. Mol Microbiol
1997 ; 26 : 939-50.
48. Vander Byl C, Kropinski AM. Sequence of the genome of Salmonella
bacteriophage P22. J Bacteriol 2000 ; 182 : 6472-81.
49. Mmolawa PT, Schmieger H, Tucker CP, Heuzenroeder MW. Genomic structure of the Salmonella enterica serovar Typhimurium DT 64
48
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
Téléchargement