En 1999, Jackson et al. ont démontré que le MYXV ex-
prime une a-2,3-sialyltransférase fonctionnelle [14].
L’inactivation du gène MST3N codant pour cette glycosyl-
transférase virale a révélé son caractère non essentiel pour
la réplication in vitro et pour l’induction d’une myxoma-
tose clinique chez des lapins sensibles [14]. Cependant, en
l’absence d’expression de sialyltransférase, les symptômes
de la maladie sont retardés ; cela suggère que l’a-2,3-
sialyltransférase du MYXV pourrait agir en synergie avec
d’autres facteurs de virulences.
Les rôles de MST3N lors de l’infection par le MYXV
peuvent être formulés par différentes hypothèses qui ne
s’excluent pas mutuellement. Premièrement, cette glyco-
syltransférase pourrait agir par le biais de modifications
post-traductionnelles de glycoprotéines sécrétées par la
cellule infectée et/ou de glycoprotéines exprimées à la
surface de la cellule infectée ou des virions. Deuxième-
ment, cette glycosyltransférase pourrait aussi agir comme
une lectine. La plupart de ces hypothèses doivent encore
être testées. Ci-dessous, nous passons en revue les données
publiées et discutons ces hypothèses.
Il a été démontré que l’a-2,3-sialyltransférase du MYXV
contribue aux modifications post-traductionnelles de la ser-
pine (serine-proteinase inhibithor) virale SERP1 [15].
Cette protéine virale est douée de propriétés anti-
inflammatoires et est sécrétée. À ce jour, SERP1 est le seul
exemple connu de serpine virale sécrétée par la cellule
infectée sous la forme d’une glycoprotéine soluble. Elle
constitue également le premier exemple d’un facteur de
virulence sécrété qui soit modifié par une glycosyltransfé-
rase virale. Les modifications de SERP1 par le produit
d’expression du gène MST3N ne sont pas essentielles à
l’aptitude de SERP1 à inhiber les protéases in vitro [15] ;
cela n’exclut cependant pas que la sialylation de SERP1 ait
différentes fonctions in vivo. Premièrement, cette modifi-
cation post-traductionnelle pourrait diminuer le caractère
antigénique de SERP1. Deuxièmement, elle pourrait aug-
menter le temps de demi-vie de SERP1 au sein des tissus
infectés. Troisièmement, la sialylation de SERP1 pourrait
aussi augmenter son aptitude à se lier à la surface de cellules
cibles spécifiques. Le mécanisme permettrait d’augmenter
la concentration locale de SERP1 ou de l’écarter du plasma
et de ses protéases. Ces hypothèses pourraient également
être appliquées à toute autre molécule immunomodulatrice
virale, qu’elle soit sécrétée ou associée aux cellules.
Le bon déroulement de différents processus immunitaires
repose sur la sialylation adéquate de glycoprotéines spéci-
fiques exposées en surface cellulaire. Il n’est donc pas
étonnant de découvrir que certains agents pathogènes ont
acquis le pouvoir d’altérer la sialylation comme stratégie
d’échappement de la réponse immune [14]. Il se pourrait
que les virions ou les cellules infectées par le MYXV soient
protégés d’une réponse innée du système immun grâce à la
sialylation terminale de glycoconjugués exposés à leur
surface. La sialylation de composés de surface pourrait
également autoriser des interactions entre un virion ou une
cellule infectée et la surface d’une cellule exprimant cer-
tains récepteurs reconnaissant les molécules sialylées, des
récepteurs de la famille des sialo-adhésines, par exemple
[7]. Alternativement, l’a-2,3-sialyltransférase du MYXV
pourrait collaborer avec une GlcNAc a-1,3/4-
fucosyltransférase, de façon à former des structures sialyl-
Lewis a (sLe
a
, Siaa2,3Galb1,3 [Fuca1,4] GlcNAc) et
sialyl-Lewis x (sLe
x
, Sia a2,3Galb1,4 [Fuca1,3] GlcNAc).
Les structures sLe
a/x
sont les ligands des sélectines E, P et
L, des lectines impliquées dans la régulation du trafic
leucocytaire lors de l’inflammation et de la réponse im-
mune [7]. Il est intéressant de constater que le produit
d’expression du gène MST3N est capable de transférer
l’acide sialique sur un accepteur fucosylé au sein d’une
structure Lewis a et Lewis x [16] ; cette propriété unique
distingue le produit d’expression du gène MST3N de toutes
les sialyltransférases cellulaires connues à ce jour. L’ex-
pression de structure sLe
a/x
pourrait favoriser la propaga-
tion virale au sein de l’hôte.
En plus de potentiellement exercer certaines fonctions bio-
logiques par l’intermédiaire des produits résultants de son
activité enzymatique, le produit d’expression du gène
MST3N pourrait aussi agir par lui-même, en tant que lec-
tine exprimée à la surface du virion et/ou de la cellule
infectée. Certaines observations suggèrent que les particu-
les du virus de la vaccine (un autre chordopoxvirus)
contiennent des ligands pour des récepteurs saccharidiques
non sialylés [17]. Comme les membranes du réseau trans-
golgien participent à la formation de la membrane externe
de la forme extracellulaire enveloppée du virus (EEV, ex-
tracellular enveloped virus) [7], il a été proposé que ces
ligands puissent être des sialyltransférases d’origine cellu-
laire et normalement résidentes de l’appareil de Golgi [14].
Le cycle biologique du MYXV pourrait reposer sur la
présence, en membrane externe de l’EEV, d’un ligand spé-
cifique non exprimé par les cellules infectées. Une hypo-
thèse est que le MYXV coderait sa propre a2,3-
sialyltransférase pour remplir cette fonction. Le ligand viral
pourrait favoriser l’attachement ultérieur des EEV à la
surface de cellules cibles spécifiques.
En plus du MYXV, il a été démontré que d’autres lépori-
poxvirus possèdent un orthologue du gène MST3N : le
virus du fibrome de Shope (SFV, Shope fibroma virus)etles
virus du fibrome du lièvre et de l’écureuil [14, 18]. De plus,
une activité a-2,3-sialyltransférase fonctionnelle est in-
duite au sein des cellules infectées par le SFV [14].
Ces données suggèrent que l’expression d’une a-2,3-
sialyltransférase est une propriété du genre léporipoxvirus.
revue
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
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