Profession 66 Journée romande des cliniciennes Cap sur la promotion de la sa Dans le cadre de la Journée Romande des Cliniciennes, l’Assemblée Suisse Romande des Infirmières Cliniciennes (ASRIC) a rassemblé une centaine de soignants autour de la thématique de la promotion de la santé, mettant en évidence la contribution indispensable de la discipline infirmière auprès des usagers. Texte: Anne Burkhalter, Florie Baumgartner, Olivier Le Dizès, Laure Piccand, Vanessa Viénat / Photos: Fotolia Introduisant son discours par la citation de Copernic «On ne peut pas apprendre aux adultes, mais leur révéler ce qu’ils savent déjà», Bernard Carrel, consultant RH, met en évidence le processus de doute et de questionnement nécessaire pour faire évoluer l’individu et la relation dans une communication constructive. Promouvoir la santé des soignants Dans le cadre de la gestion des ressources humaines, Bernard Carrel démontre l’intérêt de développer le capital humain. En termes d’«épidémie des risques psychosociaux», dans un contexte où l’individualisme règne, il a mis en évidence tant les mécanismes pou- vant amener un employé à une situation de vulnérabilité que les solutions d’accompagnement possible. L’intensification de la charge de travail et le corporatisme par métier induit une précarisation des actions collectives et des collectifs de travail. La prévention se trouve reportée sur l’individu, victime et responsable de son état de santé et de bien-être: il doit ainsi faire face seul aux problèmes se posant à lui. En stigmatisant l’individu comme seul responsable, la collectivité induit un comportement néfaste à l’apprentissage: l’individu cherche alors à cacher son erreur pendant que le groupe le couvre. La personne vulnérable identifiée comme révélatrice d’un problème posé au sein de l’entreprise, la solution doit être recherchée en termes de capital humain à renforcer: créer un espace de parole bienveillant permettant d’accueillir l’erreur et l’apprentissage du processus l’y amenant, accompagné de démarches visant à redonner vie et efficacité aux collectifs de travail. Les auteurs Anne Burkhalter est responsable de secteur Clinique et soins chez Espace Compétences. Florie Baumgartner, Olivier Le Ditès, Laure Piccand et Vanessa Viénat sont étudiants cliniciens à Espace Compétences. Contact: [email protected] www.sbk-asi.ch >Infirmières cliniciennes >Promotion de la santé >Alternatives K r a n k e n p f l e g e I S o i n s i n f i r m i e r s I C u r e i n f e r m i e r i s t i c h e 9/2016 A chacun, professionnel de la santé ou patient, de prendre soin de a santé, à sa façon. nté Le partenariat stratégique, dynamique et stimulant, basé sur des valeurs telles que la confiance et le respect, la posture personnelle forte ainsi qu’un positionnement clair sont montrées comme contribution à la bonne santé au travail. Massage vespéral en gériatrie Après cette entrée en matière portant sur la santé des professionnels, Geneviève Delèze, infirmière cheffe, spécialiste clinique, présente une démarche clinique auprès des personnes âgées hospitalisées souffrant d’isolement; elle pointe l’absence de contact physique en dehors des soins techniques. En 2012, cette problématique l’a conduite à mener une étude interventionnelle contrôlée avec le Dr Coutaz sur l’influence du toucher vespéral dans les soins à la personne âgée. S’appuyant sur une revue de littérature en lien avec le toucher – massage, dans une approche interdisciplinaire, intégrant les infirmières, les médecins et les physiothérapeutes, elle a cherché à évaluer l’impact du toucher, entre autres, sur la prise médicamenteuse, le sommeil, les appels et la marche. Une formation courte a été mise en place selon le modèle du toucher – massage vespéral de J. Savatovski auprès de l’ensemble du personnel, puis des massages d’une durée de 5 minutes par patient, au lit ou sur chaise ont été pratiqués. A l’issue de l’étude, un changement positif significatif du comportement des professionnels a été relevé: entre autres, 60% d’entre eux pratiquent encore le massage après l’étude, 80% expriment un sentiment de bien-être. En effet, prendre le temps de masser la main de quelqu’un est ressenti comme apaisant, permettant de se poser, de respirer calmement, de fermer la boucle des soins de la journée avec le patient, puis de rentrer à la maison moins stressé. Pour les personnes âgées massées régulièrement, si le nombre de chutes n’a pas diminué, une augmentation significative de la vitesse de marche a été évaluée par les physiothérapeutes. Les appels de nuit et la médication antalgique de réserve semblent diminuer; cependant, il est encore actuellement difficile de se prononcer dans le cadre de cette étude. Evaluation ergothérapeutique S’engager dans le domaine de la promotion de la santé implique une connaissance précise des ressources de nos clients, de leurs habitudes et projets de vie. Anne Lachat, première ergothérapeute clinicienne de l’hôpital neuchâtelois, s’est attelée à uniformiser et à actualiser les pratiques de l’évaluation ergothérapeutique des clients hospitalisés pour un accident vasculaire cérébral. Pour cela, elle s’est basée sur une solide revue de littérature dans son domaine, offrant aux clients, à ses collègues et à son institution une réelle plus-value. Au-delà de l’aspect de l’évaluation, l’intérêt de cette démarche réside dans l’accent mis sur l’évaluation des capacités de la personne dans une visée de développement de ses compétences dans son environnement et en adéquation avec sa participation à la société. En effet, trop souvent, les soignants restent centrés sur les déficits, y palliant en prenant en charge l’incapacité de leur patient; le paradigme présenté par A. Lachat relève de l’accompagnement du client, acteur incontournable participant activement à la reconstruction de ses compétences, sur la base de ses ressources et ses objectifs d’action au quotidien. Ceci constitue le cœur même de la profession d’ergothérapeute, précisément centrée sur le développement et le maintien de la capacité d’agir des personnes. Les concepts centraux de l’ergothérapie reposent sur la personne, son environnement, ses activités et ses occupations. Articulés les uns avec les autres, ils permettent de définir le profil occupationnel du client. Celui-ci, conjugué avec l’observation des performances occupationnelles, permet de le situer dans son contexte et son projet de vie. L’évaluation ergothérapeutique a été construite sur la base de la CIF (Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé) faisant correspondre sa cotation à celle de la MIF (Mesure d’Indépendance Fonctionnelle) pour les activités quotidiennes. Les résultats de l’évaluation ergothérapeutique permettent de cibler la problématique et définir des objectifs de traitement ergothérapeutique avec le client; la finalité visée est de favoriser la reprise de ses occupations au quotidien et de faciliter ainsi sa participation à la société. Au sein de l’équipe interdisciplinaire, ces résultats permettent aussi de coordonner et de potentialiser les interventions dans le but de construire un pro- «L’intensification de la charge de travail et le corporatisme par métier induisent une précarisation des collectifs de ravail.» jet de soins en adéquation avec le projet de vie du client. Sa finalité thérapeutique vise l’impact sur la participation de l’individu et l’amélioration de sa santé et de sa qualité de la vie. L’accueil, un acte pas banal? Corinne Wirth, infirmière cheffe d’unité adjointe & clinicienne à l’hôpital neuchâtelois s’est interrogée sur la difficulté d’adaptation du patient dans son service de CTR – Centre de Traitement et de Réadaptation, relevant la pratique routinière et banalisée de l’accueil, sans véritable prise en compte des besoins du patient. Une revue de littérature lui a permis de définir son projet. Les enjeux de l’accueil 67 Profession 68 K r a n k e n p f l e g e I S o i n s i n f i r m i e r s I C u r e i n f e r m i e r i s t i c h e 9/2015 Remise des certificats Douze nouveaux cliniciens Cette Journée Romande des Cliniciens s’est terminée par la remise des certificats de cliniciens aux finalistes de la volée 2014–2016, ayant participé avec succès à leur formation à Espace Compétences. Neuf d’entre eux ont suivi la filière de cliniciens généralistes, deux celle en diabétologie et une en santé mentale et psychiatrie. Grâce aux compétences acquises, ils ont conduit des projets amenant à revisiter les bonnes pratiques dans leur domaine allant des soins psychiques aux soins intensifs, de l’ambulatoire et des soins à domicile à l’hôpital, favorisant l’avancée des pratiques soignantes. Experts dans leur domaine, leaders cliniques au sein de leur institution, ils ont démontré leur capacité à intégrer leur rôle en termes de Pratique Avancée. Les résultats obtenus durant leur démarche de gestion de projet témoignent non seulement de l’impact sur la santé des usagers et sur la satisfaction des collaborateurs, mais aussi sur la plus-value au niveau de la collectivité et de l’institution. Ils sont félicités pour leur empreinte en termes de développement durable, sur les 3 axes, social, économique et environnemental: leurs projets sont viables, vivables et équitables. Nous leur souhaitons plein succès et durabilité! ont été identifiés, visant à sécuriser le patient, à promouvoir son individualité et à renforcer son espoir de soulagement et de guérison. Les données probantes amènent encore d’autres éléments, dont la notion de plus grande vulnérabilité de la personne hospitalisée durant les 72 premières heures d’où la nécessité d’anticiper l’accueil en mobilisant les ressources des proches dans cette étape de crise. Les concepts théoriques de bien-être subjectif, de coping et d’autorégulation du comportement viennent renforcer le projet d’accueil; des outils simples, tels que créer autour de la personne un environnement aussi familier que possible devient une évidence! pliquant dans des jeux de rôles, puis ils ont été accompagnés dans la démarche d’implantation. Parallèlement, une organisation en binôme aide-soignante – infirmière est instaurée, un itinéraire clinique décrivant le processus d’accueil guide la démarche, une brochure d’accueil est diffusée. Cette démarche a rendu visible à la fois le rôle de la clinicienne auprès des usagers et de ses proches, comme auprès des collaborateurs. Elle a aussi permis de valoriser et de développer le travail interdisciplinaire. La transférabilité de la démarche du CTR au service de gériatrie aiguë est devenue incontournable. Valorisation de l’interdisciplinarité Infirmière clinicienne au CHUV, Maryse Davadant a clos cette journée de conférences en présentant l’impact de l’hypnose dans les soins aux grands brûlés. Partant de la persistance des douleurs sévères, malgré les opiacés, engendrant anxiété, dépression et douleurs chroniques, elle offre aux grands brûlés la possibilité de modifier leur état de L’objectif de cette démarche est défini: favoriser l’adaptation du patient en CTR grâce à un accueil anticipé. Les 3 axes stratégiques ont porté sur la préparation du projet, sa mise en place et son maintien au sein du service: les soignants ont été formés en laissant émerger les représentations en termes d’accueil et en s’im- L’hypnose auprès du patient brûlé conscience et leurs symptômes grâce à l’hypnose. Sans en avoir conscience, nous connaissons tous des états de transe naturelle se traduisant par exemple par être dans la lune, très concentré, captivé ou au volant de notre voiture perdant la notion de temps. Ces moments nous permettent de nous ressourcer. La transe hypnotique, par exemple, se définit par une expérience subjective, un état d’hyperconscience. Elle se manifeste cliniquement par une baisse de la fréquence respiratoire, une relaxation des muscles du visage, une accélération des mouvements oculaires, une déglutition plus lente et plus importante. Impact sur la douleur Lors d’une séance d’hypnose, l’attention est focalisée sur des images de vécu positif du patient/lieu de sécurité propre à chaque patient, l’amenant à diminuer sa vigilance périphérique; il est alors en état de veille et d’alerte et non de sommeil: son activité cérébrale est modifiée. Si les séances d’hypnose ont un impact direct sur la douleur et les soins, elles agissent aussi sur l’humeur du patient et sur son anxiété, diminuant le risque de dépression et de douleurs chroniques. Peu à peu, au fil des séances, les patients sont capables de pratiquer l’auto-hypnose: devenant acteurs de leur processus de guérison, ils s’approprient une partie de leurs traitements et sauront utiliser l’auto-hypnose dans d’autres situations difficiles. Une étude réalisée en 2006–2007 sur deux groupes, cas – témoins chez les grands brûlés a montré une meilleure analgésie avec réduction de la sensation de douleur (utilisation de l’échelle EVA – Échelle Visuelle Analogique, diminution des opiacés, de la sédation, des antalgiques avant et durant les soins), une meilleure cicatrisation chez un patient moins stressé par les soins, une diminution de la durée de séjour aux soins intensifs de cinq jours représentant une économie de 19 000.–/patient. Journée romande des cliniciennes – JRC, 10 juin 2016 à Neuchâtel, Hôpital de Pourtalès sur le thème: La discipline infirmière, une contribution indispensable à la promotion de la santé. Les présentations de cette Journée Romande des Cliniciennes sont disponibles sur le site de l’ASRIC: http://www.asric-site.ch/presentations-de-lavieme-jrc/