Depuis quatre ans, un projet de recherche portant sur les comportements
d’agression est en préparation au Centre jeunesse de Laval. Le projet est
coordonné par Samuel Giroux sous la direction de Marie-Claude Guay de
l’Université du Québec à Montréal. Depuis février dernier, les coordon-
nateurs des services de réadaptation, les chefs de service, ainsi que huit
équipes ont été rencontrés pour participer à cette recherche. Il s’agit des
unités La Passerelle, L’Interlude, La Marée, L’Âtre, L’Oasis, La Station, La
Parenthèse et L’Agora. Le projet sera éventuellement présenté à tous
les foyers de groupe et les unités de vie. Nous envisageons de recruter
110 participants, soit 55 garçons et 55 filles.
coNtexte et bases théoriques du projet
L’étude a pour objectif d’évaluer le fonctionnement neuro-exécutif des
jeunes (la mémoire à court terme, la capacité d’inhibition, d’autocontrôle,
de planification mentale, etc.) et leur développement psychoaffectif (les
émotions ressenties, la perspective de l’autre, les traits de personnalité,
l’anxiété, etc.). Nous voulons évaluer ces éléments afin de mieux com-
prendre leurs liens avec les conduites antisociales et les comportements
d’agression que les jeunes peuvent parfois avoir.
Lorsque nous parlons de comportements d’agression, nous faisons
référence à des actions physiques qui prennent une forme directe
(frapper, pousser, insulter) ou indirecte (intimidation sur les réseaux
sociaux, alimenter des rumeurs, etc.) et qui entraînent des dommages
(physique, psychologique et financiers) aux victimes et à la société.
Parfois, les troubles de comportement et les conduites agressives sont
plus impulsifs, et parfois, ils sont plus intentionnels et délibérés. De plus,
étant donné que la recherche sur l’agressivité a donné des résultats
mitigés en ce qui concerne les garçons et les filles, nous voulons voir si
des différences de genre s’inscrivent au travers des résultats observés.
Finalement, nous avons également pour objectif de faire des liens entre
nos différentes mesures d’évaluation et les données fournies par le dos-
sier de l’usager (PIJ). Par exemple, nous voulons voir s’il y a présence de
différences entre les éléments étudiés et le niveau d’encadrement (sou-
ple, régulier, dynamique et intensif) dans lequel les jeunes se trouvent,
la loi selon laquelle ils obtiennent des services, le nombre de mesures
disciplinaires reçues, le fait de fréquenter l’école à l’externe, le nombre
de fugues, le nombre de retraits hors unité et leurs profils neuropsy-
chologiques.
Sur le plan clinique, nous allons pouvoir également brosser un portrait
intéressant des difficultés psychologiques et neuropsychologiques des
jeunes hébergés en centres jeunesse. Les résultats des recherches
cliniques des dernières années montrent que les diagnostics de trouble
de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et de trouble
de conduite (TC) sont sous-évalués chez les filles, laissant les familles
et les intervenants sans ressources face aux troubles de comportement
de ces dernières. Pourtant, d’un autre côté, nous savons que la sous-
évaluation de ces problèmes s’explique de plus en plus par le fait que
les outils standard d’évaluation du TDAH et du TC sont actuellement
incomplets, voire inadéquats, et que des mesures neurocognitives
peuvent permettre d’améliorer l’évaluation. En effet, la recherche
converge vers la nécessité d’inclure une évaluation des fonctions
exécutives pour détecter le TDAH et de l’autre, vers la nécessité de
mesurer le développement psychoaffectif pour évaluer la portée des
conduites antisociales. Dans les deux cas, ces outils diagnostiques
supplémentaires sont malheureusement trop souvent absents de la
démarche diagnostic des jeunes et amènent plusieurs enfants et ado-
lescents en trouble de comportement grave dans le milieu des centres
jeunesse sans diagnostics adéquats. Notre recherche pourrait permettre
de dresser un portrait plus juste de l’état des difficultés neurodévelop-
pementales rencontrées par ces derniers. Considérant que les motifs
de placement de ces jeunes sont souvent reliés aux mauvais traite-
ments, à l’abandon et à la négligence (Association des centres jeunesse
du Québec, 2011, 2012, 2013), et que ces facteurs de risques sont
malheureusement associés à d’importants retards de développements
neurocognitifs et affectifs1, il ne serait pas surprenant d’avoir un portrait
clinique beaucoup plus précis en examinant pour la première fois ces
variables très importantes.
Samuel Giroux Marie-Claude Guay
Le projet de recherche sur les
fonctions exécutives, le développement
psychoaffectif et les comportements
d’agression des jeunes a pris son
envol!
Les indissociables :
Des connaissances à la pratique
Samuel Giroux
Étudiant au doctorat en psychologie
Université du Québec à Montréal
Éducateur à l’Unité Le Mirabel du
Centre jeunesse de Laval depuis 2005
Marie-Claude Guay, Ph.D
Professeure à l’Université du
Québec à Montréal
Chercheure affiliée au
Centre jeunesse de Montréal – IU
14 - Journal Le Bon our - Avril 2014
1 Cicchetti, Rogosch, Howe, & Toth, 2010; Frigon, 2011; Jaffee & Maikovich-Fong, 2010; Kim & Cicchetti, 2010; Nolin, 2004; Tabone et al., 2010; Teisl & Cicchetti, 2008)