- aussi - autre différence - les mouvements de régénération islamique dans le passé ont
été dirigés par les élites; aujourd'hui les ulémas et leaders religieux mobilisent les
masses: mouvement populiste.
Ismaïl Serageidin propose un modèle sociologique intéressant; je passe sur cela pour
signaler seulement son argument de base: étant donné la tradition rurale égyptienne
d'identité de groupe, un jeune arabe musulman ne peut pas facilement accepter un rôle
individualiste dans un milieu social atomiste - il cherche la sécurité psychologique en
groupe - ainsi le recrutement des groupes islamiques.
L'étude sur les Frères Musulmans et le Ba'th en Syrie présente bien l'opposition des
Sunnites au parti Ba'th. L'auteur Raymond Hinnebusch termine avec une réflection
intéressante:
L'Islam politique était efficace quand il a fusionné le zèle religieux avec la révolution
nationaliste contre les étrangers (Egypte, Algérie, Iran, Afghanistan) mais en Syrie
cette fusion est impossible et le lien entre Frères Musulmans et
commerçants/propriétaires empêche une attraction populaire -Ergo, match nul.
c) The Islamic Impact, Yvonne Haddad et al. (Syracuse UP, N.Y. 1984) Collection
d'onze études conçues dans une perspective toute autre que les deux premiers livres.
Celui-ci vise à montrer "la façon dont les musulmans dans le passé ont essayé de
nourrir, synthétiser et mettre en pratique les préoccupations de leur foi en construisant
leur monde" et il vise aussi à rapporter sur "les efforts contemporaines de retrouver
l'élan et le dynamisme de leur foi pour créer une civilisation islamique nouvelle".
Ainsi articles sur l'art, la musique, la science, l'architecture, le soufisme, etc.
L'introduction par Yvonne Haddad ne manque pas d'intérêt. Elle parle de certaines
élites occidentalisées prises par ce projet islamique ainsi que des jeunes cultivés,
spécialement ceux en science et technologie, tous sont frustrés par l'incapacité de
leurs gouvernements d'agir indépendamment des grandes puissances et de récupérer la
Palestine. Ils voient dans l'Islam la seule alternative pour retrouver leur identité et leur
dignité, et pour mobiliser les masses. Alors c'est une méthode, un moyen, une
politique: la politique du réveil islamique.
Le premier article, celui de Eqbal Ahmad, présente la position d'une de ces élites dont
l'introduction a parlé. Ses principes de base: les musulmans sont comme les autres (E.
Saïd); la manifestation d'un Islam extrémiste est tout à fait anormale (dans les
élections libres les partis politiques pragmatiques ont toujours vaincu leurs adversaires
intégristes). Dans les périodes de crise collective (et le monde islamique aujourd'hui
est en crise) dans toutes les religions il y a un résidu millénaire qui fait surface. Il n'y a
pas d'alternative autre que l'Islam. Et cette crise est le produit 1) d'une modernisation
excessive et déséquilibrée et 2) de l'incapacité des gouvernements de préserver la
souveraineté nationale et de fournir les nécessités de base au peuple.
Si dans l'Islam et le tiers-monde on juge le présent selon la morale en se référant au
passé et aux valeurs héritées; matériellement le jugement est orienté vers le futur.
Le dernier article "On Being Muslim" se met aussi dans la perspective de E. Saïd (les
musulmans sont comme les autres), mais après avoir lu ses neuf articles qui
expliquent comment les musulmans sont différents, le lecteur est un peu surpris.
Bref, de ces critiques et présentations on peut déduire que le réveil est politique, social
et culturel. Pour les sociologues c'est un phénomène à étudier; pour certains
intellectuels le réveil offre la possibilité d'un projet islamique rationnel, futuriste. A