On connaît les Gaulois des livres d`histoire: nos ancêtres belliqueux

lES GAUlOIS
N'ETAIENT PAS DES
BARBARES
On connaît
les Gaulois des livres d'histoire:
nos ancêtres
belliqueux,
mais aussi
«patriotes» avant la lettre,
pacifiés et enfin
«civilisés» par la
conquête romaine ...
Ces
idées
reçues,
héritées
du XIX
e
siècle,
n'ont
plus
cours
aujourd'hui.
Car
les archéologues
ont mis au jour, sur
des
sites d'une
extraordinaire
richesse,
les vestiges
d'une
civilisation inventive, opulente
et
largemen
ouverte aux influences extérieures.
Ancien membre de l'École française
de Rome et professeur au Collège de
France depuis 1984, Christian Goudi-
neau a notamment publié César et la
Gaule (Errance, 1990), Vaison-la-Ro-
maine (en collaboration avec Y. de
Kisch, Errance, 1991), Bibracte et les
Eduens (en collaboration avec Chr.
Peyre, Errance, 1993) et les Commen-
taires sur la guerre des Gaules de César
(Imprimerie nationale, 1994).
L'HISTOIRE : Christian Goudineau, que
sait-on de l'histoire des Gaulois?
CHRISTIAN GOUDINEAU : Peu de chose. Et
cela pour plusieurs raisons. La pre-
mière, c'est que, à la différence des
Grecs et des Romains, les Gaulois n'ont
pas écrit leur histoire. Ilsélaboraient des
récits épiques, des poèmes, déclamés ou
chantés, accompagnés de musique, as-
sociant légendes et «hauts faits» (un
peu comme les chansons de geste), qui
se transmettaient oralement et s'enri-
chissaient de génération en génération.
Mais la conquête romaine (cf repères
chronologiques, p. 36) mit un terme à
cette transmission, et il ne nous en est
rien parvenu. Donc, si l'on excepte La
entretien avec Christian Goudineau
Christian Goudineau ; cI. X. tdr.
Guerre des Gaules de César (qui
concerne que la dernière période de
civilisation gauloise cf mise au poil
p.
45), nous ne disposons que de ra
textes, mi-historiques mi-ethno
phiques, rédigés par des auteurs gr
ou latins, à la fois brefs et très orient'
par le regard que porte le
«
civilisé» s
le
«
barbare».
L'HISTOIRE: Et les autres raisons?
CHRISTIAN GOUDINEAU : Celles-là rel
vent de l'historiographie moderne. Pe
dant des siècles, les érudits et les
«
an
quaires
»,
lorsqu'ils s'intéressaient
passé antique de la France, ne reche
chaient guère que les traces de la civi
sation romaine, voire grecque (dans
Midi), à travers les monuments,
1
œuvres d'art, les inscriptions. Il, a f
attendre le XIX' siècle pour que les Ga
lois attirent vraiment l'attention des bis
toriens. A ce moment-là, toutes sort
de phénomènes ont joué, depuis la ré
habilitation des vertus des peuples
«
p .
mitifs» jusqu'à la sensibilité roma
tique. Songez que c'est en 1828 qu
paraît la première «grande»
Histoire
des Gaulois. Elle est l'œuvre d'Amédé
LHISTOlRE N'I76AVRIL 1994
34
REPÈRESCHRONOLOGIQUES
.:ÉPOPÉE DES GAULOIS Thierry - j'insiste sur le prénom, Amé-
dée, car on connaît surtout son frère,
Augustin, l'auteur de l'Histoire de la
conquête de l'Angleterre par les Nor-
mands et d'ouvrages restés fameux sur le
tiers état. Eh bien, Amédée fut aussi his-
torien et son Histoire des Gaulois depuis
les temps les plus reculés jusqu'à l'entière
soumission de la Gaule à la domination
gauloise (ouf!) remporta un immense
succès et fut rééditée une dizaine de fois.
L'HISTOIRE :
Quelle image donnait-elle
des Gaulois?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Vous avez rai-
son de parler d'« image
».
Car, si elle
présentait des théories - que nous di-
rions fumeuses - sur leurs origines (par
exemple, elle faisait des Gaulois, comme
d'ailleurs des Grecs, des Romains et des
Germains, les descendants du peuple
des «Aryas» établi en Tartarie), cette
Histoire a surtout créé l'image du Gau-
lois aux cheveux blonds et au teint blanc,
à la haute taille, parlant haut, pour
faire la guerre, mais aussi bon artisan.
C'est aussi Amédée Thierry qui a «in-
venté» le personnage de Vercingétorix,
sorte de héros romantique, frère d'Her-
nani et de Ruy Bias! Enfin, il a déve-
loppé la thèse selon laquelle nous « des-
cendons» tous des Gaulois. Il précise
même que de cette «race» gauloise
«descendent les dix-neuf vingtièmes
d'entre nous, Français
».
Cette thèse fut,
d'une certaine manière, reprise par Mi-
chelet - qui, lui, récuse la notion de
race. On la retrouve aussi dans une autre
grande Histoire de France au succès pro-
digieux, celle d'Henri Martin (cf docu-
ment« Nos ancêtres les Gaulois », p. 39).
L'HIS.TOIRE:
Yavait-il des raisons idéolo-
giques à ce succès des Gaulois au XIX'
siècle?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Bien sûr, et de
plusieurs sortes. D'abord, l'époque voit
la fin de l'histoire «dynastique» : la
nouvelle histoire doit être celle de la na-
tion, et ce sont de «grands hommes»
qui l'incarnent. Vercingétorix va ainsi
prendre place à côté de Jeanne d'Arc et
des héros de Valmy (cf mise au point
«
Le mythe Vercingétorix
»,
p. 44). Et pen-
dant la guerre de
1870,
la France com-
battant Bismarck est assimilée à la
Gaule combattant César: c'est la patrie
face au représentant d'un «empire»
belliqueux.
Entrent également en ligne de
compte le thème de la désunion qui pro-
voque le malheur et, plus important en-
core, le thème du héros rédempteur.
V1"'-VI' AV_ J_-C•• époque dite des
«
princes
celtes
»
qui s'achève vers 470-450.
600
AV. J.-C •• fondation de Marseille.
IV- SIÈCLE AV. J.-C. incursions des Gaulois en
Italie (390 av, J.-C. : prise de Rome) et
occupation de l'Italie du Nord (Cisalpine).
DÉBUT III' SIÈCLE AV. J.-C •• incursions celtiques
en Macédoine et en Grèce (279 av. J .•c.: sac
de Delphes), passage en Asie Mineure sera
fondé un royaume
«
galate
»;
III' SIÈCLE AV. J.-C •• des migrations touchent la
Gaule. Constitution progressive des cadres
politiques. '
En Italie, combats entre Gaulois et
Romains.
En Asie Mineure, les rois de Pèrgame
imposent leur tutelle aux Galates.
DÉBUT Il' SIÈCLE AV. J.-C •• Rome remporte des
succès décisifs sur les peuples gaulois d'Italie
et s'empare de leurs territoires.
Conclusion d'une alliance avec les Éduens
de Gaule (date incertaine).
154
AV. J.-C •• première intervention de Rome
dans le Sud de la Gaule (région de Nice et
d'Antibes).
124-120
AV. J.-C ••
à
l'appel de Marseille, les
légions interviennent en Provence, battent les
Ligures, les Voconces et les Salluviens. Elles
écrasent les Allobroges et leurs alliés
arvernes. Le Midi passe sous le contrôle de
Rome qui crée une province.
118
AV. J.-C •• fondation de Narbonne.
113-101
AV. J.-C •• migration des Cimbres et
des Teutons en Gaule et en Espagne.
76-74
AV. J.-C •• soulèvement d'une partie de
la
provincia
à l'occasion de la révolte de
Sertorius en Espagne.
VERS
70
AV. J.-C •• Arioviste, chef germain,
intervient dans l'Est de la Gaule.
62-61
AV. J.-C •• soulèvement des Allobroges.
61
AV. J.-C •• la migration helvète est décidée.
58
AV. J.-C •• début de la guerre des Gaules.
Ajoutons enfin qu'après tout, la défai
d'Alésia a fait entrer la Gaule dans
monde de la civilisation romaine et lui
permis de s'épanouir, comme la Fran
amène des peuples africains ou asi
tiques à un niveau supérieur de civilis
tion. Le sacrifice de Vercingétorix pe
met donc d'accepter, le front haut, 1
bienfaits de Rome. Vous voyez, to
cela est complexe quoique compléme
taire!
L'HISTOIRE:
Et l'archéologie, qu'a-t-el
apporté à cette histoire des Gaulois?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
L'archéologi
gallo-romaine (essentiellement monu
mentale) et l'archéologie préhistoriqu
commençaient alors à se constituer.
Gaulois étaient un peu « perdus» entr
les deux: on leur attribuait aussi bien le
alignements de Carnac ou les armes d
l'âge du bronze que la céramique du
siècle ap. J.-c. Ce n'est qu'à la fin d
XIXesiècle, et surtout au début du XX"
que l'archéologie «protohistorique
trouve ses repères. Il y avait pourtant e
de «grandes» fouilles gauloises dè:
l'époque de Napoléon III, à Alésia, à Bi
bracte, à Gergovie, même si leur objec
tif consistait essentiellement à retrouve
les lieux cités par Jules César et 1
traces des combats qu'il décrit.
LES MAGNifiqUES
OffRANDES DES TOMBES
CElTES
L'HISTOIRE :
Remontons dans le temps.
Sous quelle
forme
apparaît chez nous la
première civilisation gauloise - ou
plutôt,
pour utiliser un terme plus approprie
(cf. mise au point «Celtes et Gaulois ».
p.
38),
lapremière civilisation celtique?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Apparemment
à partir des VIII" et VIle siècles se créent
de petites principautés qui vont progree-
sivement se développer, dans le centre-
est de la France jusqu'à la Bourgogne-
au maximum jusqu'à Bourges (cf
repères géographiques, ci-contre)
jusqu'aux alentours de
500-475
av. J.-c.
Elles sont organisées autour d'une place
centrale fortifiée, et leurs chefs se font
enterrer dans des tombes qu'on appelle
«princières» en raison de leur somp-
tuosité : elles sont recouvertes d'un
énorme tumulus, et les défunts, riche-
ment parés, reposent sur un char de cé-
rémonie, entourés d'offrandes magni-
fiques.
L'HISTOIRE:
D'où venaient ces richesses?
L'HlSTOIRE
N'
176 AVRIL 1994
36
MISE
AU
POINT
CELTES ET GAULOIS
Celtes et Gaulois: les deux termes sont-ils
interchangeables? Et qu'est-ce qui
a conduit les archéologues et les historiens
à
privilégier l'un au détriment de l'autre?
C'est une question compliquée.
Si l'on se reporte aux textes grecs ou latins,
on voit que le mot
«
Celtes» est apparu
au
V'
siècle av. J.-C. Deux siècles plus tard,
ceux des Celtes qui opérèrent une incursion
en Grèce sont désignés sous le uom de
«
Galates
»
(Galatai) par les historiens grecs,
et, peu après, les textes latins utilisent le
nom
«
Gaulois» (Galli), qui semble
analogue.
D'où vient cette distinction entre Celtes
et Gaulois '? D'une origine géographique
(Gaulois ou Galates étant considérés
comme formant la partie septentrionale
du monde celtique) ? Du nom d'un peuple
ou d'une tribu? Le mot
«
galate
»
signifiait-il
«ceux d'ailleurs
»,
«les envahisseurs» ?
Toutes ces hypothèses ont été proposées,
mais nous n'avons pas la réponse.
Toujonrs est-il que le terme Gallia (Gaule)
se fixa pour désigner l'Italie du Nord
(la Gaule cisalpine) occupée par des peuples
d'origine celtique, ainsi que les territoires
au-delà des Alpes (la Gaule transalpine),
de l'océan au Rhin. Les Anciens étaient
conscients de ce caractère conventionnel,
ce qui n'empêchait pas Rome de désigner
l'HeUade et ses habitants
sous le nom de Grèce et de Grecs;
de même, César écrit:
«
Ceux que nous
nommons Gaulois dans notre langue
se nomment Celtesdans la leur!
»
Les historiens modernes ont varié
dans leurs usages, privilégiant tantôt un
terme, tantôt l'autre. Aujourd'hui,
sans que rien n'ait été établi, on est à peu près
d'accord pour réserver le mot
«
Gaulois»
aux habitants de la Gaule à une époque
relativement récente, à partir
du m' siècle av. J.-C. Pour les périodes
qui précèdent et pour toutes les autres zones
géographiques, on parle de Celtes.
1
François Ehrmann,
«
Vercingétorix» ; cI. H. Josse.
C.G.
CHRISTIAN GOUDINEAU :
On met généra-
lement cette opulence en rapport avec le
grand développement du commerce
Nord-Sud à l'initiative des Grecs et des
Étrusques, demandeurs notamment
d'étain. Sur les itinéraires privilégiés de
ces échanges se constituent donc des
pouvoirs qui les contrôlent, qui accumu-
lent de nouvelles ressources. La hiérar-
chie sociale s'accentue, selon un phéno-
mène que l'histoire moderne connaît
bien: les petits monarques se créent une
cour, une capitale, adoptent des pra-
tiques venues de loin (les banquets, le
vin, etc.), reçoivent des cadeaux, comme
le célèbre vase de Vix (cf mise au point
«La tombe de Vix», p. 43). C'est peut-
être l'équivalent des présents dont les
multinationales ou les gouvernements
occidentaux ont comblé (ou comblent)
le
«
responsable» africain ou sud-améri-
cain! La tombe de Vix, celle de Roch-
dorf (dans le Bade-Wurtemberg) sont
les manifestations les plus brillantes de
cette période.
L'HISTOIRE :
Quand et comment se ter-
mine-t-elle ?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
On en discute
toujours. Ce monde s'effondre dans la
première moitié du
ye
siècle av.
J.-c.,
entre 500 et 450. Est-ce sous l'effet de
tensions sociales internes? Est-ce parce
que les circuits économiques se sont
transformés? La réponse n'est 'pas assu-
rée. Et la période qui suit - disons de
450 jusqu'au
ne
siècle av.
J.-c. -
est la
moins bien connue des chercheurs, car,
si nous avons retrouvé des nécropoles,
nous ignorons à peu près tout des habi-
tats. Il y eut de grands bouleversements:
des migrations vers l'Italie (c'est en 390
av.
J.-c.
que les «Gaulois» prennent
Rome), l'installation de groupes gaulois
en Italie du Nord (que les Romains
nommeront Gaule cisalpine), des expé-
ditions vers l'Est, en Grèce et en Asie
Mineure. C'est également à cette
époque que des peuples venus d'au-delà
du Rhin s'implantent en Gaule.
L'HISTOIRE:
Sait-on lesquels?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Partiellement.
Ainsi, une forte proportion de ceux que
César nomme «Belges» (cf repères géo-
graphiques, p. 37) provient d'outre- Rhin.
De même, l'étude des tombes de Cham-
pagne révèle l'arrivée d'une population
venant d'Europe centrale, de Bohême :
certaines parures, comme des anneaux
de cheville, sont étrangères aux cou-
tumes locales. Mais en l'espace de deux
générations, ces particularismes s'es-
L'HISTOIRE N'176 AVRIL 1994
38
tompent et les rites redeviennent hom
gènes. Il ne faut donc pas imaginer d
hordes déferlant vers le pays. La migr
tion est à l'époque un phénomène nor
mal, courant, souvent organisé avecl'ac
cord des peuples qui peuvent accuei .
de nouveaux venus parce qu'ils ont be
soin de bras pour mettre de nouvelle
terres en valeur.
L'HISTOIRE :
Quelle est l'organisation so-
ciale qui prévaut àcette époque ?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Faute d'habi-
tats, il faut s'en tenir aux tombes. Elle
ne révèlent plus de forte hiérarchie, d
tombes exceptionnelles. Toutefois, cett
uniformisation n'a qu'un temps. Dans le
courant du
Ille
siècle av.
J.-c.,
on assiste
à un regroupement de l'habitat. Ce sont
d'abord de petites agglomérations
«
ou-
vertes
»,
c'est-à-dire dépourvues de
remparts. Puis, au siècle suivant; nais-
sent, en tout cas dans le centre de la
Gaule, ce que nous appelons les oppida,
c'est-à-dire des sites fortifiés au centre
d'un territoire. Signe que de nouveaux
pouvoirs se sont constitués et veulent
manifester leur puissance par une capi-
tale, des remparts, etc.
UN PEUPlE
D'ÉlEVEURS
ET D'AGRICULTEURS
L'HISTOIRE:
Quelles sont leurs bases éco-
nomiques
?
Le commerce, comme pour
les «princes celtes» ?
CHRISTIAN GOUDINEAU:
Non. Cette fois,
tout repose indiscutablement sur l'ex-
ploitation du sol, l'agriculture et l'éle-
vage. On peut l'affirmer en s'appuyant
sur toutes sortes de sources. Les textes
grecs et latins, d'abord, qui mettent l'ac-
cent sur la fécondité agricole de la
Gaule. Les fouilles, ensuite qui mettent
au jour nombre de petits établissements
ruraux. L'étude de l'outillage, enfin, qui
montre qu'à cette époque ont été mis au
point la plupart des outils de fer qui al-
laient former, jusqu'au XIXCsiècle, le
fond de toute exploitation rurale, depuis
la faux jusqu'aux forces pour tondre les
moutons. L'araire a également été amé-
lioré : grâce à l'ajout d'un soc de fer, il
permet désormais de labourer les terres
lourdes. Il en va de même pour les ins-
truments à abattre et à travailler le bois,
pour l'outillage artisanal, etc. Ajoutons
que c'est aussi une époque cruciale pour
le développement de la métallurgie et
de l'exploitation des ressources mi-
REPÈRESGÉOGRAPHIQUES
•• Zone des
«
Principautés»
, celtes
VIe
siècle av. J.-C.
~~ ~ Direction et
11II zone d'expansion des Celtes
N
~
Ménapes
'e~"
~'o~ emont-
• sur-Ancre
Viromanduens , ~
Gournay-sur-Aronde
REMES "~
."
Bellovaq
s
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Suessions
Viducasses Lexoviens
Redons
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Cénomon
Coriosolites
p,aONS
. 0"
c.t~.
\.t: '~
Pétrocores
Belges
èltes
Aquitains
Province de Transalpine
200 km
©
l'HISTOIRE, 1994
Au sein des peuples celtes d'Europe
(en médaillon), les peuples gaulois n'avaient
pas tous,
à
la veille de la conquête
romaine, la même importance: certains
occupaient de larges. territoires,
comme les Séquanes ou les Eduens dont
la capitale, Bibracte, a livré
aux archéologues d'inestimables trésors.
o
t
L'HISTOIRE N° 176 AVRIL 1994
37
Ainsi, l'on fouille actuellement,
le Sud-Ouest, de grandes aurières
t été mises en service dès le
ne
av.
J.-c..
-~OIRE :
Connaît-on les noms de ces
puissants?
~lISTlAN GOUDINEAU :
On peut consi-
er, grosso modo, que les peuples
és par César (cf repères géogra-
•ues,
p.
37) étaient en place dans les
ées
150
av.
J.-c.
Tous n'avaient pas
'me importance: il suffit d'observer
::arte, qui révèle de grands territoires
le Midi, dans le Centre (des Sé-
es aux Santons, d'est en ouest). En
che, la partie septentrionale est
ée d'une mosaïque de peuples plus
. . Mais chacun avait le sens de son
tité; il suffit, pour s'en convaincre,
constater la généralisation du mon-
ve..
OIRE :
Comment se présentait un
_ idum?
GoUDINEAU :
Malheureuse-
t, on n'en a guère fouillé sur une su-
cie importante, sauf à Bibracte (cf
au point
«
Bibracte: état des lieux
»,
72). On connaît surtout leur étendue
- qui peut atteindre 2 à
300
hectares
-. leurs remparts, de différents types,
iant souvent un poutrage de bois et
parements de pierre, et leur rôle: ca-
es administratives, éventuels re-
pour les populations rurales, mais
i marchés périodiques, centres arti-
aux, lieux de rassemblements reli-
z-: ux. L'exemple des villes méditerra-
- - nnes a sans doute joué: nombre de
:iaulois ont parcouru le monde en tant
_ e mercenaires, et des liens avaient sû-
rement subsisté, ou été rétablis, entre les
3aulois de Gaule et ceux qui peuplaient
talie du Nord.
_1iISTOIRE :
Les Gaulois entretenaient
ne des relations avec les peuples voi-
?
RRISTIAN GOUDINEAU :
Bien sûr. On a
œndance à considérer la Gaule comme
e entité isolée, hors du monde. Rien
'est plus faux! Tout le Midi, depuis la
:ondation de Marseille en
600
av.
J.-c.,
était en relation avec les grandes puis-
sances méditerranéennes. Mais les
utres peuples ne vivaient pas en autar-
cie! Ainsi les textes nous apprennent
que les Éduens, qui occupaient l'ac-
tuelle Bourgogne, étaient, au
ne
siècle
av.
J.-c.,
liés à Rome par une alliance
qui remontait peut-être au siècle précé-
dent. Il s'agissait d'une alliance très forte
puisque les Éduens étaient déclarés
«frères» du peuple romain et, plus en-
core, «frères du même sang», une for-
mule qui n'est utilisée par Rome qu'à
l'égard des Troyens - dont les Romains
se disaient les descendants. Il faut croire
que ces Gaulois s'étaient forgé une lé-
gende remontant également à la guerre
de Troie, et que cette légende avait été
reconnue par Rome. Elle montre la
force et l'officialité de ces liens.
L'HISTOIRE:
Mais pourquoi une telle al-
liance
?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Sans doute est-
elle analogue à celle que Rome avait
nouée, aux environs de
400
av.
J.-c.,
avec Marseille: la cité phocéenne repré-
sentait les intérêts de Rome dans le
Midi, veillait à faire régner l'ordre. Dans
la mesure où, depuis les migrations du
IVe siècle av.
J.-c.,
la Gaule passe aux
yeux des Romains pour une source de
dangers, les Éduens sont une garantie,
des gendarmes en quelque sorte!
L'HISTOIRE :
n
n
y
avait pas de motifs
commerciaux àcette entente politique
?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Bien sûr, tout
est lié. Au
ne
siècle av.
J.-c.,
on assiste à
une intensification des échanges,
qu'illustrent notamment les épaves,
chargées de vin italien, retrouvées par
l'archéologie sous-marine. On estime
que
500 000
à
1
million d'amphores arri-
vaient annuellement en Gaule, c'est-à-
dire, puisque une amphore contient
25
litres, de
125
à
250 000
hectolitres!
L'HISTOIRE:
Et qu'offraient les Gaulois
, en échange?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
De l'étain, prin-
cipalement en provenance des îles Bri-
tanniques et transitant par la Gaule, et
divers produits comme le cuir, les salai-
sons, le bétail. Mais l'essentiel consistait
en esclaves. C'est en effet l'époque
l'esclavage atteint son apogée en Italie à
cause de l'extension des grands do-
maines et parce que, pour tenir son
rang, un aristocrate romain doit entrete-
nir une armada de serviteurs.
L'HISTOIRE :
Quelles' ont
étè
les consé-
quences de ce commerce sur la société
gauloise?
CHRISTIAN GOUDINEAU :
Nous ne pou-
vons, dans ce domaine, avancer que des
hypothèses. Le développement de ce
commerce favorise de nouveau l'instau-
ration de pouvoirs forts ou les renforce.
La fourniture d'esclaves introduit aussi
un processus de tensions croissantes :
d'abord on prélève ceux-ci parmi ses
compatriotes, ensuite on va les chercher
chez les peuples voisins, au début en
DOCUMENT
L'HISTOIRE W 176 AVRIL 1994
39
NOS ANCÊTRES
LES GAULOIS
En
1875,
Henri Martin publie une
Histoire
populaire de la France
largement inspirée,
pour ce qui concerne l'histoire de la Gaule,
de l'œuvre monumentale d'Amédée
Thierry. Les grands traits du
«
mythe
gaulois» sont fixés. Ils connaîtront un bel
avenir dans les
écoles-de
la III' République.
«
La langue des Gaulois, qu'on nomme
celtique parce que les Gaulois étaient aussi
appelés Celtes, a subsisté chez les Bas-
Bretons, et le caractère des Gaulois a subsisté
chez nous tous, comme leur sang a passé de
génération en génération jusque dans nos '
veines. Il y avait en eux beaucoup d-echoses
diverses et contraires. Ils étaient
enthousiastes et moqueurs, mobiles en
apparence, obstinés au fond, sociables et
querelleurs, faciles à vivre et intraitables sur
le point d'honneur, généreux et envahissants,
cruels à la guerre et sensibles aux plaintes des
malheureux, et toujours prêts à secourir le
faible contre le fort; éloquents dans les
assemblées, ils aimaient les combats de la
parole comme les combats de l'épée, et ils
n'avaient aucune peur de la mort. [...]
«
Les premiers Gaulois étaient de grands
hommes blonds, aux yeux bleus; mais ils
.amenèrent avec eux d'Asie d'autres tribus de
la famille aryenne qui se firent gauloises, et
ils se mêlèrent anssi plus tard avec les restes
des populations plus anciennes qu'eux en
Occident, surtout avec les Espagnols dans le
Midi; et c'est apparemment à cause de cela
que nous sommes aujourd'hui, pour la
plupart, moins grands qu'eux, et châtains, et
non plus blonds. [... ]
«
Ils vivaient dans des maisons rondes ou
ovales en terre, aux grands toits de bois et de
chaume. [... ] Ils avaient, sur les hauteurs ou
dans les marais, des places fortes où ils se
retiraient, en temps de guerre, avec leurs
familles et leurs troupeaux; il s'en rencontre
encore quelques restes. [... ]
«
Les Gaulois des anciens temps portaient
des épées et des lances de bronze et de cuivre,
des haches de pierre et de bronze, des flèches
de silex: leurs casques ronds étaient
surmontés de cornes et de hautes crêtes et
avaient de larges jugulaires qui leur
couvraient les joues. Les chefs se paraient de
colliers et de bracelets de bronze; ou même
simplement d'os ou de bois. Ils combattaient,
leurs cheveux flottant au vent, et nus jusqu'à
la ceinture, pour montrer leur mépris des
blessures et de la mort. Les druides, qui
étaient leurs savants, leurs juges, leurs
professeurs et leurs prêtres, portaient des
colliers de jaspe, de turquoises et d'autres
pierres fines, et des couronnes de chêne.
»
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