6PAUL SABATIER février 2012
Dossier
La planétologie
Intérieurs planétaires
L’écoute du bruit sismique a dévoilé la structure interne de notre planète.
Une méthode que l’on commence à appliquer aux autres planètes…
L’échographie est bien connue dans le
domaine médical. Les sismologues
utilisent la même technique pour imager les
entrailles de la Terre. En effet, les tremblements
de Terre sont la source d’ondes élastiques qui
se propagent partout à l’intérieur de la planète,
se réfl échissent sur les interfaces et voyagent à
des vitesses qui dépendent de la température
et des propriétés physiques du milieu traversé.
En écoutant un grand nombre de séismes en
différents points du globe on parvient à identifi er
les structures internes de la Terre.
Résolution spectaculaire
Les recherches en sismologie connaissent ac-
tuellement un développement rapide avec en
particulier l’utilisation de réseaux sismologiques
denses. Ces outils permettent d’utiliser le bruit
de fond micro-sismique pour réaliser des images
d’une résolution spectaculaire. Par exemple,
l’expérience PYROPE (PYRenean Observational
Portable Experiment) déploie depuis la fi n de
2010 un réseau dense de stations sur le sud-
ouest de la France. Ce projet franco-espagnol
regroupant plus de 25 chercheurs (géologues
et géophysiciens) de sept instituts différents
vise l’étude multidisciplinaire d’une chaîne de
montagne complète, les Pyrénées, une première
mondiale. Le développement de ces techniques
devient un atout essentiel pour ausculter les
planètes où l’absence de tectonique risque de
priver les sismologues de séisme.
Des grains de fer de taille
différente
Ces techniques permettent de sonder des
zones beaucoup plus profondes de la Terre. Par
exemple, le noyau de fer, enfoui sous 2 880 km
de manteau rocheux. La partie externe de ce
noyau est liquide, mais la partie interne, qu’on
appelle la graine est cristallisée. Cette graine de
1 220 km de rayon passait pour un des objets les
plus tranquilles de la Terre, mais la sensibilité des
réseaux sismiques et l’analyse des signaux ont
révélé une structure asymétrique, avec un côté
(situé sous l’Indonésie) dans lequel les ondes sis-
miques se propagent plus rapidement que dans
le côté opposé (situé sous le Pérou). Des calculs
montrent que cette variation peut s’expliquer
par des tailles de grains de fer différentes entre
les deux hémisphères, mais restait à expliquer
pourquoi. En 2010, les chercheurs de l’IRAP
ont montré que sous certaines conditions, la
graine peut être gravitationnellement instable,
donnant lieu à un mouvement de translation
continu. Ce déplacement implique la cristallisa-
tion sur une face et la fusion sur la face opposée,
l’asymétrie de taille des grains de fer étant sim-
plement dû au fait que ces derniers grossissent
au cours de leur transit à travers la graine.
La graine, une véritable fonderie à plus de
5 000 km sous nos pieds !
Raphaël F. Garcia, maître de conférences
et Marie Calvet, physicienne-adjointe à
l’Institut d’astrophysique et de planétologie
(IRAP, unité mixte UPS/CNRS)
Regarder à l’intérieur des autres
planètes
Les autres planètes ont-elles aussi une graine ?
Ont-elles même un noyau et de quelle taille ?
Parfois, l’analyse fi ne des orbites des sondes spa-
tiales permet d’obtenir quelques informations,
mais cette source de données a ses limites. Pour
la Lune, l’existence d’un noyau est une question
qui vient tout juste d’être résolue, grâce à une
étude récente conduite par les sismologues de
l’IRAP en collaboration avec l’IPGP de Paris. Ces
travaux ont permis de détecter, dans les don-
nées sismologiques des missions Apollo vieilles
de 40 ans, des ondes réfl échies sur le noyau
de la Lune et de quantifi er le rayon du noyau
de 380 km. Cet éclairage sur la structure interne
de la Lune permet de mieux cerner les conditions
de l’impact géant qui a formé le système Terre-
Lune et la composition de notre planète et de son
satellite. Dans le cas de Mars, les données orbi-
tales indiquent que la Planète Rouge possède un
noyau, mais on ne connaît ni sa densité ni sa
taille avec précision. Pour répondre à ces ques-
tions les équipes scientifi ques et techniques de
l’IRAP et de l’OMP sont impliquées dans le projet
de mission NASA « InSight » visant à déployer
un capteur sismologique à la surface de Mars.
Ce capteur permettra d’avoir une première
estimation de la sismicité et de la structure
interne de Mars. Et pourquoi pas, de visualiser
pour la première fois son noyau… ■
Contacts
& marie.calvet@irap.omp.eu
u
5 000 km sous nos pieds !
Schéma représentant le modèle de croissance de
la graine. La graine est dans un régime dynamique
instable et une hétérogénéité de température entre
les 2 hémisphères induit un décalage du centre
de masse. La cristallisation à la surface du côté
dense et froid et la fusion de l’autre côté tendent
à amplifier l’hétérogénéité de densité initiale. Il en
résulte un mouvement de translation permanent de
la graine avec des grains jeunes et petits d’un côté
et des grains vieux et gros de l’autre.
Vue d’artiste de l’atterrisseur du projet de
mission NASA « InSight » (responsables à
l’IRAP : R.F. Garcia et B. Dubois,
© JPL/NASA)