Préface - Edilivre

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Du même auteur :
– Par la science, comprendre l’essence de la Voie du Bouddha .
Editions Thélès
– Les Spiritualités orientales et le Socialisme avec Doctrine.
Editions Thélès
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Préface
J’ai écrit ce livre dans l’objectif de présenter aux lecteurs instruits les
vraies lois de la Nature découvertes par le Bouddha. Elles sont et le seront
éternellement vraies mais ne seront jamais amendées par aucune Divinité.
Aussi le Bouddha a-t-il parlé de la Relativité Universelle dans ce monde du
fini : « Toutes les certitudes sont impermanentes » – « Le doute est dans la
nature des choses ».
L’espace, l’énergie, la matière et la durée de ma vie, de ma conscience,
de l’environnement, qui m’entoure, tout n’est que mouvement perpétuel et
interdépendant comme les électrons, les protons, les neutrons dans chaque
atome dont les études réalisées par la physique quantique ont dû utiliser,
pour maîtriser l’incertitude dans le permanent changement, la notion de
probabilité comme principe de base dans les calculs, et confirment ainsi les
paroles du Bouddha sur l’inexistence de Valeur ultime dans cet univers.
Dans le tourbillon de l’Impermanence de la conscience d’éveil, de la
conscience de rêve, de la conscience d ’agonie, de la conscience de mort…
Trang Tu, grand philosophe chinois et disciple de Lao-Tseu était convaincu
que : « La nuit dernière, j’ai rêvé que j’étais un papillon ; peut – être en ce
moment ne suis – je probablement que l’homme dans le rêve d ’un
papillon ? ».
Selon le Bouddhisme du Bouddha, accepter la loi du Hasard, la loi du
Chaos, ou reconnaître le caractère irrationnel et chaotique d’un phénomène
physique ou phénoménal, ce serait une transgression des Lois de la Nature.
Il s’en faut de beaucoup que des individus capables de penser aient eu le
courage de faire, de la recherche de la connaissance, les plaisirs de l’esprit,
le charme principal de leur existence. La philosophie de son Enseignement
(le Dharma ) ne fait que nous montrer le chemin efficace de la félicité par
le respect intégral des lois de la Nature. Avec elle nous pourrions, par un
profond désir et de longs efforts, arriver à un équilibre parfait entre la santé
morale et la santé physique sans aucune intervention divine, comme disait
le Bouddha : « L’homme naît seul, vit seul et meurt seul ».
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Je pense sincèrement que les lecteurs ne trouveront pas, dans ce livre, de
miracles, ni de merveilleux, ni de prédiction définitive, ni de don divin, ni
de dogmes infaillibles, ni de rites contraignants mais des arguments de la
raison, de la logique formelle et de la dialectique, qui sont tous issus de la
science actuelle.
Avec la métaphysique et la logique existentielle de Nâgâjuna , les
lecteurs auraient encore plus de possibilité de mieux appréhender des
notions abstraites des concepts humains sur l’identité muable du « moi »,
sur l’être et le non-être, sur le né et le non-né, sur l’existence et l’essence
de l’être, et de comprendre le sens réel de son principe de non
substantialité, et sa réfutation de la cause substantielle dans le cycle
Samsara , afin d’éviter des vaines discussions sur le Dharma , sur
l’existence de Dieu imaginé.
Elles consistent dans une analyse dialectique de l’interférence et de
l’interaction entre l’intériorité (l’être pensant) et l’extériorité (l’être sentant
ou le monde sensible), qui amène à des résultats confirmés par la
neuroscience et par les études de la science cognitive, qui permet de fonder
l’intérieur dans le supérieur .
Je crois que la philosophie et la pratique du Yoga et de la méditation
bouddhiste (Yogâcâra) pourraient ramener le pratiquant vers sa propre
essence, vers ses qualités de la sainteté, qui existent en nous, et vers la
suprême valeur de tout être humain : la conscience de Bouddha . En fin de
compte elles ne pourraient que rapporter au pratiquant des effets positifs,
des profits réels sur la totalité de son être (corps et esprit), une entité
muable dont la naissance signifie une mort prochaine et certaine : « Il n’est
rien de formé qui ne soit déjà en voie de dissolution »… même pour les
étoiles comme disait la philosophie de Lao-Tseu : « De notre vivant, nous
sommes tous différents : riches et pauvres, jeunes et vieux, intelligents et
idiots, forts et faibles, femmes et hommes,… mais avec la mort nous
connaîtrons tous les étapes de la puanteur, de la putréfaction, de la
décomposition, de la disparition. »
En réalité le Dharma représente une Doctrine-Médecine, une thérapie
qui vise l’état mental de l ’humanité entière. Une doctrine idéaliste permet à
l’homme de purifier sa conscience comme le cas de la gangue du diamant,
mais ne cherche jamais à changer le monde en transformations
perpétuelles. Selon le Bouddha, « Qu’importe qui il est, d’où il vient
pourvu qu’il guérisse » à propos de l’origine du savoir.
En faisant référence à l’expérience vécue par le Bouddha, l’optimisme
du Bouddhisme estime qu’avec son intelligibilité et sa perfectibilité chaque
individu, avec ses qualités de la sainteté et avec son essence de Bouddha,
est toujours capable, par sa volonté, par ses efforts, de devenir meilleur.
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Je souhaite vraiment qu’avant d’entreprendre d’opposer les textes sacrés
ou incréés à la logique existentielle de Nâgârjuna, aux raisonnements
scientifiques dans ce livre, et de formuler des critiques sincères et même
les plus dures, les lecteurs instruits se donnent la peine d’y arriver jusqu’au
bout pour se pénétrer en profondeur du peu de connaissance que je crois
savoir. D’ailleurs ce serait un honneur pour moi de répondre à vos
questions, à vos lettres dans le seul objectif de partager nos savoirs.
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Introduction
Le Dharma et la Société
I. L’Enseignement du Bouddha (le Dharma)
II. La Voie et la religion.
III. La Voie et le don de Dieu.
IV. La Voie et les classes sociales.
V. Le charme de l’existence et la Voie.
VI. Le langage dans la philosophie de la Voie.
VII. Le temps dans la philosophie de la Voie.
VIII. L’égalité dans la philosophie de la Voie et la société.
Sur l’échelle de valeurs « Humanité – Animalité », les sujets abordés
dans ce livre sur la Voie (le Dharma) du Bouddha sont immenses et font
naître des sentiments nouveaux, des nobles pensées pouvant satisfaire les
nouvelles conditions de la transformation permanente du monde et de soimême. J ’ai pensé que la félicité, les plaisirs de l’esprit, la joie de la
connaissance désintéressée que cette Voie promet aux hommes, venaient
de nous-mêmes, et qu ’il ne fallait jamais oublier ces deux phrases du
Grand Maître :
« L’homme naît seul, vit seul et meurt seul »
Et
« Au Ciel et sur la Terre, il n ’y a que le moi qui soit digne de
considération »
D ’abord les divinités n’interviennent pas dans les affaires de l’homme,
par respect d ’égalité et d’équité, elles ne font pas le travail à la place de
l’homme dont « le moi », de ce fait, a la totale liberté et l ’entière
responsabilité d’acquérir, par lui-même, la Grande Connaissance pour
atteindre la Délivrance de la Souffrance (l ’éveil ou le bodhi). En
conséquence la dépréciation et la dévaluation du « moi », en effet, sont
fondamentalement contraires à l’esprit de l’Enseignement du Bouddha.
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Il s’établit ainsi dans Cet Enseignement une valeur suprême pour
l’ensemble de l ’humanité : la Grande Connaissance dont tout être humain
doit pouvoir profiter, et sa pire ennemie « l’ignorance » qu ’il saurait
éviter. Cependant « il n’y a pas de connaissance sans souffrance » c’est
pourquoi le Bouddha disait : « Avoir souffert pour la connaissance est une
vérité absolue ».
Analyser la conscience, développer le principe pensant, maîtriser
l’esprit par son esprit représentent une vraie science dont on ne suppose
pas l’ignorance. La science de l’esprit du Bouddha se concentre en
premier lieu sur les conditions :
1. La Foi en la Connaissance
2. Le Développement de la Connaissance.
3. La Persévérance dans la Connaissance.
4. La Souffrance pour la Connaissance.
Ensuite sur l’acquisition des différentes formes de connaissance, qui
aboutissent à différents domaines de la société :
1. La Révolution de la connaissance apportée par le pouvoir des
ordinateurs de traiter des milliards et des milliards d ’opérations par
seconde dans tous les domaines de l’intelligence et de la connaissance
humaine à la seule condition que nous soyons à la hauteur de ces
connaissances pour pouvoir les utiliser et les adapter à nos besoins.
Autrefois en chimie organique il fallait des mois, souvent des années de
recherche pour obtenir une formule complète (la stéréochimie) d ’un
composé organique naturel, et il en était de même pour réaliser des
dessins industriels.
2. L’Entreprise de la connaissance : les Universités – les Grandes
Écoles – les Centres de formation – les Centres de Recherche dans des
domaines divers et variés etc… permettent à l’homme d’accéder à toutes
les connaissances accumulées durant des siècles par d’autres hommes, et
de continuer à les développer. Ce précieux partage d ’une telle richesse de
l’humanité s’effectue grâce à l’intercommunication entre les plus puissants
ordinateurs du monde.
3. L’Économie de la connaissance : les Recherche et Développement –
les découvertes technologiques – les innovations – les propriétés
intellectuelles – les machines à commande digitale – les robots, etc… La
mise en application de la Connaissance au bénéfice de l ’espèce humaine
est immense dans le développement des richesses matérielles et spirituelles
de l’homme. Le travail de l’homme devient de plus en plus valorisant et
améliore sans cesse ses conditions de vie.
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4. la Société de la connaissance : dans cet ensemble (la société) les
rapports extérieurs de ses éléments (les citoyens) entre eux sont soumis à
des conventions plus humaines, à des relations plus pacifiques, et
s’éloignent de plus en plus des caractères résiduels de l ’Animalité.
Finalement cette société permettra à ses citoyens d ’échapper à la
décadence inévitable dans différents domaines scientifique, économique,
social, moral, religieux, et de se rapprocher de l’Humanité.
Ce n’est pas uniquement pour satisfaire une curiosité intellectuelle que
j’ai écrit ce livre dans lequel mon objectif a été de préconiser les 03 étapes
de la connaissance de l’enseignement du Bouddha : comprendre,
apprendre puis pratiquer. Comme il est très difficile aux lecteurs instruits
de retenir une immense variété de notions, de pensées, d ’explications…,
qui s’y attachent, c ’est pourquoi, avec une intention préméditée, j’ai dû
recourir à la répétition des données importantes, issues de cette Doctrine
de la Vacuité et de la métaphysique de Nâgârjuna avec son Traité du
Milieu, pour faciliter ainsi le suivi du raisonnement annoncé dans le texte.
En fin de compte le Dharma ne représente que la Voie de la Connaissance
acquise par le mérite de soi-même, par la réalisation de l’Idéal préconisé
par le Bouddha : Amour ; Altruisme ; Charité ; Compassion…
I. L’Enseignement du Bouddha
Il arrive souvent que, chez les bouddhistes, certains intellectuels aiment
mieux se priver des savoirs qu’ils convoitent que de les acquérir imparfaits
ou superficiels. Selon la tradition vietnamienne les pseudo-savoirs, les
demi-savoirs conduisent souvent l’homme dans des directions plus néfastes
que l’ignorance totale (vn : dốt đặc hơn hay chữ lõng). Dans tout domaine
de la Connaissance il existe des faux savoirs, des « croire savoir », des
pseudo-savoirs, des savoirs apparents, des savoirs relatifs, des vrais
savoirs à fond. L’expression de Confucius, « Savoir qu’on ne sait pas,
c’est savoir », oblige la personne de ne pas prendre des décisions sans
connaître les causes et sans pouvoir prévoir les effets. Elle prend l’aspect
déterminant de nous demander de chasser les erreurs, les méfaits et de
respecter l’honnêteté intellectuelle.
Dans certaine foi religieuse avec les dogmes comme dans la gestion
économique avec le « feng-sui », issu de l’illusion le « croire savoir »
incite les gens à s’abandonner à rêver le charme d’une intervention divine
comme à se procurer une sécurité, si possible la félicité, la richesse… de la
vie en cours, et à assurer son salut personnel pour l’éternité dans la vie
après la vie. Elle incite les gens à se passer des valeurs strictement
humaines comme les notions d’interdépendance, de la reconnaissance et de
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la gratitude envers le prochain (parents, maîtres, bienfaiteurs, amis…)
parce que tout vient de la volonté divine qu’on pourrait amadouer par des
offrandes, par des signes de soumission, par des prières ou des chants de
gloire…, par la croyance d’être élu de son Dieu. Selon le Bouddha, il est
inutile de les chercher ailleurs, l’être humain possède en soi toutes les
qualités de la sainteté et l’essence de Bouddha qu ’on peut définir comme le
principe personnel éternel.
Avec notre bonne volonté et notre liberté, nos savoirs nous transforment
et se transforment, pourtant le risque du désordre, la confusion personnelle
des idées et l’ébranlement des opinions existent toujours parmi le bien et le
mal, le vrai et le faux, le « moi » et les autres, l’être et le non-être… Il faut
impérativement éviter que leurs effets ne soient pas durables et deviennent
une séquelle permanente de l’esprit – le danger le plus grave pour la Voie
du Bouddha – qui devient ainsi un obstacle infranchissable dans la
recherche de la Grande Connaissance (bodhi ou l’Éveil). Dans la recherche
de cette Connaissance, comme en science il est pertinent de ne pas laisser
la foi, souvent considérée comme un don de Dieu créateur, dominer les
lumières de la raison et l’intelligibilité de l’être.
A la place de l’idéal du Bouddhisme (Amour, Altruisme, Charité,
Compassion…) certains bouddhistes mettent le réel de leurs ambitions
matérialistes, et ils le détournent de la beauté de l’âme pour le remplacer
ensuite par le culte du corps :
Amour : « S’élevant au-dessus de l’individu, la doctrine du
Bouddha a fait ressortir qu ’en définitive nous sommes tous,
volontairement ou inconsciemment, associés dans une destinée
commune. Nous ne pouvons atteindre la Béatitude infinie
qu’amène la Connaissance complète qu ’en apportant notre
petite pierre à la construction du bonheur universel. »
(M. Percheron – La vie merveilleuse du Bouddha)
Altruisme avec les paroles du Bouddha : Après examen croyez
ce que vous aurez expérimenté vous-mêmes et reconnu
raisonnable, ce qui est conforme à votre bien et à celui des
autres. »
(Kâlâma Sutta).
Charité : Le Bouddha a découvert La Voie aux prix de pénibles efforts,
au risque de sa vie par dépérissement et par des souffrances physiques,
morales et métaphysiques. Ne demandant rien, ne souhaitant aucun retour,
il a divulgué et partagé le plus précieux patrimoine de ce monde
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conditionné à tous ceux qui veulent bien l’écouter comme le soleil qui
éclaire le monde sans aucune distinction, sans aucune préférence, sans
aucune discrimination. Aux yeux du Bouddha, la richesse, le pouvoir, la
renommée apparaissent comme des crachats.
« Le donateur mondain abandonne ses richesses
(dhana) mais n’abandonne pas son don (dâna) »
Nâgârjuna.
Compassion : Vis à vis de soi-même, de sa famille, de ses amis, de la
société… de ses ennemis, presque tous les livres du Dalaï Lama
expliquent les sens profonds de cette compassion , insistent sur les
manières de l’étudier, et guident les lecteurs vers la meilleure façon de la
pratiquer.
Je crois que les ambitions matérialistes, cette sorte de doctrine de
l’intérêt – une volonté de possession qui est une faute grave issue de
l’Ignorance –, tel le culte du moi, prêché dans toute société de
consommation, écartent l’homme du chemin des savoirs profonds – la
recherche de la Connaissance – et deviennent un rempart difficile à
franchir pour aller vers la réelle félicité – la délivrance de la Souffrance –.
En s’écartant de telles passions certains pourraient être pauvres en matériel,
et être plus grands en leur esprit. Et dans « Le monde comme volonté et
comme représentation » Arthur Schopenhauer a écrit :
« Quant à la grande majorité des hommes, les joies de la pure
intelligence leur sont interdites, le plaisir de la connaissance
désintéressée les dépasse ».
Pourrait-on réussir à chasser cette souffrance réelle énoncée par Les
Quatre Nobles Vérités de la Voie ? :
a) Vérité de l’Existence de la Souffrance
b) Vérité des Causes de la Souffrance
c) Vérité de la Délivrance de la souffrance
d) Vérité de la Voie de la Délivrance de la souffrance.
Cette Souffrance n’avait été qu’une constatation parmi les quatre nobles
vérités du Bouddha mais beaucoup plus tard elle fut reprise par Saint
Augustin :
« Sachez que vous êtes homme, homme dont la conception est
une faute, la naissance une misère, la vie une peine, et pour
lequel mourir est une nécessité ».
(Jean-Marc Vivenza – Nâgârjuna et la Doctrine de la vacuité).
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II. La Voie et la religion
Dans toute organisation religieuse, il n’y a jamais de classes qui y aient
leurs représentants chargés spécialement de soutenir leurs intérêts. Au nom
de l’homme qui est partout le même, La religion , relation regroupant des
gens selon certaines croyances (les dogmes) et pratiques (les rites), devient
une source de ségrégation de classes, de sexes et de races, que la Voie du
Bouddha cherche toujours à éviter dans le but suprême qui est le respect de
tous les êtres vivants par le seul fait d’exister parce qu’avec la vie et sa
perfectibilité l’humain serait capable de se rendre meilleur.
Chez certaine organisation religieuse, les pratiquants sont des individus
très faibles, souvent endoctrinés avec des comportements moutonniers
mais la structure et l’organisation de l’église, qui les représentent et les
tiennent fermement dans ses organisations, ses professions de foi et par ses
représentants autoproclamés de Dieu, se comportent comme une pieuvre
trop forte et envahissante. Nulle part ces pratiquants ne paraissent plus
fermés que dans les contraintes des dogmes et des croyances imposées au
nom de la foi et de la volonté divine.
Non seulement elles maintiennent l’esprit humain dans cette foi
imposée et inexplicable (la pensée divine est impénétrable) mais le
disposent à adopter une foi plutôt qu’une autre. La notion de libéralisation
de l’esprit et le respect intégral de sa liberté deviennent secondaires et
négligés face à des rites très compliqués qui cherchent à noyer
l’intelligence du pratiquant dans des fables vaseuses et des espérances
insensées. Cet exemple insensé se retrouve souvent dans le bouddhisme
matérialiste. Il me semble important de ne pas oublier que le but suprême
de la Voie définit que l’esprit doit être à la fois sujet de la connaissance et
l’objet de la connaissance.
A mesure qu’elle voile l’esprit des hommes, une telle organisation
grandit d’ordinaire. Cependant avec l’évolution de la science et les
lumières de la raison, souvent il arrive que les croyances s’en vont,
flottantes comme les attachements changeants de nos six sens tels : le goût
après un bon repas, l’odorat près de l’égout. Parfois prenant les autres
croyants comme une masse moutonnière, les disciples de telle organisation
inventent des contraintes et des dogmes, suivant lesquels ils font partie
d’un corps céleste détenant le pouvoir divin. Devant les falsifications, le
détournement du sacré des siècles passés faut-il oublier les conquêtes
messianiques avec des conséquences d’une extrême gravité commises
partout dans le monde ?
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III. La Voie et le don de Dieu
Finalement les contraintes des dogmes religieux et des croyances
constituent des liens qui maintiennent chacun à sa place et l’être humain
entier (la corporéité et la conscience) dans une obéissance aveugle. Ce
comportement moutonnier devient une sorte d’instinct qui serait la
conséquence des habitudes contractées des propagandes religieuses visant
la psychologie de masse. Il suffit d’y ajouter la notion d’élection de Dieu
Créateur (personne élue, peuple élu…) pour que les notions de gratitude,
de reconnaissance dans la vie de tous les jours disparaissent vis à vis des
bienfaiteurs parce que, selon les dogmes, tout vient de la volonté de Dieu
arbitraire devant les offrandes et aussi très sensible à des prières et des
prosternations. Ce désir d’être élu devient de plus en plus insatiable à
mesure que ne seront jamais satisfaites les demandes désespérées qui
continuent à échapper à l’étreinte de ces croyants.
Quand, au temps de la colonisation, les indigènes étaient obligés de
travailler jusqu’à l’épuisement de leur corps au détriment de leur santé, au
mépris de la sécurité de leur famille pour enrichir les maîtres colons, d’une
intransigeance sans pitié, alors sans aucun regard sur les causes de leurs
richesses, ces derniers allaient construire des lieux de culte somptueux pour
remercier les divinités de leur générosité, de leurs grâces, de leurs dons.
Avec l’esclavage on se croyait libre de ne pas venir aider ses esclaves et de
ne point s’occuper de leurs misères car leur vie faisait partie des moyens de
production dans le calcul de profit de leur maître ! Dans les deux cas « le
colonialisme et l’esclavagisme » la notion de personne élue de Dieu peut
conduire l’homme à se servir d’autres hommes, à avoir le droit de les
appauvrir, de les abrutir parfois de les exploiter jusqu’à la mort sans
aucune considération de leur âme.
Il ne serait pas facile d’éclairer ces maîtres-colons pour qu’ils puissent
voir apparaître les vérités si évidentes, et d’éviter que leurs dévouements
aveugles (à leur Dieu) et leurs vertus instinctives disparaissent à jamais.
L’imagination de ce concept – une obéissance aveugle à une passion –
pourrait varier à l’infini suivant les conditions et troubler les croyants qui,
avec un complexe de supériorité d’être élus, se montreraient moins simples
et moins tolérants dans leurs relations avec les autres. La déviation de cette
philosophie religieuse devient une une discrimination, une ségrégation si
évidente qu ’à leurs yeux les croyants des autres religions, considérés
comme des infidèles, ou hérétiques s ’ils sont de la même religion, ne sont
point de la même espèce humaine qu’eux.
Dans la croyance obstinée de l’élection de Dieu, les hommes deviennent
moins libres et moins éclairés mais plus graves et plus inquiets parce qu’ils
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songent sans cesse aux biens, à la félicité, à la béatitude qu’ils espèrent
avoir plus tard dans la vie après la mort. C’est une chose étrange de voir
que ces gens s’attachent aux biens de ce monde, et qu’ils craignent à
chaque instant de cesser de vivre à l’appel de leur Dieu – même lorsqu’ils
sont misérables, opprimés ou qu ’ils endurent des maux insoutenables ou
qu’ils sont attachés au goût des jouissances matérielles enfermé dans leur
cœur – et de ne pouvoir éviter la mort par tous les moyens même les plus
dégradants, mais à la fin cette mort survient toujours.
Il était donc raisonnable, jusqu’à une certaine limite, de faire le culte des
divinités, de dire que la croyance avait souvent des allures inexplicables et
impénétrables. Si je pouvais les (ces croyants) comprendre, je n’aurais pas
de peine à expliquer les démarches du Bouddha et de répéter
inlassablement ses paroles : « L’homme naît seul, vit seul et meurt seul ».
IV. La Voie et les classes sociales
Dans toute religion comme dans le cas du Bouddhisme la population se
divise en un certain nombre de castes, de catégories, de classes qui se
mêlent peu et qui ne se voient pas très souvent pour différentes raisons
sociales, professionnelles, et particulièrement par écarts de niveaux
culturels, qui entraînent à leur tour ceux du langage entre les différentes
classes sociales, d’où la compréhension, l’étude, la pratique de cette Voie
constituent des divisions profondes puis des barrières difficilement
franchissables, il doit en être ainsi.
Les expressions, les termes spécifiques exprimés par le Bouddha sont
naturellement fort hauts, ardus parfois difficilement compréhensibles pour
ceux qui n’ont pas un esprit ouvert, éveillé et cultivé. L’abolition des
privilèges et des incapacités des classes ne serait à jamais qu’un rêve
insensé, une espérance dans le miracle venant des prédicateurs qui se
trompent eux-mêmes, et aura été reprise plus tard par le socialisme avec
doctrine communiste. (voir : exemples du soutra du diamant et du silence
du Bouddha ).
Chez certaine religion la notion « d’élu de Dieu » et la recherche d’une
place exceptionnelle au paradis sont l’origine de l’individualisme qui
affecte les liens d’interdépendance et d’affection entre les individus, qui se
desserrent souvent avec les classes sociales mais rarement s’étendent à
cause des écarts de niveaux culturels. En conservant assez de lumières de
leur esprit et de bien terrestres, ces gens se sentent indépendants des autres
et imaginent volontiers qu’ils tiennent dans leurs mains leur destinée
terrestre et leur devenir dans la vie après la vie.
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Finalement leurs passions et leur sensibilité se portent uniquement sur
eux-mêmes, sur leur « moi impermanent » ou leur ego « muable », en effet le
sort des autres leur inspire peu de pitié, rarement de compassion parce que
cela ne les concerne pas et surtout ne les touche pas. Cet individualisme, que
fait naître le fait de croire à l’existence d’un Dieu Créateur arbitraire et
influençable devant les offrandes et les prières, favorise les barrières de la
ségrégation et de la discrimination entre les hommes, et les sépare. Il n’est
pas rare qu’un individu en détresse se sente aussi isolé au milieu de la foule
qu’un aventurier au fond de la jungle. C’est parmi ces raisons que le
communisme de K. Marx et Lénine avait pratiqué la lutte des classes en
considérant la religion comme l’opium du peuple.
Avec l’exemple du Bouddha, dans sa recherche de solution de salut
pour tous, en acceptant les souffrances morales, les souffrances physiques
et particulièrement la souffrance métaphysique, les bodhisattvas (êtres
voués à l’éveil), les moines, les bouddhistes doivent s’arracher de leurs
affaires particulières pour penser aux autres, rechercher la connaissance
dans la souffrance afin de la partager aux autres et d’éviter d’en profiter
uniquement pour soi-même. Il leur faut écarter de leur vie la pente
naturelle de dire « chacun pour soi et Dieu pour tous », à qui on abandonne
le soin des affaires communes de tous.
On constate donc que n’étant ni un agrégat permanent, ni une entité
intrinsèque et indépendante, n’ayant pas une valeur absolue mais formé par
de changeants phénomènes physiques et mentaux, le « moi » ainsi désigné
artificiellement ne peut nous montrer que l’apparence de ses apparences,
qui est non seulement la cause des illusions, des tromperies, des plaisirs ou
satisfactions éphémères mais aussi la source de vraies souffrances . Selon
l’Enseignement du Bouddha le monde perçu par le « moi » comme réel,
alors qu’il n’est qu’une existence de rêve, est véritablement en
transformations perpétuelles (la relativité universelle) et n’est pas le
substrat de lui-même (le principe de la non substantialité de Nâgârjuna).
Et dans toute société l’esprit doit favoriser le principe que le devoir ainsi
que l’intérêt personnel est de se rendre utile à autrui puis à soi-même
suivant la loi de l’Interdépendance.
Il existe des classes laborieuses, asservies et souvent ignorantes, qui
n’ont pas le temps dans la recherche de la Connaissance, pour s’occuper
des plaisirs de l’esprit à cause de leurs grossièretés ou de leur misère. Sans
les lumières de la raison issues d’un esprit cultivé et éveillé, elles sont
disposées à concevoir des puissances intermédiaires issues des
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superstitions (dieux, anges, démons…)1, à avoir la foi sur leurs
interventions dans les affaires qui les touchent personnellement… et
parfois à rêver qu’avec leur foi sur les dogmes étroits, avec leurs prières
très intéressées2, quelle qu’en soit leur indignité, elles seront des élus du
Dieu Créateur qui va absoudre leurs fautes, réaliser leurs besoins
matérialistes dans ce bas monde du fini et leur procurer dans la vie après la
vie la béatitude, la plénitude au paradis.
Cette classe de pauvres d’esprit a peu de moyens de sortir de leurs
conditions d’ignorance, de leur attachement. Cependant les éléments qui la
forment sont connus mais ceux, qui composent des intellectuels en
religiosité, ne sont pas fixes mais très variables dans chaque religion. C’est
pourquoi, sans convergence d’esprit, sans espérances communes, sans
objets communs, ces intellectuels ne forment pas un corps et ne constituent
pas une classe sociale.
V. Le charme de l’existence et la Voie
Si on voulait voir s’approcher le temps où la liberté, la responsabilité et
la paix sociale ne pourront se passer des lumières de la connaissance, on
devrait se rappeler des paroles du Bouddha : « l’homme naît seul, vit seul
et meurt seul »…3 quelque intransigeants et égoïstes qu’ils soient, les
croyants doivent reconnaître cette vérité simple et primordiale. Cette
indépendance totale de l’homme de pouvoir devenir meilleur ou pire lui
impute la notion de responsabilité et liberté individuelles qui sont l’origine
de la loi du Karma4, étant une loi de la nature elle ne peut être amendée par
aucun Dieu imaginé garantissant son bon fonctionnement.
Pour la plupart, la liberté et la responsabilité personnelles se resserrent
quand celles de l’organisation religieuse s’étendent indéfiniment jusqu ’au
L’idée de Kant est qu’il est une opération philosophique irrecevable de conclure, à
partir d’une existence supposée, à une existence réelle qui n’a jamais été confirmée par
aucune expérience.
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Pourtant la vision de Maître Eckhart (1260-1327, théologien et philosophe Dominicain)
sur le néant comme l’essence du détachement s’explique :
« Quand je ne demande rien, je prie véritablement ». Dans d’autre circonstance il ajoute :
« Le détachement tend vers un néant pur, dans lequel Dieu peut agir en nous entièrement
à sa guise. Tout notre être n’est fondé en rien d’autre que dans l’anéantissement »
(Jean-Marc Vivenza – Nâgârjuna et la doctrine de la vacuité).
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Les exemples du colonialisme, de l’esclavagisme, du nazisme avec ses camps
d’extermination, du communisme avec ses goulags, ses camps de concentration etc…
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Des causes à effets c’est la continuité du « moi » muable dans la transmigration de son
existence.
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recoin le plus intime de la vie matérielle et immatérielle des individus .
A partir de ces obscures productions de l’esprit de ces organisateurs
pourrait-on imaginer apparaître des œuvres qui deviendraient plus tard des
sources d’inspiration des plaisirs de l’esprit lui-même ?
Dans l’esprit humain il s’y rencontre toujours des hommes et des
femmes qui s’intéressent aux œuvres de l’esprit, lequel n’a pas peur d’être
sujet et objet de la Connaissance parce que la vie en elle-même est un
océan d’écueils et de souffrances, et la fin de ce pénible voyage ne sera
qu’un gouffre inévitable de la mort. Selon le grand philosophe Confucius il
existe plusieurs niveaux de la Connaissance dans l’évolution de l’esprit :
Apprendre pour le savoir c’est moins bien qu’apprendre pour le plaisir qui
est encore moins bien qu’apprendre dans la joie et la passion ou les
plaisirs de l’esprit.
Si, dans le charme de l’existence et au nom de l’égalité, nul n’était
obligé de prêter sa force à son prochain, et si nul n’avait besoin de se
rendre meilleur, on ne saurait douter qu’une telle société prédispose ses
hommes à vivre dans un monde du désir de l’abaissement universel car
mathématiquement il ne serait pas raisonnable d’attendre l’idéal du
bouddhisme d’une société (un ensemble) composé de mauvais éléments
dominés par la haine, les collisions, les privilèges…
Avec la loi de l’Impermanence – la Relativité universelle – découverte
par le Bouddha, les transformations perpétuelles des choses ne sauraient
donc que difficilement être soumises à des contraintes immuables, des
affirmations vaseuses, et il est comme impossible qu’elles le soient à
jamais à des dogmes trop étroits, dans lesquels les lecteurs instruits sont
aussi fatigués des discours sur le Créateur imaginaire, sur les divinités
fantasmagoriques qu’énervés des divagations sur le paradis et sur l’enfer
que, dans leur prédication, des pécheurs mortels prétendent connaître
comme s’ils les ont déjà visités. Voués à l’abstraction, à des utopies
chimériques ces prédicateurs cherchent à nous imposer, avec leurs
documents de foi, des dogmes, des contraintes d’une intransigeance sans
pitié. Il est comme irrationnel que des individus à la fois pécheurs et
représentants autoproclamés de Dieu Créateur se donnent le pouvoir
d’absoudre les erreurs des autres pécheurs…
Dans toute société, il s’en faut de beaucoup que des individus qui
s’intéressent à la spiritualité, aux phénomènes mentaux, aient eu le courage
dans l’atteinte de la Connaissance mais de façon générale ils ne font pas –
de la recherche des savoirs profonds comme de la joie de l’esprit – le
charme principal de leur existence. De tels individus, capables de penser,
avec leur habitude moutonnière ne sauraient jamais acquérir les savoirs
profonds de la Grande Connaissance, le but suprême du Bouddhisme. Si
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on s’obstinait à leur enseigner les belles paroles dans des Soutras
(Les paroles du Bouddha.) qu’évitent leurs violents efforts tourmentés par
le matériel lié à la croissance de leur fortune, à l’attachement puissant à la
passion matérialiste, on observerait de mauvaises compréhensions et de
graves déviations dans leurs pensées.
Quand les hommes recherchent avec passion les jouissances
matérielles, leur esprit y est ainsi ardent par leurs désirs mais faible
devant les efforts de l’esprit, violent par les intérêts personnels mais lâche
devant la question d ’Amour, d’Altruisme, motivé par la passion des
richesses mais obscurci par des attachements matérialistes. Cependant les
moyens, pour surmonter la concurrence et pour satisfaire ces jouissances,
tourmentent et fatiguent les âmes dominées par ces désirs toujours
inassouvis.
Ils aiment les savoirs qui rapportent véritablement, qu’on procure sans
peine, qui n’exigent point d’efforts et de sacrifices pour être compris ; ils ont
besoin de rêves insensés, des émotions vives, des espérances rapides et
soudaines que la superstition, les miracles et le merveilleux vont introduire
dans leur esprit. Sans des travaux sérieux de leur recherche et de leurs
efforts, de tels hommes ne sauraient jamais acquérir la connaissance
profonde de l’Essence de l’Enseignement du Bouddha. En ignorant les
vertus et les qualités strictement humaines enseignées par l’idéal bouddhiste,
avec de violents efforts pour accroître leur richesse ou pour la maintenir ces
hommes, réfractaires aux lumières de la raison venant du dehors, seraient
très capables de devenir égoïstes et parfois dangereux pour les autres.
Selon Confucius (**) et chez certains maîtres bouddhistes il est normal
de subdiviser, comme chez les animaux qui sont nés soit d’une matrice,
soit d’un œuf, soit de l’humidité ou spontanément avec une forme ou non ,
les humains en trois catégories d’individus :
** les esprits obtus qui, par obscurantisme, refusent les lumières de la
raison, seules les superstitions oiseuses, les fables obscures les intéressent
profondément au plus haut degré.
** les esprits moyens et vulgaires sont capables de penser mais refusent
les connaissances qui ne correspondent pas à leur désir et leur satisfaction
qui se suivent dans des intervalles souvent assez courts.
** les esprits éveillés et cultivés (particulièrement perspicaces) : doués
d’une intelligence supérieure et dotés des savoirs à fond, ils sont capables
de se pénétrer en profondeur dans les phénomènes physiques et mentaux,
et de saisir les causes non visibles qui y sont à l’œuvre.
(**) « vn : Tam đẳng nhân, tam đẳng vật ».
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VI. Le langage dans la philosophie de la Voie
Dans les études des pensées philosophiques, plus que jamais dans
l’étude de l’Essence de la Voie du Bouddha les termes spécifiques, le
langage représentent les instruments non seulement nécessaires mais de
première importance de la pensée5. Le génie des écrivains sur le
Bouddhisme ne se manifeste pas dans le volume de leurs ouvrages, ni dans
le grand nombre de nouveaux mots qu’ils mettent en usage mais dans la
valeur de leurs idées qui reflètent fidèlement le sens exact de cette Essence
sans y ajouter d’autres conventions et contraintes personnelles qui sont
souvent des sources d’altérations, de déviations, de divagations de l’auteur.
Plus la compréhension est basse et éloignée de la Voie plus les termes
utilisés sont pompeux et érudits ; parfois l’ignorance même en facilite
l’emploi grâce à ce détournement d’expression de son sens originel par des
modifications personnelles. Certains docteurs bouddhistes – avec leur désir
de montrer la supériorité de leur « moi » ou leur personnalité – nous
attirent sans résistance dans des interprétations interminables sur les
questions et sur les réponses auxquelles le Bouddha se taisait.
Comme le Bouddhisme respecte intégralement la liberté et la
responsabilité personnelles avec leurs conséquences fâcheuses, et il n’y a
point d’autorité permanente qui puisse fixer définitivement le sens des
termes spécifiques, chaque auteur6 aurait tout le loisir de détourner quelque
peu les expressions connues de leur sens primitif, puis les lecteurs sont
conduits en erreur par des divagations dangereuses et des strictes
digressions irrationnelles. Par leur dévotion ils transforment peu à peu le
Bouddha en sauveur capable de faire des miracles puis de les amener
directement vers le Nirvana.
Je pense seulement que certains auteurs sur le Bouddhisme, – dont
même avec des efforts soutenus et de la persévérance, le sens profond de
certains vocabulaires est déjà très difficile à comprendre – ont tendance de
créer des termes génériques et abstraits d’origine chinoise, d’utiliser
parfois des mots dans le langage de la philosophie judéo-chrétienne dans
leur traduction, puis de les prendre dans leur acceptation la plus abstraite et
à tout moment d’en faire usage même dans des cas vraiment superflus.
Dans d’autres religions, par leur dévotion, par leurs croyances, des auteurs
5
Nous verrons plus loin les raisons du silence du Bouddha puis plus tard le tétralemme
de Nâgârjuna.
6
«Tous les Maîtres ont été trahis par leurs soi – disants disciples ; faute de pouvoir
s’élever à la hauteur du Maître, ils l’ont abaissé à leur niveau ».
(A. David Néel – La lampe de Sagesse – Éditions du Rocher).
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auraient créé des documents de foi – des textes sacrés ou incréés – en y
ajoutant ses propres doctrines, ses vérités conceptuelles qui seraient
devenues plus tard des dogmes et des intolérances sans pitié.
Avec leur connaissance limitée – embourbée dans les impuretés
des cinq sens – déformée par les illusions, les passions, les
agitations incessantes de leur esprit noyé dans un mélange
d’orgueil, de vanité, d ’intolérance, et en voulant donner une
image exacte de Dieu qu ’ils ne connaissent même pas, les
représentants auto proclamés de Dieu finissent par l’abaisser au
même rang que l’être humain, l’englober dans des limitations
restreintes de valeurs souvent sans valeur réelle.
(Trinh Khai – Par la science,
comprendre l’essence de la Voie du Bouddha – Éditions-Thélès)
Sans aucun rattachement aux preuves factuelles, sans appui sur une
science analytique, mais sur une conviction rationnelle aux faits
particuliers, ces termes abstraits et imaginaires dans le raisonnement par
abstraction voilent l’esprit et n’agrandissent pas ses pensées. Ces auteurs
font ressortir des détails insignifiants dans leurs analyses mais souvent ils
n’arrivent pas à en apercevoir les grandes causes et les profondes valeurs des
textes dans les Soutras. L’esprit du lecteur instruit sur l’Enseignement du
Bouddha se fatigue de cet amas d ’explications touffues et se perd au milieu
de ce labyrinthe composé d’influences personnelles qui pourraient être des
affirmations subjectives et des réalités conventionnelles et imaginaires qui
l’amènent finalement vers l’inévitable et l’irrémédiable naufrage.
Ce ne sont pas les termes génériques et abstraits, le grand nombre de
mots nouveaux qui représentent la vraie nature des pensées, le sens réel
d’une Doctrine mais de dangereuses déviations et d’inutiles divagations
parce que ces auteurs leur donnent, et leur laissent des sens douteux et
souvent contraires à la réalité ; il s’est fait une confusion néfaste dans la
compréhension d’une philosophie de très haut niveau comme dans sa
pratique. Quand des auteurs ont introduit la liberté dans la sphère de
certaine Doctrine, les lecteurs observent des effets bien étranges : les
miracles, les descriptions détaillées de l’enfer, du Ciel, du Paradis et du
Nirvana. On ne peut donc pas nier qu’une telle liberté pourrait faire courir
les périls (des détournements) à la croyance dans des religions.
Il existe une différence fondamentale entre les mots utilisés dans
différentes religions : issue de la « résurrection » la réincarnation chrétienne
signifie « revivre dans la chair » de la même identité, alors que la
transmigration bouddhiste détermine que l’identité muable (la personnalité)
passe d’un état furtif à un autre dans une continuité parfaite dans laquelle le
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