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Pectoral de style
égyptien
décoré
d’un faucon aux ailes
déployées provenant de
la nécropole royale de
Byblos (Liban). Bronze
moyen (2000-1600 av.
J.-C.). Tombe royale III.
Or, l. 20,5 cm. Paris,
musée du Louvre.
© 2013 Musée du Louvre/
Christian Descamps
Culture Bible / Exposition
lesse venue – ses traits se ridant et
ses joues se creusant – de ne jamais cesser
de faire offrande au dieu puissant « Montou
seigneur de Thèbes ». Ce linteau sculpté en
bas-relief présente un Sésostris III de taille
égale à celle de Montou, rappelant, en plus
du texte, le caractère divin du pharaon. Là
aussi, il s’agit d’une première, car nul autre
pharaon n’avait été divinisé ni joui d’un culte
posthume avant lui.
Une société reconnaissante
Ce culte, que lui attribuent les Égyptiens an-
ciens après sa mort, témoigne certainement
d’une admiration et d’une reconnaissance
pour les bienfaits de son règne. Bienfaits
de sa protection militaire et administrative,
bienfaits aussi d’un âge d’or synonyme de
prospérité générale. Cette prospérité fut
favorisée par les conquêtes mais aussi par
les intenses relations commerciales et diplo-
matiques que Sésostris III noue avec ses
voisins proches orientaux (lire à ce propos
« L’Égypte en terre de Canaan », p. 32-39).
Cet âge d’or se lit bien évidemment dans
les objets magnifiques et rares présentés
à Lille : les conquêtes à travers notamment
la collection des objets fouillés à Mirgissa,
au Soudan, par l’équipe de l’université de
Lille III (objets de la vie quotidienne, armes et
mobilier de tombes) et les échanges com-
merciaux à travers des pièces de choix, tel
ce bijou pectoral, de style égyptien trouvé
à Byblos, ou cette gouvernante égyptienne
découverte à Adana en Turquie.
La société, qui se développe sous
Sésostris III, voit l’émergence d’une classe
moyenne et intellectuelle, favorisée notam-
ment par le recrutement de fonctionnaires
et de scribes que nécessitent la réforme
de l’État et la mise en place des adminis-
trations. La société s’éduque et toute une
littérature sapientiale voit le jour, définissant
les règles de vie et l’idéal de l’homme sage.
« Cette sagesse, explique Fleur Morfoisse,
insiste sur une vie qui se conforme à l’ordre,
à la justice et à l’équité. Elle propose des
règles de vie. Cette littérature sur papyri sera
recopiée par les scribes égyptiens jusqu’au
début du Ier millénaire. »
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Culte au dieu des morts
Une autre nouveauté du règne est à dé-
celer dans une relation nouvelle que les
Égyptiens nouent avec la mort et qui fait
l’objet d’une section à part entière dans
l’exposition lilloise. En effet le règne de
Sésostris III correspond à la formidable
montée en puissance du culte voué à Osiris
à Abydos où l’arrière-grand-père du pha-
raon de légende, Sésostris Ier, a fait élever le
premier temple. L’arrière-petit-fils lui-même
s’est laissé convaincre, semble-t-il, par ce
culte au dieu des morts puisqu’il aurait
abandonné l’idée de reposer sous sa pyra-
mide déjà construite à cet effet à Dahchour,
pour lui préférer un tombeau, creusé dans
la roche, près d’Abydos. Là encore « une
première » de la part d’un pharaon décidé-
ment innovant et visionnaire. « Chacun du
plus puissant au plus simple artisan, ex-
plique Guillemette Andreu-Lanoë, cherche
désormais à se faire une place sous la
protection d’Osiris pour gagner un au-delà
paisible. On voit autour du sanctuaire se
développer une forme de piété populaire,
à travers des objets et des stèles sur les-
quelles les personnes sont nommées et se
placent sous la protection du dieu. » Un des
clous de cette section richement documen-
tée est la reconstitution en 3D de la cha-
pelle, à la décoration exceptionnelle, de la
tombe du chef de province Djehoutyhotep,
située dans la nécropole de Deir el-Bersha
et fouillée par l’équipe de Harco Willems, de
l’université de Louvain en Belgique.
Enfin, le Palais des Beaux-Arts de Lille conclut
l’évocation de ce règne par le culte posthume
voué à Sésostris III et par la légende qui per-
pétue sa mémoire. Le visiteur peut mesurer
dans cette dernière salle à quel point le « pha-
raon de légende » mérite son label…
Exceptionnelle, cette exposition l’est à plus
d’un titre. Par son sujet – on l’a compris –
qui révèle au grand public un personnage
au règne fondateur dont le rayonnement
et l’importance ont pu être récemment
reconsidérés. Elle l’est aussi par la qualité
des 350 objets présentés à travers
Sésostris III autoritaire et vigilant les mains posées à plat sur son pagne.
XIIe dynastie, vers 1872-1854 av. J.-C. Égypte, Deir el-Bahari, complexe funéraire de
Montouhotep II. Granodiorite, H. 122 cm. © Londres, The British Museum