Mars 2011
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Direction Générale de la Santé
Cancer colorectal :
dépistage
Suicide des jeunes
Sommaire
Edito p. 2
Les programmes de dépistage en Communauté française (1ère partie) p . 3
- Focus sur les pratiques en matière de dépistage p . 3
- Programme de dépistage du cancer colorectal en Communauté française p. 7
- Dépistage du cancer colorectal : connaissances et perspectives p. 15
Prévention du suicide chez les jeunes p. 18
Un outil à votre disposition p. 22
La politique de santé : quoi de neuf ? p. 23
2 Santé en Communauté française
Edito
Les précédents numéros de Santé en Communauté française vous ont présenté, par
tranche d’âge, différents programmes subventionnés par la Communauté française en
matière de santé.
Ce numéro 6 n’est pas consacré à une tranche d’âge particulière mais plus spécialement
à une thématique : le dépistage.
Le dépistage des cancers en Communauté française s’inscrit en effet comme une
problématique de santé prioritaire dans le Programme quinquennal.
Les cancers les plus fréquents sont le cancer du poumon, le cancer de l’intestin (ou cancer
colorectal), le cancer du sein, celui de la prostate et enfin celui du corps utérin.
En 20081 :
24,7% des décès par cancer sont dus à un cancer des trachées, •
des bronches et des poumons ;
11,3% des décès par cancer sont dus à un cancer colorectal ;•
8,7 % des décès par cancer sont dus à un cancer du sein ;•
5,2% des décès par cancer sont dus à un cancer de la prostate ;•
1,8% des décès par cancer sont dus à un cancer du corps de l’utérus, •
de l’utérus ou du col de l’utérus.
Plus particulièrement, pour trois de ces cancers, le dépistage systématique de masse,
organisé dans le cadre d’un programme, a fait ses preuves. C’est ainsi que pour le cancer
du sein et pour celui de l’intestin, la Communauté française met en œuvre des programmes
organisés, sur base de recommandations de l’Union européenne. En ce qui concerne le
cancer du col de l’utérus, un dépistage individuel et un programme de vaccination contre
le HPV ont été mis en place pour aboutir à une meilleure prévention de ce type de
cancer.
Ce numéro de Santé en Communauté française se centre sur le programme de dépistage
du cancer colorectal. Le numéro suivant, à paraître fin septembre, se consacrera au
programme de dépistage du cancer du sein.
Dans ce numéro, vous trouverez également, un article consacré à la table-ronde sur la
prévention du suicide chez les jeunes. Cette table-ronde qui s’est déroulée en octobre
2010 avait pour objectifs de rassembler les acteurs de terrain et les experts afin d’inciter
à la concertation et à la mise en commun des différentes pratiques. Ce travail permettra
de déterminer des axes particuliers à soutenir de manière à pouvoir lancer des appels à
projet auprès des opérateurs.
Je vous souhaite une excellente lecture !
Dr Serge CARABIN
Directeur général de la Santé
1. Source : certificats de décès
2008 reçus en Communauté
française (c’est-à-dire les décès
qui ont eu lieu en Wallonie indé-
pendamment du lieu de résidence).
Santé en Communauté française 3
Les programmes de dépistage
en Communauté française (1ère partie)
Focus sur les pratiques de dépistage
Le concept
Le vocable « dépistage » recouvre des significations et réalités diverses et, pour mieux
appréhender celles-ci, il semble utile de revenir un instant aux définitions de ce concept.
L’OMS (1970) identifie différents types de dépistage2 :
- Le dépistage systématique, dit de masse, qui est organisé dans le cadre d’un
programme où la population recrutée est définie notamment en fonction de critères
d’âge et de sexe; il présente un caractère systématique pour un type de population;
- Le dépistage opportuniste /individuel la population est recrutée pour le
dépistage lors d’un recours aux soins, par exemple dans le cadre d’une hospitalisation,
d’une visite médicale, lors d’une visite au centre de santé ou de dépistage, dans le cas
d’un examen réalisé par la médecine du travail. Ce type de dépistage doit toutefois
faire l’objet d’une négociation entre le prestataire de soins et le bénéficiaire;
- Le dépistage sélectif ou cib la population recrutée est sélectionnée sur
des critères préalablement définis (par exemple, facteurs de risque d’exposition
professionnelle).
L’OMS propose encore une autre classification. Il s’agit d’une part du dépistage organisé
ou communautaire la population est recrutée dans la communauté (le dépistage est
alors proposé dans le cadre de campagnes de dépistage et il s’appuie sur la participation
volontaire des sujets) et d’autre part du dépistage multiple qui consiste en la recherche
simultanée de plusieurs affections par l’utilisation concomitante de plusieurs tests de
dépistage3.
Le dépistage peut donc concerner la population générale ou bien une population
ciblée déterminée en fonction de l’âge (triple test et/ ou amniocentèse chez la femme
enceinte âgée de plus de 38 ans, cancer du sein auprès des femmes âgées de plus de
50 ans, etc.). Il peut être généraliste (contrôle de la tension artérielle, dosages sanguins,
etc.), ciblé sur une ou plusieurs pathologies (cancer, rubéole, toxoplasmose, etc.),
obligatoire et proposé de manière systématique, par exemple pendant la grossesse
(cytomégalovirus)4.
Cependant, dépister ne veut pas dire diagnostiquer. Le dépistage s’adresse à un individu
asymptomatique, a priori en bonne santé et qui ne présente donc en apparence aucun
signe de (la) maladie. C’est le professionnel de santé qui prendra l’initiative de la démarche
de dépistage. A l’inverse, dans le cadre d’une démarche diagnostique, le patient s’adresse
au corps médical avec une demande (bien) précise ; des investigations seront alors réali-
sées et conduiront à l’établissement d’un diagnostic et d’un programme de soins.
Et lorsque le dépistage a permis d’établir le diagnostic d’une pathologie ou d’un facteur de
risque, s’en suit alors une prise en charge thérapeutique vaccinale et/ou médicamenteuse
et/ou chirurgicale et/ou autres activités de prévention/d’éducation.
2. ANAES (Agence nationale
d’accréditation et d’évaluation en
santé), (2004), Guide méthodolo-
gique : comment évaluer à priori
un programme de dépistage ?, in
http://www.has-sante.fr/portail/
upload/docs/application/pdf/guide_
programme_depistage_rap.pdf
3. Idem.
4. Bourdillon F., (2009), Le
dépistage, Traité de prévention,
Médecine-Sciences, Flammarion, pp.
100-103.
4 Santé en Communauté française
Les bonnes pratiques de dépistage
L’OMS, en 1970, a établi une liste de 10 critères qui sont désormais bien connus5 :
1) La maladie dont on recherche les cas constitue une menace grave
pour la santé publique ;
2) Un traitement d’efficacité démontrée peut être administré aux sujets
chez lesquels la maladie a été décelée ;
3) Les moyens appropriés de diagnostic et de traitement sont
disponibles ;
4) La maladie est décelable pendant une phase de latence ou au début
de la phase clinique ;
5) Une épreuve ou un examen de dépistage efficace existe ;
6) L’épreuve utilisée est acceptable pour la population ;
7) L’histoire naturelle de la maladie est connue, notamment son
évolution de la phase de latence à la phase symptomatique ;
8) Le choix des sujets qui recevront un traitement est opéré selon des
critères préétablis ;
9) Le coût de la recherche des cas (y compris les frais de diagnostic et
de traitement des sujets reconnus malades) n’est pas disproportionné
par rapport au coût global des soins médicaux ;
10) La recherche des cas est continue et elle n’est pas considérée comme
une opération exécutée « une fois pour toutes ».
Comme le synthétise Bourdillon (2009)6, « la maladie que l’on essaie d’identifier doit
être grave pour la santé publique, fréquente et disposer d’un traitement ». Toutefois,
l’absence de traitement ne peut à lui seul justifier le refus de mettre en place un program-
me de dépistage (problématique du VIH au début de l’épidémie). Enfin, l’auteur rappelle
que l’absence de maladie peut également conduire au développement de stratégies
d’action et que la présence d’un test négatif revêt également une grande importance
(un dosage négatif d’anticorps peut déterminer une vaccination future, par exemple
dans le cas précis d’une sérologie négative pour la rubéole). Bourdillon insiste également
sur la nécessité de bien connaître l’histoire/l’évolution naturelle de la maladie ; celle-
ci permettant « d’étayer la stratégie de dépistage sur la phase présymptomatique, sur les
données d’évolutivité rapide ou longue ».
Enfin, comme le souligne le Conseil Supérieur de Promotion de la santé (CSPS) dans les
recommandations formulées en 2007, il est important de tenir compte des différents
niveaux d’évaluation reconnus internationalement et qui permettent de déterminer la
validité scientifique des recommandations émises par les professionnels du secteur. Les
membres du CSPS suggèrent l’utilisation de la grille GRADE (Guyatt et al., 2006)7 qui
identifie des niveaux de recommandations, au regard
- des bénéfices identifiés par rapport aux risques et effets négatifs
- de la qualité méthodologique des preuves appuyant les recommandations et des
implications diverses.
Cependant, avant de s’engager dans la mise en place d’un programme et de stratégies
de dépistage, il est primordial de s’assurer de la disponibilité d’un test/ examen de
dépistage de qualité qui réponde à des critères d’efficacité en termes de sensibilité
(probabilité qu’un test soit positif si le patient est porteur de la maladie) et de spéci-
5. CSPS (Conseil Supérieur de
Promotion de la Santé), (2007),
Examens de dépistage pour de
bonnes pratiques, in http://www.
sante.cfwb.be
6. Bourdillon F., (2009), Le dépista-
ge, Traité de prévention, Médecine-
Sciences, Flammarion, pp. 100-103.
7. Guyatt G., Gutterman D.,
Baumann M., Addrizzo-Harris D.,
Hylekb E., Phillips B., Raskob G.,
Zelman Lexis S., Schünemann H. ,
Grading strength or recommen-
dations and quality of évidence in
clinical guidelines : Report of an
American College or Chest phy-
sicians Task Force, in Chest 2006,
129, pp. 174-181.
Santé en Communauté française 5
ficité (probabilité qu’un test soit négatif si le patient est indemne de la maladie). Selon
Bourdillon (2009), « un bon test de dépistage combine une bonne sensibilité et une bonne
spécificité ». La mesure de performance d’un test peut être déterminée en valeur
prédictive positive (VPP) - il s’agit de la proportion de tests positifs correspondant
à de vrais malades - ou en valeur prédictive négative (VPN) - il s’agit alors de la proportion
de tests négatifs correspondant à des non-malades.
Enfin, le test doit également répondre à d’autres critères de qualité comme par exemple
la fiabilité (« le résultat obtenu par le test doit correspondre à l’anomalie recherchée »),
la reproductibilitéil doit donner les mêmes résultats lorsqu’il est à nouveau emplo
dans les mêmes conditions chez un même sujet, par des investigateurs différents ou dans
des lieux différents »), et la simplicité de mise en œuvre 8.
D’autres critères entrent également en ligne de compte et concernent lacceptabilité
du test tant par les médecins et/ ou professionnels de santé que par les patients (nombre
réduit d’effets indésirables comme par exemple les effets secondaires liés au test ou
les situations de stress générées par l’attente et la confirmation d’un résultat, facilité
d’exécution, rapport coût-bénéfice acceptable, etc.). Le test doit également pouvoir être
contrôlé par un test de confirmation de diagnostic et une prise en charge médicale
adéquate doit pouvoir être assurée dans les meilleurs délais en cas de résultats positifs.
(Bourdillon, 2009).
Le CSPS rappelle également que le dépistage doit répondre à des normes de
confidentialité (respect du secret professionnel, transmission des données, etc.), qu’il
doit viser un bénéfice individuel et/ ou collectif de santé (les bénéfices attendus
doivent être supérieurs aux effets indésirables liés aux investigations), et qu’il ne peut
être pratiqué à l’insu d’un individu (choix éclairé et en toute connaissance de cause).
Enfin, Bourdillon (2009) souligne l’importance de pouvoir proposer un traitement
« acceptable » au patient auprès duquel on aurait identifié un facteur de risque grave
(par exemple, lors de l’identification de gènes BRCA1/2 dans le cas des cancers du sein et
de l’ovaire). Le problème d’un accompagnement et d’une prise en charge efficace
se pose également, par exemple lors de la détection d’un syndrome de Down chez la
femme enceinte.
En Communauté française de Belgique, à l’heure actuelle et comme déjà identifié par le
CSPS en 2007, différentes situations de dépistage coexistent. Elles concernent tant les
dépistages individuels et/ ou opportunistes (marqueurs biologiques, recherche de
facteurs de risques cardio-vasculaires, dépistage individuel organisé dans le cadre d’un
colloque singulier patient/médecin de famille, etc.) que les programmes de dépistage
organisés le dépistage de masse doit « faire l’objet d’un consensus collectif prenant en
compte les avis des scientifiques, des décideurs politiques et des citoyens » et où « la population
cible est un groupe clairement défini ». Pour être efficace et efficient, le dépistage doit
être « organisé, c’est-à-dire réalisé dans le cadre d’un programme d’assurance de qualité
comportant des procédures de contrôle de qualité et une évaluation ». Enfin, les individus ciblés
par le programme en question doivent être invités « personnellement » à participer au
dépistage.
Les pratiques de dépistage évoluent… Alors qu’auparavant, il s’agissait surtout
de promouvoir le dépistage de maladies dites transmissibles en développant une
approche centrée sur des individus et ce aux différents âges de la vie, désormais, les
pratiques de dépistage se concentrent (également) sur la recherche de pathologies
bien précises. Les cancers, notamment colorectal et du sein, font l’objet de « dépistages
organisés » bien différents des dépistages opportunistes/individuels. Une attention toute
8. ANAES (Agence nationale
d’accréditation et d’évaluation en
santé), (2004), Guide méthodolo-
gique : comment évaluer à priori
un programme de dépistage ?, in
http://www.has-sante.fr/portail/
upload/docs/application/pdf/guide_
programme_depistage_rap.pdf
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