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acculés par des baisses conséquentes et/ou successives
missions qui sont les leurs, et ont peur de l’avenir.
*Le nombre de spectateurs et de productions sont ceux de la saison 2008/
2009, sauf pour la Criée pour laquelle nous avons retenu les chiffres de la
saison 2007/2008, la dernière saison, hors les murs, étant peu significative.
Attention : Les chiffres des productions, coproductions, créations et coréa-
lisations recouvrent des réalités diverses : produire La Nuit des rois à la Criée
n’a forcément pas le même coût que produire Les Caprices de Marianne au
Gyptis, et encore moins La Révolte des Fous au Toursky -ce qui ne préjuge pas
de la qualité de l’un ou de l’autre.
De même coproduire une petite partie d’un spectacle qui tourne partout n’a pas
le même sens comptable qu’en être le producteur principal.
Les autres modes d’accueil des spectacles programmés sont la coréalisation
(participation à certains frais), l’achat d’un spectacle qui tourne déjà ou,
rarement, l’accueil à la recette (pourcentage). Ces formules sont nettement
moins coûteuses pour les théâtres, voire rentables lorsque les spectacles sont
peu chers et «remplissent» bien.
-il n’est qu’à regarder le prix des places dans les
théâtres parisiens, ou à l’OM, ou au Dôme, pour s’en
persuader.
Bref, même s’ils n’ont pas le même cahier des charges
chacun va au-delà de ses missions imposées : les
théâtres marseillais programment beaucoup d’auteurs
contemporains, beaucoup de créations, et plutôt plus
de femmes qu’ailleurs. Le public populaire y est parti-
culièrement soigné, les scolaires également, et les
grosses productions «vues à la télé» sont bannies de
toutes ces salles. Le nombre de propositions diffé-
rentes et de toutes tailles est impressionnant, les
places de théâtre vendues à Marseille éloquent (plus
de 280000 places tout théâtre confondu), les petites
salles font preuve d’un dynamisme fou, les grandes se
penchent vers les créateurs à qui elles ont permis
d’émerger...
Silence, concurrence, vieillissement
Pourquoi le malaise et la sensation de délitement
sont-ils donc aussi palpables ? Qu’est ce qui, au-delà
de la crise économique générale, affecte à ce point la
vie théâtrale ? Faut-il qu’un homme, Richard Martin,
entre en grève de la faim ? Qu’un autre, Jean-Louis
Benoit, soit désemparé au point de parler d’agonie de
son théâtre ? Qu’ensemble enfin les directeurs de
théâtre écrivent une lettre commune pour dire leurs
difficultés économiques ?
Le système de subventionnement place constitu-
tivement les directeurs de structures culturelles en
situation de dépendance, et donc d’allégeance, vis-à-
vis des collectivités qui affectent l’argent public.
Celles-ci peuvent augmenter ou diminuer, bloquer
voire retirer les subventions avec une grande facilité,
et une opacité certaine : les chiffres sont publics, mais
mal surveillés dans un secteur difficile à appréhender
dans sa complexité.
Ce même système de subventionnement place les
théâtres dans une situation de grave concurrence
entre eux : ils connaissent la réalité des enveloppes
affectées à leur domaine, et savent que l’augmenta-
tion de l’un, dans ce contexte rigide, équivaudra à une
diminution de leur part.
Le gel des subventions favorise aussi, du moins dans
les établissements où les directeurs ne sont pas nommés,
un net vieillissement des équipes, et une méfiance
envers ceux qui arrivent du dehors : affecter des lignes
budgétaires à de nouveaux venus ne pourrait se faire
qu’à leur détriment.
Tous ces écueils rendent les directeurs méfiants quant
à la prise de parole publique sur des sujets économiques.
Zibeline tient donc à les remercier particulièrement,
tous, d’avoir pris ce risque réel de parler de leurs
difficultés économiques : les punitions directes
(retrait de subventions) existent dans un secteur qui
dépend si directement de la puissance publique.
Aujourd’hui, à force de recul, une volonté d’agir
ensemble pour construire l’avenir culturel de Marseille
sur des bases solides semble à l’œuvre. Marseille 2013
fera un flop si elle n’est pas entendue : il y a urgence
à augmenter de façon conséquente, et intelligem-
ment, et en toute connaissance du terrain, et toutes
collectivités confondues, et sans népotisme d’amitié
ou de clan, les budgets alloués à la culture.
AGNES FRESCHEL
Les directeurs parlent
Le Toursky
Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ?
Richard Martin : L’État a peu à peu retiré toutes ses billes. 60000 euros en tout, un peu
moins chaque année, puis 15000 euros, puis plus rien.
On vous a reproché d’employer un moyen disproportionné, et de partir à la lutte
tout seul. Comment répondez-vous ?
Croyez vous vraiment que je fasse une grève de la faim pour 15000 euros ? C’est pour
le théâtre en général que je me bats, pour la place du théâtre dans notre vie. Y a-t-il
un autre moyen ? Cela fait 40 ans que je me bats pour la culture, que je remplis mon
théâtre au-delà de tout ce qu’on avait prédit, mais pour certaines personnes je suis
«une épine dans le pied» ! C’est malveillant !
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent votre programmation ?
On me taxe d’éclectisme… je suis un saltimbanque, mes mises en scène touchent à
tout, je reçois les expressions artistiques les plus diverses. Mais j’ai aussi reçu ici Heiner
Müller, Claude Régy, Tadeus Kantor, Roberto de Simone, la première chorégraphie de
Bagouet, Martha Graham. Et oui, aussi Léo Ferré et Moustaki, ce qu’on me reproche.
Mais je n’ai pas envie de céder à ces petits barons bonapartistes qui confisquent la
culture et devant lesquels il faut ramper ou crever pour avoir une audience. Je vois
toutes mes rêveries en grand. Ai-je tort ? Je veux que tout soit possible pour tout le
monde. Je donne l’alarme, et c’est glorieux !
Et à ceux qui vous reprochent de ne pas faire de créations, de ne pas accueillir les
bonnes compagnies ?
Je crie mensonge ! J’ai toujours fait des créations en mon théâtre. Quant aux bonnes
compagnies, qui en décide ? Me reproche-t-on d’accueillir Quartiers Nord ? Ils sont en
ligne directe avec le théâtre populaire. Je crois vraiment qu’on ne comprend rien à l’art
quand on prend la température chez Albanel.
Écrivez-le en titre, en gros :
LES SALTIMBANQUES N’ONT PAS À CULTIVER L’ALLÉGEANCE ENVERS CEUX QUI LES MÉPRISENT!