La Folle Journée
ou le Mariage de Figaro
texte
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
mise en scène
Rémy Barché
Spectacle créé en mars 2015
à la Comédie de Reims–Centre dramatique national
CONTACT
SOLENN RÉTO | responsable des productions et de la diffusion
+ 33 (0)7 81 14 08 41 - [email protected]
Photo Estelle Lagarde
La Folle Journée ou le Mariage de Figaro
texte
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
mise en scène
Rémy Barché
dramaturgie
Adèle Chaniolleau
avec
Marion Barché
Rémy Barché
Myrtille Bordier
Louise Dupuis
Fabien Joubert
Alexandre Pallu
Tom Politano
Samuel Réhault
Victorine Reinewald
Gisèle Torterolo
Paulette Wright
scénographie et lumières
Nicolas Marie
costumes
Marie La Rocca
son
Michaël Schaller
musique
Samuel Réhault
Production
La Comédie de Reims–Centre dramatique national
« J’ai le style un tant soit peu spermatique »
Beaumarchais
« … peindre une société qui danse sur un volcan… »
Jean Renoir, à propos de La Règle du jeu
Dans une scène que Beaumarchais a retranchée de la version nale de sa
Folle Journée, on voit Chérubin et Bazile, le maître de musique, répéter une
chanson bruyante et insipide pourtant destinée à honorer la future mariée.
Figaro les interrompt brutalement. Atterré par leur manque d’inspiration, il se
lance dans une improvisation virtuose, sorte de slam délirant, pour leur montrer
comment, à partir des quelques motifs poétiques dont ils disposaient, ils auraient
pu en ammer la jeune femme. Cette scène ouvrira notre spectacle. Elle dit tout
de l’ivresse dans laquelle Beaumarchais a manifestement composé cette Folle
Journée, véritable espace de liberté où l’écriture ne cesse d’être acte de jouissance.
Intrigues et rebondissements au-delà du raisonnable, plaisir du trait d’esprit,
joutes verbales impitoyables, tirades virtuoses.... (Le plus long monologue du
théâtre classique français, c’est celui de Figaro !) Cette démesure, cet appétit,
cette énergie de l’écriture, dont Beaumarchais a saoulé ses personnages rendent
la pièce absolument irrésistible.
Je pense à trois lms : La Règle du Jeu, Marie-Antoinette et Le Loup
de Wall Street. Des personnages qui dansent sur un volcan. Quelque chose est
insupportable dans leur monde, mais on prend tant de plaisir à leur danse que
l’on a presque envie qu’elle ne s’arrête pas. Ce paradoxe est à l’œuvre dans
Le Mariage de Figaro. On a un peu vite quali é la pièce de pamphlet
révolutionnaire. Dans la vie, Beaumarchais a tout fait pour s’attirer les faveurs
de la noblesse. Lorsqu’il met en scène Figaro et sa bande dans La Mère coupable,
la révolution est passée, et tout le monde s’ennuie royalement. La gaieté et la
volupté avec lesquelles il raconte la vie de château me semblent tout aussi
intéressantes que la colère avec laquelle il dénonce ses dysfonctionnements et
ses hypocrisies. Cette ambivalence me semble très actuelle : nous ne sommes pas
prêts à nous défaire des attributs et des pouvoirs que nous dénonçons pourtant
avec lucidité.
Rémy Barché
« On dirait que nous avons besoin du XVIIIe siècle comme d’un apport
énergétique. La dénutrition mentale fait des progrès agaçants.
Les protéines de Beaumarchais, ses sucres de digestions rapide,
ne doivent pas être négligés. »
François Weyergans dans sa Postface à Lettres à une amoureuse, de Beaumarchais
« - Mais votre Figaro est un soleil tournant, qui brûle, en jaillissant, les
manchettes de tout le monde.
- Tout le monde est exagéré. Qu’on me sache gré du moins s’il ne brûle
pas aussi les doigts de ceux qui croient s’y reconnaître »
Beaumarchais, extrait de la préface à La Folle Journée
Photo Estelle Lagarde
Aimer semble toujours se payer
d’une manière ou d’une autre...
Si Bazile, dans Le Barbier de Séville, pouvait dire : « Posséder est peu de
chose ; c’est jouir, qui rend heureux » ; dans Le Mariage de Figaro, jouir et
posséder ne peuvent plus se penser l’un sans l’autre : la noblesse au seuil de la
Révolution, gavée de privilèges, n’est plus capable que d’accroître toujours ses
possessions pour espérer pouvoir jouir encore un peu, et libre de tous les abus,
elle cherche à posséder la jouissance de l’autre parce qu’elle ne se satisfait plus
de jouir de ce que l’elle a.
Cette course insatiable est celle du Comte Almaviva, inspirateur de « la plus
badine des intrigues » ainsi que Beaumarchais résume sa pièce dans la préface :
« Un grand seigneur espagnol, amoureux d’une jeune lle qu’il veut séduire, et
les efforts que cette ancée, celui qu’elle doit épouser, et la femme du seigneur
réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang,
sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant pour l’accomplir. Voilà tout,
rien de plus. La pièce est sous vos yeux. »
Beaumarchais tait beaucoup d’intrigues qui viennent complexi er et densi er
ce l principal, et c’est peu à peu un réseau de relations souterrainement tissé par
la pulsion motrice de ce Mariage qui se développe : Eros tapi dans les moindres
recoins du château « d’Aguas Frescas » agite ces eaux froides, et les mue en
coulées de lave.
Si posséder et jouir font ménage chaotique dans Le Mariage, on y échange aussi
beaucoup : des billets doux mais fermés par des épingles piquantes, des objets
quotidiens qui se chargent d’une forte valeur érotique à mesure qu’ils passent
de main en main ; des vêtements qui momentanément permettent de changer de
classe sociale, de nom, de sexe ; des femmes qui deviennent des maîtresses et des
maris qui croyant tromper sont trompés en retour ; et de l’argent bien sûr, avant
tout, comme toujours. La rapidité des échanges et les mutations opérées en
cours de route sur la nature de ce qui est échangé créent une nouvelle économie
libidinale, dangereuse parce qu’elle déforme les identités et joue constamment
sur les mots et les noms, ne sachant plus toujours s’il faut inclure ou exclure :
la scène centrale de la pièce, au moment du procès, doit déterminer s’il est écrit
dans un papier et ou bien ou, si Figaro doit rembourser et/ou épouser Marceline.
Aimer, dans Le Mariage, semble toujours se payer d’une manière ou d’une autre.
Seul Chérubin, le page de la cour, semble échapper à ce système. L’ange à peine
éclos de l’adolescence, plein d’un désir fougueux à l’objet mouvant, rosissant
devant la Comtesse, farceur et badin avec Suzanne, ou carrément effronté avec
Fanchette, un jeune homme que Beaumarchais demande à faire jouer par une
femme, elle-même travestie en femme pour les besoins de l’intrigue, et qui nira
par brandir son épée comme on ferait son premier pas d’homme. Il est la force
érotique de la pièce avec toute la gratuité et la légèreté que la naissance du désir
lui insuf e.
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