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À la recherche de L’Oiseau vert
Conversation entre Agathe Mélinand et Laurent Pelly
Agathe Mélinand : Cela faisait longtemps que tu me parlais de L’Oiseau vert de Carlo Gozzi, depuis
une dizaine d’années, je crois. Tu revenais très souvent sur l’éventualité de mettre en scène cette pièce.
Pourquoi ?
Laurent Pelly : J’ai été fasciné à la première lecture par la dimension de ce texte, par la théâtralité, la
magie, l’humour, le regard sur l’humanité… c’est une pièce impossible, c’est un monstre. C’est
toujours un défi extrêmement excitant que de s’attaquer à un monstre de théâtre comme celui-là.
Mais la première fois que tu l’as lu, c’était quoi ? Comment était la traduction ? Tu te souviens ?
C’était une traduction suisse. Pas l’adaptation de Benno Besson qui était antérieure… Ce qui m’avait
le plus frappé, c’étaient les personnages du roi et de la reine, que je trouvais extrêmement burlesques.
Tu te souviens si déjà à l’époque tu avais été frappé par les différences de styles de l’écriture de
Gozzi ?
J’ai surtout été frappé par la liberté de ton, une invention que je n’avais jamais rencontrée que chez
Shakespeare, mais c’est différent. Chez Gozzi, il y a une ironie féérique extrêmement étonnante.
Ironie féérique… On en reparlera plus tard. Tu as eu l’occasion d’approcher une première fois Gozzi
quand tu as mis en scène L’Amour des trois oranges de Prokofiev. C’était un premier pas vers
L’Oiseau vert. Quels sont pour toi les rapports entre Les trois oranges adapté par Prokofiev et cet
Oiseau vert d’aujourd’hui ? Après on peut dire trois mots de ce qu’il reste des Trois oranges de Gozzi.
Il y a Les trois oranges mais, pour aller vers L’Oiseau vert, il y a eu aussi la mise en scène du Roi nu
d’Andersen, adapté par Schwartz inspiré lui-même par le théâtre de Gozzi. Meyerhold, aussi, était
fasciné par le théâtre de Gozzi, c’est lui qui a fait découvrir L’Amour des trois oranges à Prokofiev, il
avait, d’ailleurs, fondé une revue qui s’appelait Les trois oranges…
Justement, Les trois oranges à l’opéra, cette appréhension première du travail de Gozzi.
En fait, dans Les trois oranges, ce qui me touchait le plus, à part la musique, évidemment, c’était
d’abord la puissance du rire. L’opéra raconte l’histoire d’un roi neurasthénique, Tartaglia, qui est le
même que dans L’Oiseau vert…
Hypocondriaque, il a « l’hypocondrie ».