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ALESSANDRO SCIARRONI JOSEPH
ENTRETIEN AVEC ALESSANDRO SCIARRONI
Nous vous avons découvert en 2013 en France, grâce aux pièces Folk-s et Joseph. Nous avons
aussi vu votre pièce Untitled en Italie. Mais on ne saurait qualifier assez justement votre
travail : est-ce de la danse, de la performance ? Ou autre chose ? Quel a été votre parcours
pour arriver à une telle hybridation ?
Tout le monde me demande cela (rires) que ça en devient presque étrange. Je dirai que je me définis
comme un chorégraphe bien que je vienne du théâtre. J’ai été comédien pendant dix ans, dans
des compagnies de théâtre contemporain. À un moment donné, j’ai été très attiré par l’art et les
performances d’artistes plasticiens. Ce mouvement m’intriguait, surtout que j’ai étudié l’histoire de
l’art. Quand j’ai commencé à travailler sur mes propres pièces, j’avais en tête l’idée de les présenter
dans des théâtres et aussi des galeries. Mais pour les théâtres, mon travail paraissait trop minimal, et
pour les galeristes, trop théâtral. (rires) Quand en 2007 des programmateurs m’ont demandé des DVD
de ma première pièce (If I Was your Girlfriend ndrl), j’en ai envoyé cinq, et j’ai reçu quatre invitations
dans des festivals de danse contemporaine. C’est depuis ce moment-là que mon travail est identifié
dans le domaine de la danse. Dans Joseph, je fais très attention à ma manière de bouger, sans pour
autant être un danseur. Quand j’étais acteur, nous suivions des entraînements physiques et j’ai alors
appris quelques notions techniques. Mais cela restait avant tout du théâtre.
Si les programmateurs vous associent au domaine chorégraphique, comment qualifiez-
vous, en tant qu’artiste créateur, votre travail ?
Nous pourrions parler de ce sujet pendant des heures et encore des heures. Je pense que la danse est
l’art le plus proche de la performance, car le mouvement, le corps, suffisent à exprimer des choses. Si
vous faites du théâtre, vous devez avoir une dramaturgie, des personnages, une histoire. Si vous jouez
Hamlet au Danemark ou ailleurs, vous serez partout considéré comme ce personnage de Shakespeare.
Si je danse, que ce soit ici à Créteil (lors des plateaux de la Briqueterie ndlr) ou ailleurs, je reste moi-
même, Alessandro. C’est ça la danse. Elle peut-être narrative, mais vous restez vous-même avant
tout. J’aime beaucoup cette définition incroyable de la danse sur Wikipedia : « la danse est un art
scénique, avec une succession de mouvements dans un espace organisé ou improvisé ». C’est tout
et ça reste proche de la performance. Je ne peux me rattacher à l’art contemporain, car je ne produis
aucun objet. La danse est propre à chacun, comme peut l’être un droit social. Tout dépend la manière
dont vous la présentez et l’amenez sur scène, comme dans Folk-s. Dans Joseph, un homme seul dans
une pièce devant un ordinateur peut voir ce qui se passe n’importe où dans le monde. J’aime ça, cette
manière de se voir à travers l’écran.
Vos récentes propositions et créations sont singulières. Néanmoins, quelles seraient les
œuvres et artistes susceptibles de vous inspirer ?
Il y en a deux, auxquels je me réfère toujours quand je crée de nouvelles pièces. La première est la
photographe américaine, Diane Arbus, pour sa grande capacité à réaliser, à capturer des portraits
réalistes d’individus. Lorsque nous sommes face à un objectif, nous nous efforçons de prendre
certaines poses, qui révèlent finalement qui nous sommes vraiment. Ce qui est intéressant dans son
travail, c’est aussi son habitude de photographier des personnes très différentes, représentatives de
notre époque, nues, travestie ou des artistes de cirque. Plus le sujet est étrange, plus il est particulier
et plus ces portraits parlent de chacun d’entre nous.
La seconde est Virginia Woolf, que je lis encore et encore. Ce qu’elle évoque, le temps qui passe et
les névroses, la répétition des mouvements, est présent dans mon esprit lorsque je crée de nouvelles
pièces, sauf Joseph.
Je ne connais pas tant le travail d’autres chorégraphes et metteurs en scène. Je connais davantage
des artistes visuels. Par exemple, je connais Romeo Castellucci parce qu’il était programmé à Dro, là
où vous avez vu Untitled.