174 KaiBuchholz
Tractatus toute proposition sensible est une proposition scientifique et que la
philosophie n'est pas une science, le philosophe ne peut pas avancer des
théories. Il utilise le langage d'une manière interdite lorsqu'il s'efforce de
délimiter le domaine du dicible [cf. T 6.53/6.54]. Un exemple
particulièrement clair d'une
'proposition'
philosophique est la proposition
4.12 du Tractatus qui dit :
„La
proposition peut figurer la totalité de la réalité,
mais elle ne peut figurer ce qu'elle doit avoir de commun avec la réalité pour
pouvoir figurer celle-ci : la forme logique." Cette phrase est une pseudo-
proposition parce qu'elle ne parle pas du monde mais veut dire quelque chose
qui ne peut pas être dit : elle veut parler du rapport entre langage et monde. En
énonçant cette proposition, le philosophe ne veut pas dire une vérité. Il veut
diriger l'attention du lecteur sur la forme logique du langage qui ne se dit pas
mais qui se montre dans le langage [cf. T 4.121].4 Paul
Engelmann
a fait
remarquer que Wittgenstein rapprochait le caractère
non-propositionnel
du
langage philosophique au fonctionnement du langage esthétique [cf.
Engelmann 1967, p. 82/83]. Ceci témoigne que Wittgenstein voyait une
parenté entre la philosophie et l'art dès l'époque du Tractatus. Voilà les idées
les plus importantes du premier Wittgenstein sur la nature de la philosophie,
idées dont il faut tenir compte pour comprendre la position des années trente.
Nous commencerons l'exposé de cette position en posant la question de savoir
ce que c'est, d'après Wittgenstein, qu'un problème philosophique.
2.
La nature des problèmes philosophiques
Cette question nous renvoie à des passages tels que
„Un
problème
philosophique a la forme :
'Je
ne sais pas où j'en
suis'"
[P, p. 421; PU §
123] et
„Les
problèmes philosophiques sont comme des serrures à
combinaison : elles s'ouvrent après qu'on a mis le numéro ou le mot secret.
Nul pouvoir ne peut ouvrir la serrure avant d'avoir trouvé le bon mot, mais
une fois qu'on l'a trouvé tout enfant est capable d'ouvrir la serrure" [P, p.
417].
Dans les Recherches
philosophiques,
Wittgenstein ajoute que les
problèmes philosophiques causent des inquiétudes profondes [PU §
111].
Pour
mieux cerner l'idée concrète qui se cache derrière ces allusions, il convient de
passer à un article de Friedrich Waismann. Cet article est intitulé Von der
A propos d'une présentation plus profonde de la problématique du
métalangage
chez Wittgenstein cf. Granger 1990.