5
Islam orienté contre les Musulmans eux-mêmes (takfir et quital), et en premier lieu contre les
Musulmans du Najd, isolés et en grande partie nomades, plongés dans leurs propres pratiques
cultuelles. De même, les Wahhabites partaient en guerre contre les chi’ites à l’Est de l’Arabie
et Sud de l’Irak et l'Islam moins fragmenté et plus ouvert de Hedjaz, dont le « laxisme » en
termes de religion apparaissait presque comme un blasphème, voire même un acte terrifiant.
En un mot, la pensée wahhabite, au moins dans sa phase initiale, était un système d'exclusivité
solitaire, une intériorité culturelle, un bastion traditionnel et une aliénation à la fois de
l'animisme des bédouins et de la religiosité ouverte des citadins (Hedjaz), du soufisme et de
toutes sortes d’innovations.
En revanche, les même idées de purification de la religion, de l'unicité de Dieu, le besoin de
revenir à l'islam des origines furent les instruments théologiques utilisés au cours de la quête
de l'opposé: l'innovation, ou plus précisément, l'ouverture à l'Ouest, le besoin de percer les
murs culturels de l'islam hérités de l'histoire, qui faisaient obstacle à la modernisation des
sociétés islamiques. Le wahhabisme originel a précédé la réforme conduite par Jamal Aldin
al-Afghani, Muhammad 'Abduh et Kawakibi3. Ajoutons à cela que l'islam réformé a aussi été
touché par l'innovation laïque et libérale qui gagnait en importance dans l'Empire Ottoman,
depuis le Tanzimat, et un peu plus tard en Turquie et dans certaines régions de l'Inde
britannique et de l'Iran des Qadjar. D'une certaine manière, il s'agissait de l'islamisation de
concepts occidentaux, d'un processus d'une importance culturelle immense.
Les concepts de la science posée comme étant différente de la religion, de la démocratisation
des régimes politiques, de constitutionnalisme élaboré par l'homme, et d'autres, paraissent
encore trop étranges pour être acceptés même de nos jours, par les normes wahhabites (on a
dit que les réformes saoudiennes d'après la guerre du Golfe, à savoir un organe consultatif
nommé par le roi, qu'elles devaient être limitées aux traditions de l'islam). C'est peut-être
pourquoi (entre autres facteurs importants) le nationalisme dit islamiste "al-qawmiyya al-
islâmiyya" de Hassan al-Banna, d'exclusivité culturelle de la deuxième moitié XX siècle a
critiqué la réforme islamique du XIXème siècle et s'est rangé, sur le plan idéologique, aux
côtés du wahhabisme.
3 Principales figures du courant réformateur, originaires, respectivement, d'Afghanistan (1838-1898), d'Egypte
(1849-1905), de Tripoli, le futur Liban (1849-1902).