INTRODUCTION
Après un siècle de controverses tous azimuts, on doit
peut-être sonner aujourd'hui la forclusion du débat déjà
fatigant sur l'existence, ou non, de la philosophie africaine,
débat qu'avait suscité l'essai mobilisateur de Placide
Tempels: La Philosophie Bantoue1. Le processus de
contestation ou de défense de cet ouvrage, dans lequel se
sont engouffrés les épigones et leurs contraires, peut se
comprendre aujourd'hui comme un processus d'auto-
constitution d'une philosophie en train de se faire. Ainsi, la
ruse de la raison aura placé Tempels à l'origine de l'histoire
de la philosophie africaine contemporaine. L'abondante
bibliographie à ce sujet en est un manifeste éloquent qu'il
faudra essayer de parcourir pour réaliser une présentation
panoramique, suffisamment représentative quoique non
exhaustive.
Mais auparavant, et le réflexe chronologique nous
l'impose autant qu'un souci naturel de totalisation, il faudra
jeter un regard rétrospectif sur la philosophie africaine d'hier.
Voilà précisément qui constitue la croix et la bannière de
cette présentation. Quelle est en effet l'épaisseur réelle de
notre passé philosophique? Quelle en est la consistance,
quelle en est l'étendue? Quoique suffisamment ardue
comme tâche, nous essaierons de poser également des
balises dans ce passé antérieur, dans ce hier problématique,
quitte à enjamber de longs espaces intercalaires. C'est ainsi
qu'il faudra distinguer dans un regard panoramique:
l'Autrefois (I), qui correspond à l'Antiquité, l'Avant-hier
(II) qui peut se situer aux premiers siècles de l'ère historique
et quelque peu jusqu'au Moyen Age, le Hier (III) qu'on
1Placide Tempels, La philosophie Bantoue, Présence Africaine, Paris (1949),
édition de 1961.