Le virus de la vaccine, un virus qui se propage plus vite qu`il ne se

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Virologie 2012, 16 (2) : 119-21
Le virus de la vaccine, un virus qui se propage
plus vite qu’il ne se réplique
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Virginie Doceul1 , 2
Michael Hollinshead1
Geoffrey L. Smith1 , 3
1
doi:10.1684/vir.2012.0442
St Mary’s campus,
Imperial College London,
Faculty of Medicine,
Section of Virology,
Division of Infectious Diseases,
Norfolk Place,
London W2 1PG,
Royaume-Uni
2 UMR 1161,
virologie Anses-Inra-Enva,
agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et
du travail (Anses),
23, avenue du Général-de-Gaulle,
94700 Maisons-Alfort, France
<[email protected]>
3 University of Cambridge,
Department of Pathology,
Tennis Court Road,
Cambridge, CB21QP, Royaume-Uni
Tirés à part : V. Doceul
Virologie, Vol 16, n◦ 2, mars-avril 2012
L
e virus de la vaccine (VACV) a été employé avec succès dans la vaccination contre la variole, permettant l’éradication de ce fléau à la fin
des années 1970 [1]. Il reste aujourd’hui largement utilisé en biotechnologie, principalement comme vecteur vivant pour des antigènes vaccinaux.
C’est un virus à ADN double brin appartenant à la famille des Poxviridae,
qui se réplique dans le cytoplasme. VACV est un virus enveloppé complexe,
qui produit différentes formes de particules infectieuses au cours de son cycle
viral. L’utilisation des techniques de microscopie a été très utile à une meilleure
compréhension des mécanismes élaborés par VACV pour entrer dans la cellule
hôte, se répliquer, produire de nouveaux virions et faciliter la propagation du
virus vers les cellules voisines. Récemment, la propagation de plages de lyse
formées par la souche Western Reserve (WR) de VACV a pu être suivie pendant 16 heures par microscopie en temps réel (film 1) [2]. Pour cela, une couche
uniforme de cellules de rein de singe vert d’Afrique (BSC-1) a été infectée à
faible multiplicité d’infection pour obtenir des foyers d’infection bien isolés
les uns des autres et cultivé en milieu semi-solide pour limiter la diffusion du
virus. Le diamètre de la plage de lyse a ensuite été mesuré toutes les heures
pendant 12 heures (figure 1A-C). En utilisant ces données, nous avons pu observer une augmentation linéaire de la taille de la plage de lyse en fonction du
temps. Connaissant la distance moyenne entre le noyau des cellules utilisées, il
a alors été possible de déduire que VACV infecte une cellule toutes les 1,2 heures.
Cependant, les nouvelles particules virales produites dans le cytoplasme de la
cellule infectée ne sont relarguées dans le milieu extracellulaire que quatre à six
heures après le début de l’infection [3]. VACV est donc capable de se propager d’une cellule à une autre plus vite que ne peut l’expliquer sa cinétique de
réplication.
L’utilisation d’un virus recombinant de VACV, vEGFPA5L, exprimant la protéine du core A5 fusionnée à la protéine fluorescente verte (GFP), a permis
de mettre en évidence, par microscopie confocale, la présence de virions à
l’extrémité de comètes d’actine à la surface de cellules ne produisant pas de nouvelles particules virales et situées à plusieurs cellules de distance de la périphérie
de la plage de lyse (figure 1D) [2]. Nous avons ensuite montré que l’expression
précoce des protéines virales A33 et A36 est indispensable pour la propagation
optimale du virus [2]. Ces deux protéines virales interagissent ensemble et sont
exprimées au niveau de la membrane plasmique des cellules infectées [4-7]. Des
cellules exprimant A33 et A36 à leur surface sont capables de former des comètes
d’actine au contact d’un virion provenant de l’extérieur [2]. Ces comètes sont des
protubérances fines et transitoires de la membrane cellulaire, qui sont induites
par la projection de fibres d’actine à partir du cytoplasme sur la face interne de
la membrane. Au vu de ces différentes données, nous avons proposé un modèle
de propagation accélérée de VACV. Une fois infectées par le virus, les cellules
expriment précocement A33 et A36. Lorsqu’un virion super-infectant entre en
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Pour citer cet article : Doceul V, Hollinshead M, Smith GL. Le virus de la vaccine, un virus qui se propage plus vite qu’il ne se réplique. Virologie 2012; 16(2) : 119-21 doi:10.1684/vir.2012.0442
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A
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B
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.57
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C
.43
µm
500 µm
D
20 µm
Figure 1. A) Image d’une plage de lyse formée par le virus de la vaccine Western Reserve (VACV WR) trois jours après l’infection de
cellules BSC-1 à faible multiplicité d’infection. B-C) Image de l’enregistrement de la formation d’une plage de lyse par microscopie à temps
réel avec un microscope Axiovert 200 M (Zeiss), un objectif 10x et un appareil photographique AxioCam (Zeiss) ; un foyer infectieux naissant
considéré comme t = 0 (B) et 12 heures plus tard (C). Le logiciel AxioVision Rel. 4.6 (Zeiss) a été utilisé pour déterminer le rayon de la
plage de lyse chaque heure pendant 12 heures. D) Image montrant la périphérie d’une plage de lyse formée par vEGFPA5L WR (vert)
marquée par la phalloïdine (rouge) et Dapi (bleu). Des comètes d’actine porteuses de particules virales permettent de transporter ces
particules (flèches blanches) à plusieurs cellules de distance des cellules contenant des usines à virus produisant de nouveaux virions
(flèches jaunes).
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contact avec A33 et A36 exprimées à la surface de ces cellules ne produisant pas encore de nouveaux virions, une
comète d’actine est générée, qui va propulser la particule
virale vers des cellules voisines non infectées. VACV est
alors capable d’infecter des cellules adjacentes à une cellule infectée avant qu’elle n’ait eu le temps de relarguer de
nouveaux virions. La propagation du virus est ainsi accélérée, ce qui explique que VACV soit capable de se propager
environ quatre fois plus rapidement que ne lui permet sa
cinétique de réplication.
L’utilisation de techniques de microscopie et la simple
observation de plages de lyse formées par un virus a donc
permis de mettre en évidence un mécanisme, qui permet
une propagation accélérée des virions entres cellules, révélant ainsi une nouvelle stratégie mise en œuvre par les virus
pour envahir leur hôte.
Conflits d’intérêts : aucun.
Virologie, Vol 16, n◦ 2, mars-avril 2012
Références
1. Fenner F, Anderson DA, Arita I, et al. Smallpox and its eradication.
Geneva : World Health Organization, 1988.
2. Doceul V, Hollinshead M, van der Linden L, et al. Repulsion of
superinfecting virions: a mechanism for rapid virus spread. Science
2010 ; 327 : 873-6.
3. Payne LG, Kristenson K. Mechanism of vaccinia virus release
and its specific inhibition by N1-isonicotinoyl-N2-3-methyl-4chlorobenzoylhydrazine. J Virol 1979 ; 32 : 614-22.
4. Rottger S, Frischknecht F, Reckmann I, et al. Interactions between vaccinia virus IEV membrane proteins and their roles in IEV assembly and
actin tail formation. J Virol 1999 ; 73 : 2863-75.
5. Roper RL, Payne LG, Moss B. Extracellular vaccinia virus envelope
glycoprotein encoded by the A33R gene. J Virol 1996 ; 70 : 3753-62.
6. van Eijl H, Hollinshead M, Smith GL. The vaccinia virus A36R protein
is a type Ib membrane protein present on intracellular but not extracellular
enveloped virus particles. Virology 2000 ; 271 : 26-36.
7. Lorenzo MM, Galindo I, Griffiths G, et al. Intracellular localization of
vaccinia virus extracellular enveloped virus envelope proteins individually
expressed using a Semliki Forest virus replicon. J Virol 2000 ; 74 : 1053550.
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